Date de début de publication du BOI : 28/01/2013
Date de fin de publication du BOI : 18/06/2015
Identifiant juridique : BOI-CF-INF-40-20

CF - Infractions et sanctions pénales - Délits d'opposition à fonctions

I. Caractéristiques des infractions

A. L' opposition à fonctions

1

L'infraction définie par le 1 de l'article 1746 du code général des impôts (CGI) se caractérise par :

10

- un élément matériel constitué par tout obstacle apporté par toute personne, contribuable ou tiers, à l'exercice légal des fonctions des agents habilités à constater les infractions à la législation des impôts, et ayant pour effet de mettre ces agents dans l'impossibilité d'accomplir normalement leur mission ;

- un élément moral résultant de la circonstance que l'obstacle doit être apporté volontairement.

B. L' opposition collective à fonctions

20

Le délit d'opposition collective à l'établissement de l'assiette de l'impôt, prévu par le 2 de l'article 1746 du CGI comporte :

- un élément matériel constitué, par un obstacle, de quelque nature qu'il soit mais apporté par plusieurs personnes, à l'exercice légal des fonctions d'assiette et de contrôle des agents des impôts, dans des conditions telles que ces fonctions ne peuvent plus être exercées normalement ;

- un élément moral consistant dans le fait que l'obstacle doit être apporté volontairement, consciemment et de façon délibérée, l'appréciation de ce caractère devant toutefois être faite sur le plan collectif sans qu'il soit besoin d'imputer à chacun des participants un acte particulier d'opposition.

30

Il en résulte que le délit d'opposition collective recouvre un champ d'application plus restreint que celui de l'infraction fiscale d'opposition individuelle, l'existence du délit ne se concevant juridiquement que dans le cadre de l'établissement de l'assiette de l'impôt, tandis que l'infraction fiscale vise l'ensemble des fonctions dévolues aux agents habilités à constater les infractions.

C. La récidive d'opposition individuelle

40

La situation de récidive s’apprécie au regard des éléments suivants :

- la seconde infraction doit être identique à la première ;

- la nouvelle infraction doit être commise dans les cinq ans de la condamnation définitive afférente à la première infraction.

D. Organisation du refus collectif de l'impôt

1. Incitation du public à refuser ou à retarder le paiement de l'impôt

50

L'article 1741 du CGI, qui réprime le délit général de fraude fiscale, atteint notamment ceux qui se soustraient frauduleusement au paiement total ou partiel de l'impôt ou tentent de s'y soustraire frauduleusement en organisant leur insolvabilité ou en mettant obstacle, par d'autres manœuvres, à son recouvrement.

Mais, ce délit ne peut être imputé à charge qu'au contribuable lui-même, personnellement ou ès-qualité, et à ses complices au sens de l'article 60 du code pénal. Pas plus que l'article 1746 du CGI, qui vise plus spécialement les oppositions à l'exercice du contrôle fiscal et à l'établissement de l'assiette de l'impôt, l'article 1741 du CGI ne concerne les personnes qui organisent ou prônent la grève de l'impôt.

60

Aussi, l'article 1747 du CGI, reprenant les dispositions de l'ancien article 1839, lesquelles tirent leur origine de l'article 65 de la loi du 31 décembre 1936, prévoit-il des sanctions pénales à l'encontre des personnes organisant ou tentant d'organiser le refus collectif de l'impôt ou incitant le public à refuser ou à retarder le paiement de l'impôt.

70

Les deux délits prévus par l'article 1747 du CGI, distincts dans leurs éléments matériels et légaux, supposent tous deux l'existence de l'élément intentionnel caractéristique de tous les délits de droit commun.

a. Organisation du refus collectif de l'impôt

80

L'existence du délit est subordonnée :

- à la mise en œuvre de moyens limitativement énumérés par la loi et consistant soit en des voies de fait, soit en des menaces, soit en des manœuvres concertées, les voies de fait et menaces pouvant atteindre aussi bien les agents chargés de l'assiette, du contrôle ou du recouvrement de l'impôt que les contribuables eux-mêmes ;

- au fait que la mise en œuvre de ces moyens doit concourir au refus du paiement de l'impôt par un ensemble de personnes ou une catégorie entière de contribuables ;

- la circonstance que le tout doit constituer une véritable organisation antifiscale.

90

La tentative du délit étant punissable au même titre que le délit lui-même, on se reportera pour la caractériser à ce qui est énoncé du sujet de la tentative d'escroquerie en matière de taxe sur la valeur ajoutée (BOI-CF-INF-40-30).

b. Incitation du public à refuser ou à retarder le paiement de l'impôt

100

Contrairement au précédent ce délit, n'exige pas la manifestation d'une véritable organisation antifiscale.

Il peut être le fait d'un individu pris isolément qui sans être un meneur, enjoint ou conseille au public, c'est-à-dire aux contribuables, de ne pas payer l'impôt ou tout au moins d'en différer le paiement, que ce soit verbalement ou par écrit notamment par la voie de la presse, ou au moyen de tracts.

110

La nature même des délits évoqués ci-dessus fait que la jurisprudence est rare en la matière.

On citera toutefois trois arrêts de la Cour de Cassation.

Le fait individuel et non concerté d'un commerçant qui, pour empêcher les agents de l'Administration de procéder à des vérifications comptables dans son établissement, réunit dans son magasin un certain nombre de personnes se présentant comme des clients et prend prétexte de cet afflux d'acheteurs éventuels pour différer la communication de ses livres, ne saurait constituer l'infraction prévue par l'article 65 de la loi du 31 décembre 1936 (art. 1747) qui punit quiconque, par voies de fait, menaces ou manoeuvres concertées, aura organisé ou tenté d'organiser le refus collectif de l'impôt. (Cass. crim., arrêt du 22 novembre 1955 ; Bull. crim. 1955, n° 507, p. 888).

L'article 65 de la loi du 31 décembre 1936 punit quiconque aura incité le public à refuser ou à retarder le paiement de l'impôt (cf également CGI, art. 1747).

Justifie dès lors légalement sa décision de condamnation la Cour d'appel qui, par adoption des motifs du jugement entrepris, constate qu'après le passage des gendarmes sur un marché de l'ancienne A.O.F. où ils réclamaient le paiement de la patente aux tailleurs fabriquant et vendant des vêtements, le prévenu s'adressa à ces artisans et leur enjoignit de ne pas payer les patentes et d'attendre les ordres d'une tierce personne. (Cass crim., arrêt du 5 février 1958 ; Bull. crim. 1958 n° 124 p. 212).

Caractérisent les délits d'organisation du refus collectif de l'impôt et d'incitation du public à refuser ou à retarder le paiement de l'impôt, prévus et punis par l'article 18391, § 1 et 2, du Code général des Impôts le jugement et l'arrêt qui, par adoption des motifs non contraires, relèvent : « Qu'une motion invitant à la grève totale des impôts a été lue le 24 janvier 1955 par Pierre Poujade, fondateur de l'Union de défense des commerçants et artisans (U.D.C.A.), aux membres de cette association réunis en un meeting géant au parc des expositions à Paris, que Rozieres, vice-président de cette Union, a déclaré, dans le journal du groupement L'UNION de février 1955, que cette motion a été adoptée dans l'enthousiasme par les 200 000 commerçants et artisans qui ont juré leur indéfectible volonté de poursuivre jusqu'au bout la lutte entreprise le 24 janvier, que Poujade rendant compte de ce meeting dans ce même journal écrivait : « confiance dans la valeur des mots d'ordre lancés qui devront être scrupuleusement suivis par tous », que le bureau national de l'U.D.C.A. a ordonné le 3 avril 1955 la continuation de la grève de l'impôt décidée le 24 janvier précédent et qu'au cours du congrès extraordinaire des 4, 5 et 6 juillet suivant la commission de la fiscalité a envisagé le non-paiement de la patente 1955 dans sa totalité, qui a été d'abord appliqué sur ses consignes dans certains départements puis étendu à tous les adhérents, et a décidé que le paiement de la taxe mobilière devait être refusé à partir du 16 août 1955 ; que Pierre Poujade a pris ses responsabilités aussi bien à l'instruction qu'à l'audience et que son exemple a été suivi à l'instruction par plusieurs membres du bureau national et à l'audience par tous ».

Constitue, en effet des manœuvres concertées, le fait de réunir des commerçants et des artisans dans un vaste meeting pour les inviter à jurer leur indéfectible volonté de refuser le paiement de l'impôt et de les inciter, par des mots d'ordre lancés à la suite de ce meeting et diffusés par la voie de la presse, à continuer la grève de l'impôt (Cass. crim., arrêt du 6 mars 1958, R.J.C.I. 1958, n° 25, p. 65).

II. Sanctions applicables

A. Opposition individuelle

120

Le 1 de l'article 1746 du CGI prévoit que l'opposition individuelle à fonctions est punie d'une amende de 25 000 €, prononcée par le tribunal correctionnel. En cas de récidive, le tribunal peut, outre cette amende, prononcer une peine de six mois d'emprisonnement.

B. Récidive d'opposition individuelle

130

Le 1 de l'article 1746 du CGI prévoit qu'en cas de récidive d'opposition individuelle, le tribunal peut, outre l'amende de 25 000 euros prononcer une peine de six mois d'emprisonnement.

Mais, la peine d'emprisonnement étant facultative, les juges du fond peuvent se dispenser de la prononcer sans être tenus de motiver spécialement leur décision sur ce point.

140

Ils peuvent, par contre, prononcer une peine d'emprisonnement ferme dans les limites prévues par la loi, ou bien assortir l'emprisonnement du sursis simple, pour le tout ou pour partie seulement, ainsi que prévu par l'article 734 du code de procédure pénale, l'article 735 du code de procédure pénale, l'article 735-1 du code de procédure pénale et l'article 736 du code de procédure pénale

C. Opposition collective

150

Si elle revêt une forme collective, l’opposition à fonctions est une infraction pénale punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende en application des dispositions du 2 de l’article 1746 du CGI, sans préjudice de l’application à l’égard de chacun des participants des sanctions prévues en matière d’opposition individuelle.

D. Incitation du public à refuser ou retarder le paiement de l'impôt

160

Le second alinéa de l'article 1747 du CGI qui prévoit le délit d'incitation du public à refuser ou à retarder le paiement de l'impôt, réprime ce délit par des sanctions qui lui sont propres :

- amende pénale de 3750 € ;

- et emprisonnement de six mois.

Mais le premier alinéa de l'article 1747 du CGI, qui définit le délit d'organisation du refus collectif et qui en sanctionne également la tentative, renvoie, pour l'application des peines à l'article premier de la loi du 18 août 1936 réprimant les atteintes au crédit de la nation.

170

Ce texte édicte l'application :

- d'une amende pénale de 9 000 € ;

- et d'un emprisonnement de deux ans.

III. Conséquence de la constatation des infractions

180

L'article L. 74 du Livre des procédures fiscales (LPF) prévoit qu'au cas où le contrôle fiscal, destiné à déterminer équitablement la situation du contribuable, ne peut avoir lieu du fait de ce dernier ou de tiers, il est procédé à l'évaluation d'office des bases d'imposition. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'opposition à la mise en oeuvre du contrôle des comptabilités informatisées.

Dans cette situation, l'article 1732 du CGI édicte que les suppléments de droits mis à la charge du contribuable sont assortis d'une majoration de 100 %.

Il est néanmoins indispensable d'asseoir les impositions faisant l'objet de l'évaluation d'office sur des bases sérieusement étudiées, tenant compte de tous les éléments d'information et d'appréciation pouvant être recueillis chez des tiers.

190

En matière de taxes sur le chiffre d'affaires, l'évaluation d'office des bases d'imposition est, en outre, assortie de la reprise à l'imposition tant de la totalité des déductions opérées par le contribuable au cours de la période non atteinte par la prescription que des affaires déclarées comme faites à l'exportation, dès lors que, méconnaissant les obligations que lui impose le 4° du I de l'article 286 du CGI, l'intéressé n'aura fourni aucune justification de ses droits à déduction ou à exonération.

Enfin, si, de l'évaluation ainsi faite découle la preuve d'une fraude importante, une plainte pour fraude fiscale, sur le fondement des dispositions de l'article 1741 du CGI, sera déposée.