BIC - Distinction entre éléments d'actif et charges - Définition des actifs immobilisés - Application à diverses acquisitions d'immobilisations ou d'éléments de l'actif circulant
I. Acquisitions d' immobilisations incorporelles
A. Acquisition d'un droit au bail
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Les dépenses exposées en vue d'obtenir la conclusion d'un bail au profit de l'entreprise versante ont pour contrepartie l'entrée d'un élément d'actif dans le patrimoine de celle-ci ; elles ne peuvent, en conséquence, être regardées ni comme des dépenses de premier établissement ni comme une charge immédiatement déductible.
La même règle est applicable à certaines dépenses liées à l'acquisition d'un droit au bail et qui en constituent le préliminaire ou le prolongement.
C'est ainsi, notamment, que ne peuvent être admis dans les charges déductibles :
- ni le prix d'acquisition d'un droit de préemption payé par un contribuable pour obtenir le renouvellement de son bail (CE, arrêt du 15 décembre 1933, req. n° 26929, RO, p. 300) ;
- ni l'indemnité versée en contrepartie de la renonciation d'un tiers à revendiquer les locaux actuellement occupés par l'entreprise (CE, arrêt du 19 novembre 1951, req. n° 9717, RO, 25° vol, p. 238).
B. Sommes versées au propriétaire d'un local commercial à titre de droit d'entrée
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Le point de savoir si les sommes versées au propriétaire d'un local commercial à titre de droit d'entrée constituent un supplément de loyer ou ont pour contrepartie, partiellement ou en totalité, l'acquisition d'un élément incorporel du fonds de commerce est une question de fait qui ne peut être résolue qu'au vu des circonstances propres à chaque cas particulier. Pour apprécier la nature réelle de la dépense, il convient selon la jurisprudence du Conseil d'État, de tenir compte non seulement des clauses du bail et du montant des sommes stipulées mais aussi du niveau normal des loyers correspondant aux locaux ainsi que, le cas échéant, des avantages offerts par le propriétaire en sus du droit de jouissance qui découle du contrat de bail.
1. Sommes ayant en totalité pour contrepartie l'acquisition d'un élément incorporel
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La somme versée au bailleur qui s'est engagé à ne pas consentir de bail à un commerce concurrent doit être regardée comme ayant eu pour contrepartie l'entrée dans le patrimoine du commerçant d'un élément d'actif et ne peut, dès lors, être comprise dans les charges déductibles (CE, arrêt du 29 juin 1966, req. n° 61595, RO, p. 203).
Le Conseil d'État a également statué sur le cas suivant:
Un contribuable, en vue de créer un fonds de commerce, avait pris à bail auprès d'une société d'habitations à loyer modéré, moyennant un loyer annuel et le versement d'une indemnité d'entrée, un local faisant partie d'un ensemble immobilier de huit cent logements situé dans un quartier neuf, puis avait conclu, à la suite d'un extension des locaux loués qui lui avait été ultérieurement consentie par le bailleur, un avenant au contrat initial prévoyant une augmentation du loyer et le versement d'une indemnité complémentaire. La Haute Assemblée a considéré, au vu des éléments d'appréciation fournis par les parties, que le loyer versé par la société au propriétaire des locaux en application du bail modifié par l'avenant devait être regardé comme un loyer normal eu égard à la nature du fonds de commerce, à la superficie et à l'emplacement du local donné à bail.
Dans ces conditions, l'indemnité complémentaire versée au propriétaire en application de l'avenant n'avait pas le caractère d'un supplément de loyer mais avait pour contrepartie l'acquisition d'éléments incorporels du fonds de commerce. Cette somme ne pouvait, par suite, être regardée comme entrant dans les charges d'exploitation déductibles (CE, arrêt du 5 juin 1970, req. n° 71745, RJ II, p. 141).
Remarque : En cours d'instance, le contribuable avait admis devant le tribunal administratif que la première indemnité avait eu pour objet de rémunérer « le monopole géographique de vente » qu'il s'était assuré par l'effet de la convention initiale et demandait la déduction uniquement de la seconde indemnité versée, selon lui, à titre de complément de loyer et pour couvrir les frais résultant, pour le bailleur, de l'extension des locaux loués.
Dans le même sens, CE, arrêt du 5 janvier 1972, req. n° 71745 ; CE, arrêt du 19 novembre 1976, req. n° 99290 ; CE, arrêt du 8 mars 1978, req. n° 07135 ; CE, arrêt du 4 octobre 1978, req. n° 07815 et CE, arrêt du 23 juin 1986, req. n° 48465.
2. Sommes ayant partiellement pour contrepartie l'acquisition d'un élément incorporel
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Une société avait pris à bail deux locaux commerciaux moyennant un loyer fixé à 500 F pour chaque local et pour chacune des cinq premières années. Mais la convention mettait en outre à la charge du preneur le versement, lors de l'entrée en jouissance, de deux sommes d'un montant de 65 000 F pour le premier local et de 90 000 F pour le second et la question se posait de savoir si ces deux sommes constituaient soit des suppléments de loyers, soit le prix d'acquisition du droit au renouvellement du bail ou si elles entraient dans l'une et l'autre de ces catégories selon des proportions à fixer. L'instruction ayant fait apparaître que les valeurs locatives réelles des deux magasins pris à bail devaient être fixées pour l'année respectivement à 2 850 F et 2 200 F et la société intéressée ne soutenant pas, par ailleurs, que le propriétaire avait fourni des prestations autres que la disposition des locaux, la Haute Assemblée a estimé que les sommes de 65 000 F et de 90 000 F versées lors de l'entrée en jouissance devaient être regardées comme un supplément de loyer à concurrence seulement d'un montant annuel égal à la différence entre la valeur locative réelle définie ci-dessus et le loyer effectivement versé soit 2 350 F pour le premier magasin et 1 700 F pour le second (CE, arrêt du 21 janvier 1972, req. n° 77366, et CE, arrêt du 28 mars 1973, req. n° 77366, RJ II, p. 44).
C. Prix d'acquisition d'un fonds de commerce en vue de l'exercice d'une activité différente
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Le prix global payé par un entrepreneur de transports pour l'acquisition d'un fonds de pâtisserie situé dans le même immeuble que le siège de son établissement, en vue d'étendre son activité à l'exploitation d'une agence de voyage, doit, quelle que soit la valeur donnée par les parties aux différents éléments de ce prix, être regardé comme ayant eu, dans sa totalité, pour contrepartie une augmentation de la valeur du fonds de commerce inscrit à l'actif de l'entreprise. Par suite, le contribuable n'est pas fondé à soutenir qu'en raison de la diversité de l'activité exercée par le cédant et de celle qu'il projetait d'entreprendre, la clientèle du fonds acheté ne conservait pour lui aucune valeur et que la fraction du prix d'acquisition du fonds correspondant à cet élément constituait une charge d'exploitation déductible de ses bénéfices (CE, arrêt du 20 décembre 1967, req. n°s 66562 et 66563, RJCD, 1er partie, p. 283).
D. Sommes versées en contrepartie d'engagements souscrits par des partenaires commerciaux
50
Doivent être regardées comme ayant eu pour contrepartie un accroissement de la valeur des éléments incorporels de son actif immobilisé, et ne sont dès lors pas déductibles, les sommes versées par une entreprise à des partenaires commerciaux en rémunération d'engagements souscrits par ces derniers consistant :
- à soumettre à l'agrément de l'entreprise la location de locaux leur appartenant dans le cas où le locataire envisagé serait une entreprise concurrente ;
- à réserver à l'entreprise le monopole d'achat de certains produits ;
Ainsi les redevances versées par une entreprise à un fabricant en contrepartie de l'exclusivité que lui réserve ce dernier, pendant dix ans, de vendre les produits de sa fabrication, ne constituent ni des charges d'exploitation, ni des frais de premier établissement déductibles des bénéfices mais représentent, pour l'entreprise, le prix d'un nouvel élément incorporel de son actif, susceptible seulement d'amortissement (CE, arrêt du 15 avril 1964, req. n° 59285, RO, p. 74).
- à intervenir auprès des clients de l'entreprise pour qu'ils lui restent fidèles, de tels avantages étant de nature à sauvegarder ou à accroître la valeur du fonds de commerce (CE, arrêt du 21 mars 1980, req. n° 13936, RJ II, p. 27).
E. Redevances versées par le gérant libre d'un fonds de commerce
60
Lorsque le contrat de gérance comporte, à titre accessoire, une promesse de vente et que la redevance versée constitue une anticipation sur le règlement du prix du fonds, son montant ne peut être pris en compte pour la détermination du résultat fiscal.
Remarque : Cependant, dans la mesure où elles ne doivent pas être ultérieurement imputées sur le prix de vente du fonds de commerce, les redevances dont le versement est prévu par le contrat de gérance, sont susceptibles d'être admises en déduction pour la détermination du résultat fiscal du gérant.
F. Indemnités de résiliation de bail versées par une entreprise aux précédents occupants de locaux commerciaux où elle s'est installée
70
Les indemnités de résiliation de bail versées par une entreprise aux précédents occupants de divers locaux commerciaux dans lesquels elle envisageait de s'installer ne sauraient être regardées comme des frais de premier établissement car le versement de ces indemnités, fait à d'autres personnes que le propriétaire, n'a pas le caractère d'un supplément de loyer. Ce versement, en permettant à ladite entreprise d'occuper immédiatement des locaux dont la situation était particulièrement favorable à l'exploitation de son fonds de commerce, a eu pour contrepartie un accroissement de valeur de cet élément d'actif (CE, arrêt du 8 février 1965, req. n° 61731, RO, p. 275).
G. Indemnités d'éviction
80
En principe, l'indemnité d'éviction versée par une entreprise propriétaire à un de ces locataires pour non-renouvellement du bail des locaux dont elle veut reprendre la disposition présente le caractère de frais de premier d'établissement et peut donc, dans la mesure où elle ne présente pas un caractère exagéré, soit être déduite des résultats de l'exercice au cours duquel elle a été versée, soit faire l'objet d'un amortissement échelonné.
La solution peut toutefois être différente si le propriétaire exerce dans les locaux dont il a repris la disposition d'un commerce identique à celui de son ancien locataire. En effet, il y a lieu de considérer, dans ce cas, que l'indemnité d'éviction représente pour partie le prix d'acquisition de la clientèle du locataire ; elle ne peut donc, à ce titre, être admise en déduction pour la détermination du résultat fiscal.
Le Conseil d'État a jugé que lorsqu'un contribuable, exploitant une entreprise de transports routiers de voyageurs et concessionnaire d'une marque d'automobiles, reprend, moyennant le versement d'une indemnité d'éviction, la disposition des locaux dont il est propriétaire et dans lesquels, il entreprend la profession de garagiste et de distributeur d'essence qui y étaient précédemment exercée par le locataire évincé, il bénéficie, en fait de la clientèle de ce dernier et ne peut, par suite, déduire de ses bénéfices l'intégralité de l'indemnité susvisée, car celle-ci a eu notamment pour contrepartie une augmentation de valeur de son propre fonds de commerce (CE, arrêt du 11 mai 1964, req. n° 58730, RO, p. 92).
H. Dommages et intérêts versés pour détournement de clientèle
90
Doivent être regardés comme la contrepartie de l'acquisition d'un élément d'actif incorporel, et ne sont dès lors pas déductibles, les dommages et intérêts qu'un contribuable a été condamné à verser à son ancien employeur pour avoir méconnu l'engagement qu'il avait souscrit envers ce dernier de ne pas créer dans la région, avant l'expiration d'un certain délai, une entreprise concurrente.
Pour les mêmes raisons, les honoraires d'avocat que l'intéressé a exposés à l'occasion des procès qui l'ont opposé à son ancien employeur et dont il demande la déduction en tant que charges accessoires des dommages et intérêts, sont également exclus des charges déductibles (CE, arrêt du 21 mars 1980, req. n° 07681, RJ II, p. 23).
I. Acquisition de brevets, marques de fabrique et procédés de fabrication
100
Dès l'instant où elles se traduisent par l'entrée de nouveaux éléments dans l'actif de l'entreprise, les dépenses exposées pour l'acquisition de brevets, marques de fabrique ou procédés de fabrication ne peuvent être comprises dans les charges déductibles.
Le Conseil d'État a ainsi jugé que le montant des actions qu'une société a attribuées à un particulier en rémunération de ses apports en nature, et, notamment, de ses procédés de fabrication, ne correspond pas à des frais de premier établissement, mais représente le prix d'acquisition d'éléments incorporels du fonds de commerce (CE, arrêt du 6 décembre 1937, req. n° 55017, RO, 17° vol., p. 698).
De même, l'acquéreur d'un brevet d'invention ne peut pas porter parmi les frais et charges de son entreprise industrielle ou commerciale les redevances annuelles versées à l'inventeur car ces redevances représentent le prix d'acquisition d'un élément de l'actif.
J. Acquisition d'un droit d'exploitation attaché à la qualité de concessionnaire
110
Les droits d'exploitation attachés à la qualité de concessionnaire constituent, pour l'entreprise qui acquiert cette qualité, un élément incorporel de son actif immobilisé dont la valeur doit être déterminée selon les conditions dans lesquelles il a été acquis.
Le Conseil d'État a ainsi jugé qu'une entreprise qui, ayant d'abord été par contrat chargée d'exploiter un service public en régie intéressée, a ensuite acquis la qualité de concessionnaire dudit service moyennant l'abandon en faveur de l'autorité concédante d'une créance qu'elle avait sur celle-ci et qui figurait jusque-là à l'actif de son bilan doit être regardée, non comme ayant supporté une perte ou une charge assimilable à des frais de premier établissement, mais comme ayant acquis la valeur d'un élément incorporel de l'actif immobilisé amortissable en fonction de la durée de la concession (CE, arrêt du 27 juin 1973, req. n°s 79628 et 79629, RJ II, p. 69 ; rapprocher CE, arrêt du 24 mars 1965, RO. p. 317).
K. Aide consentie par les compagnies pétrolières à des entreprises de distribution
120
Lorsqu'une société pétrolière, après avoir mis en place à ses frais, chez des distributeurs de carburants, des pompes volumétriques qui restent sa propriété, accorde à ces derniers, pour une durée déterminée, l'exclusivité de la vente de ses produits moyennant une redevance calculée sur les quantités vendues, l'engagement qu'elle exige, en contrepartie, desdits distributeurs de ne vendre que les produits de sa marque pendant la durée du contrat, constitue un élément incorporel de son fonds de commerce. Dès lors, dans le cas où elle consent, en outre, à certains distributeurs une aide financière destinée à permettre un aménagement de leurs installations, cette aide, bien que favorisant l'acquisition d'éléments corporels attachés aux fonds de commerce exploités par les intéressés a, en permettant à ces derniers d'accroître leur clientèle et, par suite, le volume des ventes de ses produits, pour contrepartie une augmentation de la valeur des éléments incorporels de son propre fonds et ne peut donc être regardée comme une charge d'exploitation (CE, arrêt du 7 juillet 1971, req. n° 78412, RJ II, p. 131).
Toutefois, la plus-value ainsi conférée au fonds de commerce pouvant être réputée disparaître avec la fin du contrat d'exclusivité, la compagnie pétrolière est fondée à amortir l'aide afférente à la convention conclue sur la durée prévue pour celle-ci. En cas de résiliation du contrat entraînant le remboursement de l'aide, les amortissements ainsi pratiqués devraient être rapportés au résultat fiscal de l'exercice en cours à la date de la résiliation.
L. Prix d'achat d'éléments incorporels comportant une fraction de versement aléatoire
130
Se reporter à la documentation administrative BOI-BIC-AMT-10-30-30-10, et BOI-BIC-CHG-20-20-10 n°s 180 à 230 s'agissant d'éléments corporels.
140
Remarque : L'indemnité versée à un agent général pour cessation d'activité peut constituer une charge déductible.
Tout en ayant l'exclusivité de la représentation des produits d'une marque déterminée dans un secteur géographique, un agent général assurait à titre personnel le service après-vente des produits en cause.
À l'initiative du fabricant, l'intéressé avait cessé ses activités d'agent général et avait, en même temps, vendu son fonds de commerce à une filiale créée par le fabricant ; en contrepartie, ce dernier lui avait versé une indemnité.
Jugé que cette indemnité qui avait été attribuée à l'occasion de la rupture unilatérale du contrat et avait eu pour objet de réparer le préjudice causé par la suppression de l'activité d'agent général, n'avait pu avoir pour contrepartie un transfert de clientèle et n'avait donc pas eu pour effet de permettre l'acquisition d'un nouvel élément d'actif incorporel ; qu'elle constituait donc une charge déductible des résultats (CE, arrêt du 23 décembre 1981, req. n° 16561, RJ II, p. 118).
M. Licences UMTS : abandon du critère de cessibilité
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Le CNC a défini, dans son avis n° 2002-B du 9 janvier 2002, le traitement comptable applicable à la redevance due par chaque titulaire d’autorisation d’établissement et d’exploitation d’un réseau de radiocommunications mobiles de troisième génération (licences UMTS).
Malgré l’absence de cessibilité de cette licence par les entreprises titulaires, il a été considéré que les montants versés pour son acquisition devaient être comptabilisés en tant qu’immobilisation incorporelle à l’actif du bilan, au moins pour la part fixe définie dès le début de l’exploitation, et éventuellement pour la part variable si elle peut être estimée avec une précision suffisante.
Il y a lieu de retenir, sur le plan fiscal, un traitement similaire à celui défini en matière comptable, compte tenu de l’abandon du critère de cessibilité dans les règles comptables désormais applicables pour la définition des actifs. En effet, ces droits qui ne correspondent pas à des contrats de location ne sont pas par conséquent exclus du champ d’application de la nouvelle définition des actifs (cf. BOI-BIC-CHG-20-10-10 n°10).
N. Quotas d’émission de gaz à effet de serre
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A compter du 1er janvier 2005, des quotas d’émission de gaz à effet de serre sont alloués aux exploitants d’installations rejetant des gaz à effet de serre dans l’atmosphère (art. L 229-5 et suivants du code de l’environnement).
Les activités concernées ont été définies par décret (annexe au décret n° 2004-832 du 19 août 2004) : activités du secteur de l’énergie (certaines installations de combustion, raffineries de pétrole, cokeries), et activités industrielles hors secteur de l’énergie (production et transformation de métaux ferreux, industrie minérale, fabrication de pâte à papier, de papier et de carton). Les quotas sont attribués pour une période de trois ans à compter du 1er janvier 2005, puis par périodes de cinq ans. Au 31 décembre de chaque année, les exploitants concernés doivent restituer à l'État un nombre de quotas égal au total des émissions de gaz à effet de serre réalisées dans leurs installations, que les quotas aient été attribués à l’origine ou acquis sur le marché.
Ces quotas constituent sur le plan juridique des biens meubles, matérialisés par une inscription au compte de leur propriétaire dans le registre national. Ils sont librement cessibles.
Du point de vue comptable (avis du Comité d’urgence du CNC n° 2004-C du 23 mars 2004), les quotas constituent des immobilisations incorporelles qui doivent être inscrites au bilan en tant que telles à compter de la date d’attribution ou d’acquisition. Ils doivent être évalués à la valeur vénale, correspondant à la valeur de marché ou à défaut à une valeur d’expert ou déterminée par référence à d’autres marchés. Si aucune estimation n’est fiable, une valeur nulle est retenue. Par ailleurs, les émissions effectives au cours de l’année doivent être constatées en comptabilité par l’inscription d’un passif dont le montant correspond aux quotas à restituer.
Une charge n’est comptabilisée que lorsque le montant des quotas à restituer à l'État excède le montant des quotas disponibles inscrits à l’actif du bilan. Par ailleurs, des charges ou produits complémentaires peuvent être constatés lorsque la valeur des quotas acquis inscrits à l’actif du bilan diffère de la valeur des quotas à restituer.
Cas particulier des entreprises de négoce de droits :
Dans la mesure où, pour les entreprises de négoce de ces quotas, la détention de droits n’est pas liée à un processus de production générant des émissions, ces derniers ne constituent pas des actifs immobilisés incorporels, mais un actif circulant, qui peut le cas échéant faire l’objet d’une dépréciation.
Du point de vue fiscal, un traitement similaire au traitement comptable sera appliqué aux quotas d’émission de gaz à effet de serre attribués ou acquis.
O. Indemnités de mutation versées par les sociétés à vocation sportive
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Le règlement du CRC n° 2004-07 du 23 novembre 2004 a défini les modalités de traitement comptable des indemnités de mutation versées par les sociétés à objet sportif visées aux articles L 122-1 et suivants du code du sport. Il a été considéré que le versement de ces indemnités correspond à l’acquisition de droits contractuels et, donc, d’immobilisations incorporelles.
Il s’agit d’une immobilisation amortissable, dès lors que son utilisation, limitée par la durée du contrat, est déterminable.
A compter du 1er janvier 2005, les indemnités versées doivent être immobilisées et amorties sur la durée du contrat dans la limite de cinq ans. La dépense étant immobilisée dès l’origine, il n’y a pas de divergence entre les règles comptables et fiscales.
II. Acquisitions d' immobilisations corporelles
A. Dépenses liées à l'acquisition ou à la création d'immeubles
1. Dépenses s'incorporant au coût de revient d'un terrain
a. Prix d'achat d'un droit d'option
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Le prix d'acquisition du droit d'option sur un terrain constitue un élément du prix de revient de ce terrain et non une dépense de premier établissement susceptible d'être déduite en totalité du bénéfice de l'exercice au cours duquel ce droit d'option a été acquis (CE, arrêt du 6 juillet 1936, req. n° 46376, RO, p. 887).
b. Participation aux travaux d'équipement public.
190
Dans le cas d'une entreprise ayant acheté à une commune un terrain situé dans une zone industrielle pour le prix total de 140 000 F couvrant, selon les termes de l'acte d'acquisition, à concurrence de 25 000 F, la valeur du terrain non aménagé et, à concurrence de 115 000 F, une participation aux travaux d'équipement public à réaliser par la commune dans la zone industrielle, il a été jugé que la somme de 115 000 F doit être regardée non comme une charge déductible des bénéfices de l'entreprise, mais comme faisant partie intégrante de la valeur du terrain aménagé et, par suite, du prix de cession pour lequel celle-ci devait faire figurer ledit terrain dans l'actif immobilisé de son bilan (CE, arrêt du 3 octobre 1973, req. n° 84265, RJ II, p. 103).
c. Acquisition d'un droit au bail suivie de la démolition des locaux auxquels ce droit est attaché
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Une entreprise, qui avait acquis le droit au bail de deux magasins d'alimentation, a procédé, avec l'accord du propriétaire, à la démolition des locaux puis s'est rendu acquéreur du terrain ainsi libéré où elle a fait construire un magasin à grande surface.
Jugé que, l'acquisition du droit au bail n'ayant été poursuivie qu'en vue d'obtenir la libération du terrain sur lequel a été édifiée la nouvelle construction, la somme versée pour cette acquisition doit être regardée comme un élément du prix de revient, non de l'immeuble construit, mais du terrain d'assiette de celui-ci.
Par suite, cette somme, qui devait être ajoutée au prix de revient d'un élément d'actif non amortissable, ne pouvait elle-même faire l'objet d'un amortissement (CE, arrêt du 25 mai 1977, req. n° 99470, RJ II, p. 66).
d. Participation aux dépenses de conservation de la nappe aquifère exigée d'un exploitant de carrière
210
La participation aux dépenses de conservation de la nappe aquifère exigée de l'exploitant de carrière pour lui permettre d'approfondir et d'étendre son exploitation représente un élément du prix de revient de la carrière amortissable dans les mêmes conditions que le gisement lui-même (RM à M. Poudonson, sénateur, JO, débats Sénat du 25 mars 1980, p. 907).
2. Dépenses s'incorporant au coût de revient d'une construction
220
Le prix d'achat et les frais de démolition d'un immeuble acquis en vue de sa reconstruction immédiate constituent un élément du coût de revient du nouvel immeuble et doivent, dès lors, être amortis dans les mêmes conditions que ce coût de revient.
L'application de ce principe a fait l'objet de différents arrêts du Conseil d'État :
230
Lorsqu'une entreprise fait démolir certains bâtiments de son usine en vue de les remplacer par des constructions neuves, les dépenses nécessitées par cette démolition ne peuvent pas être comprises dans les frais généraux déductibles. Elles doivent être regardées comme un élément du prix de revient des constructions ultérieurement édifiées et ne peuvent, par suite, qu'être amorties dans les mêmes conditions que les dépenses de construction (CE, arrêt du 24 juin 1963, req. n° 55376, 7° s.-s., RO, p. 371).
Une entreprise, qui avait acquis un immeuble comportant une maison d'habitation, avec le terrain environnant et des dépendances, l'a fait démolir trois mois plus tard pour construire sur son emplacement un magasin où elle expose et vend les meubles dont elle fait commerce.
Jugé que l'achat et la démolition de la maison constituaient deux éléments d'un projet unique dont l'objet était la construction d'un nouveau magasin. En conséquence, la valeur de la maison détruite entrait nécessairement dans le prix de revient de la nouvelle immobilisation et ne pouvait être regardée comme une perte déductible des résultats imposables (CE, arrêt du 4 mai 1977, req. n° 02136, RJ II, p. 63).
Remarque : Cet arrêt rendu confirme la jurisprudence découlant de l'arrêt du Conseil d'État du 10 décembre 1965, req. n° 64178, RO, p. 460 dans la mesure où la démolition de la maison qui se situait juste après l'acquisition du terrain et juste avant la reconstruction du nouveau magasin ne pouvait être regardée comme ayant entraîné une diminution de la valeur de l'actif de l'entreprise.
Par cet arrêt, le Conseil d'État avait refusé la déduction de la valeur nette comptable d'un bâtiment vétuste dont une société avait entrepris la démolition en vue d'édifier à sa place une construction nouvelle mieux adaptée à une utilisation conforme à son activité.
À cet égard, la situation de fait n'était donc pas semblable à celle rencontrée dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt du Conseil d'État du 14 mai 1975 (req. n° 93314) pour laquelle la solution retenue par la Haute Assemblée avait été différente (cf. RJ II, p. 67). Dans cette dernière espèce, l'entreprise avait démoli le bâtiment acquis en vue de vendre à meilleur prix le terrain nu. La perte constatée du fait de la démolition n'avait donc pas de contrepartie dans un accroissement de l'actif maintenu au bilan mais dans le profit plus grand -imposable, il est vrai, au taux réduit- réalisé lors de la revente du terrain libéré.
3. Indemnités d'éviction
240
L'indemnité d'éviction et la somme correspondant à des « reprises diverses » qu'une société anonyme, qui a acheté un appartement en vue d'y loger son président-directeur général, a versées à l'ancien occupant afin d'acquérir la jouissance immédiate des locaux constituent, dans les circonstances de l'espèce, un élément du prix de revient du bien acquis et non des frais de premier établissement (CE, arrêt du 5 mai 1970, req. n° 76307, RJ II, p. 100).
De même, l'indemnité dite « de départ » que l'acquéreur d'un immeuble à usage commercial a, en sus du prix principal, versée au vendeur en vue d'obtenir l'évacuation immédiate des locaux afin d'y transférer sa propre exploitation ne peut être assimilée à une indemnité d'éviction, dès lors qu'elle n'a pas été versée à un précédent locataire, et doit être regardée comme ayant le caractère d'un supplément de prix pour l'acquisition d'un élément d'actif. Elle ne saurait, dès lors, être admise en déduction des résultats de l'exercice au cours duquel elle a été payée (CE, arrêt du 10 juillet 1970, req. n° 77368, RJ II, p. 164).
Enfin, les indemnités d'éviction versées par une entreprise commerciale aux occupants des immeubles implantés sur des terrains acquis par l'entreprise pour les besoins de son exploitation trouvent leur contrepartie dans l'accroissement de la valeur des immobilisations figurant à l'actif du bilan. Elles ne constituent donc pas des charges déductibles des résultats de l'entreprise (CE, arrêt du 19 décembre 1975, req. n° 96829, RJ II, p. 185).
Remarque : Les indemnités litigieuses avaient été versées aux locataires pour obtenir la libération des immeubles en vue de permettre leur démolition et la construction d'équipements et de locaux industriels.
4. Prix d'achat d'une promesse de vente
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Le prix d'achat d'une promesse de vente détenue par un tiers sur un immeuble nécessaire à l'exploitation ayant pour contrepartie l'entrée dans le patrimoine de l'entreprise du droit à la possession préalable duquel était subordonnée l'acquisition dudit immeuble ne peut être regardé comme une dépense de premier établissement déductible des bénéfices ou rapidement amortissable, mais comme un élément du prix de revient de l'immeuble en cause (CE, arrêt du 24 juillet 1937, req. n° 56632, p. 483).
B. Dépenses d'acquisitions de matériels, de mobilier, d'agencements et d'installations
1. Principe général
260
Les dépenses engagées par une entreprise pour l'acquisition de matériels, de mobilier, d'agencements et d'installations ne constituent pas des charges immédiatement déductibles pour l'assiette de l'impôt.
Tel est le cas notamment :
- de dépenses ayant pour contrepartie l'acquisition d'appareils d'enregistrement magnétique et de projection par l'exploitant d'une école de conduite automobile (CE, arrêt du 11 décembre 1970, req. n° 76226, RJ II, p. 234) ;
- ou l'acquisition d'un aspirateur et d'un meuble classeur, la pose de volets roulants, l'aménagement d'un vestiaire, le montage d'un transformateur et la construction d'un four (CE, arrêt du 27 novembre 1970, req. n°s 70616, 70617, 73176, RJ II, p. 217) ;
- des frais d'installation d'appareils téléphoniques qui constituent pour l'entreprise des dépenses d'immobilisation et non des dépenses d'entretien (CE, arrêt du 31 mars 1971, req. n° 73813, RJ II, p. 60).
270
Remarque : La déduction immédiate de certaines dépenses d'aménagement en cas de reconversion des débits de boissons est prévue par l'article 39 nonies du CGI (cf. BOI-BIC-CHG-40-20-40).
2. Application de ce principe aux biens de faible valeur devant être inscrits dans les comptes d'actif 2154 et 2155
280
La tolérance évoquée au chapitre 2 du présent titre n'est pas applicable aux matériels et outillages de faible valeur dont l'utilisation constitue pour l'entreprise l'objet même de son activité. Tel est notamment le cas, pour les entreprises de location, des biens spécialement utilisés à la réalisation de leur activité (bicyclettes, pédalos, skis ou autres articles de loisirs, matériels d'entretien ou de bricolage, téléviseurs, ...). Ces biens continueront à être inscrits en comptabilité parmi les actifs immobilisés quelle que soit leur valeur unitaire.
3. Les pièces de rechange et de sécurité : critère d'utilisation sur plus d'un exercice
290
Les pièces de rechange interchangeables doivent être considérées comme des stocks. A l’inverse, les pièces de rechange indispensables pour maintenir le potentiel d’une immobilisation et inutilisables pour un autre emploi doivent être regardées comme formant un tout unique avec l’immobilisation.
L'article 321-14.3 du PCG prévoit que les pièces de rechange et les pièces de sécurité constituent généralement des stocks déduits du résultat imposable au fur et à mesure de leur consommation.
Cette règle générale comporte, toutefois, deux exceptions, lorsque :
- les pièces de rechange principales et le stock de pièces de sécurité sont utilisables sur une durée supérieure à douze mois, soit généralement sur plus d’un exercice ;
- s’ils ne peuvent être utilisés qu’avec une immobilisation corporelle (cas de pièces non interchangeables par exemple).
Dans ces deux cas, les pièces de rechange et de sécurité doivent être considérées comme des immobilisations corporelles.
Un traitement identique doit être appliqué du point de vue fiscal. Dès lors qu’elles doivent être inscrites à l’actif du bilan, elles ne peuvent être déduites du résultat imposable mais peuvent, le cas échéant, faire l’objet d’un amortissement ou d’une provision pour dépréciation.
C. Dépense d'acquisition d'emballages récupérables
300
Remarque préalable : Concernant les emballages commerciaux, se reporter également au BOI-BIC-PDSTK-10-10-20 (ventes ou consignation d'emballages) et BOI-BIC-PDSTK-20-10 (stocks d'emballages).
310
Les emballages s'entendent de tous les objets destinés à contenir tous les produits et marchandises livrés à la clientèle en même temps que leur contenu. Par extension, il s'agit de tous les objets employés dans le conditionnement de ce qui est livré.
Les emballages commerciaux comprennent :
- d'une part, les emballages perdus destinés à être livrés avec leur contenu, sans consignation ni reprise qui constituent des achats ;
- et, d'autre part, les emballages récupérables qui sont susceptibles d'être provisoirement conservés par la clientèle et que le livreur s'engage à reprendre dans des conditions déterminées.
Conformément aux dispositions de l'article 38 ter de l'annexe III au CGI les emballages récupérables constituent normalement des immobilisations, inscrites au compte 2154. Toutefois, lorsqu'ils ne sont pas commodément identifiables, ces emballages récupérables peuvent, au choix de l'entreprise, être inscrits à ce compte d'immobilisations ou figurer, à la clôture de l'exercice, dans un compte de stock.
Au plan pratique, il y a donc lieu de distinguer selon qu'il s'agit d'emballages récupérables identifiables ou non identifiables :
- Emballages récupérables identifiables.
Ces emballages sont ceux susceptibles d'être commodément identifiés au moyen, par exemple, de l'apposition d'un numéro de série (futailles, bouteilles de gaz, conteneurs, etc.).
- Emballages récupérables non identifiables.
Il s'agit d'objets parfaitement fongibles dont l'identification, unité par unité, est impossible ou entraînerait des difficultés excessives (bouteilles, casiers, verres, etc.).
D. Eau contenue dans les réservoirs et canalisations d'une entreprise concessionnaire du service des eaux
320
Pour une entreprise concessionnaire du service des eaux, la quantité d'eau qu'il est nécessaire de maintenir dans les réservoirs et canalisations pour assurer le fonctionnement du réseau de distribution est assimilable à un outil de production et doit, par suite, figurer à l'actif du bilan selon les règles relatives à l'outillage fixe, c'est-à-dire pour son prix de revient corrigé, le cas échéant, par des amortissements justifiés. Ce prix de revient est égal, à la clôture de chaque exercice, au prix de revient de la différence, si elle est positive, entre les quantités d'eau qui étaient respectivement, à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, nécessaires au fonctionnement du réseau. Le prix de revient de cette différence, assimilable au prix de revient d'un complément d'outillage, doit être évalué, pour chaque exercice, d'après le prix de revient moyen du mètre cube d'eau ressortant des comptes de cet exercice et, pour tenir compte de l'obligation d'abandonner gratuitement l'eau contenue dans les réservoirs et canalisations en fin de concession, l'entreprise concessionnaire a la faculté de pratiquer, sur ce prix de revient, un amortissement calculé en fonction du nombre d'années restant à courir jusqu'à la fin de la concession (CE, arrêt du 27 juin 1973, req. n°s 79628 et 79629, RJ n° II, p. 69).
III. Acquisition d'un élément d'actif circulant : créance détenue sur un tiers par exécution d'une obligation de cautionnement
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Lorsqu'en exécution d'une obligation de cautionnement une entreprise paie la dette d'un tiers, elle doit constater dans sa comptabilité la créance sur ce dernier qu'elle a fait entrer dans son actif du fait du paiement, quitte à constituer concurremment une provision pour créance douteuse si la situation financière du débiteur le justifie.
À défaut, elle commet une irrégularité comptable que l'Administration est fondée à redresser en réintégrant le montant de ladite créance dans les bénéfices imposables (CE, arrêt du 6 novembre 1974, req. n°s 89562 et 89564, RJ II, p. 137).