Date de début de publication du BOI : 27/06/2019
Date de fin de publication du BOI : 20/09/2023
Identifiant juridique : BOI-CF-INF-40-10-20

CF - Infractions et sanctions pénales - Poursuites correctionnelles - Infractions assimilées au délit de fraude fiscale et délits spéciaux de fraude fiscale

I. Infractions assimilées

1

L'article 1743 du code général des impôts (CGI) prévoit l'application des peines réservées au délit général de fraude fiscale :

- pour les délits tenant à la comptabilité ;

- pour les délits d'entremise pour le dépôt de valeurs ou l'encaissement de coupons à l'étranger ;

- pour les délits dans la fourniture de renseignements en vue de l'obtention d'agréments ou d'une autorisation dans le cadre de dispositifs d'investissements (outre-mer).

A. Le délit comptable

10

Le 1° de l'article 1743 du CGI rend passible des peines prévues à l'article 1741 du CGI, quiconque a sciemment omis de passer ou de faire passer des écritures ou bien a passé ou fait passer des écritures inexactes ou fictives au livre-journal et au livre d'inventaire prévus par l'article L. 123-12 du code de commerce (C. com.), l'article L. 123-13 du C. com. et l'article L. 123-14 du C. com. ou dans les documents qui en tiennent lieu.

(20 - 30)

1. Éléments constitutifs

a. Élément matériel

40

Aux termes du 1° de l'article 1743 du CGI, les omissions d'écritures et la passation d'écritures inexactes ou fictives sont punissables lorsqu'elles sont relevées non seulement sur le journal ou le livre d'inventaire dont la tenue est prescrite par le Code de commerce, mais également dans les documents tenant lieu des livres comptables ainsi prescrits.

Ainsi peuvent être sanctionnées les irrégularités comptables imputables aux industriels et commerçants mais aussi celles commises par tous les contribuables à qui une disposition légale impose la tenue de certains documents comptables (contribuables imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ou soumis au régime d'imposition réel en matière de bénéfices agricoles par exemple).

50

Parmi les illustrations offertes pour la jurisprudence de la Cour de cassation, on peut citer celles qui ont permis de condamner sur le fondement des dispositions du 1° de l'article 1743 du CGI :

- absence de livres dont la tenue est obligatoire : absence de livre-journal, de grand-livre, de livre de paie, de pièces justificatives des achats et des ventes, de registre des procès-verbaux d'assemblées générales, d'inventaire des stocks (Cass. crim., 11 décembre 2002, n° 02-81655) ;

- inscription dans la comptabilité de factures de commissions injustifiées (Cass. crim., 20 septembre 2000, n° 99-81658) ;

- comptabilité présentant les anomalies suivantes : défaut d'indication du mode d'encaissement des honoraires, absence de justification de certaines recettes, confusion quant à la nature des sommes transitant par les comptes mixtes du prévenu, crédits présentant la caractéristique de sommes séquestrées (Cass. crim., 7 novembre 2001, n° 00-87900) ;

- contribuable qui ne respecte pas ses obligations comptables puisqu'aucune comptabilité probante n'a été présentée au titre d'une année (absence de comptabilité des recettes, double comptabilisation des frais professionnels) (Cass. crim., 21 février 2001, n° 00-82873) ;

- dirigeant de société ayant reconnu enregistrer en comptabilité de fausses factures (Cass. crim., 2 juin 1999, n° 98-80307) ;

- condamnation d'un dirigeant de société dès lors que le délit d'omission de passation d'écritures reproché au prévenu est suffisamment établi par le procès-verbal de défaut de production de documents comptables obligatoires rédigés par le vérificateur (Cass. crim., 21 février 2001, n° 00-83634) ;

- condamnation d'un dirigeant aux motifs que la comptabilité n'a pas été jugée probante et qu'aucun document informatique répondant aux caractéristiques (réglementaire) n'a été produit, que la commission départementale des impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires a considéré que la comptabilité de la société était non régulière et non probante et que le prévenu n'apporte aucun élément probatoire contraire aux contestations ci-dessus et n'a pas poursuivi son action devant le tribunal administratif, s'étant désisté (Cass. crim., 22 septembre 2004, n° 04-81822) ;

- comptabilisation de fausses factures d'achat caractérisant la passation d'écritures comptables inexactes ou fictives (Cass. crim., 20 avril 2005, n° 04-85527).

b. Élément intentionnel

60

Le délit prévu au 1° de l'article 1743 du CGI requiert pour être constitué que son caractère intentionnel soit établi.

Ainsi, la Cour de cassation a relevé que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les anomalies dans la tenue de la comptabilité de la société ne pouvaient en raison de leur importance et leur gravité résulter d'erreurs involontaires mais établissent suffisamment l'intention de fraude (Cass. crim., 22 octobre 2003, n° 03-80242).

Les juges du fond ont également estimé que notamment l'absence des journaux auxiliaires de caisse, de banque, achat et opérations diverses rend irrégulière la comptabilité reprise au grand livre et au livre journal, que la répétition de ces absences, à chaque fois à cheval sur un exercice, jointe à la non sincérité du livre d'inventaire, établit l'intention frauduleuse du prévenu (Cass. crim., 10 septembre 2003, n° 02-86510).

Les dirigeants sociaux peuvent être recherchés pour la commission de ce délit, sans pouvoir s'exonérer au motif que la tenue de la comptabilité sociale relèverait de la seule compétence du comptable salarié de l'entreprise (Cass. crim., 13 octobre 1986, n° 86-90179).

De même, la Cour de cassation a considéré à la différence des premiers juges, que le délit d'omission d'écritures comptables est caractérisé, en tous ses éléments, notamment intentionnel, à l'encontre du prévenu à qui il appartenait de s'assurer que la comptabilité était régulièrement tenue (Cass. crim., 5 août 1998, n° 97-83606).

2. Spécificité du délit prévu au 1° de l'article 1743 du CGI

65

La Cour de cassation a jugé que le délit d'omission de passation d'écritures ou de passation d'écritures inexactes ou fictives prévu par le 1° de l'article 1743 du CGI constitue, lorsqu'il est poursuivi principalement et non comme un des éléments ou l'une des circonstances aggravantes du délit de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt prévu par l'article 1741 du CGI, une infraction distincte de ce dernier délit et qui est caractérisée en elle-même, dès lors que se trouvent réunis ses éléments constitutifs propres et sans qu'il soit nécessaire que son auteur ait poursuivi la réalisation d'une fraude fiscale (Cass. crim., 3 décembre 1979, n° 79-90288).

70

Enfin, malgré sa spécificité, le délit réprimé par le 1° de l'article 1743 du CGI entre dans les prévisions de l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales (LPF) à l'article L. 233 du LPF et doit dès lors faire l'objet d'une saisine préalable de la commission des infractions fiscales (Cass. crim., 15 décembre 1987, n° 87-83475 et Cass. crim., 16 octobre 1989, n° 87-83178).

(80 à 120)

3. Peines

130

Les peines prévues par le 1° de l'article 1743 du CGI pour le délit d'omission d'écritures ou de passation d'écritures inexactes ou fictives sont celles de l'article 1741 du CGI à savoir, en ce qui concerne les peines principales une amende de 500 000 € et un emprisonnement de cinq ans.

(140)

B. Entremise pour le dépôt de valeurs ou l'encaissement de coupons à l'étranger

150

Comme pour le délit d'omission d'écritures, le 2° de l'article 1743 du CGI punit des peines prévues par l'article 1741 du CGI, c'est-à-dire celles relatives au délit général de fraude fiscale, les personnes qui, en vue de faire échapper à l'impôt tout ou partie de la fortune d'autrui, s'entremettent :

- soit en favorisant les dépôts de titres à l'étranger ;

- soit en transférant ou faisant transférer des coupons à l'étranger pour y être encaissés ou négociés ;

- soit en émettant ou en encaissant des chèques ou tous autres instruments créés pour le paiement des dividendes, intérêts, arrérages ou produits quelconques de valeurs mobilières.

160

La tentative est expressément assimilée au délit lui-même par le texte légal.

(170)

C. Fournitures de renseignements inexacts

180

Le 3° de l'article 1743 du CGI rend également passible des peines prévues à l’article 1741 du CGI, quiconque a fourni sciemment des renseignements inexacts en vue de l’obtention :

- des agréments prévus à l'article 199 undecies A du CGI, à l'article 199 undecies B du CGI, à l'article 217 undecies du CGI et à l'article 217 duodecies du CGI ;

- ou de l’autorisation préalable prévue à l’article 199 undecies A du CGI.

II. Délits spéciaux de fraude fiscale

190

Les délits spéciaux ainsi que les textes qui les répriment, et les sanctions applicables sont des infractions liées aux catégories d'impôts :

- en matière d'impôts directs ;

- en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ;

- en matière de droits d'enregistrement ;

- en matière de droits de timbre.

A. Délits spéciaux en matière d'impôts directs

200

Les délits spéciaux en matière d'impôts directs concernent :

- l'établissement ou le paiement de l'impôt (CGI, art. 1771 à CGI, art. 1778) ;

- le versement de la retenue à la source de 25 % sur les produits d'actions, parts sociales et revenus assimilés (CGI, art. 1783 A) ;

- la déclaration des contrats de prêts (CGI, art. 1783 B).

1. Infractions commises dans l'établissement ou le paiement de l'impôt

210

L'article 1771 du CGI, l'article 1772 du CGI et l'article 1773 du CGI prévoient trois groupes d'infractions suivant leur gravité et l'importance des peines correctionnelles auxquelles elles peuvent donner lieu.

a. Premier groupe

220

Aux termes de l'article 1771 du CGI, toute personne, association ou organisme qui n'a pas effectué dans les délais prescrits le versement des retenues opérées au titre de l'impôt sur le revenu en vertu de l'article 1671 A du CGI c'est-à-dire au titre des revenus visés à l'article 182 A du CGI et à l'article 182 B du CGI, ou qui n'a effectué que des versements insuffisants est passible, si le retard excède un mois, d'une amende pénale de 9 000 € et d'un emprisonnement de cinq ans.

(230 - 240)

b. Deuxième groupe

250

Conformément aux dispositions de l'article 1772 du CGI, sont passibles, indépendamment des sanctions fiscales qu'elles peuvent avoir à supporter au titre des majorations de droits ou des amendes fiscales, d'une amende de 4 500 € et d'un emprisonnement de cinq ans, les personnes indiquées ci-après :

- tout agent d'affaires, expert et toute autre personne qui fait profession, soit pour son compte, soit comme dirigeant ou agent salarié de société, association, groupement ou entreprise quelconque, de tenir les écritures comptables de plusieurs clients et qui est convaincu d'avoir établi ou aidé à établir de faux bilans, inventaires, comptes et documents, de quelque nature qu'ils soient, produits pour la détermination des bases des impôts dus par lesdits clients ;

- quiconque, encaissant directement ou indirectement des revenus à l'étranger, ne les a pas mentionnés séparément dans sa déclaration conformément aux prescriptions du 2 de l'article 170 du CGI et du 2 de l'article 173 du CGI lorsque la dissimulation est établie ;

- quiconque est convaincu d'avoir encaissé sous son nom des coupons appartenant à des tiers en vue de faire échapper ces derniers à l'application de l'impôt ;

- quiconque, en vue de s'assurer, en matière d'impôts directs, ou de taxes assimilées, le bénéfice de dégrèvements de quelque nature que ce soit, produit des pièces fausses ou reconnues inexactes ;

- quiconque est convaincu d'avoir opéré sciemment une inscription sous une rubrique inexacte des dépenses supportées par une entreprise, en vue de dissimuler des bénéfices ou revenus imposables au nom de l'entreprise elle-même ou d'un tiers.

(260 à 420)

c. Troisième groupe

430

En vertu des dispositions de l'article 1773 du CGI, le contribuable qui a commis sciemment dans la déclaration des revenus de valeurs et capitaux mobiliers pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, une omission ou insuffisance excédant le dixième de son revenu imposable ou la somme de 153 €, est puni de l'amende prévue au 1 de l'article 1772 du CGI.

Le montant de cette amende est de 4 500 €.

d. Application des peines prévues aux trois groupes d'infractions

440

L'application des peines prévues pour sanctionner les infractions présentées ci-dessus donne lieu aux mesures suivantes :

- privation des droits civiques (CGI, art. 1774) ;

- publication et affichage du jugement (CGI, art. 1776) ;

- responsabilité personnelle des dirigeants de sociétés (CGI, art. 1777) ;

- peines applicables aux complices (CGI, art. 1778).

(450 à 500)

2. Infractions commises par les établissements payeurs chargés d'effectuer la retenue à la source de l'impôt sur le revenu sur les produits d'actions, parts sociales et revenus assimilés

510

Les produits des actions, parts sociales et revenus assimilés, visés à l'article 108 du CGI à l'article 117 bis du CGI, donnent lieu à une retenue à la source lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile réel ou leur siège en France ou lorsqu'ils sont payés hors de France dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A du CGI (CGI, art. 119 bis, 2 et  BOI-RPPM-RCM-30-30-10).

Le taux de cette retenue est fixé par l'article 187 du CGI.

L'article 1783 A du CGI prévoit qu'indépendamment des sanctions fiscales applicables, les infractions aux dispositions qui précédent donnent lieu à des poursuites correctionnelles engagées sur la plainte de l'administration.

Elles sont punies d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 €.

Les mêmes peines sont applicables aux complices ainsi qu'à ceux qui ont tiré ou tenté de tirer profit de l'infraction commise.

3. Infractions relatives à la déclaration des contrats de prêts

520

En vertu des dispositions du 3 de l'article 242 ter du CGI, les personnes qui interviennent à un titre quelconque dans la conclusion des contrats de prêts ou dans la rédaction des actes qui les constatent sont tenues de déclarer à l'administration la date, le montant et les conditions du prêt ainsi que les noms et adresses du prêteur et de l'emprunteur (BOI-BIC-DECLA-30-10-10-30 au I-B-1 § 50).

L'article 1783 B du CGI prévoit que les infractions à ces obligations donnent lieu aux peines prévues à l'article 1741 du CGI, soit 500 000 € d'amende et cinq ans d'emprisonnement.

B. Récidive spéciale aux taxes sur le chiffre d'affaires

530

L'article 1789 du CGI prévoit une procédure particulière aux taxes sur le chiffre d'affaires lorsqu'un contrevenant a fait l'objet depuis moins de trois ans d'une des amendes fiscales ou des majorations prévues à l'article 1729 du CGI, à l'article 1729 B du CGI et l'article 1734 du CGI commet intentionnellement une nouvelle infraction.

(540 à 560)

C. Délits spéciaux en matière de droits d'enregistrement

570

Les délits spéciaux en matière de droits d'enregistrement concernent :

- les fausses affirmations de sincérité (CGI, art. 1837) ;

- la récidive d'une infraction commise par un officier public ou ministériel (CGI, art. 1838) ;

- la fausse mention d'enregistrement (CGI, art. 1839).

(580 à 650)

D. Délits spéciaux en matière de droit de timbre

660

Les délits spéciaux en matière de droit de timbre concernent :

- l'usage abusif des timbres pour timbrer (CGI, art. 1840 O) ;

- la vente et l'emploi de timbres mobiles ayant déjà servi (CGI, art. 1840 P) ;

- l'imitation, la contrefaçon ou la falsification des empreintes (CGI, art. 1840 Q).

(670 à 690)

E. Autres délits spéciaux

695

Les autres délits spéciaux concernent :

- les ventes sans factures (LPF, art. L. 246) ;

- la publicité illicite de l'impôt (CGI, art. 1772, 1-5°).

(700 à 720)