Date de début de publication du BOI : 26/06/2024
Identifiant juridique : BOI-INT-DG-20-25-20-30

INT - Dispositions communes - Droit conventionnel - Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices - Effet des options retenues par la France sur ses conventions fiscales bilatérales - Stipulations relatives à l'amélioration du règlement des différends et à l'arbitrage

Actualité liée : 26/06/2024 : INT - Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices - Réorganisation formelle des commentaires

I. Stipulations relatives à l’amélioration du règlement des différends

A. Procédure amiable (article 16 de la CML)

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L’article 16 de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (PDF - 275 Ko) (CML) vise à insérer dans les conventions fiscales une série de stipulations relatives aux procédures amiables (pour plus de précisions, il convient de se reporter au BOI-INT-DG-20-30-10), afin de garantir que :

  • la demande d’ouverture de procédure amiable puisse être formulée auprès de l’autorité compétente de l’un ou l’autre des États contractants dans un délai de trois ans ;
  • les délais de prescription prévus dans le droit interne des États n’empêchent pas l’application des accords amiables conclus entre autorités compétentes ;
  • les États s’efforcent de résoudre les difficultés ou de dissiper les doutes auxquels peuvent donner lieu l’interprétation ou l’application de la convention et de résoudre les cas non prévus par la convention.

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Dans ces conditions, l’ensemble de ces stipulations seront insérées dans les conventions fiscales couvertes si elles n’y figurent pas déjà, à l’exception du cas où l’autre État partie formule une réserve.

B. Ajustements corrélatifs (article 17 de la CML)

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L’article 17 de la CML (PDF - 275 Ko) vise à introduire dans les conventions fiscales couvertes les stipulations du 2 de l’article 9 du modèle de convention fiscale de l’OCDE telles qu'exposées au II-C § 170 et suivants du BOI-INT-DG-20-40.

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Cette stipulation s’appliquera à la place ou en l’absence d’une stipulation figurant dans une convention fiscale couverte qui cible les ajustements corrélatifs, à l’exception du cas où l’autre État formule une réserve.

II. Stipulations relatives à l’arbitrage (partie VI de la CML)

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La partie VI de la CML (art. 18 à 26) (PDF - 275 Ko) permet, pour les États n’y ayant pas émis de réserve, de mettre en œuvre la procédure d’arbitrage qui vise à remédier aux situations non résolues dans le cadre des procédures amiables. Cette procédure est contraignante et les décisions des arbitres sont obligatoires.

L’arbitrage ne peut s’appliquer à une convention fiscale couverte que si les deux États optent pour cette stipulation dans le cadre de la CML.

A. Principe

1. Arbitrage obligatoire et contraignant (article 19 de la CML)

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Lorsque deux États ont opté pour appliquer la partie VI de la CML (art. 18 à 26) (PDF - 275 Ko) en application de l'article 18 de la CML (PDF - 275 Ko), et que les autorités compétentes ne parviennent pas à trouver un accord sur un cas suivant la procédure amiable prévue par la convention fiscale dans un délai de trois ans, les questions non résolues peuvent être soumises à l’arbitrage, à la demande de la personne qui a soumis le cas.

Le délai de trois ans cesse de courir lorsque :

  • la personne qui a soumis le cas et une autorité compétente sont convenues de suspendre la procédure amiable, jusqu’à la levée de cette suspension ;
  • ou une autorité compétente a suspendu la procédure amiable parce qu’un cas portant sur une ou plusieurs questions identiques est en instance devant le juge administratif ou judiciaire. Ce délai recommence à courir dès lors qu’une décision définitive a été rendue par le juge administratif ou judiciaire ou dès lors que le cas a été retiré.

Remarque : La France a fait le choix, conformément au 11 de l’article 19 de la CML (PDF - 275 Ko), de remplacer le délai de deux ans mentionné au b du 1 de l’article 19 de la CML par un délai de trois ans. C’est ce délai de trois ans qui s’applique aux conventions couvertes conclues par la France.

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La procédure amiable prend fin si la décision est rendue par le juge administratif ou judiciaire pendant la période au cours de laquelle la procédure amiable est suspendue.

Lorsque l’examen approfondi d’un cas requiert des informations complémentaires de la part du contribuable, qui n’a pu les fournir en temps utile, le délai de trois ans est prolongé d’une durée égale à celle séparant la date à laquelle ces informations ont été demandées et la date à laquelle elles ont été communiquées.

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Une fois la décision de la commission d’arbitrage rendue, les autorités compétentes doivent conclure un accord amiable qui reflète la décision d’arbitrage. Cette dernière est définitive, ce qui signifie qu’elle ne peut être modifiée ni par les autorités compétentes, ni par la commission d’arbitrage. Cependant, conformément à l’article 24 de la CML (PDF - 275 Ko), les autorités compétentes peuvent y déroger et appliquer d’un commun accord une solution différente de la décision arbitrale, et ce, dans un délai de trois mois après communication de la décision (II-A-6 § 140).

La décision d’arbitrage est contraignante pour les deux juridictions contractantes sauf, lorsque :

  • une personne directement concernée par le cas n’accepte pas l’accord amiable qui met en œuvre la décision d’arbitrage ;
  • la décision d’arbitrage est déclarée invalide par une décision de justice définitive des tribunaux de l’une des juridictions contractantes ;
  • ou une personne directement concernée par le cas intente une action contentieuse devant un tribunal administratif ou judiciaire au sujet de questions résolues par l’accord amiable mettant en œuvre la décision d’arbitrage.

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L’autorité compétente qui reçoit la demande initiale de procédure amiable en accuse réception auprès du contribuable et informe l’autre autorité compétente de cette demande dans un délai de deux mois calendaires à compter de sa réception. Le détail des dates à retenir, y compris en cas de demande d’informations complémentaires, figure aux 5 à 9 de l'article 19 de la CML (PDF - 275 Ko).

La France a fait le choix, conformément au 12 de l’article 19 de la CML, de ne pas soumettre à l’arbitrage ou de mettre fin à une telle procédure si une décision de justice a été rendue sur la question soumise à arbitrage.

L'article 19 de la CML prévoit que les modalités d’application de la procédure d’arbitrage doivent faire l’objet d’un accord entre les États parties à une convention fiscale bilatérale couverte. Ce dernier doit être conclu avant la date à laquelle les questions non résolues d’un cas sont susceptibles d’être soumises à l’arbitrage.

2. Désignation des arbitres (article 20 de la CML)

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Sauf si les États en conviennent autrement, la commission d’arbitrage est composée de trois personnes physiques expertes en fiscalité internationale.

Chaque autorité compétente dispose de soixante jours suivant la demande d’arbitrage pour désigner un membre de la commission d’arbitrage. Les deux membres ainsi désignés procèdent dans les soixante jours suivant à la désignation du dernier d’entre eux, le président de la commission d’arbitrage.

Chaque membre de la commission d’arbitrage doit être impartial et indépendant des autorités compétentes.

3. Confidentialité de la procédure d’arbitrage (article 21 de la CML)

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Les autorités compétentes sont autorisées à donner aux arbitres l’accès aux informations pertinentes, sous réserve qu’ils respectent les mêmes règles de confidentialité que celles applicables aux autorités compétentes, notamment en matière d’assistance administrative et de confidentialité des données.

Les autorités compétentes doivent s’assurer que les membres de la commission d’arbitrage et leurs collaborateurs s’engagent par écrit à respecter les obligations de confidentialité et de non-divulgation.

4. Règlement d’un cas avant la conclusion de l’arbitrage (article 22 de la CML)

110

Les procédures amiable et d’arbitrage prennent fin si un accord amiable est trouvé entre autorités compétentes avant la décision de la commission d’arbitrage ou si le contribuable retire sa demande.

5. Méthode d’arbitrage (article 23 de la CML)

120

Par défaut, la méthode dite de l’« offre finale » s’appliquera pour la France, sauf si les autorités compétentes font le choix de règles différentes.

Selon cette méthode, chacune des autorités compétentes soumet à la commission d’arbitrage une proposition de résolution qui porte sur toutes les questions non résolues de ce cas.

La commission d’arbitrage choisit l’une des propositions de résolution du cas soumises par les autorités compétentes pour chacun des points et questions soulevés. La décision est adoptée à la majorité simple des membres de la commission d’arbitrage, et ne comprend aucune motivation ou explication. La décision est alors communiquée par écrit aux autorités compétentes et ne peut servir de précédent dans aucun autre cas.

130

Le 5 de l'article 23 de la CML (PDF - 275 Ko), retenu par la France, impose aux autorités compétentes, avant le début de la procédure d’arbitrage, de veiller à ce que chacun des contribuables concernés par le cas, ainsi que leurs conseils, s’engagent par écrit à ne divulguer aucune information reçue des autorités compétentes ou de la commission d’arbitrage.

6. Accord sur une solution différente (article 24 de la CML)

140

L’article 24 de la CML (PDF - 275 Ko) prévoit la possibilité, pour les autorités compétentes, de déroger à la décision d’arbitrage et de convenir d’une solution différente, et ce dans un délai de trois mois après communication de la décision. La France a retenu cette option.

Cette situation peut se produire lorsque la commission d’arbitrage rend une décision que les deux autorités compétentes considèrent comme inadéquate au regard des questions soulevées par le cas.

7. Articulation avec d’autres procédures d’arbitrage (article 26 de la CML)

150

Les stipulations de la CML relatives à l’arbitrage s’appliquent à la place ou en l’absence de stipulations existantes dans les conventions fiscales couvertes, sauf si l’autre État se réserve le droit de conserver une stipulation prévoyant une procédure d’arbitrage obligatoire et contraignante qui figure déjà dans une convention fiscale.

160

Toute question non résolue soulevée par un cas de procédure amiable ne sera pas soumise à l’arbitrage si une commission d’arbitrage ou un organe similaire a déjà été constitué pour traiter cette question en application d’une autre convention bilatérale ou multilatérale qui prévoit un mécanisme d’arbitrage obligatoire et contraignant pour le règlement des questions non résolues.

Ainsi, dans l’hypothèse d’un cas entrant dans le champ d’application de la CML, mais également dans celui d’un instrument européen (par exemple, la convention n° 90/436/CEE relative à l’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées, BOI-INT-DG-20-30-20, ou la directive (UE) n° 2017/1852 du Conseil du 10 octobre 2017 concernant les mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l’Union européenne), la France se réserve la possibilité d’exclure le cas du champ d’application de la CML au bénéfice de l’instrument européen.

B. Réserves libres de la France (2 de l'article 28 de la CML)

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La France a émis des réserves libres concernant les cas pouvant être soumis à la procédure d’arbitrage afin de pouvoir exclure :

  • les cas concernant des éléments de revenu ou de fortune non imposés par un État dès lors que ces éléments ne sont pas inclus dans une base imposable dans cet État ou sur la base que ces éléments bénéficient d’une exemption ou d’un taux d’imposition nul en vertu de la législation nationale fiscale de cet État ;
  • les cas pour lesquels un contribuable fait l’objet d’une sanction administrative ou pénale pour fraude fiscale, omission volontaire, manquement grave à une obligation déclarative ;
  • les cas qui portent en moyenne et par exercice ou par année d’imposition sur une base imposable inférieure à 150 000 € ;
  • les cas entrant dans le champ d’application d’une procédure d’arbitrage prévue par un instrument juridique élaboré sous l’égide de l’Union européenne, tel que la convention n° 90/436/CEE relative à l’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées, ou tout autre instrument postérieur ;
  • les cas pouvant être soumis à l’arbitrage d’un commun accord avec l’autorité compétente de l’autre État. Cet accord sera formulé avant le début de la procédure d’arbitrage et notifié à la personne qui a soumis le cas ;
  • par symétrie, les cas qui font l’objet d’une réserve de l’autre État faisant référence à des dispositions de son droit interne dans la mesure où la France prévoit des dispositions similaires dans son droit interne.

180

En application des stipulations de la CML, les réserves libres d’une partie peuvent être refusées par l’autre État dans un délai de douze mois suivant leur formulation. Dans ce cas les stipulations relatives à l’arbitrage ne s’appliquent pas entre la France et cet État.

C. Prise d'effet de l'arbitrage (article 36 de la CML)

190

La procédure d'arbitrage s'applique aux cas soumis à l'autorité compétente d’un État contractant suivant la procédure amiable prévue par la convention fiscale à compter de la dernière des dates à laquelle la CML (PDF - 275 Ko) entre en vigueur pour chacun des États contractants ayant opté pour la partie VI de la CML (PDF - 275 Ko).

Concernant les cas soumis à l’autorité compétente d’un État contractant suivant la procédure amiable prévue par la convention fiscale avant cette date, elle s’applique à compter de la date à laquelle les deux États ont notifié au dépositaire qu’ils sont parvenus à un accord amiable concernant la mise en œuvre de l'arbitrage.

Cependant, s’agissant d’un cas soumis avant la dernière des dates à laquelle la CML entre en vigueur pour chacun des États contractants, la France se réserve le droit de mettre en œuvre la procédure d’arbitrage uniquement si les deux États conviennent de l’appliquer à ce cas.