BIC - Frais et charges - Conditions générales de déduction - Exclusion des frais et charges non engagés dans l'intérêt de l'entreprise ou dans le cadre d'une gestion normale
I. Exclusion des dépenses personnelles de l'exploitant individuel
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Les dépenses personnelles de l'exploitant individuel doivent être considérées comme étrangères à la gestion normale de l'entreprise et, par suite, ne sont pas déductibles. Il en est ainsi, par exemple :
- du loyer et frais annexes afférents à son habitation personnelle ;
- des impôts personnels et des dépenses privées couvrant ses propres besoins et ceux de sa famille ;
- des frais de déplacement non justifiés par les besoins de la profession ;
- des dépenses relatives aux voitures automobiles utilisées à des fins personnelles ;
- des frais de réception de caractère familial, même si des relations professionnelles et des salariés de l'entreprise figurent parmi les invités (CE, arrêt du 8 octobre 1975, req. n°s 80676 et 81118, RJ II, p. 109) ;
- des frais de déménagement de son mobilier personnel à l'occasion du changement du lieu de son activité ;
- des frais financiers correspondant à des crédits bancaires consentis en réalité pour financer les prélèvements de l'exploitant (CE, arrêts du 28 novembre 1973, req. n° 87191, RJ II, p. 142, et du 31 mars 1978, req. n° 02273, RJ II, p. 72).
A. Frais de réparation d'immeubles non inscrits à l'actif et non affectés à l'exploitation
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De même, lorsqu'un entrepreneur en bâtiment effectue, à l'aide de matériaux lui appartenant, des réparations sur des immeubles dont il est propriétaire et qu'il donne en location, les dépenses de matériaux et de main-d'oeuvre exposées pour leur réparation doivent, sous réserve que les immeubles en cause fassent effectivement partie du patrimoine privé de l'exploitant, être extournées des comptes de charges de l'entreprise à la clôture de chaque exercice et prises en compte, dans les conditions prévues à l'article 31 du CGI, pour la détermination du revenu net foncier à comprendre dans les bases de l'impôt sur le revenu dû par le propriétaire.
B. Dépenses résultant d'un engagement de caution
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Dans le cas d'un exploitant individuel qui, s'étant porté caution pour une société dont il était directeur administratif salarié, a été, à la suite de la faillite de cette dernière, amené à régler une dette pour le compte de celle-ci. Il a été jugé que, l'intéressé ne pouvant espérer retirer de l'activité poursuivie par la société en cause un avantage particulier pour sa propre entreprise, l'engagement de caution pris par lui ne saurait être regardé comme un acte de gestion normal. Décidé, en conséquence, que le contribuable, subrogé dans les droits du créancier de la société n'est pas fondé à déduire des résultats de son entreprise personnelle une provision justifiée par le caractère douteux de sa créance (CE, arrêt du 14 novembre 1970, req. n° 77214, RJ II, p. 215).
C. Dettes acquittées par un exploitant individuel pour une société dont il est le gérant
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Le redressement judiciaire d'une société à responsabilité limitée, dont le gérant était le seul maître de l'affaire, avait été -pour ce motif- déclaré commun avec celui antérieurement prononcé à l'encontre de l'entreprise personnelle du dirigeant. Par la suite, un concordat, également commun aux créanciers des deux entreprises, avait été homologué.
Le contribuable avait porté dans les charges de son entreprise personnelle les sommes qu'il avait réglées aux créanciers de la société dont l'exploitation avait cessé dix ans auparavant.
Il soutenait que cette manière de faire était conforme aux intérêts de son entreprise personnelle.
Le Conseil d'État a jugé que le contribuable n'était pas fondé à prendre en charge au titre de son entreprise personnelle les sommes ainsi réglées aux créanciers de la société dès lors que les deux entreprises n'avaient entre elles ni liens juridiques ni relations commerciales.
La Haute Assemblée n'a pas admis non plus que le paiement des dettes de la société soit considéré comme un résultat déficitaire dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux imputable sur le revenu global du contribuable, le fait pour le contribuable d'avoir acquitté une dette qui ne lui incombait pas s'analysant comme un prélèvement sur son patrimoine personnel qu'aucune disposition du code général des impôts ne permet de déduire des bases de l'impôt sur le revenu (CE, arrêt du 22 février 1978, req. n° 02076, RJ II, p. 39).
II. Exclusion des dépenses engagées au profit de tiers
A. Exclusion de dépenses engagées au profit de personnes physiques
1. Frais de main-d'œuvre engagés par une société pour la construction de la maison personnelle de l'épouse du président-directeur général
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Pour être déductibles, les charges doivent être réelles et ne pas dissimuler des transferts de bénéfices ou de véritables libéralités.
Il a été jugé que cette condition n'est pas remplie en ce qui concerne des frais de main-d'oeuvre engagés par une société pour la construction de la maison personnelle d'une employée, épouse du président-directeur général, dès lors que cette somme n'avait pas été comptabilisée comme avantage en nature consenti par la société à la dame en question, et qu'aucun élément tiré, soit du travail de celle-ci, soit de l'activité de la société n'était de nature à justifier un tel avantage.
L'administration a donc valablement réintégré la somme litigieuse dans les bénéfices imposables (CE, arrêt du 13 juillet 1968, req. n° 73207, 8e s.-s.).
2. Libéralité consentie à un associé
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Le versement par une société d'une indemnité pour « licenciement économique » à son ancien PDG, recruté en qualité de directeur technique, un an auparavant, constitue un acte anormal de gestion, dès lors :
- que le droit à indemnité de l'intéressé ne pouvait résulter de l'autorisation tacite de l'inspecteur du travail et n'était pas prévu par la convention collective applicable ;
- qu'il a été remplacé par un cadre dont les responsabilités et la rémunération étaient comparables aux siennes ;
- et enfin que, s'il n'exerçait plus, à l'époque, aucun mandat social, il détenait encore, avec sa famille, 93 % du capital de la société (CE, arrêt du 10 juillet 1989, req. n° 64977).
3. Charges destinées à régulariser des opérations fictives réalisées au cours d'exercices antérieurs
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Un contribuable s'était reconnu débiteur de marchandises à l'égard d'un tiers, afin d'apurer une situation née d'opérations fictives et frauduleuses réalisées au cours d'exercices antérieurs et en vue de revenir à une gestion commerciale normale. Jugé que cette dette n'est pas déductible des bénéfices imposables dès lors qu'elle est non pas la contrepartie d'un produit retenu pour la détermination des résultats de l'entreprise au titre des exercices antérieurs mais la conséquence directe d'opérations qui étaient étrangères à une gestion commerciale normale (CE, arrêt du 26 février 1975, req. n° 85563, 7e, 8e et 9e s.-s. réunies, RJ II, p. 31).
4. Redevances versées par une société anonyme en contrepartie de l'annulation d'une dette envers un de ses actionnaires
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Les redevances, proportionnelles à son chiffre d'affaires, qu'une société anonyme s'est engagée à verser, pendant une durée indéterminée, à l'un de ses actionnaires qui était son créancier, en contrepartie de l'abandon de sa créance ne peuvent être regardées :
- ni comme constituant une compensation normale de l'avantage accordé à la société par son créancier ;
- ni comme correspondant au service et à l'amortissement d'un emprunt.
Elles ont le caractère d'une répartition exceptionnelle de bénéfices faite à un actionnaire privilégié et ne peuvent, par suite, être déduites du bénéfice imposable de la société (CE, arrêt du 4 janvier 1957, req. n° 89819, RO, p. 263).
B. Exclusion de dépenses engagées au profit de sociétés juridiquement indépendantes
1. Avances et prêts sans intérêt
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Les opérations faites ou les charges assumées en vue d'assurer sans contrepartie des avantages à des tiers ne correspondent pas à une gestion commerciale normale.
Tel est le cas lorsqu'une société :
- a accordé des avances gratuites à une société étrangère de commercialisation pouvant faciliter le développement de ses exportations vers le pays considéré, dans la mesure où cette contrepartie n'était pas importante au point de justifier la renonciation à tout intérêt ;
- a consenti des prêts, moyennant un faible taux d'intérêt, à une société française qui, malgré l'existence d'associés communs, lui était juridiquement étrangère, et qui ne lui procurait que des avantages commerciaux minimes.
Dans les deux situations, l'administration est donc fondée à réintégrer dans les résultats imposables de la société prêteuse le montant des intérêts qu'aurait normalement dû réclamer cette entreprise (CE, arrêt du 15 février 1978, req. n° 04413, RJ II, p. 33 ; cf. dans le même sens, CE, 7 février 1979, req. n° 08475, RJ II, p. 12).
La circonstance que deux sociétés aient un associé commun et soient de longue date en relations d'affaires ne suffit pas à justifier que l'une accorde à l'autre des prêts sans intérêts et lui achète des produits à un prix supérieur au prix courant.
L'administration est donc fondée à réintégrer le coût de ces avantages anormaux au regard des usages commerciaux dans les résultats imposables de l'entreprise qui les a consentis (CE, arrêt du 4 décembre 1974, req. n° 92009, RJ II, p. 173).
Remarque : Sur les conditions dans lesquelles une dépense peut être regardée comme n'ayant pas été exposée dans l'intérêt de l'entreprise, voir également CE, arrêt du 8 octobre 1975, req. n° 92090, RJ II, p. 129.
2. Engagement de caution
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Une société ayant pour objet le négoce de véhicules automobiles s'était portée caution d'une société de travaux publics ayant les mêmes associés et dirigeants, afin de permettre à cette dernière de contracter un emprunt.
En exécution de son engagement, elle avait dû assurer le remboursement de l'emprunt.
Jugé que les deux sociétés étant juridiquement indépendantes l'une de l'autre et ayant des activités commerciales entièrement distinctes, et en admettant même que l'engagement de caution ait été souscrit par les dirigeants dans le souci de leur bon renom financier, la charge ainsi assumée par la première société ne correspondait pas à l'intérêt de son exploitation. Par suite, cette charge ne pouvait venir en déduction de ses résultats pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (CE, arrêt du 28 janvier 1976, req. n° 94929, RJ II, p. 5).
C. Exclusion des dépenses engagées au profit de sociétés juridiquement liées
1. Dépenses engagées par une filiale et payées par la société mère sans que cette dernière soit créditée de leur montant
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Une société à responsabilité limitée procédant à un lotissement avait laissé payer certains travaux d'aménagement par sa société mère qui réalisait elle-même un lotissement voisin sans créditer cette dernière du montant desdites dépenses et sans augmenter de ce montant le prix de revient des lots vendus ou demeurés en stock.
Jugé que pareille omission, impliquant nécessairement une concertation frauduleuse des deux sociétés, a le caractère non d'une simple erreur comptable, mais celui d'une décision irrégulière prise par le contribuable et opposable à celui-ci, alors même que la société mère n'a pu, en fin de compte déduire de ses bénéfices imposables les sommes qu'elle a payées à tort aux lieu et place de sa filiale (CE, arrêt du 2 mai 1979, req. n° 07695, RJ II, p. 53).
2. Intérêts d'emprunts et provision constituée pour faire face à un engagement de caution
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De même, une société qui se porte caution sans contrepartie pour sa société-mère, à une date où la situation de cette dernière n'est pas encore critique, accomplit un acte anormal de gestion. En conséquence, la filiale ne peut déduire ni les frais financiers de l'emprunt auquel elle a dû recourir pour exécuter son engagement de caution, ni la provision qu'elle a constituée pour faire face au risque de non-recouvrement de la créance détenue sur la société mère et dont elle est devenue titulaire par voie de subrogation (CE, arrêt du 27 avril 1988, req. n° 57048).
3. Remarque sur le transfert de bénéfices
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Le fait pour une entreprise commerciale de fournir des prestations de services à un tiers sans les lui facturer et sans autre contrepartie constitue, de la part de cette entreprise, un acte étranger à une gestion commerciale normale.
Par suite, les sommes qui auraient dû être facturées et ne l'ont pas été doivent être réintégrées dans les bénéfices imposables.
Cette règle est applicable même si le bénéficiaire des services non facturés est une filiale, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère qui a rendu ces services puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté.
La circonstance que la réduction des bénéfices réalisés en qualité de prestataires de services a eu pour contrepartie une amélioration des résultats des filiales et partant une augmentation de même montant des bénéfices réalisés en qualité de société mère est sans influence sur les règles énoncées ci-dessus dès lors que les bénéfices d'exploitation réalisés directement par une société et les bénéfices que lui procurent ses participations dans des filiales ne sont pas nécessairement imposables à la même date et selon le même régime (CE, arrêt du 24 février 1978, req. n° 02372, RJ II, p. 47).
Remarque : Arrêt rendu par la section du contentieux du Conseil d'État. Au cas particulier, l'opération litigieuse permettait un transfert de bénéfices de la société mère vers des sociétés civiles immobilières filiales qui bénéficiaient d'un régime fiscal plus favorable.