Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Date de fin de publication du BOI : 24/02/2021
Identifiant juridique : BOI-BIC-CHG-60-20-10

BIC - Frais et charges - Charges exceptionnelles - Opérations concernées - Pertes résultant de la disparition ou de la destruction d'éléments d'actif

I. Pertes résultant de la détérioration ou de la destruction d'éléments de l'actif immobilisé

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En cas de destruction d'un élément de l'actif immobilisé, les sommes représentant la valeur restant à amortir de cet élément constituent, en principe, une charge déductible pour la détermination du résultat fiscal de l'exercice en cours à la date de cette destruction. Il en est ainsi des charges correspondant à la fraction du prix de revient restant à amortir :

- d'un immeuble détruit (CE, arrêt du 8 janvier 1943, req. n°s 47609 et 63972, RO, p. 247) ;

- d'un matériel que son usure complète a amené l'exploitant à détruire au cours d'un exercice (CE, arrêt du 14 novembre 1938, req. n° 60029, RO, p. 496).

De même, dans le cas d'une entreprise dont les immeubles et le matériel ont été détruits ou endommagés par une inondation, il a été jugé que la valeur non amortie des éléments détruits (notamment un pont) et les frais occasionnés tant pour la remise en état des éléments endommagés que par la construction d'une passerelle provisoire constituent des charges déductibles (cf. CE, arrêt du 4 juin 1947, req. n° 78889, RO, p. 241).

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Le Conseil d'État a, par ailleurs, jugé qu'une société pouvait déduire de son bénéfice imposable la totalité de la perte subie à l'occasion de la cession d'un véhicule automobile inscrit à son actif et mis hors d'usage à la suite d'un accident survenu au cours d'un déplacement de son gérant, bien que ce déplacement eût été motivé par des besoins autres que ceux de l'exploitation sociale ; la Haute Assemblée a en effet considéré que, dès lors qu'il n'était pas contesté que le gérant n'était tenu, de ce chef, d'aucune obligation de réparation à l'égard de la société, la constatation d'une telle perte par cette dernière ne pouvait être regardée comme équivalent, en tout ou en partie, à une libéralité faite à son gérant ni, par suite, comme constituant, une distribution de bénéfices (CE, arrêt du 5 mars 1971, req. n° 77351, RJ, n° II, p. 40).

En l'espèce, l'Administration avait fondé son rehaussement sur la circonstance que le gérant, véritable maître de la société propriétaire du véhicule avait utilisé ce dernier pour des déplacements effectués pour le compte d'une autre entreprise et que, dans ces conditions, la perte en question ne se rattachait pas à la gestion normale de l'exploitation.

La Haute Assemblée paraît avoir fait une application stricte des principes résultant de l'article 1882 du code civil qui, en cas de perte par cas fortuit de la chose prêtée, ne met cette perte à la charge de l'emprunteur (en l'absence d'une stipulation contraire du contrat de prêt) que si l'intéressé aurait pu garantir la chose prêtée en employant la sienne propre ou si, ne pouvant conserver que l'une des deux, il a préféré la sienne.

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Enfin, le Conseil d'État s'est prononcé sur le cas d'une entreprise de meunerie qui, ayant acquis un moulin en 1963, a, l'année suivante, cédé le contingent de mouture accordé à cet établissement puis, en 1965, fait démolir ledit moulin, vendu le terrain nu et déduit de ses résultats, en tant que perte, la valeur résiduelle de ce bâtiment dont l'amortissement n'était pas achevé.

L'Administration avait estimé que la perte n'était pas déductible des bénéfices sociaux (imposés au taux de 50 %) mais devait venir en déduction de la plus-value résultant de la cession du terrain (imposée au taux de 10 % applicable à l'époque).

Il a été jugé que l'entreprise ayant d'une part démoli, dans le cadre d'une gestion commerciale normale, un bâtiment devenu sans utilité pour les besoins de son exploitation et, d'autre part, recherché et obtenu une augmentation de la valeur vénale du terrain ainsi libéré, cette augmentation ne pouvait être influencée par la valeur résiduelle du bâtiment détruit.

En conséquence, la Haute Assemblée a décidé que si les frais entraînés par l'opération de démolition devaient être regardés comme augmentant le prix de revient du terrain vendu, la perte comptable constatée du fait de la destruction du bâtiment était déductible des bénéfices imposables au taux de 50 %, dès lors qu'elle n'a eu aucune contrepartie dans un accroissement de l'actif (CE, arrêt du 14 mai 1975, req. n° 93314, RJ, n° II, p. 56).

La présente décision ne doit pas être regardée comme revenant sur la jurisprudence découlant de l'arrêt du 10 décembre 1965, req. n° 64178, RO, p. 460. La solution qu'elle a donnée doit être strictement limitée au cas où l'entreprise se trouvait dans l'impossibilité absolue d'exploiter le bâtiment qu'elle a démoli. Si ce bâtiment était seulement devenu impropre à une utilisation conforme à son activité, il y aurait lieu de continuer, si sa suppression valorise le sol, à soutenir que la valeur résiduelle des éléments bâtis est un élément du prix de revient du terrain issu de la transformation du sol et ne peut, par suite, être admise en déduction des résultats de l'exercice au cours duquel la construction a été détruite. Il en est a fortiori de même si l'entreprise a entendu déclasser des bâtiments en vue de la création d'un secteur de vente immobilière, la suppression des constructions constituant alors l'acte de production d'un terrain à bâtir.

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En revanche, les dépenses engagées pour la reconstruction d'un pont emporté par une inondation et pour l'exécution de travaux de défense fluviale constituent le prix de revient d'installations nouvelles (CE, arrêt du 11 juillet 1945, req. n°s 71927 et 72939, RO, p. 288). Il en est de même des dépenses engagées pour la réfection des ouvrages détruits par une inondation dès lors qu'elles ont pour effet d'augmenter la valeur de l'actif de l'entreprise (CE, arrêt du 31 juillet 1947, req. n° 86800, RO, p. 284). Sur ce point, cf. BOI-BIC-CHG-20-10-20, dépenses représentatives d'éléments de l'actif.

II. Vols et détournements

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À moins qu'ils n'aient déjà une incidence directe sur le montant du résultat comptable [vol de marchandises par exemple], les vols et détournements subis par l'entreprise constituent une charge déductible pour l'assiette de l'impôt, sauf à tenir éventuellement compte, dans les résultats des exercices ultérieurs, des sommes ou valeurs restituées.

Remarque : Dans le cas où le vol porte sur des marchandises, il est tenu compte automatiquement de la charge correspondante du fait de la diminution des stocks en résultant à la clôture de l'exercice.

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Le Conseil d'État a jugé à cet égard que la circonstance que les vols et détournements divers aient été commis au cours d'un exercice ne fait pas obstacle à ce que le montant de la perte correspondante soit déduit des résultats d'un exercice ultérieur, dès lors que c'est seulement au cours de ce dernier exercice que les vols et détournements ont été découverts (CE, arrêt du 30 septembre 1957, req. n° 76733, RO, p. 411).

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Mais les détournements commis par un associé d'une société ne doivent pas être rangés dans la catégorie des charges affectant le résultat social imposable des entreprises. Ces détournements ont, en effet, le caractère d'une appréhension irrégulière d'une partie des bénéfices. Ils ne constituent donc pas une charge de la société, déductible pour l'assiette de l'impôt.

Il en est ainsi que la société victime du détournement relève de l'impôt sur le revenu ou soit passible de l'impôt sur les sociétés (CE, arrêt du 8 mars 1965, req. n°s 61093 et 62075, RO, p. 303).

Remarque : Dans ce dernier cas, les sommes ou valeurs dérobées sont considérées comme un revenu distribué.

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Lorsque de faux billets sont remis en contrepartie d'une vente ou d'une prestation de services, la perte subie doit répondre aux conditions de droit commun et, notamment, être appuyée de justifications suffisantes.

Ces justifications, qui résultent de l'appréciation d'une situation de fait, pourraient être considérées comme apportées, au cas particulier, notamment par le dépôt d'une plainte lorsqu'un commerçant prend lui-même conscience de la nature des espèces qu'il détient et les remet aux autorités compétentes, ou par la production d'un document émanant de sa banque si celle-ci procède à cette constatation. Ce document devrait préciser le montant des espèces présentées qui ont été conservées sans inscription correspondante sur un compte, la raison de cette conservation et être complété par le dépôt d'une plainte (RM Couderc n° 39098, JO débats AN du 25 novembre 1996, p. 6166).

III. Créances irrécouvrables

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Lorsque le refus de paiement ou l'insolvabilité du débiteur s'oppose de manière définitive au recouvrement d'une créance, le créancier subit une charge égale au montant hors taxes des sommes non payées car l'entreprise a la possibilité sous certaines conditions, de récupérer la TVA qu'elle a dûment acquittée.

Le 1 de l'article 272-1 du CGI dispose, en effet, que « la TVA qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 du CGI lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables ». L'article 272 du CGI précise également que l'imputation ou le remboursement de la taxe peuvent être effectués dès la date de la décision de justice qui prononce la liquidation judiciaire.

L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'Administration, de la rectification préalable de la facture initiale.

Pour être déductibles des résultats imposables, les pertes résultant de l'irrécouvrabilité de créances doivent, bien entendu, se rapporter à des créances régulièrement constatées en comptabilité (CE, arrêt du 10 juillet 1947, req. n° 70458, RO, p. 262, et CE, arrêt du 10 janvier 1973, req. n° 79312, RJ, n° II, p. 3).

En outre, ces pertes doivent notamment :

- être afférentes à des créances qui se rattachent à l'activité normale de l'entreprise ;

- être subies effectivement au cours de l'exercice dont elles grèvent les résultats imposables.

A. Les créances irrécouvrables doivent se rattacher à la gestion normale de l'entreprise

1. Condition remplie

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Il en est ainsi tant des créances ayant pour contrepartie la vente de marchandises, la fourniture de services que de celles procédant d'opérations industrielles ou commerciales auxquelles se livre normalement l'entreprise.

De même, une entreprise ayant un compte en banque est en droit de déduire de ses bénéfices, à la suite de la liquidation de la banque, la part de sa créance qui peut être considérée comme définitivement perdue dans la mesure où le compte dont il s'agit a fonctionné pour les besoins de l'entreprise.

Enfin, a été considérée comme une dépense d'exploitation déductible pour la détermination du bénéfice imposable, la perte subie par une entreprise par suite de la mise en liquidation d'une société à qui elle avait consenti des avances de fonds dans le seul but de s'assurer sa clientèle et dont elle assumait en fait, la gestion (CE, arrêt du 27 décembre 1937, req. n° 58359, RO, p. 767).

Remarque : Les pertes répondant aux conditions générales de déduction et résultant des abandons de créances à caractère commercial consentis ou supportés dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou de redressement (8° du 1 de l'article 39 du CGI) sont considérées comme déductibles.

2. Condition non remplie

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En revanche, les créances irrécouvrables se rattachant à des opérations étrangères à l'exploitation ne peuvent donner lieu à aucune déduction.

Ainsi, en cas de perte du montant d'un prêt consenti par un commerçant en vue d'une opération commerciale étrangère à son activité habituelle, l'intéressé n'est pas autorisé à déduire cette perte des bénéfices de son entreprise dès lors que le contrat passé avec l'emprunteur ne comporte pas association en participation, mais présente le caractère d'un prêt à intérêts avec participation éventuelle aux bénéfices (CE, arrêt du 23 janvier 1931, req. n° 659, R0, 5529).

Le Conseil d'État a jugé également que présentent le caractère de pertes non déductibles, les pertes subies à l'occasion de prêts consentis par une société ayant pour objet l'achat de tissus, à un exploitant de forêts, à un antiquaire, et à l'inventeur d'un métier pour fabrication de tapis, ces pertes, qui résultent d'opérations étrangères à l'activité normale de l'entreprise ne pouvant pas être regardées comme des dépenses d'exploitation (CE, arrêt du 4 juillet 1941, req. n° 61593, RO, p. 189).

De même, la Haute Assemblée a jugé qu'une société, ayant consenti à une autre société une avance devenue irrécouvrable, n'était pas fondée à se plaindre de la réintégration de la perte correspondante dans son bénéfice imposable, dès lors qu'elle n'était en mesure de produire aucun élément de nature à établir que cette avance entrait dans le cadre d'une gestion commerciale normale ou de prouver l'existence d'une association en participation (CE, arrêt du 28 octobre 1966, req. n° 62099, RO, p. 260).

Enfin, une entreprise ne peut porter en perte une créance irrécouvrable figurant à l'actif de son bilan dès lors que cette créance correspond à des factures fictives frauduleusement établies au cours d'exercices antérieurs et que son inscription en comptabilité n'a traduit aucun événement ou opération réellement effectuée susceptible d'influencer les résultats de l'exercice (CE, arrêt du 26 février 1975, req. n° 85563, RJ, n° II, p. 31).

B. Exercice d'imputation des créances irrécouvrables

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Le montant hors taxes de la créance irrécouvrable est déductible seulement des résultats (comptable et fiscal) de l'exercice au cours duquel la perte correspondante est devenue définitive.

Le Conseil d'État a ainsi refusé d'admettre en déduction des bénéfices d'un exercice la perte subie du chef d'une créance possédée par l'exploitant sur un débiteur dont la faillite n'a été déclarée qu'après la clôture dudit exercice, alors qu'aucune provision n'avait été constatée dans la comptabilité en vue de l'irrécouvrabilité de cette créance (CE, arrêt du 31 mars 1928, req. n° 93973 bis, RO, 5248).

Dans le même sens, il a jugé que la perte résultant de l'irrécouvrabilité d'une créance hypothécaire doit être regardée comme définitive si, et dans la mesure où, l'immeuble hypothéqué ayant été vendu, le produit de cette vente reste inférieur au montant total de la créance. La circonstance que le contribuable devienne acquéreur de l'immeuble et réalise ensuite un profit à l'occasion de sa revente est sans incidence sur la détermination de l'exercice auquel la perte de la créance doit être rattachée (CE, arrêt du 17 juin 1981, req. n° 13147, RJ, n° II, p. 78).

IV. Abandon de créances

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L'abandon de créance est la renonciation par une entreprise à exercer les droits que lui confère l'existence d'une créance.

L'abandon de créance peut être considéré comme une perte, et non comme une libéralité, lorsqu'il est consenti dans l'intérêt de l'entreprise créancière et que, bien entendu, la créance figure à l'actif de cette dernière.

Remarque : À l'inverse, l'abandon d'une créance par un créancier de l'entreprise engendre pour celle-ci un profit égal au montant de la remise de la dette figurant au passif du bilan .

La pratique des abandons de créances comporte des conséquences fiscales tant au regard de l'impôt sur les bénéfices que de la TVA.