Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-ENR-DMTOM-10-10-10

ENR – Mutations de propriété à titre onéreux - Cessions de fonds de commerce

I. Définition du fonds de commerce

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Le fonds de commerce est l'ensemble des droits et valeurs au moyen desquels s'exerce un négoce ou une industrie. Il est composé de divers éléments et c'est leur réunion, leur groupement sous une direction unique, l'action respective qu'ils ont les uns sur les autres, le fait qu'ils se valorisent réciproquement qui créent le fonds de commerce.

Ces éléments sont habituellement classés en éléments incorporels et éléments corporels.

A. Éléments incorporels

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Parmi les éléments incorporels, l'élément essentiel, sans lequel le fonds ne saurait exister, est la clientèle ou achalandage. La clientèle est la valeur que représentent les rapports probables ou possibles avec les personnes qui demanderont des biens ou des services à l'exploitant du fonds. Clientèle et achalandage sont synonymes.

Sans clientèle, il n'existe plus, à proprement parler, de fonds de commerce, mais seulement des marchandises, des droits ou objets mobiliers ne constituant plus une entité juridique distincte, et sans rapport de destination les uns avec les autres. Pour qu'il y ait cession de fonds de commerce, il est nécessaire que la clientèle du cédant soit transmise, sous une forme ou sous une autre, à l'acquéreur.

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Se rattachent à la clientèle :

- le nom commercial : appellation sous laquelle l'exploitant du fonds fait le commerce ;

- l'enseigne : nom, dénomination de fantaisie, emblème qui individualise le fonds et sert comme le nom commercial à attirer et retenir le client ;

- les droits de propriété industrielle, littéraire et artistique : procédés de fabrication, marques de fabrique, brevets d'invention, dessins et modèles, etc. ;

- les autorisations administratives ou licences donnant le droit d'exploiter le fonds ;

- les marchés en cours.

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Outre la clientèle, les éléments incorporels formant un fonds de commerce comprennent généralement le droit au bail.

Le droit au bail est le droit conféré au cessionnaire du fonds de continuer l'exploitation dans les locaux qui y étaient jusqu'alors affectés. Il est concrétisé par la somme d'argent que le cédant reçoit du cessionnaire en sus des loyers de l'immeuble, et comme prix de l'abandon de son bail.

Toutefois, un fonds peut être vendu sans droit au bail : tel est le cas lorsque l'acheteur acquiert en même temps l'immeuble dans lequel ce fonds est exploité

B. Éléments corporels

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Les éléments corporels du fonds de commerce comprennent les objets mobiliers ou autres servant à l'exploitation du fonds. En font partie non seulement les meubles proprement dits (rayons, bureaux, comptoirs, etc.), mais encore le matériel industriel, l'outillage, les approvisionnements et, d'une façon générale, tous les objets mobiliers qui, par opposition aux marchandises neuves, ne sont pas destinés à être vendus.

Toutefois, le matériel ne constitue un élément du fonds de commerce que dans le cas où le commerçant est locataire de l'immeuble dans lequel il exerce son commerce. Lorsque le commerçant est également propriétaire de l'immeuble, les objets mobiliers qu'il a placés dans ce dernier pour le service et l'exploitation du fonds constituent, aux termes de l'article 524 du code civil, des immeubles par destination (cf. BOI-ENR-DMTOI-10-10-10).

Remarque : Ces immeubles par destination sont soumis aux règles fiscales applicables aux immeubles.

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Les marchandises neuves font partie des éléments corporels du fonds de commerce ; elles doivent être distinguées des approvisionnements. C'est ainsi que :

- dans un fonds de boulangerie, les stocks de farine constituent des marchandises neuves, et le bois de chauffage ou le mazout des approvisionnements ;

- dans une fabrique de plâtre, les pierres et chaux doivent être considérées comme marchandises neuves, mais non les combustibles nécessaires aux fours ;

- constituent des marchandises neuves les plantes vendues avec un fonds de pépiniériste, de même que les coton, soie ou laine d'une filature ;

- les pierres lithographiques gravées dépendant d'un fonds d'imprimerie ne constituent pas des marchandises neuves, de même que les produits chimiques, réactifs et autres substances nécessaires à l'activité d'un laboratoire d'analyses médicales.

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Enfin, ne font pas partie du fonds du commerce :

- les créances et les dettes résultant de l'exploitation ;

- le numéraire en caisse ;

- les immeubles : remises, ateliers, entrepôts, locaux dans lesquels s'exerce le commerce ;

- les valeurs mobilières et les droits sociaux en portefeuille.

II. Champ d'application du droit d'enregistrement

A. Cession globale de fonds de commerce

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La cession d'un fonds de commerce comprend habituellement la clientèle ou achalandage, le droit au bail, le matériel et les marchandises.

Le droit d'enregistrement prévu à l'article 719 du code général des impôts (CGI) s'applique à l'ensemble de ces éléments, à l'exception des marchandises neuves qui sont exonérées de tout droit lorsqu'elles donnent lieu à la perception de la TVA ou en sont dispensées en application de l'article 257 bis du CGI (CGI, art. 723 : à cet égard, cf. BOI-TVA-CHAMP-10-10-50 ).

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En ce qui concerne le droit au bail (cf. I-A § 30), il est précisé que les dispositions de l'article 719 du CGI s'appliquent aux cessions consenties simultanément à la vente du fonds de commerce exploité dans les locaux loués. En revanche, les autres cessions de droit au bail entrent, sauf exceptions (cf. II-B § 150), dans le champ d'application du droit prévu à l'article 725 du CGI.

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Par ailleurs, Ia cession à titre onéreux des biens qui ne font pas partie du fonds de commerce (cf. I-B § 60) n'est pas soumise aux règles qui gouvernent les cessions de fonds de commerce mais à celles propres à chacun des biens considérés. Dès lors, lorsque l'acquéreur achète, avec le fonds de commerce, l'immeuble dans lequel le fonds est exploité, les droits ou taxes sont perçus sur le prix indiqué pour le fonds de commerce au tarif prévu pour ces mutations à I'article 719 du CGI et sur Ie prix indiqué pour l'immeuble au tarif immobilier correspondant, sous réserve bien entendu, qu'il n'y ait pas lieu de faire application des dispositions de l'article 735 du CGI visant les ventes simultanées de meubles et d'immeubles (cf. BOI-ENR-DMTOI-10-120).

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Pour que le droit de mutation soit exigible, il n'est pas nécessaire que tous les éléments soient cédés, mais il faut qu'il y ait cession explicite ou au moins implicite de clientèle.

Par exemple, le droit de mutation à titre onéreux de fonds de commerce est applicable à la cession de l'achalandage seul, sans les marchandises et autres objets mobiliers (trib. civ., Seine, 29 juin 1877 ; trib. civ., Senlis, 30 août 1878), ainsi qu'à la cession de la clientèle, du matériel et des marchandises sans le droit au bail (Cour de Cassation, Chambre commerciale (Cass. com.), 30 mai 1953, n° 7668 ; Cass. com., 5 octobre 1970, n° 68-11455).

En revanche, la cession d'un matériel de travaux publics faite par une entreprise sans clientèle privée et qui a été exclue des adjudications de travaux publics, ne peut s'analyser en une cession de fonds de commerce.

B. Cession isolée d'éléments du fonds de commerce

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La vente isolée des éléments d'un fonds (droit au bail, mobilier, matériel, marchandises neuves) autres que la clientèle ne constitue pas, en principe, une cession de fonds de commerce et se trouve soumise au régime qui lui est propre : régime de cessions de droit au bail d'immeuble pour le droit au bail, régime de droit commun des ventes de meubles pour le matériel et le mobilier etc.

Remarque : La cession d'un élément séparé du fonds constitue un acte normal de la profession qui entraîne l'exigibilité de la TVA (cf. BOI-TVA-CHAMP-10-10-50).

Pour qu'il en soit ainsi, il est nécessaire que la vente des objets séparés du fonds soit sérieuse et effective. Tel est le cas quand ces biens sont transmis à un acquéreur autre que celui de la clientèle, sous réserve qu'il n'existe aucun lien de dépendance entre les deux cessionnaires, ou encore lorsque le cédant se réserve les principaux éléments du fonds.

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En revanche, la Cour de cassation estime qu'il y a mutation de fonds de commerce lorsque les éléments caractérisant le fonds sont transmis, et notamment la clientèle (Cass. com., 23 mars 1981, n° 79-15147 ; Cass. com., 21 octobre 1997, n° 95-19911). L'existence d'une telle convention peut d'autant moins être contestée lorsque, selon la nature du commerce ou de l'industrie envisagée, l'élément que l'on a prétendu isoler ou céder séparément est indispensable à l'exploitation du fonds.

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Pour l'application du droit de mutation, il n'est pas nécessaire que la cession des divers éléments du fonds soit réalisée par un seul et même acte. Il suffit que le fonds soit transféré d'une société à une autre voire d'un groupe à un autre. Est ainsi applicable le droit de mutation prévu à l'article 719 du CGI lorsqu'il est établi que, quoique constatées par des actes séparés et à des dates différentes, les mutations des divers éléments d'un fonds de commerce sont corrélatives et ne forment qu'un seul et même acte (Cass. com., 6 juin 1990, n° 89-11437 ; Cass. com., 21 octobre 1997, n° 95-19911).

Dès lors qu'est apportée la preuve de la cession des principaux éléments du fonds, même par actes distincts, la cession est taxable en application des dispositions de l'article 719 du CGI, nonobstant l'existence d'autres actes conclus par l'acquéreur avec des tiers (Cass. com., 20 juin 2006, n° 04-18787).

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Est également passible du droit de mutation prévu à l'article 719 du CGI, le fonds de commerce dont l'ensemble des éléments ont été cédés séparément, peu importe que la mutation du fonds ait été opérée par deux cédants au bénéfice de deux acquéreurs (Cass., com. 23 octobre 2007, n° 06-18570). Le fonds ne peut donc pas être morcelé artificiellement en réalisant des cessions concomitantes entre filiales d'un même groupe pour échapper à la taxation de l'ensemble en application de l'article 719 du CGI.

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Le droit de mutation à titre onéreux de fonds de commerce est applicable, à l'exclusion de la TVA, notamment dans les cas suivants, où il y a eu, effectivement, transfert de clientèle :

- vente du matériel servant à l'exploitation d'un fonds de commerce lorsque, en vendant le matériel, le cédant a donné au cessionnaire le moyen de retenir et de s'attacher la clientèle (Cass. com., 10 juillet 1962, n° 58-12560) ;

- cession du droit au bail, le matériel ayant été par ailleurs repris par le cessionnaire qui continue le commerce du cédant dans les mêmes locaux et recueille sa clientèle (Nantes, 18 mai 1960) ;

- cession, par actes séparés, du matériel, de la licence et du droit au bail d'un hôtel meublé comportant cession implicite de Ia clientèle ;

- vente du matériel d'un fonds de garage et réparations d'automobiles dès lors que le cessionnaire a continué le commerce du cédant ;

- cession d'une indemnité d'éviction corrélative à la cession du fonds de commerce lorsque le bail n'a pas été renouvelé ;

- vente de tous les éléments matériels qui permettaient à une société l'exercice de son commerce entraînant implicitement la cession de la clientèle ;

- cession du seul droit au bail à un commerçant appelé en fait à recueillir la clientèle du quartier qui s'y rattache ;

- cession d'un droit au bail suivie d'une cession du matériel utilisé par la société cédante dès lors que la société cessionnaire a conservé une partie au moins du personnel de la société cédante, qu'elle détient une partie de la clientèle possédée antérieurement par cette même société et qu'elle exerce pratiquement les mêmes activités dans les mêmes locaux ;

- cession d'un droit au bail, précédée un mois auparavant d'une cession de matériel tenue secrète, dès lors que ces cessions sont intervenues entre les mêmes parties et au profit d'une société exerçant un commerce identique portant sur les mêmes marchandises ;

- cession du droit au bail d'un établissement commercial ou industriel et la cession verbale concomitante du matériel d'exploitation appartenant au précédent locataire entraînant une cession de clientèle et, par suite, une véritable cession de fonds de commerce ;

- résiliation d'un bail moyennant indemnité au locataire lorsque le propriétaire continue le commerce du locataire ;

- vente verbale d'un matériel de conserverie entraînant cession de clientèle, dès lors qu'elle s'accompagne de la transmission de la marque sous laquelle sont commercialisés les produits (Cass. Com., 15 octobre 1973, n° 72-12402) ;

- opération présentée sous la forme d'une scission de société concomitante à la cession d'une part majoritaire dans le capital, décidée par un protocole d'accord conclu entre les anciens associés et le représentant du groupe acquéreur avant sa prise de participation dans la société, dissimulant en réalité la cession par les anciens associés d'un fonds industriel et de matières consommables et, après une exploitation dudit fonds à titre personnel par le représentant du groupe acquéreur, l'apport de ces éléments à une nouvelle société (Cass. com., 19 juillet 1973, n° 72-12325) ;

- opération dans laquelle une société a bénéficié de la clientèle d'un industriel en exerçant son activité sous la même enseigne et dans les mêmes locaux que le cédant lui avait donnés à bail et dès lors qu'elle a comptabilisé des achats importants de matières premières facturés antérieurement à ce bail, qu'elle a vendu des produits de sa fabrication sous une marque identique et repris le compte “ clients ” du précédent exploitant en portant, dans un compte ouvert au nom de celui-ci, Ies sommes qu'elle recevait à ce titre (Cass. com., 26 janvier 1976, n° 74-13933) ;

- opérations successives révélant que les parties avaient eu l'intention de transférer le fonds de commerce. Dans le délai d'un an environ, le propriétaire d'un fonds de menuiserie l'a donné en gérance libre ainsi que l'intégralité du stock, moyennant une redevance annuelle anormalement élevée, a cédé à la société gérante son stock de marchandises, tous les travaux en cours et toutes ses créances, ainsi que la totalité de son important matériel d'exploitation à l'exception d'une machine-outil, donné à bail à cette société, pour cinquante-cinq ans avec faculté de céder son droit, les immeubles où le fonds était exploité (Cass. com., 25 janvier 1977, n° 75-14142, société Entreprise Bellini Frères) ;

- Iocation-gérance d'un fonds consentie par l'ancien exploitant à une société dont il est dirigeant, suivie de la location par convention séparée à Ia société du matériel d'outillage et de transport, puis des locaux commerciaux et de la vente du stock (Cass. com., 2 juillet 1979, n° 77-16035) ;

- résiliation de Ia location verbale des locaux d'exploitation consentie à un industriel et conclusion par le propriétaire d'un nouveau bail à une société exerçant une activité identique à celle de l'industriel suivie de Ia cession à la même époque du matériel d'exploitation par I'industriel à la société, et de la présentation le même jour, de la société par l'industriel à ses clients comme son successeur (Cass. com., 19 octobre 1981, n° 80-13135, société Tétramat) ;

- résiliation du contrat de concession exclusive d'une marque de location de voitures consentie à une association en participation et remplacement de ce contrat, à compter de la même date, par un nouveau établi au nom d'une société anonyme utilisant le même nom commercial que l'association, puis cession à la société anonyme du matériel d'exploitation et du droit au bail de l'association en participation, et succession de la société anonyme à I'association en participation tant dans l'exploitation de la clientèle de celle-ci que dans ses rapports d'affaires avec les mêmes fournisseurs et reprise par la société des contrats de travail (Cass. com., 10 novembre 1981, n° 80-13148, société Porché auto-locations) ;

- mise en location-gérance d'un fonds de commerce, suivie à peu de distance de la cession de la plus grande partie du matériel à la société locataire : le vendeur n'était alors plus en mesure de reprendre personnellement l'exploitation à l'expiration de la location-gérance, les éIéments essentiels et les plus importants du fonds ayant été transférés du patrimoine du propriétaire dans celui de l'entreprise locataire à qui étaient donnés les moyens d'acquérir une clientèle personnelle (Cass. com., 3 novembre 1983, n° 81-16238, société Garage Poletti et fils) ;

- cession à titre onéreux par Ie propriétaire d'un fonds de menuiserie à son locataire-gérant, de la totalité du matériel d'exploitation et des travaux en cours (Cass. com., 18 janvier 1984, n° 82-13331).