SJ - Garantie contre les changements de position de l'administration fiscale - Garantie contre les changements de doctrine - Procédures de rescrit fiscal - Garantie contre les changements d'interprétation d'un texte fiscal - Garantie apportée contre les changements d'interprétation des textes fiscaux contenus dans la doctrine publiée
I. Garantie apportée par l'article L. 80 A, al. 2 du LPF sur l'interprétation d'un texte fiscal
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La garantie du deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF ne s’applique en pratique que si la prise de position dont entend se prévaloir un contribuable entre dans le champ d’application de l’article L. 80 A du LPF , caractérise une réelle interprétation d’un texte fiscal par l’administration fiscale et satisfait la condition d’antériorité.
A. Le champ d'application de l'article L. 80 A, al. 2 du LPF
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L'article L. 80 A du LPF ne peut être invoqué que par un contribuable qui conteste son imposition. Il est, par exemple, sans portée dans le contentieux de l’excès de pouvoir. Le champ d’application du deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF est donc défini par la nature de l’impôt ou de la taxe concerné et du texte fiscal interprété .
1. Nature de l'impôt ou de la taxe
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Les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF s’appliquent à tous les impôts, droits et taxes assis et recouvrés en vertu du code général des impôts (CGI) ainsi qu’aux taxes dont tout ou partie des règles d’assiette et de recouvrement sont précisées par référence à des règles définies par le CGI.
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Elles ne s'appliquent pas aux taxes affectées qui ne figurent pas dans le code général des impôts, auparavant dénommées taxes parafiscales (CE arrêt du 25 juillet 1980 n° 93760). Il s’agit de prélèvements obligatoires qui reçoivent une affectation déterminée et qui échappent en totalité ou en partie aux règles de la législation budgétaire ou fiscale.
2. La notion de texte fiscal
a. Les principes applicables
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Les textes fiscaux sont ceux, de tout rang (législatifs, réglementaires, conventions internationales), qui se rapportent à l’assiette, au taux, à la liquidation, au recouvrement de l’impôt, aux règles de prescription ou aux pénalités fiscales.
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Ne constituent pas des textes fiscaux pour l’application du deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF, les textes relatifs :
- à la procédure d’imposition : sans qu’il soit possible d’établir une liste exhaustive, la procédure d’imposition s’entend, par exemple, de la saisine de la commission départementale ou encore de la mise en demeure préalable. Le Conseil d’État a rappelé dans un arrêt du 31 mars 2006 n°265953 que l’article L. 80 A du LPF n’était pas applicable en matière de procédure d’imposition et notamment lors d’une mise en demeure préalable à la procédure de taxation d’office pour défaut de déclaration ;
- à la procédure contentieuse ;
- aux obligations comptables des contribuables.
b. Cas particuliers
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L’article 47 de la loi de finances rectificative pour 2008 a étendu la garantie prévue par le deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF aux textes publiés par l’administration en matière de recouvrement de l’impôt et de pénalités fiscales. Ces dispositions sont applicables aux instances en cours : des doctrines antérieures à la date de publication de la loi de finances rectificative pour 2008 sont donc opposables.
B. Les conditions d'application de la garantie de l'article L. 80 A, al. 2 du LPF
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La garantie prévue par le deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF s’applique aussi bien aux impositions initiales que supplémentaires. Cela étant, les commentaires de portée générale et les prises de position doctrinales de l’administration fiscale ne sont opposables que s’ils caractérisent une réelle interprétation des textes fiscaux et sont publiés.
1. Les impositions concernées par la garantie de l'article L. 80 A, al. 2 du LPF
80
La garantie de l’article L. 80 A du LPF tient compte de la nature de l’imposition concernée. Elle s’applique différemment selon qu’elle trouve son fondement dans le premier ou le deuxième alinéa de cet article.
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À la différence du premier alinéa de l'article L. 80 A du LPF, le deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF ne fait pas référence à la nécessité d'un « rehaussement d’impositions antérieures » et d’une « première décision ». Cet alinéa a donc une portée plus large. En particulier, il peut être invoqué à l'occasion d'un rehaussement opéré dans le cadre d’une imposition primitive. Il suffit, en effet, que le contribuable ait lui-même fait (ou ait pu faire) application d'un texte fiscal selon l'interprétation donnée par l'administration dans ses instructions et circulaires publiées pour que le service ne puisse plus poursuivre aucun rehaussement fondé sur une interprétation différente.
100
La jurisprudence a commenté ces dispositions. Elle a contribué à préciser la portée de chacune de ces garanties de manière constante dans les termes suivants :
- lorsque l'interprétation d'un texte fiscal provient d'instructions ou circulaires publiées par l'administration (LPF, art. L. 80 A, al. 2), la garantie résultant de l'article L. 80 A du LPF est accordée au contribuable, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires (CE arrêt du 7 janvier 1977 n° 96362).
- lorsque l'interprétation provient d'autres sources, c'est-à-dire de réponses individuelles et, en particulier, de réponses à des demandes de renseignements des contribuables (LPF, art. L. 80 A, al. 1), la garantie ne s'applique que dans le cas de rehaussement d'imposition (CE arrêts des 4 juin 1976 n° 98484 et 26 octobre 1979 n° 7962).
Le Conseil d'État a rappelé, dans un arrêt n°284826 du 6 juin 2007, que la garantie prévue par le premier alinéa de l’article L. 80 A du LPF, auquel renvoie l’article L. 80 B du LPF ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d’impositions réalisés par l’administration.
Plus récemment, dans deux arrêts du 26 mars 2008 n° 278858 et 14 avril 2008 n° 289978 , il a été rappelé qu’un contribuable n’est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l’article L. 80 B du LPF à l’appui de conclusions dirigées contre les impositions primitives. Ces conclusions s’appliquent, de la même façon, aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 80 A du LPF.
La notion d’imposition primitive s’entend de manière stricte c’est-à-dire, notamment, par catégorie d’impôt ou taxe. En effet, par un arrêt du 11 juillet 2006 n° 04-12286, la Cour de Cassation a précisé qu’un rehaussement qui vise à remettre en cause l'exonération de droits de mutation dont bénéficiait l'opération litigieuse initialement soumise à la TVA ne constitue pas un rehaussement d'impositions antérieures au sens du premier alinéa de l'article L. 80 A du LPF (et de l'article L. 80 B du LPF), mais une imposition primitive (au sens du deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF) qui vient en quelque sorte, se substituer à une autre.
2. L'interprétation « publiée » d'un texte fiscal
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Seuls sont opposables à l'administration sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF les documents de portée générale publiés, qui comportent une réelle interprétation d’un texte fiscal et sont produits par les ministres en charge de l’économie, des finances ou du budget ou par les services centraux de l’administration fiscale en charge d’élaborer et de commenter les textes fiscaux (en particulier, la direction de la législation fiscale, le service juridique de la fiscalité, le service du contrôle fiscal, le service de la gestion fiscale, etc…).
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Le contribuable peut se prévaloir du deuxième alinéa de l’article L 80 A du LPF lorsque le rehaussement ou l’imposition est fondé sur une interprétation de texte fiscal différente de celle que l’administration avait précédemment fait connaître dans ses instructions, circulaires ou réponses ministérielles aux questions écrites des parlementaires.
a. La publication de l'interprétation par l'administration
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Le deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF ne permet au contribuable de se prévaloir que des seules interprétations formelles publiées.
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La publication est celle faite :
- au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts ;
- ou au Journal Officiel ;
Antérieurement à la création du Bulletin officiel des finances publiques - Impôts (septembre 2012), la publication pouvait également être faite au Bulletin officiel des impôts, sur le site Internet relevant du Premier ministre « www.circulaires.gouv.fr » ou sur le site Internet de la DGFiP (« www.impots.gouv.fr »), à la rubrique « documentation », sous-rubrique « la documentation fiscale en ligne », onglet « les rescrits », « Table Analytique des Rescrits ».
b. Les documents portant interprétation d'un texte fiscal
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Sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du LPF et de la jurisprudence, les documents portant interprétation d’un texte fiscal peuvent être regroupés en deux catégories : les documents qui font état de dispositions générales (instructions, réponses ministérielles,….) et les réponses de l’administration à l’égard des contribuables.
Remarque : Antérieurement à la création du Bulletin officiel des finances publiques - Impôts (septembre 2012), des interprétations opposables étaient également publiées dans la documentation administrative de base et dans les précisions de doctrine administrative mises en ligne sur le site Internet de la DGFiP (« www.impots.gouv.fr »), à la rubrique « documentation », sous-rubrique « la documentation fiscale en ligne », onglet « les rescrits », « Table Analytique des Rescrits ».
1° Les instructions et circulaires administratives
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Les instructions et les circulaires administratives publiées au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts constituent une source d’interprétation de la loi fiscale au sens de l’article L. 80 A du LPF sous réserve qu’elles se rapportent à la détermination de la base imposable, à l’assiette ou au recouvrement de l’impôt ou aux pénalités fiscales et qu’elles émanent de l’autorité compétente.
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Seules les instructions ou circulaires administratives qui apportent des précisions sur le sens d’un texte fiscal de nature à caractériser une réelle interprétation dudit texte et qui règlent, d'une manière générale, une situation donnée, peuvent être considérées comme interprétant un texte fiscal.
Il en est ainsi, par exemple, d'une instruction précisant qu'une catégorie déterminée de dépenses est déductible du revenu global selon des modalités qu'elle indique (CE arrêt du 30 juin 1972 n° 80462) ou encore d'une instruction qui précise les conditions d'option des agents généraux d'assurance pour le régime fiscal des salariés (CE arrêt du 25 mai 1983 n° 31847).
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Lorsque cette condition est satisfaite, le fait qu'une instruction administrative ou une réponse à la question écrite de parlementaires qualifie la mesure qu'elle prévoit de « mesure de bienveillance », de « solution de tempérament » ou de toute autre formule destinée à marquer qu'elle s'écarte des règles légalement applicables, ne fait pas obstacle à ce que les contribuables puissent s'en prévaloir.
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La jurisprudence a apporté des compléments en commentant les situations où une instruction ou circulaire administrative peut être ou non assimilée à un document interprétant un texte fiscal. Sans qu’il soit possible d’être exhaustif, certaines règles applicables en la matière peuvent toutefois être rappelées. Lorsqu'elles se limitent à donner de simples recommandations en laissant une certaine liberté d'appréciation au service, les instructions et circulaires administratives n'interprètent pas la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du LPF et, de ce fait, ne sont pas opposables à l'administration (CE arrêt du 28 février 1973 n° 85800).
Il en va de même des documents visant à aider les contribuables dans l’accomplissement de leurs obligations déclaratives (tels que par exemple les notices, imprimés et formulaires de déclaration), des documents d’information ou de formation, des documents internes à la DGFiP (cette liste n’est pas exhaustive).
Une instruction administrative antérieure à la loi ne peut comporter une interprétation de celle-ci (CE arrêt du 5 avril 1978 n° 1211).
2° Les réponses ministérielles
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Les réponses écrites des ministres aux questions posées par les parlementaires, publiées au Journal officiel de la République française constituent une source d’interprétation de la loi fiscale au sens de l’article L. 80 A du LPF sous réserve qu’elles se rapportent à la détermination de la base imposable ou à l’assiette de l’impôt et qu’elles émanent de l’autorité compétente.
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Tout comme les instructions ou circulaires administratives, elles doivent apporter des précisions de portée générale sur le sens du texte fiscal de nature à caractériser une réelle interprétation d’un texte fiscal.
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La jurisprudence a précisé les conditions qui permettent de considérer qu’une réponse ministérielle est susceptible ou non d’interpréter la loi fiscale.
A cet égard, quelques règles non exhaustives peuvent être rappelées :
- ne constitue pas une interprétation formelle de la loi fiscale, au sens de l'article L. 80 A du LPF, une réponse ministérielle rappelant simplement les dispositions de la loi, sans les interpréter (arrêts CE arrêts des 22 octobre 1976 n° 98874 et 21 mars 1983 n° 35966) ;
- des réponses ministérielles annonçant les intentions du Gouvernement en ce qui concerne un décret à prendre pour l'application d'une disposition législative ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du LPF (CE arrêt du 22 octobre 1976 n° 96359) ;
- une réponse ministérielle qui laisse un pouvoir d'appréciation au service des impôts ne peut constituer une interprétation formelle du texte fiscal (CAA Paris arrêt du 29 mai 1990 n° 89PA01616, Duffau).
3° Les précisions de doctrine administrative
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Sont opposables à compter de leur date de publication toutes les précisions doctrinales apportées par l'administration fiscale et intégrées dans la base Bulletin officiel des finances publiques - Impôts.
4° Les réponses aux demandes individuelles des contribuables
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Les réponses aux demandes individuelles des contribuables peuvent constituer des documents interprétant un texte fiscal mais ne peuvent pas être invoquées au titre du deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF. Des précisions et compléments sur ces documents ainsi que sur leur portée son apportés au BOI-SJ-RES-10-10-20-I-E-2.
c. Les documents ne portant pas interprétation d'un texte fiscal
250
Certains documents ne sont, en revanche, pas considérés comme interprétant un texte fiscal. Ils ne peuvent donc ouvrir droit à la garantie prévue par le deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF.
Il n’est pas possible d’établir une liste exhaustive des documents concernés. Certains d’entre eux peuvent toutefois être évoqués.
1° Le précis administratif de fiscalité
260
Le précis administratif de fiscalité édité par la DGFiP ne peut être regardé comme étant au nombre des instructions ou circulaires publiées par lesquelles l’administration a fait connaître son interprétation des textes fiscaux et dont les contribuables peuvent se prévaloir.
2° La Charte du Contribuable
270
Les précisions apportées dans la Charte du Contribuable ne sont pas opposables au titre du deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF.
3° Les déclarations ministérielles
280
Les déclarations du ministre au cours des débats parlementaires ayant précédé le vote d’un texte fiscal, au sujet de ses intentions quant à l’application du texte à intervenir, ne peuvent constituer une interprétation formelle d’un texte fiscal au sens du deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF.
4° Les cours professés à l'École Nationale des finances publiques
290
Une interprétation des textes fiscaux enseignée à l’École nationale des finances publiques (ENFiP) ne peut pas constituer une interprétation admise par l’administration fiscale au sens du deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF.
5° Les revues spécialisées
300
Le contribuable ne peut utilement, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF, se prévaloir d’énonciations contenues dans une revue spécialisée, même si elles sont présentées comme l’interprétation admise par l’administration.
d. L'opposabilité de l'interprétation du texte fiscal invoqué par le contribuable
310
La garantie prévue par le deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF est opposable par un contribuable dans les conditions suivantes.
1° L’interprétation dont il entend se prévaloir ne peut pas être étendue à d’autres situations que celles qu’elle vise
320
Ainsi, par exemple, l’interprétation invoquée par le contribuable n’est opposable à l’administration que pour autant qu’elle concerne l’impôt contesté et, au sein de cet impôt, le même texte fiscal.
2° Sa situation doit être conforme aux prévisions de l’interprétation qu’il invoque
330
La garantie prévue au deuxième alinéa de l’article L. 80 A du LPF ne peut être utilement invoquée que si le contribuable satisfait l’ensemble des conditions d’application de l’interprétation admise par l’administration appliquée dans sa rédaction littérale et dans tous ses termes portant sur un même objet.
e. Interprétation contraire à la loi fiscale
340
Dans l’hypothèse où un contribuable fait une application littérale d’une instruction administrative publiée ou d’une prise de position de portée générale (telles une réponse ministérielle à une question écrite des parlementaires, une réponse à des représentants d’organisations professionnelles ou une précision doctrinale - habituellement appelée « rescrit général » - publiée sur le site Internet www.impots.gouv.fr) comportant une interprétation qui ajoute à la norme, la procédure de l’abus de droit fiscal est susceptible de s’appliquer si cette application va à l’encontre des objectifs poursuivis par son auteur (en ce sens, BOI-CF-IOR).
C. L'application de la garantie de l'article L. 80 A, al. 2 du LPF dans le temps
350
L’application de la garantie dans le temps suppose que le principe d’antériorité soit respecté et que l’interprétation invoquée produise encore ses effets.
1. Le principe de l'antériorité de la doctrine
360
La garantie instituée par le deuxième alinéa de l'article L. 80 A du LPF demeure subordonnée à la condition que la publication de l'interprétation administrative soit intervenue antérieurement à la date à laquelle le contribuable a fait application de cette doctrine ou aurait pu en faire application.
370
La condition d'antériorité doit être appréciée à la date limite impartie au contribuable pour souscrire sa déclaration ou, en l’absence d’obligation déclarative, à la date de mise en recouvrement de l’imposition primitive à laquelle est assimilée la liquidation spontanée de l’impôt.
Il est fait exception à cette règle pour l'ensemble des impôts locaux, y compris la cotisation foncière des entreprises, mais à l’exception de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, pour lesquels la condition d'antériorité doit être appréciée à la date du fait générateur de l'impôt.
Remarque : Même règle que pour la cotisation minimale des entreprises qui était affectée au budget de l'État.
2. Date de cessation d'effet de l'interprétation doctrinale
a. À raison d'une nouvelle doctrine rapportant la précédente, plus favorable
380
Lorsque l'administration a modifié son interprétation, il convient de se placer à la date du fait générateur de l'impôt pour apprécier quelle est la doctrine en vigueur « ratione temporis » (CE arrêts des 18 mars 1988 n° 73693 et 26 octobre 1994 n° 116175 ; Cour de cassation arrêt du 7 janvier 1997 n° 95-11687), c'est à-dire notamment :
- le 31 décembre de l'année d'imposition en matière d'impôt sur le revenu ;
- la clôture de l'exercice en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et les bénéfices industriels et commerciaux ;
- le 1er janvier pour les impôts locaux, l’impôt de solidarité sur la fortune et la taxe de 3% ;
- les dates des livraisons ou des prestations de services s'agissant de la TVA ;
- la date de la transmission en matière de mutation.
b. À raison d'un changement de législation
390
La protection qu'apportent aux contribuables les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du LPF ne peut être invoquée que si la législation interprétée par la doctrine en cause est toujours en vigueur.
400
Un changement de législation a donc pour effet de rendre caduque l'interprétation donnée par l'administration de la loi antérieure dès l'entrée en vigueur de la loi nouvelle (CE arrêt du 15 mai 1992 n° 71854).
De même, en rendant inapplicable pour le passé la loi précédemment en vigueur, la loi rétroactive rend périmée la doctrine se rapportant à la loi antérieure (CE arrêt du 30 juin 1982 n° 33818).
II. Étendue de la garantie de l'article L. 80 A, al. 2 du LPF et modalités de mise en œuvre
A. Étendue de la garantie
410
La garantie instituée commence à courir au profit du contribuable à partir du moment où il a fait application dans sa déclaration ou lors de la détermination des bases servant au calcul d'impôts ou de taxes acquittés spontanément, de l'interprétation des textes fiscaux fixée et publiée par l'administration dans ses instructions, circulaires ou réponses ministérielles aux questions écrites des parlementaires ou dans ses précisions doctrinales publiées.
420
Pour les contribuables placés par décision administrative hors du champ d'application de l'impôt et qui, de ce fait, ne souscrivent pas de déclaration, la garantie court à partir de l'expiration du délai de déclaration. Aucun rehaussement fondé sur une interprétation différente ne peut donc être poursuivi aussi longtemps que l'administration n'a pas, par une nouvelle disposition de portée générale publiée, modifié sa doctrine.
430
Les dispositions de portée générale prises par l'administration lui sont opposables, en cas de rehaussement, sous la seule réserve que ces dispositions interprètent les textes fiscaux au sens précédemment défini (cf. n° 110) et soient publiées.
B. Modalités de mise en œuvre de la garantie
440
Outre le respect du principe de l’antériorité de l’interprétation du texte fiscal par l’administration, la garantie prévue au 2nd alinéa de l'article L 80 A du LPF n'est subordonnée à aucune forme particulière.
Il suffit que le contribuable ait fait application, sous les conditions évoquées supra, de l’interprétation du texte fiscal donnée et publiée par l’administration.
450
Enfin, et afin d'étendre la solution dégagée à l'égard des impôts non déclaratifs tels que les impôts locaux (CE 7 janvier 1977 n° 96362) ou ceux dont les bases sont arrêtées d'office (CE 3 avril 1981 n° 14276 ter), il n'est pas exigé des contribuables, pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du LPF, qu'ils aient effectivement fait application de la doctrine dont ils revendiquent, a posteriori, le bénéfice.
460
Ainsi, tout contribuable qui a souscrit sa déclaration ou présenté un acte à la formalité en fonction des seules dispositions légales et réglementaires demeure fondé, dans le délai de réclamation, à se prévaloir d'une doctrine plus favorable pour faire échec à toute imposition primitive ou supplémentaire pour autant, toutefois, que la règle d'antériorité exposée au n° 360 soit satisfaite.