Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-ENR-DG-20-20-50

ENR - Dispositions générales - Règles d'exigibilité de l'impôt - Conventions simulées et propriété apparente

1

Les droits d'enregistrement sont acquis au Trésor tels qu'ils résultent des stipulations des actes, sans pouvoir être subordonnés à des faits extérieurs ou à des dispositions étrangères au contrat, et sans égard aux circonstances extérieures qui peuvent les modifier.

Ce principe a été confirmé par une jurisprudence constante, dont notamment :

10

Dans une espèce où un groupement forestier avait acquis un bien immobilier désigné dans l'acte authentique comme une forêt.

Alors que le service, à l'occasion d'un redressement portant sur l'insuffisance du prix déclaré, prenait en compte la valeur de l'immeuble en fonction de l'objet de la mutation constitué par le sol et les arbres plantés, le redevable soutenait que seul le sol avait été vendu. À l'appui de ses prétentions, le groupement indiquait que les produits forestiers avaient été cédés antérieurement à une tierce personne par acte sous seing privé et arguait de l'existence d'une clause de l'acte authentique relative aux traités qui avaient été conclus avec des tiers.

La Haute Juridiction a estimé qu'a légalement justifié sa décision le tribunal qui a retenu :

- que le mot « forêt » implique l'existence d'un terrain planté d'arbres ;

- qu'aucune restriction n'a été faite dans l'acte authentique sur la nature et l'importance de la cession ;

- et que la clause obligeant l'acquéreur à faire son affaire personnelle de l'exécution ou de la résiliation de tous traités qui ont pu être contractés relativement à l'immeuble vendu n'est pas suffisamment explicite pour être appliquée à l’acte sous seing privé invoqué (Cass, com., 05 janvier 1988, n° 86-10858).

20

Dans une espèce où une contribuable contestait les droits complémentaires et supplémentaires mis à sa charge pour non-respect de l'engagement visé à l'article 1115 du code général des impôts (CGI) en faisant valoir qu'elle avait pris par erreur dans l'acte d’acquisition cet engagement ainsi que la qualité de marchand de biens.

La contribuable demandait à ce qu'il soit procédé, sur ce point, à une interprétation de l'acte par référence à la promesse de vente.

La Cour, en précisant que la portée des stipulations des actes doit être appréciée sans avoir à rechercher l'intention des parties, a décidé qu'était justifié le jugement qui a constaté que la contribuable, après avoir, dans l'acte présenté à la formalité, pris la qualité de marchand de biens et sollicité le régime de l'article 1115 du CGI n'avait pas respecté l'engagement souscrit (Cass. com, 12 janvier 1988, n° 86-16695).

Remarque : Voir également Cass. com., 04 mai 1973, n° 72-10041.

30

Dans une espèce où une commune invoquait un jugement rendu par un tribunal de grande instance qui avait constaté l'inexistence juridique d'une association ne répondant pas aux critères d'existence d'une personne morale de droit privé et qui avait acquis un immeuble et payé les droits de mutation correspondants, pour demander la restitution de ces droits.

Pour la Cour de cassation, le jugement du tribunal ne justifie pas la restitution de ces droits de mutation à la ville dont elle était l'«émanation» et qui se prévalait de l'exonération prévue à l'article 1042 du CGI alors que l'acte soumis à la formalité mentionnait que l'acquéreur était l'association.

La Cour de cassation confirme le principe constant selon lequel les droits d'enregistrement sont acquis au Trésor tels qu'ils résultent des stipulations des actes, sans pouvoir être subordonnés à des faits extérieurs ou à des dispositions étrangères au contrat, et sans égard aux circonstances extérieures qui peuvent les modifier telles que les décisions de justice invoquées.

De sorte que l'administration est fondée à tenir pour propriétaire véritable d'un bien celui qui apparaît comme tel aux yeux des tiers, en vertu des clauses formelles de titres, de la loi ou de ses agissements.

L'association demeurait ainsi, au regard des termes de l'acte, le propriétaire apparent du bien vendu.

Les conditions d'application de l'article 1961 du CGI, qui ne trouvent à s'appliquer que dans un certain nombre de cas limitativement énumérés par ce texte, n'étaient donc pas réunies en l'espèce (Cass. com., 15 octobre 1996, n° 94-21187).

40

Mais l'administration n'est pas liée par les termes du contrat.

Elle peut tout d'abord, si l'acte est obscur et incomplet et sous le contrôle de l'autorité judiciaire, en fixer le sens, en préciser les effets juridiques et déterminer la portée des dispositions qu'il contient en vue d'établir la perception.

Elle a également le droit de rechercher, au-delà des dispositions apparentes, quel est le véritable contenu de la convention.

En effet, selon la jurisprudence, l'administration est un tiers vis-à-vis des redevables : or si l'acte secret n'est pas opposable aux tiers, ceux-ci sont fondés à établir la simulation et ont le droit de choisir entre l'acte ostensible et la convention secrète (code civil, art 1321).

Ces principes entraînent les conséquences suivantes :

I. Conventions simulées

50

Si les stipulations de l'acte ne correspondent pas aux conventions réellement conclues, l'administration a le droit de restituer à l'acte son véritable objet : c'est ainsi qu'elle peut établir qu'une vente dissimule une donation ou inversement, qu'un contrat de gérance d'un fonds de commerce déguise la vente de ce dernier, etc.

Ce n'est d'ailleurs là qu'une simple faculté pour l'administration, qui peut, si le Trésor y a intérêt, ne considérer que l'acte apparent.

60

Le droit de rectification de l'administration est codifié à l'article L 64 du LPF :

Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

Le rétablissement du véritable caractère des actes en cause et les rehaussements d'imposition qui en résultent sont notifiés dans le cadre de la procédure de répression de l'abus de droit fiscal.

Il s'agit de la procédure de rectification contradictoire comportant toutefois certaines spécificités quant aux garanties du contribuable, à sa mise en œuvre, son déroulement et l'application des pénalités.

Le champ d'application et les spécificités de la procédure de l'abus de droit fiscal font l'objet de commentaires détaillés dans la série Contrôle fiscal.

70

Ce droit de rectification reconnu à l'administration n'interdit pas aux parties de rechercher, entre plusieurs procédés juridiques aboutissant au même résultat, celui qui s'avère fiscalement le moins onéreux, sous réserve que ce procédé soit réellement employé et non simulé.

Remarque : Foi due à un acte authentique. Inscription de faux.

La mention d'un acte authentique de vente d'immeuble indiquant que le prix a été payé « comptant, directement et hors la comptabilité du notaire », ne fait pas foi du paiement jusqu'à inscription de faux et supporte la preuve contraire.

En conséquence, c'est à bon droit et sans renverser la charge de la preuve qu'un tribunal a considéré, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, qu'il résultait d'un ensemble de présomptions réunies par l'administration et, notamment, de l'aveu extrajudiciaire du prétendu acquéreur, que le vendeur n'avait pas perçu le prix porté à l'acte (Cass. com., arrêt du 8 décembre 1975, affaire Bouré Henri ; RJ, III, p. 217).

II. Propriété apparente

A. Principe

80

L'administration est fondée à tenir pour propriétaire véritable d'un bien celui qui apparaît comme tel aux yeux des tiers, en vertu de clauses formelles de titres, de la loi ou de ses agissements.

90

Il en résulte que toute modification ultérieure de cette situation opère une mutation taxable, même s'il est établi que ce changement ne correspond pas, au regard des parties, à une véritable transmission.

B. Applications

1. Conventions de prête-nom

100

Toute mutation s'opère, à l'égard de l'administration, au profit de l'acquéreur désigné dans l'acte ostensible qui la constate, quelles que soient les conventions secrètes des parties.

110

Si, ultérieurement, il est constaté, soit par acte civil, soit par jugement, que cet acquéreur n'était que le « prête-nom » d'un tiers demeuré dans l'ombre, cette constatation n'efface nullement en droit fiscal, comme d'ailleurs en droit civil, les effets de la mutation originaire, et de plus elle est considérée comme réalisant au profit de l'acheteur réel une seconde mutation passible d'un nouveau droit.

120

Doit être considéré comme acquéreur et non comme simple mandataire, le tiers qui s'est personnellement immiscé dans la vente d'un immeuble, agissant comme propriétaire intermédiaire, acquéreur direct du vendeur et vendeur pour son propre compte, et qui a réalisé, à l'occasion de cette opération, un bénéfice dont l'importance est exclusive de la rémunération normale qu'il aurait en qualité de simple intermédiaire.

130

A l'inverse, lorsque l'acquéreur a déclaré dans l'acte d'acquisition acheter pour le compte d'un tiers dont il s'est porté fort (c'est-à-dire dont il a garanti l'acceptation), l'administration admet que la ratification du véritable acquéreur rétroagit à la date du contrat primitif et n'entraîne pas un déplacement de la propriété apparente donnant ouverture à un nouveau droit.

140

La ratification pure et simple, par une société commerciale, postérieurement à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, tant des actes translatifs de propriété ou de jouissance passés en son nom au cours de sa formation que de ceux qui ont été conclus par un mandataire des associés entre la date de la constitution définitive et celle de l'immatriculation de cette société, bien qu'elle entraîne légalement la substitution rétroactive de la personne morale à ceux qui ont contracté pour elle, ne donne ouverture à aucun droit ou taxe de mutation (loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, art. 5 ; décret n° 67-236 du 23 mars 1967, art. 26, 67 et 74).

Il en va de même lorsqu'un groupement d'intérêt économique ratifie purement et simplement, après son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, des actes passés en son nom avant cette date.

2. Partages

150

De même, le bénéfice du droit de partage, dont le taux est inférieur, en règle générale, aux droits de mutation, n'est acquis aux partages que dans la mesure où, étant conformes aux droits des parties, ils n'entraînent pas déplacement de la propriété apparente : si un bien acheté indivisément par plusieurs personnes, sans expression de parts, est, dans un acte ultérieur, partagé entre elles dans des proportions inégales, il s'opère au profit des copartageants lotis au-delà de leur part virile une mutation imposable pour ce qui excède cette part.

Les soultes résultant des partages de succession, de communauté ou d'indivision conjugale (en application de l'article 1542 du code civil) sont toutefois exonérées (CGI, art. 748).

Il en est de même des partages portant sur des biens indivis issus d'une donation-partage ou sur des biens indivis acquis par des partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité ou par des époux, avant ou pendant le pacte ou le mariage.

160

En application de ces principes, la première chambre civile de la Cour de cassation a annulé, sur le pourvoi formé par l'administration, un jugement rendu le 17 octobre 1975 par le tribunal de grande instance de Saintes.

En l'espèce :

- les époux, en adoptant par leur contrat de mariage le régime de la séparation de biens avec société d'acquêts, avaient stipulé cependant que, si le futur époux venait à acquérir une pharmacie, celle-ci devrait en tout état de cause être considérée comme un bien qui lui serait propre, quelle que fût l'origine des biens ayant servi à l'acquérir ;

- le mari ayant acquis une pharmacie et la séparation de corps ayant été ultérieurement prononcée, il fut convenu entre les époux que le mari renonçait au bénéfice de la stipulation de propres précitée et l'officine fut, dans le partage de la société d'acquêts, attribuée à la femme.

La stipulation de propres avait eu pour effet de rendre le mari propriétaire de l'officine dès son acquisition. Cette officine n'est tombée à aucun moment dans la communauté et s'est trouvée définitivement exclue du partage. Dès lors, la prétendue renonciation du mari ne pouvait s'analyser que comme une mutation et non comme une opération de partage.

Le tribunal, en décidant que seuls les droits d'enregistrement afférents aux opérations de partage pouvaient être perçus sur la valeur de la pharmacie, aux motifs que, par l'effet de la renonciation à la clause particulière du contrat de mariage, celle-ci devait être considérée comme non écrite et que le fonds devait être considéré comme dépendant de la société d'acquêts, a donc violé l'article 1387 du code civil (Cass. civ., 23 juillet 1979, n° 78-10538).

3. Annulation et résolution

170

La propriété lorsqu'elle a été transmise à l'acquéreur désigné dans un contrat translatif, ne peut, en règle générale, faire retour au précédent propriétaire sans que soit exigible un nouveau droit de mutation.

Le droit de mutation à titre onéreux est donc perçu, comme s'il y avait une véritable rétrocession, pour tout acte qui constate l'annulation ou la résolution amiable d'un contrat translatif.

180

Toutefois, le droit de mutation n'est pas exigible, quand la résolution dérive directement de la loi (réduction d'une donation à la quotité disponible, résolution d'une donation pour cause de survenance d'enfant, etc) ou, exceptionnellement, lorsque la fraude est impossible, des prévisions du contrat (clauses de dédit, de retour conventionnel, de retrait de réméré).

190

Le droit de mutation n'est pas dû, non plus, sur « l'annulation, la révocation, la résolution ou la rescision » des contrats translatifs « prononcée pour quelque cause que ce soit par jugement ou arrêt », à moins qu'il ne s'agisse d'une décision d'expédient rendue sur le consentement des parties (CGI, art. 1961).

Ainsi, la révocation judiciaire d'une donation ne donne ouverture à aucun droit de mutation.

En revanche, la résolution amiable d'un tel acte, notamment pour inexécution des charges, est passible des droits de mutation à titre onéreux sauf dans le cas où l'existence de l'animus donandi justifierait la perception des droits de mutation à titre gratuit.

4. Transaction

200

La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.

Ce contrat doit être rédigé par écrit (Code civil, art. 2044).

Il suppose :

- l'existence ou la possibilité d'une contestation sérieuse entre les parties ;

- une réciprocité de concessions ou de sacrifices de la part de chacune des parties.

210

Il y a lieu de considérer comme translative au point de vue de l'impôt, et passible à ce titre du droit proportionnel frappant les mutations à titre onéreux, toute transaction par l'effet de laquelle la propriété ou partie de la propriété en litige est attribuée à celui qui, d'après la loi ou les titres ostensibles, n'était pas le possesseur ou le propriétaire apparent.

220

En vertu de ces principes, le droit de vente a été reconnu exigible sur l'acte par lequel le légataire universel saisi abandonne une partie de son legs aux héritiers du sang qui contestaient la validité du testament. De son côté, malgré la transaction, le légataire universel saisi de l'intégralité des biens est tenu d'acquitter le droit de mutation par décès sur la valeur de ces biens.

Mais quand le légataire universel n'a pas la saisine, l'abandon qu'il consent aux héritiers du de cujus ne donne pas ouverture au droit de mutation, car il n'est pas propriétaire apparent des biens à lui légués, dès l'instant où il n'a pas obtenu la délivrance de son legs.

230

Le droit de mutation à titre onéreux est encore dû quand après un partage (que la jurisprudence considère comme un titre apparent de propriété), l'un des copartageants abandonne à un autre, pour éviter une contestation, une partie des biens qui lui avaient été attribués.

240

À défaut de concessions réciproques (concessions émanant d'une seule partie), il n'y a pas transaction, mais donation.

C. Preuve des mutations taxables en l'absence d'acte

250

On peut rattacher à la règle de la propriété apparente, dont il facilite l'application, l'établissement par le législateur d'un certain nombre de présomptions fondées sur des faits de possession et destinées à assurer la perception de l'impôt sur certaines mutations assujetties à la formalité en l'absence d'acte.

260

Ces présomptions, qui permettent de taxer les « mutations secrètes », sont des présomptions simples, admettant la preuve contraire de la part des parties.

Elles concernent :

- les mutations de propriété ou d'usufruit d'immeubles qui sont suffisamment établies pour la poursuite des droits contre le nouveau possesseur, soit par l'inscription de son nom au rôle de la taxe foncière et des paiements (au nombre de deux au moins) par lui faits d'après ce rôle, soit par des baux par lui passés ou enfin par des transactions ou autres actes constatant sa propriété ou son usufruit (CGI, art. 1881) ;

- les mutations de propriété de fonds de commerce ou de clientèle qui sont suffisamment établies pour la poursuite des droits contre les nouveaux possesseurs par les actes ou écrits révélant l'existence des mutations ou destinés à les rendre publiques, ainsi que par l'inscription au rôle des impôts directs locaux et des paiements faits par les nouveaux possesseurs en vertu de ces rôles (CGI, art. 1882) ;

- les mutations de jouissance, à titre de ferme, de location ou d'engagement d'immeubles, qui sont suffisamment établies pour la poursuite des droits par les actes qui les font connaître ou des paiements des impôts demandés aux fermiers, locataires et détenteurs temporaires (CGI, art. 1883).

De nombreuses présomptions de propriété ont été également instituées en matière de mutations par décès.