Date de début de publication du BOI : 02/08/2019
Identifiant juridique : BOI-CTX-DG-20-20-10

CTX - Contentieux de l'assiette de l'impôt - Dispositions communes - Charge et administration de la preuve - Partie à qui incombe la charge de la preuve

I. Preuve à la charge du contribuable

A. Preuve à la charge du contribuable en l'absence de particularité propre à une procédure de contrôle

1

Lorsqu'elle n'est pas déterminée par une procédure de rectification, la charge de la preuve incombe au contribuable devant la juridiction contentieuse dans les cas particuliers suivants.

1. Charge de la preuve en cas d'imposition établie selon une procédure forfaitaire

10

Lorsque l'imposition contestée a été établie selon une procédure forfaitaire, il résulte des dispositions de l'article L. 191 du livre des procédures fiscales (LPF) que la charge de la preuve pèse sur le contribuable.

Aux termes de l'article R*. 191-1 du LPF, le contribuable doit alors fournir tous les éléments, comptables ou autres, de nature à permettre d'apprécier :

- le montant du bénéfice réalisé, s'il s'agit d'un bénéfice non commercial ;

- l'importance du bénéfice que l'entreprise peut produire normalement, compte tenu de sa situation propre, s'il s'agit d'un bénéfice industriel ou commercial ;

- l'importance des opérations que l'entreprise peut réaliser normalement, compte tenu de sa situation propre, s'il s'agit de taxe sur la valeur ajoutée.

2. Charge de la preuve en cas d'imposition établie d'après les éléments communiqués par le contribuable

20

La charge de la preuve pèse sur le contribuable lorsque l'imposition contestée a été établie d'après les bases qu'il a indiquées dans la déclaration qu'il a souscrite ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement (LPF, art. R*. 194-1, al. 2).

En ce sens : CE, arrêt du 26 mars 1980, n° 12008.

La jurisprudence de la Cour de cassation a précisé les modalités d'administration de la preuve dans les affaires touchant à la détermination de la valeur vénale des biens soumis aux droits d'enregistrement. Ainsi, lorsqu'un usager souhaite obtenir la révision de la valeur d'un immeuble lui appartenant qu'il a lui-même portée dans sa déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune, il doit démontrer que la valeur déclarée ne correspond pas à la valeur vénale du bien en cause à la date du fait générateur de l'impôt (Cass. com., arrêt du 12 février 2002, pourvoi n° 99-10647) .

(30)

3. Charge de la preuve en cas d'imposition établie à la suite d'une prise de position formelle de l'administration

40

La charge de la preuve pèse sur le contribuable lorsque, s'agissant d'un différend sur l'interprétation de la législation fiscale, l'intéressé soutient que l'imposition contestée a été établie en méconnaissance d'une première décision le concernant et qui a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (LPF, art. L. 80 A).

4. Charge de la preuve en cas de compensation invoquée par le contribuable

50

La charge de la preuve pèse sur le contribuable lorsque, usant du droit de compensation (LPF, art. L. 205), il invoque une surtaxe commise à son préjudice (LPF, art. L. 80, al. 3).

5. Charge de la preuve en cas d'imposition établie à la suite d'une présomption légale

60

La charge de la preuve pèse sur le contribuable lorsque l'imposition contestée a été établie en application d'une présomption légale prévue notamment en matière de droits d'enregistrement, d'impôt sur la fortune immobilière et d'impôts directs (BOI-CTX-DG-20-20-30 au IV).

6. Charge de la preuve en cas d'imposition établie d'après les charges ou situations de fait déclarées dans la déclaration de revenus

70

La charge de la preuve incombe au contribuable, lorsque l'intéressé fait état dans sa déclaration de revenus de charges ou de situations de fait entraînant par elles-mêmes un allégement de l'impôt (situation et charges de famille, charges déductibles du revenu global).

En effet, l'administration peut être appelée à demander des précisions au contribuable sur certains éléments mentionnés dans sa déclaration de revenus (situation et charges de famille, charges déduites du revenu global) sans recourir à la procédure visée à l'article L. 16 du LPF.

Dans ces conditions, la taxation d'office prévue à l'article L. 69 du LPF n'est pas applicable, mais, en cas de litige concernant la réalité des éléments susvisés, la charge de la preuve incombe au contribuable.

7. Charge de la preuve en cas de déduction de certaines charges du bénéfice industriel et commercial

80

La charge de la preuve pèse sur le contribuable lorsque l'intéressé entend, en matière de bénéfice industriel et commercial, déduire de son résultat imposable, des pertes de créances, des amortissements, des provisions, ou des dépenses portées en frais généraux, quelle qu'ait été la procédure utilisée.

En ce sens : CE, arrêt du 16 avril 1982, n° 17218.

B. Preuve à la charge du contribuable en cas de recours à la procédure de rectification contradictoire

1. Charge de la preuve en cas d'accord du contribuable

90

La charge de la preuve pèse sur le contribuable lorsque, à la suite du rehaussement apporté à une déclaration ou aux énonciations d'un acte, l'imposition est établie d'après les bases régulièrement notifiées par le service, mais seulement (LPF, art. R*. 194-1, al. 1) :

- si l'intéressé a donné son accord dès lors que son acceptation n'était assortie d'aucune réserve qui en limitait la portée ;

- ou s'il s'est abstenu de répondre dans le délai de trente jours, éventuellement prorogé de trente jours en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 57 du LPF, qui lui a été imparti.

La Cour de Cassation a précisé que les dispositions de l'article R* 194-1 du LPF n'ont pas pour effet de dispenser l'administration de justifier de la régularité formelle de la proposition de rectification lorsque celle-ci est contestée par l'usager. Tel est notamment le cas lorsque l'usager critique le degré de précision des indications figurant dans cette proposition et destinées à établir le caractère intrinsèquement similaire des biens pris comme termes de comparaison (arrêt n° 1375 F-D du 28 septembre 2004).

2. Charge de la preuve en cas de saisine de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou du comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche

100

En application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 192 du LPF et, quel que soit l'avis rendu par la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou par le comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche, l'administration supporte la charge de la preuve, sauf dans les cas expressément prévus aux deuxième et troisième alinéas dudit article. 

110

Ainsi, dans l'hypothèse où le contribuable présente une comptabilité comportant de graves irrégularités, la charge de la preuve lui incombe si l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité consultatif.

Lorsque l'imposition établie est supérieure au chiffre résultant de l'avis de la commission ou du comité consultatif, la charge de la preuve incombe à l'administration.

La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge.

Si le contribuable n'a pas présenté de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, il supporte la charge de la preuve, quel que soit l'avis de la commission ou du comité consultatif.

120

La charge de la preuve incombe également au contribuable en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application de l'article L. 16 du LPF et de l'article L. 69 du LPF, même si celle-ci n'est pas conforme à l'avis de la commission appelée à se prononcer.

C. Preuve à la charge du contribuable en cas de recours à une procédure d'imposition d'office

130

La charge de la preuve pèse sur le contribuable lorsque l'imposition a été établie d'office selon les procédures de taxation ou d'évaluation (LPF, art. L. 193), notamment en cas de :

- taxation d'office du revenu global (LPF, art. L. 66, 1°).

En ce sens : CE, arrêt du 17 février 1982, n°18830 ;

- taxation d'office pour défaut de réponse à une demande de justifications (LPF, art. L. 16 et LPF, art. L. 69).

En ce sens : CE, arrêt du 25 mars 1983, n°s 33110, 33111 et 33112 ;

- taxation d'office pour défaut de déclaration de chiffre d'affaires (LPF, art. L. 66, 3°) ;

- taxation d'office pour défaut de déclaration d'impôt sur les sociétés (LPF, art. L. 66, 2°) ;

- évaluation d'office du bénéfice industriel et commercial réel (LPF, art. L. 73, 1°) ;

- évaluation d'office du bénéfice réel agricole (LPF, art. L. 73, 1°) ;

- évaluation d'office du bénéfice des entreprises placées sous le régime des micro-entreprises prévu par l'article 50-0 du code général des impôts (CGI) sous certaines conditions (LPF, art L. 73, 1° bis) ;

- évaluation d'office du bénéfice imposable des fiducies qui n'ont pas respecté leurs obligations déclaratives (LPF, art. L. 73, 1° ter) ;

- évaluation d'office du bénéfice non commercial, qu'il relève du régime de la déclaration contrôlée (LPF, art. L. 73, 2°) ou, sous certaines conditions, du régime déclaratif spécial (LPF, art. L. 73, 2° bis) ;

- évaluation d'office des revenus fonciers (LPF, art. L. 73, 3°), des gains de cessions de valeurs mobilières ou de droits sociaux (LPF, art. L. 73, 4°) ou des plus-values (LPF, art L. 73, 5°) des contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes de justifications mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 16 du LPF ;

- évaluation d'office des bases d'imposition, en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires, à la suite d'une opposition à l'exercice du contrôle fiscal ou d'un refus de communication (LPF, art. L. 74).

II. Preuve à la charge de l'administration

A. Preuve à la charge de l'administration en l'absence de particularité propre à une procédure de contrôle

140

La charge de la preuve incombe à l'administration dans les cas suivants :

- lorsque la réclamation porte sur un impôt qui doit normalement être établi sur la seule initiative du service et sans intervention d'une déclaration du contribuable ou d'un acte présenté à la formalité de l'enregistrement ;

- lorsque, l'impôt contesté devant normalement être établi d'après une déclaration à souscrire ou un acte à présenter à l'enregistrement, le contribuable soutient qu'il n'avait, selon le cas, ni l'obligation de souscrire une déclaration ni celle de soumettre un acte à la formalité. Toutefois, en ce qui concerne l'impôt sur la fortune immobilière, il appartient au contribuable présumé de faire la preuve qu'il n'a pas à souscrire de déclaration ;

- lorsque pour apprécier le véritable caractère des actes opposés par les contribuables à l'administration, le comité de l'abus de droit fiscal visé par l'article L. 64 du LPF n'a pas été saisi ou a émis un avis défavorable à la mise en œuvre de la procédure de l'abus de droit fiscal ;

- lorsqu'elle demande la compensation entre un dégrèvement reconnu justifié et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul des impositions contestées (LPF, art. L. 80) ;

- lorsqu'en cas de contestation des pénalités fiscales, elle doit établir la mauvaise foi ou les manœuvres frauduleuses (LPF, art. L. 195 A).

Remarque : L'expression « mauvaise foi » est remplacée par l'expression « manquement délibéré » dans la partie du CGI consacrée aux pénalités fiscales. Il s'agit d'une simple modification formelle qui n'emporte aucune conséquence juridique, notamment sur les éléments constitutifs des infractions.

B. Preuve à la charge de l'administration en cas de recours à une procédure de rectification contradictoire

150

La charge de la preuve s'apprécie dans les conditions suivantes dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire.

160

Aux termes de l'article L. 192 du LPF, lorsque l'un des organismes visés à l'article L. 59 du LPF s'est régulièrement prononcé sur la rectification ou le litige dont il a été saisi, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation contre l'imposition correspondante, quel que soit l'avis rendu par ce dernier.

170

Toutefois, lorsque la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou le comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche a été saisi du litige, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque l'imposition est établie conformément à l'avis de cet organisme et que la comptabilité comporte de graves irrégularités.

La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge.

De même, lorsque le service invoque le fait que le contribuable n'a pas présenté de comptabilité, il lui appartient de prouver ces affirmations.

(180)

190

L'absence d'avis, ou son irrégularité, n'a pas pour effet de vicier la procédure d'imposition.

Elle a pour conséquence de laisser le litige en l'état où il serait resté sans l'intervention de la commission ou du comité consultatif, c'est-à-dire de faire supporter, en cas de recours contentieux, la charge de la preuve du bien-fondé des impositions correspondantes à l'administration.

200

Il en est ainsi dans les situations visées ci-dessous :

- lorsque l'appréciation donnée par l'une où l'autre des commissions susvisées est entachée d'irrégularité, soit que cette commission n'ait pas été régulièrement constituée, soit que ses règles de fonctionnement n'aient pas été observées, etc. D'une manière générale, seuls les vices de forme ou de procédure, à l'exclusion des erreurs de fait, d'appréciation ou de raisonnement, peuvent être utilement invoqués pour faire obstacle aux conséquences que la loi attache, quant à la charge de la preuve, à la consultation de la commission (CE, arrêt du 15 octobre 1980, n° 12519 et CE, arrêt du 10 juillet 1981, n° 28325) ;

- lorsque l'imposition contestée a été établie après que la commission compétente, saisie du désaccord existant entre l'administration et le contribuable, ait refusé de donner son avis (en ce sens notamment : CE, arrêt du 11 juin 1982, n° 16187) ;

- lorsque, le service s'étant abstenu de prendre l'avis de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou de la commission départementale de conciliation ou dans les matières non susceptibles de donner lieu à l'intervention de l'une ou l'autre des commissions départementales susvisées, l'imposition a été établie malgré les observations présentées par le contribuable dans le délai qui lui a été imparti au cours de la procédure de redressement contradictoire (en ce sens : CE, arrêt du 16 avril 1982, n° 29498).

205

Lorsqu'il s'agit d'un litige entrant dans le domaine de compétence de la commission départementale de conciliation, la charge de la preuve incombe à l'administration, quel que soit le sens de l'avis rendu.

C. Preuve à la charge de l'administration en cas de recours à une procédure d'imposition d'office

210

Lorsque les impositions contestées sont établies d'office, l'administration n'a pas à établir le bien-fondé de ces impositions (c'est le contribuable qui supporte la charge de la preuve), mais elle reste tenue de justifier que la procédure employée était bien applicable et que celle-ci a été régulièrement mise en œuvre.

Devant le juge de l'impôt, le service doit notamment être en mesure :

- d'apporter la preuve que le contribuable était bien dans la situation d'être imposé d'office et que la mise en demeure et la notification prévues par la loi, le cas échéant, ont bien été effectuées ;

- d'établir l'existence d'une opposition à contrôle fiscal en vue de justifier la régularité de la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 du LPF ;

- de justifier que les bases d'imposition ont été fixées à des montants qui se situent dans la limite des présomptions susceptibles d'être tirées des renseignements recueillis.

D. Preuve à la charge de l'administration en cas de recours à la procédure de l'abus de droit fiscal

215

La charge de la preuve du bien-fondé des impositions incombe à l'administration, que le comité de l'abus de droit fiscal ait été saisi ou non et quel que soit son avis, sauf dans les cas prévus expressément aux alinéas 2 et 3 de l'article L. 192 du LPF.

III. Preuve à la charge des deux parties

220

Il existe de nombreuses situations où le problème de la preuve doit être décomposé, l'une des parties ayant la charge de la preuve sur certains points et la seconde sur d'autres ; il y a donc lieu de bien analyser chaque affaire avant de se prononcer en la matière.

Exemple 1 : Lorsque le litige porte à la fois sur la nature des biens compris dans une cession et sur l'évaluation du profit imposable résultant de cette cession, la charge de la preuve peut incomber à l'une des parties sur le premier point (nature des biens) et à l'autre partie sur le second (évaluation du profit).

En ce sens, notamment, CE, arrêt du 26 mai 1976, n° 98898.

Exemple 2 : Lorsque le contribuable conteste le montant d'un rehaussement en invoquant des faits peu plausibles, il doit prouver la réalité des faits qu'il invoque même si la charge de la preuve du bien-fondé du rehaussement incombe en principe à l'administration.

En principe, dans tout litige, la charge de la preuve incombe à celui qui plaide contre la vraisemblance ou plutôt les présomptions découlant soit des circonstances propres à l'espèce, soit de ce que le droit commercial appelle les « usages loyaux et constants » (conclusions de M. le commissaire du Gouvernement Delmas-Marsalet sous CE, arrêt du 18 juillet 1973, n° 79340).

Exemple 3 : Lorsque l'administration a établi l'existence d'un revenu imposable, il appartient au contribuable, taxé à ce titre, de prouver la réalité des dépenses qu'il invoque en vue de l'acquisition ou de la conservation de ce revenu.

En ce sens, CE, arrêt du 23 avril 1975, n° 92923 et CE, arrêt du 1er octobre 1975, n° 95437.

Exemple 4 : Lorsque l'administration a fixé d'office une base d'imposition, elle doit démontrer qu'elle était fondée à le faire et qu'elle n'a pas tiré de conclusion excessive des renseignements recueillis ; lorsque cette preuve préalable a été apportée, le contribuable a lui-même la charge de prouver l'exagération de la base retenue.