ENR - Mutations à titre gratuit - Successions - Champ d'application des droits de mutation par décès - Exonérations en raison de la nature des biens transmis - Première transmission à titre gratuit d'immeubles ou droits immobiliers dont les titres de propriété sont reconstitués entre le 1er octobre 2014 et le 31 décembre 2017
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Le 8° du 2 de l'article 793 du code général des impôts (CGI) tel qu'il résulte de l'article 15 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 exonère partiellement de droits de mutation à titre gratuit les immeubles et droits immobiliers, à concurrence de 30 % de leur valeur, à raison de la première mutation qui suit la reconstitution des titres de propriété y afférents, à la condition que ces titres de propriété soient constatés par un acte régulièrement transcrit ou publié entre le 1er octobre 2014 et le 31 décembre 2017.
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Cette mesure s'applique aux donations consenties ou aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2015.
I. Champ d'application
A. Biens visés
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L'exonération de droits de mutation à titre gratuit s'applique aux immeubles et droits immobiliers dont le droit de propriété du titulaire n'a pas été constaté antérieurement par un acte régulièrement transcrit ou publié au fichier immobilier et qui font l'objet, pour la première fois, d'une publication au fichier immobilier entre le 1er octobre 2014 et le 31 décembre 2017.
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Pour pour de précisions sur les actes régulièrement publiés constatant le droit de propriété du titulaire, il convient de se reporter au IV § 340 du BOI-ENR-DMTG-20-30-10.
En tout état de cause, quel que soit le type d'acte publié au fichier immobilier (attestation notariée, acte de notoriété établi par le notaire pour constater l'usucapion ou acte de partage) celui-ci doit permettre d'établir avec certitude le droit de propriété du titulaire sur le bien concerné.
B. Mutations visées
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L'exonération partielle s'applique à la première mutation, lorsqu'elle est à titre gratuit, qui suit la reconstitution du titre de propriété effectuée dans les conditions prévues au I-A § 20 à 30.
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Lorsque la première mutation à titre gratuit suivant la reconstitution du titre de propriété bénéficie d'une exonération totale de droits de mutation à titre gratuit en vertu d'un autre dispositif, l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit prévue au 8° du 2 de l'article 793 du CGI ne bénéficie pas à la mutation à titre gratuit suivante.
Exemple :
Le 1er février 2015, Monsieur X. procède à la publication régulière de son titre de propriété sur un immeuble, bien propre de M. X.
Monsieur X. décède et laisse comme seule héritière son conjoint Madame X. Les époux n'étaient pas sous le régime de la communauté universelle au jour du décès de M. X. La transmission est exonérée en vertu de l'article 796-0 bis du CGI.
Par suite, Madame X. souhaite donner ce bien à son frère : la transmission à titre gratuit étant alors la seconde transmission à titre gratuit du bien suivant la reconstitution du titre de propriété y afférent, elle ne pourra pas donner lieu à l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit à concurrence de 30 % prévue au 8° du 2 de l'article 793 du CGI.
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De même, l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit prévue au 8° du 2 de l'article 793 du CGI ne s'applique pas à la transmission à titre gratuit d'immeubles ou droits immobiliers postérieure à la reconstitution, entre le 1er octobre 2014 et le 31 décembre 2017, des titres de propriété y afférents, lorsqu'une mutation à titre onéreux s'est intercalée entre la reconstitution des titres de propriété et cette transmission à titre gratuit.
Autrement dit, une mutation à titre onéreux d'un immeuble ou droit immobilier intervenue entre la reconstitution du titre de propriété afférent au bien et sa transmission à titre gratuit fait obstacle à ce que ladite mutation à titre gratuit du bien bénéficie de l'exonération partielle de 30 %, la mutation à titre gratuit étant dans ce cas, la deuxième mutation suivant la reconstitution du titre de propriété afférent au bien.
Exemple :
Monsieur X. publie le 1er février 2015 les attestations notariées permettant d'établir avec certitude son droit de propriété sur un bien immobilier.
Le 1er décembre 2015, Monsieur X. vend son bien à Madame Y.
Si cette dernière souhaite donner le bien à ses enfants, les donataires ne pourront pas bénéficier de l'exonération partielle prévue au 8° du 2 de l'article 793 du CGI sur la valeur du bien donné.
II. Régime applicable
A. Principe
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Lorsque les conditions prévues au I § 20 à 60 sont remplies, l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit porte sur 30 % de la valeur du bien au jour de la transmission.
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Il est rappelé que, conformément aux règles de droit commun, la valeur vénale des immeubles et droits immobiliers est portée dans la déclaration de succession ou dans l'acte de donation.
Pour les règles d'évaluation des biens et droits immobiliers, il convient de se reporter au BOI-ENR-DMTG-10-40-10-30 pour les successions et au BOI-ENR-DMTG-20-30-10 pour les donations.
B. Règles de non cumul
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L'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit prévue au 8° du 2 de l'article 793 du CGI est exclusive de l'application au même bien, au titre de la même mutation ou d'une mutation antérieure, de toute autre exonération de droits de mutation à titre gratuit.
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Ainsi, d'une part cette exonération partielle n'est pas cumulable avec une autre exonération partielle applicable sur le même bien au titre de la même mutation.
A cet égard, dans le cas où la mutation ouvre droit à plusieurs exonérations partielles dont celle prévue au 8° du 2 de l'article 793 du CGI, le redevable est libre d'opter pour l'exonération qui lui est la plus favorable. En pratique, il convient de mentionner expressément dans la déclaration de succession ou dans l'acte de donation les références légales de l'exonération dont le redevable entend bénéficier.
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D'autre part, l'exonération partielle n'est pas non plus applicable à un bien qui a déjà bénéficié, lors d'une quelconque mutation à titre gratuit antérieure d'une exonération, totale ou partielle, de droits de mutation.
Notamment, lorsque le bien a bénéficié, lors d'une mutation antérieure, de l'exonération partielle de droits de mutation par décès prévue à l'article 1135 bis du CGI à raison d' immeubles ou droits immobiliers situés en Corse, la première transmission à titre gratuit de ces mêmes biens ne pourra pas bénéficier de l'exonération partielle de 30 % prévue au 8° du 2 de l'article 793 du CGI, et cela y compris lorsque la reconstitution des titres de propriété afférents aux biens est intervenue entre le 1er octobre 2014 et le 31 décembre 2017.
Exemple 1 :
Monsieur X. décède le 1er février 2015 et laisse dans sa succession un bien immobilier situé en Corse pour lequel son droit de propriété n'a pas été constaté antérieurement à son décès par un acte régulièrement publié.
Ses héritiers procèdent à la publication de l'attestation notariée mentionnée au 3° de l'article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière permettant d'établir le droit de propriété de leur père sur le bien le 1er octobre 2015. Cette publication étant intervenue dans les vingt-quatre mois du décès, les héritiers peuvent ainsi bénéficier de l'exonération partielle de droits de mutation par décès à hauteur de 50 % de la valeur du bien en application du II de l'article 1135 bis du CGI (BOI-ENR-DMTG-10-20-30-120). Ils peuvent en outre bénéficier du délai spécial de vingt-quatre mois, à compter du jour du décès, pour déposer la déclarer de succession conformément à l'article 641 bis du CGI (BOI-ENR-DMTG-10-60-50 au II-H § 222 et suivants).
Par la suite, compte tenu de la règle de non cumul prévue au deuxième alinéa du 8° du 2 de l'article 793 du CGI, si les héritiers de Monsieur X. souhaitent donner le bien à leurs enfants, cette donation ne pourra pas bénéficier de l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit de 30 % prévue au premier alinéa du même 8° du 2 de l'article 793 du CGI. Il en est de même en cas de décès de l'un ou des héritiers : ledit bien immobilier inclus dans la succession ne pourra pas bénéficier l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit de 30 %.
Exemple 2 :
Monsieur X. fait constater son droit de propriété sur un bien immobilier situé en Corse par la publication d'un acte au fichier immobilier le 1er février 2015. Il décède le 1er mars 2016.
Ses héritiers déposent la déclaration de succession dans le délai de droit commun de six mois prévu à l'article 641 du CGI en spécifiant qu'ils souhaitent bénéficier de l'exonération partielle de droits de mutation par décès de 50 % de la valeur du bien immobilier prévue au I de l'article 1135 bis du CGI (BOI-ENR-DMTG-10-20-30-120) dès lors qu'elle leur est plus favorable que l'exonération partielle de 30 % prévue au 8° du 2 de l'article 793 du CGI à laquelle ils auraient également pu prétendre.
En tout état de cause, compte tenu de la règle de non cumul énoncée au II-B § 90 et au II-B § 100, ils ne peuvent bénéficier cumulativement des deux exonérations précitées sur le même bien au titre de la même mutation.
Par la suite, si les héritiers de Monsieur X. souhaitent donner le bien immobilier à leurs enfants, cette donation ne pourra pas non plus bénéficier de l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit de 30 % prévue au 8° du 2 de l'article 793 du CGI. Il en est de même en cas de décès de l'un ou des héritiers : ledit bien immobilier inclus dans la succession ne pourra pas bénéficier de l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit de 30 %. Dans ces deux situations, la mutation à titre gratuit (donation ou succession) ne serait en effet pas la première mais la deuxième mutation postérieure à la reconstitution du titre de propriété afférent au bien.
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En cas de pluralité d'héritiers appelés à une succession comportant des immeubles éligibles au dispositif du 8° du 2 de l'article 793 du CGI, l'application d'une autre exonération bénéficiant à certains d'entre eux et liée à leur qualité (conjoint survivant ou partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité exonéré en vertu de l'article 796-0 bis du CGI notamment), ne prive pas les autres héritiers du bénéfice de l'exonération prévue au 8° du 2 de l'article 793 du CGI attachée au bien.
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La règle de non cumul rappelée au II-B § 90 concerne uniquement les dispositifs d'exonération applicables au même bien. Elle est donc notamment sans incidence sur les dispositifs de déduction et abattement applicables en matière de droits de mutation à titre gratuit.
Ainsi, par exemple, le dispositif d'exonération prévu au 8° du 2 de l'article 793 du CGI ne fait pas obstacle le cas échéant à l'application de l'abattement de 20 % prévu à l'article 764 bis du CGI sur la valeur vénale réelle de l'immeuble constituant au jour du décès la résidence principale du défunt, toutes conditions étant par ailleurs remplies pour bénéficier de cet abattement (BOI-ENR-DMTG-10-40-10-30 au I-B § 10).
Par ailleurs, les frais engagés par un donateur pour reconstituer son titre de propriété sur un immeuble dans les conditions prévues à l'article 776 quater du CGI pourront être déduits de la valeur déclarée du bien donné nette de l'exonération partielle de 30 % prévue au 8° du 2 de l'article 793 du CGI (BOI-ENR-DMTG-20-30-10 au IV § 320 et suivants).
De même, lorsque des frais de reconstitution du titre de propriété du défunt ont été admis en déduction de l'actif successoral dans les conditions prévus à l'article 775 sexies du CGI lors d'une précédente mutation (BOI-ENR-DMTG-10-40-20-10 au I-C-4 § 142), la première mutation à titre gratuit suivant la reconstitution du titre de propriété peut également bénéficier de l'exonération partielle de 30 % prévue au 8° du 2 de l'article 793 du CGI sous réserve que le titre de propriété ait été constaté par un acte régulièrement transcrit ou publié entre le 1er octobre 2014 et le 31 décembre 2017.
Remarque : Il est rappelé que les frais de reconstitution admis en déduction de l'actif successoral dans les conditions prévues à l'article 775 sexies du CGI relatifs à la constatation du droit du défunt ne peuvent être admis en déduction de la valeur d'une donation postérieure (BOI-ENR-DMTG-20-30-10 au IV § 350).
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Les règles de liquidation des droits de mutation à titre gratuit s'appliquent dans les conditions de droit commun sur la valeur nette du bien exonéré à hauteur de 30 % en application du 8° du 2 de l'article 793 du CGI.
Ainsi, la règle de non cumul précisée au II-B § 90 est notamment sans incidence sur l'application, le cas échéant, des abattements personnels sur la part nette revenant à chaque ayant droit dont le montant varie en fonction des liens de parenté (BOI-ENR-DMTG-10-50-20), ou des réductions de droits telles que les réductions pour charge de famille (BOI-ENR-DMTG-10-50-40).