Date de début de publication du BOI : 04/03/2020
Identifiant juridique : BOI-SJ-RES-10-10-10

SJ - Garantie contre les changements de position de l'administration fiscale - Garantie contre les changements de doctrine - Procédures de rescrit fiscal - Garantie contre les changements d'interprétation d'un texte fiscal - Garantie apportée contre les changements d'interprétation des textes fiscaux contenus dans la doctrine publiée

I. Garantie apportée sur l'interprétation d'un texte fiscal

1

Les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales (LPF) n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer à l'administration fiscale un pouvoir réglementaire ou de lui permettre de déroger à la loi. Elles instituent, en revanche, un mécanisme de garantie au profit du redevable qui, s'il l'invoque, est fondé à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation de la loi formellement admise par l'administration, même lorsque cette interprétation ajoute à la loi ou la contredit (avis du Conseil d'État, 8 mars 2013, n° 353782, ECLI:FR:CESEC:2013:353782.20130308).

La garantie du troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF ne s’applique en pratique que si la prise de position dont entend se prévaloir un contribuable entre dans le champ d’application de l’article L. 80 A du LPF, caractérise une réelle interprétation d’un texte fiscal par l’administration fiscale et satisfait la condition d’antériorité.

A. Champ d'application

10

L'article L. 80 A du LPF ne peut être invoqué que par un contribuable qui conteste son imposition. Il est, par exemple, sans portée dans le contentieux de l’excès de pouvoir. Le champ d’application du troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF est donc défini par la nature de l’impôt ou de la taxe concerné et du texte fiscal interprété.

1. Nature de l'impôt ou de la taxe

20

Les dispositions du troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF s’appliquent à tous les impôts, droits et taxes assis et recouvrés en vertu du code général des impôts (CGI) ainsi qu’aux taxes dont tout ou partie des règles d’assiette et de recouvrement sont précisées par référence à des règles définies par le CGI.

30

Elles ne s'appliquent pas aux taxes affectées qui ne figurent pas dans le CGI, auparavant dénommées taxes parafiscales (CE, décision du 25 juillet 1980, n° 93760). Il s’agit de prélèvements obligatoires qui reçoivent une affectation déterminée et qui échappent en totalité ou en partie aux règles de la législation budgétaire ou fiscale.

2. La notion de texte fiscal

a. Les principes applicables

40

Les textes fiscaux sont ceux, de tout rang (législatifs, réglementaires, conventions internationales), qui se rapportent à l’assiette, au taux, à la liquidation, au recouvrement de l’impôt, aux règles de prescription ou aux pénalités fiscales.

50

Ne constituent pas des textes fiscaux pour l’application du troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF, les textes relatifs :

- à la procédure d’imposition : sans qu’il soit possible d’établir une liste exhaustive, la procédure d’imposition s’entend, par exemple, de la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou encore de la mise en demeure préalable.

Le Conseil d’État a rappelé que l’article L. 80 A du LPF n'était pas applicable en matière de procédure d’imposition et notamment lors d’une mise en demeure préalable à la procédure de taxation d’office pour défaut de déclaration (CE, décision du 31 mars 2006, n° 265953) ;

- à la procédure contentieuse ;

- aux obligations comptables des contribuables.

b. Cas particuliers

60

L’article 47 de la loi n° 2008-1443 de finances rectificative pour 2008 du 30 décembre 2008 a étendu la garantie prévue par le troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF aux textes publiés par l’administration en matière de recouvrement de l’impôt et de pénalités fiscales. Ces dispositions sont applicables aux instances en cours : des doctrines antérieures à la date de publication de la loi de finances rectificative pour 2008 sont donc opposables.

B. Les conditions d'application de la garantie

70

La garantie prévue par le troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF s’applique aussi bien aux impositions initiales que supplémentaires. Cela étant, les commentaires de portée générale et les prises de position doctrinales de l’administration fiscale ne sont opposables que s’ils caractérisent une réelle interprétation des textes fiscaux et sont publiés.

1. Les impositions concernées par la garantie

80

La garantie de l’article L. 80 A du LPF tient compte de la nature de l’imposition concernée. Elle s’applique différemment selon qu’elle trouve son fondement dans le premier  ou le troisième alinéa de cet article.

90

À  la différence du premier alinéa de l'article L. 80 A du LPF, le troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF ne fait pas référence à la nécessité d'un « rehaussement d’impositions antérieures » et d’une « première décision ». Cet alinéa a donc une portée plus large. En particulier, il peut être invoqué à l'occasion d'un rehaussement opéré dans le cadre d’une imposition primitive. Il suffit, en effet, que le contribuable ait lui-même fait (ou ait pu faire) application d'un texte fiscal selon l'interprétation donnée par l'administration dans ses instructions et circulaires publiées pour que le service ne puisse plus poursuivre aucun rehaussement fondé sur une interprétation différente.

100

La jurisprudence a commenté ces dispositions. Elle a contribué à préciser la portée de chacune de ces garanties de manière constante dans les termes suivants :

- lorsque l'interprétation d'un texte fiscal provient d'instructions ou circulaires publiées par l'administration (LPF, art. L. 80 A, al. 3), la garantie résultant de l'article L. 80 A du LPF est accordée au contribuable, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires (CE, décision du 7 janvier 1977, n° 96362) ;

- lorsque l'interprétation provient d'autres sources, c'est-à-dire de réponses individuelles et, en particulier, de réponses à des demandes de renseignements des contribuables (LPF, art. L. 80 A, al. 1), la garantie ne s'applique que dans le cas de rehaussement d'imposition (CE, décision 4 juin 1976, n° 98484 et CE, décision du 26 octobre 1979, n° 07962) ;

- le Conseil d'État a rappelé que la garantie prévue par le premier alinéa de l’article L. 80 A du LPF, auquel renvoie l’article L. 80 B du LPF ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d’impositions réalisés par l’administration (CE, décision  du 6 juin 2007, n° 284826) ;

- le Conseil d'État a rappelé qu’un contribuable n’est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l’article L. 80 B du LPF à l’appui de conclusions dirigées contre les impositions primitives (CE, décision du 26 mars 2008, n° 278858 et CE, décision du 14 avril 2008, n° 289979). Ces conclusions s’appliquent, de la même façon, aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 80 A du LPF. La notion d’imposition primitive s’entend de manière stricte c’est-à-dire, notamment, par catégorie d’impôt ou taxe. En effet, la Cour de cassation a précisé qu’un rehaussement qui vise à remettre en cause l'exonération de droits de mutation dont bénéficiait l'opération litigieuse initialement soumise à la TVA ne constitue pas un rehaussement d'impositions antérieures au sens du premier alinéa de l'article L. 80 A du LPF et de l'article L. 80 B du LPF, mais une imposition primitive au sens du troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF qui vient, en quelque sorte, se substituer à une autre (CE, décision du 11 juillet 2006, n° 04-12286).

2. L'interprétation « publiée » d'un texte fiscal

110

Seuls sont opposables à l'administration sur le fondement des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF les documents de portée générale publiés, qui comportent une réelle interprétation d’un texte fiscal et sont produits par les ministres en charge de l’économie, des finances ou du budget ou par les services centraux de l’administration fiscale en charge d’élaborer et de commenter les textes fiscaux (en particulier, la direction de la législation fiscale, le service juridique de la fiscalité, le service du contrôle fiscal, le service de la gestion fiscale, etc).

120

Le contribuable peut se prévaloir du troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF lorsque le rehaussement ou l’imposition est fondé sur une interprétation de texte fiscal différente de celle que l’administration avait précédemment fait connaître dans ses instructions, circulaires ou réponses ministérielles aux questions écrites des parlementaires.

a. La publication de l'interprétation par l'administration

130

Le troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF ne permet au contribuable de se prévaloir que des seules interprétations formelles publiées.

140

La publication est celle faite :

- au bulletin officiel des finances publiques - Impôts (BOFIP-Impôts);

- ou au Journal officiel ;

Antérieurement à la création du BOFIP-Impôts (septembre 2012), la publication pouvait également être faite au bulletin officiel des impôts, sur le site internet relevant du Premier ministre (www.circulaires.gouv.fr) ou sur le site internet de la direction générale des Finances publiques [DGFiP] (www.impots.gouv.fr). Ces publications sont désormais regroupées dans un site dédié : BOFiP-Impôts-Archives.

b. Les documents portant interprétation d'un texte fiscal

150

Sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du LPF et de la jurisprudence, les documents portant interprétation d’un texte fiscal peuvent être regroupés en deux catégories : les documents qui font état de dispositions générales (instructions, réponses ministérielles, etc) et les réponses de l’administration à l’égard des contribuables.

Remarque : Antérieurement à la création du BOFiP-Impôts le 12 septembre 2012, des interprétations opposables étaient également publiées dans la documentation administrative sous la rubrique « rescrits ». Ces derniers restent recensés sur le site BOFiP-Impôts-Archives.

1° Les instructions et circulaires administratives

160

Les instructions et les circulaires administratives publiées au BOFiP-Impôts constituent une source d’interprétation de la loi fiscale au sens de l’article L. 80 A du LPF sous réserve qu’elles se rapportent à la détermination de la base imposable, à l’assiette ou au recouvrement de l’impôt ou aux pénalités fiscales et qu’elles émanent de l’autorité compétente.

170

Seules les instructions ou circulaires administratives qui apportent des précisions sur le sens d’un texte fiscal de nature à caractériser une réelle interprétation dudit texte et qui règlent, d'une manière générale, une situation donnée, peuvent être considérées comme interprétant un texte fiscal.

Il en est ainsi, par exemple, d'une instruction précisant qu'une catégorie déterminée de dépenses est déductible du revenu global selon des modalités qu'elle indique (CE, décision du 30 juin 1972, n° 80462) ou encore d'une instruction qui précise les conditions d'option des agents généraux d'assurance pour le régime fiscal des salariés (CE, décision du 25 mai 1983, n° 31847).

180

Lorsque cette condition est satisfaite, le fait qu'une instruction administrative ou une réponse à la question écrite de parlementaires qualifie la mesure qu'elle prévoit de « mesure de bienveillance », de « solution de tempérament » ou de toute autre formule destinée à marquer qu'elle s'écarte des règles légalement applicables, ne fait pas obstacle à ce que les contribuables puissent s'en prévaloir.

190

La jurisprudence a apporté des compléments en commentant les situations où une instruction ou circulaire administrative peut être ou non assimilée à un document interprétant un texte fiscal. Sans qu’il soit possible d’être exhaustif, certaines règles applicables en la matière peuvent toutefois être rappelées. Lorsqu'elles se limitent à donner de simples recommandations en laissant une certaine liberté d'appréciation au service, les instructions et circulaires administratives n'interprètent pas la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du LPF et, de ce fait, ne sont pas opposables à l'administration (CE, décision du 28 février 1973, n° 85800).

Il en va de même des documents visant à aider les contribuables dans l’accomplissement de leurs obligations déclaratives (tels que par exemple les notices, imprimés et formulaires de déclaration), des documents d’information ou de formation, des documents internes à la DGFiP (cette liste n’est pas exhaustive).

Une instruction administrative antérieure à la loi ne peut comporter une interprétation de celle-ci (CE, décision du 5 avril 1978, n° 01211).

2° Les réponses ministérielles

200

Les réponses écrites des ministres aux questions posées par les parlementaires, publiées au Journal officiel de la République française constituent une source d’interprétation de la loi fiscale au sens de l’article L. 80 A du LPF sous réserve qu’elles se rapportent à la détermination de la base imposable ou à l’assiette de l’impôt et qu’elles émanent de l’autorité compétente.

210

Tout comme les instructions ou circulaires administratives, elles doivent apporter des précisions de portée générale sur le sens du texte fiscal de nature à caractériser une réelle interprétation d’un texte fiscal.

220

La jurisprudence a précisé les conditions qui permettent de considérer qu’une réponse ministérielle est susceptible ou non d’interpréter la loi fiscale.

À cet égard, quelques règles non exhaustives peuvent être rappelées :

- ne constitue pas une interprétation formelle de la loi fiscale, au sens de l'article L. 80 A du LPF, une réponse ministérielle rappelant simplement les dispositions de la loi, sans les interpréter (CE, décision du 22 octobre 1976, n° 98874 et CE, décision du 21 mars 1983, n° 35966) ;

- des réponses ministérielles annonçant les intentions du Gouvernement en ce qui concerne un décret à prendre pour l'application d'une disposition législative ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du LPF (CE, décision du 22 octobre 1976, n° 96359) ;

- une réponse ministérielle qui laisse un pouvoir d'appréciation au service des impôts ne peut constituer une interprétation formelle du texte fiscal (CAA Paris, décision du 29 mai 1990, n° 89PA01616).

3° Les précisions de doctrine administrative

230

Sont opposables à compter de leur date de publication toutes les précisions doctrinales apportées par l'administration fiscale et intégrées dans la base BOFiP-Impôts.

4° Les réponses aux demandes individuelles des contribuables

240

Les réponses aux demandes individuelles des contribuables peuvent constituer des documents interprétant un texte fiscal mais ne peuvent pas être invoquées au titre du troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF. Des précisions et compléments sur ces documents ainsi que sur leur portée sont apportés au BOI-SJ-RES-10-10-20 au I-E-2 § 260.

c. Les documents ne portant pas interprétation d'un texte fiscal

250

Certains documents ne sont, en revanche, pas considérés comme interprétant un texte fiscal. Ils ne peuvent donc ouvrir droit à la garantie prévue par le troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF.

Il n’est pas possible d’établir une liste exhaustive des documents concernés. Certains d’entre eux peuvent toutefois être évoqués.

1° Le précis de fiscalité

260

Le précis de fiscalité édité par la DGFiP ne peut être regardé comme étant au nombre des instructions ou circulaires publiées par lesquelles l’administration a fait connaître son interprétation des textes fiscaux et dont les contribuables peuvent se prévaloir.

2° La charte du contribuable

270

Les précisions apportées dans la charte du contribuable ne sont pas opposables au titre du troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF.

3° Les déclarations ministérielles

280

Les déclarations du ministre au cours des débats parlementaires ayant précédé le vote d’un texte fiscal, au sujet de ses intentions quant à l’application du texte à intervenir, ne peuvent constituer une interprétation formelle d’un texte fiscal au sens du troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF.

4° Les cours professés à l'École nationale des finances publiques

290

Une interprétation des textes fiscaux enseignée à l’École nationale des finances publiques (ENFiP) ne peut pas constituer une interprétation admise par l’administration fiscale au sens du troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF.

5° Les revues spécialisées

300

Le contribuable ne peut utilement, sur le fondement du troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF, se prévaloir d’énonciations contenues dans une revue spécialisée, même si elles sont présentées comme l’interprétation admise par l’administration.

d. L'opposabilité de l'interprétation du texte fiscal invoqué par le contribuable

310

La garantie prévue par le troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF est opposable par un contribuable dans les conditions suivantes.

1° L’interprétation dont il entend se prévaloir ne peut pas être étendue à d’autres situations que celles qu’elle vise

320

Ainsi, par exemple, l’interprétation invoquée par le contribuable n’est opposable à l’administration que pour autant qu’elle concerne l’impôt contesté et, au sein de cet impôt, le même texte fiscal.

2° Sa situation doit être conforme aux prévisions de l’interprétation qu’il invoque

330

La garantie prévue au troisième alinéa de l’article L. 80 A du LPF ne peut être utilement invoquée que si le contribuable satisfait l’ensemble des conditions d’application de l’interprétation admise par l’administration appliquée dans sa rédaction littérale et dans tous ses termes portant sur un même objet.

e. Interprétation contraire à la loi fiscale

340

Dans l’hypothèse où un contribuable fait une application littérale d’une instruction administrative publiée ou d’une prise de position de portée générale (telles une réponse ministérielle à une question écrite des parlementaires, une réponse à des représentants d’organisations professionnelles ou une précision doctrinale - habituellement appelée « rescrit général ») comportant une interprétation qui ajoute à la norme, la procédure de l’abus de droit fiscal est susceptible de s’appliquer si cette application va à l’encontre des objectifs poursuivis par son auteur (BOI-CF-IOR-30).

C. L'application de la garantie dans le temps

350

L’application de la garantie dans le temps suppose que le principe d’antériorité soit respecté et que l’interprétation invoquée produise encore ses effets.

1. Le principe de l'antériorité de la doctrine

360

La garantie instituée par le troisième alinéa de l'article L. 80 A du LPF demeure subordonnée à la condition que la publication de l'interprétation administrative soit intervenue antérieurement à la date à laquelle le contribuable a fait application de cette doctrine ou aurait pu en faire application.

370

La condition d'antériorité doit être appréciée à la date limite impartie au contribuable pour souscrire sa déclaration ou, en l’absence d’obligation déclarative, à la date de mise en recouvrement de l’imposition primitive à laquelle est assimilée la liquidation spontanée de l’impôt.

Il est fait exception à cette règle pour l'ensemble des impôts locaux, y compris la cotisation foncière des entreprises (CFE), mais à l’exception de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), pour lesquels la condition d'antériorité doit être appréciée à la date du fait générateur de l'impôt.

2. Date de cessation d'effet de l'interprétation doctrinale

a. À raison d'une nouvelle doctrine rapportant la précédente, plus favorable

380

Lorsque l'administration a modifié son interprétation, il convient de se placer à la date du fait générateur de l'impôt pour apprécier quelle est la doctrine en vigueur « ratione temporis » (CE, décision du 18 mars 1988, n° 73693 et CE, décision du 26 octobre 1994, n° 116175 ; Cass., décision du 7 janvier 1997 n° 95-11687), c'est-à-dire notamment :

- le 31 décembre de l'année d'imposition en matière d'impôt sur le revenu  ;

- la clôture de l'exercice en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et les bénéfices industriels et commerciaux ;

- le 1er janvier pour les impôts locaux, l’impôt sur la fortune immobilière et la taxe de 3% ;

- les dates des livraisons ou des prestations de services s'agissant de la TVA ;

- la date de la transmission en matière de mutation.

b. À raison d'un changement de législation

390

La protection qu'apportent aux contribuables les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 80 A du LPF ne peut être invoquée que si la législation interprétée par la doctrine en cause est toujours en vigueur.

400

Un changement de législation a donc pour effet de rendre caduque l'interprétation donnée par l'administration de la loi antérieure dès l'entrée en vigueur de la loi nouvelle (CE, décision du 15 mai 1992, n° 71854).

De même, en rendant inapplicable pour le passé la loi précédemment en vigueur, la loi rétroactive rend périmée la doctrine se rapportant à la loi antérieure (CE, décision du 30 juin 1982, n° 33818).

c. À raison d'une annulation par le juge de l'excès de pouvoir

405

Eu égard à l'objectif de sécurité juridique poursuivi par l'article L. 80 A du LPF, en dépit de l'effet rétroactif qui s'attache normalement à l'annulation pour excès de pouvoir, les dispositions de cet article permettent à un redevable, alors même que serait ultérieurement intervenue l'annulation par le juge de l'acte, quel qu'il soit, par lequel elle avait été exprimée, de se prévaloir à l'encontre de l'administration de l'interprétation qui, dans les conditions prévues par l'article L. 80 A du LPF, était formellement admise par cette dernière. S'agissant d'une imposition dont le fait générateur est postérieur à la date de l'annulation d'un acte renfermant une interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du LPF, cette annulation a en revanche pour effet de priver le redevable de la possibilité de se prévaloir de cet acte au titre de la garantie que donne l'article L. 80 A du LPF (avis du Conseil d'État, 8 mars 2013, n° 353782, ECLI:FR:CESEC:2013:353782.20130308).

Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une interprétation opposable en application de l'article L. 80 A du LPF, l'objectif de sécurité juridique poursuivi par ce dernier article prévaut si bien que cette annulation n'a pas l'effet rétroactif normalement attaché à une annulation pour excès de pourvoir. L'annulation ne vaut donc que pour l'avenir.

Ainsi, les contribuables peuvent continuer à se prévaloir de la doctrine annulée pour la période antérieure à l'annulation.

En revanche, ils ne peuvent plus s'en prévaloir pour les impositions dont le fait générateur intervient postérieurement à l'annulation.

407

Aussi longtemps que l'administration n'a pas formellement abandonné une interprétation, renfermée dans un acte qui, bien qu'illégal, n'a pas été annulé, celle-ci reste invocable, en tant que cet acte la renferme, sur le fondement de l'article L. 80 A du LPF. Il en résulte en particulier qu'un redevable peut opposer à l'administration l'interprétation que celle-ci a formellement admise dans un tel acte, quel qu'il soit, quand bien même un autre acte, exprimant la même interprétation, aurait été annulé pour excès de pouvoir.

Les dispositions de l'article L. 80 A du LPF ne permettent de se prévaloir d'une interprétation de la loi fiscale que dans son dernier état formellement accepté par l'administration. Le redevable n'est donc pas fondé à se prévaloir de l'interprétation initialement admise par l'administration dans un premier acte lorsque, après qu'elle l'avait complétée ou modifiée par un deuxième acte, ce dernier a été annulé. En effet, les éléments de l'interprétation de la loi qui subsistent après l'annulation ne peuvent plus être regardés comme constituant l'interprétation de la loi formellement acceptée par l'administration, dès lors que celle-ci avait entendu compléter ou modifier cette interprétation par l'acte annulé. Il appartient à l'administration de faire connaître, le cas échéant, l'interprétation qu'elle entend donner à la loi après l'annulation opérée. Tant qu'une nouvelle interprétation n'a pas été exprimée, la loi seule régit la situation du contribuable (avis du Conseil d'État, 8 mars 2013, n° 353 782, ECLI:FR:CESEC:2013:353782.20130308).

Lorsque le juge annule un acte comportant une interprétation, cette annulation ne fait pas obstacle à ce que le contribuable puisse continuer à se prévaloir de cette même interprétation si celle-ci est contenue dans un autre acte qui, lui, n'a pas été annulé par le juge. Ainsi, par exemple, dans le cas où une interprétation contenue dans BOFiP-Impôts serait annulée par le juge, un contribuable pourrait néanmoins se prévaloir de la même interprétation qui serait contenue dans une réponse ministérielle postérieure au 12 septembre 2012 et non annulée.

Toutefois, le contribuable ne peut se prévaloir d'une interprétation que pour autant que l'administration n'a pas manifesté sa volonté de la modifier ou de l'abroger. Ainsi, par exemple, l'annulation d'une instruction ou d'un commentaire inséré dans BOFiP-Impôts ne fait pas revivre la doctrine antérieure si cette dernière a été modifiée ou abrogée par l'instruction annulée, une autre instruction, un autre commentaire de BOFiP-Impôts ou par une réponse ministérielle.

Lorsqu'un acte comportant une interprétation est annulé et que ladite interprétation n'est pas reprise par un autre vecteur non annulé, la loi régit seule la situation en cause tant que l'administration ne fait pas connaître une nouvelle interprétation.

II. Étendue de la garantie et modalités de mise en œuvre

A. Étendue de la garantie

410

La garantie instituée commence à courir au profit du contribuable à partir du moment où il a fait application dans sa déclaration ou lors de la détermination des bases servant au calcul d'impôts ou de taxes acquittés spontanément, de l'interprétation des textes fiscaux fixée et publiée par l'administration dans ses instructions, circulaires ou réponses ministérielles aux questions écrites des parlementaires ou dans ses précisions doctrinales publiées.

420

Pour les contribuables placés par décision administrative hors du champ d'application de l'impôt et qui, de ce fait, ne souscrivent pas de déclaration, la garantie court à partir de l'expiration du délai de déclaration. Aucun rehaussement fondé sur une interprétation différente ne peut donc être poursuivi aussi longtemps que l'administration n'a pas, par une nouvelle disposition de portée générale publiée, modifié sa doctrine.

430

Les dispositions de portée générale prises par l'administration lui sont opposables, en cas de rehaussement, sous la seule réserve que ces dispositions interprètent les textes fiscaux au sens précédemment défini (I-B-2 § 110) et soient publiées.

B. Modalités de mise en œuvre de la garantie

440

Outre le respect du principe de l’antériorité de l’interprétation du texte fiscal par l’administration, la garantie prévue au troisième alinéa de l'article L. 80 A du LPF n'est subordonnée à aucune forme particulière.

Il suffit que le contribuable ait fait application, sous les conditions évoquées supra, de l’interprétation du texte fiscal donnée et publiée par l’administration.

450

Enfin, et afin d'étendre la solution dégagée à l'égard des impôts non déclaratifs tels que les impôts locaux (CE, décision du 7 janvier 1977, n° 96362) ou ceux dont les bases sont arrêtées d'office (CE, décision du 3 avril 1981, n° 14276 ter), il n'est pas exigé des contribuables, pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 80 A du LPF, qu'ils aient effectivement fait application de la doctrine dont ils revendiquent, a posteriori, le bénéfice.

460

Ainsi, tout contribuable qui a souscrit sa déclaration ou présenté un acte à la formalité en fonction des seules dispositions légales et réglementaires demeure fondé, dans le délai de réclamation, à se prévaloir d'une doctrine plus favorable pour faire échec à toute imposition primitive ou supplémentaire pour autant, toutefois, que la règle d'antériorité exposée au I-C-1 § 360 soit satisfaite.