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Le régime juridique des prêts de titres est codifié de l'article L. 211-22 du Code monétaire et financier (CoMoFi) à l'article L. 211-26 du CoMoFi.
Les conséquences fiscales des prêts de titres pour le prêteur et l'emprunteur sont codifiées, en matière d'impôts directs, à l'article 38 bis du code général des impôts (CGI), aux 16ème et 21ème alinéas du 5° du 1 de l'article 39 du CGI, et au 8 de l'article du 39 duodecies du CGI. Ces dispositions visent à mettre en place un régime de neutralité fiscale, en matière de plus-values, des prêts de titres effectués par les investisseurs institutionnels et les entreprises, et à préciser les incidences de ces opérations au regard des provisions pour dépréciation.
I. Caractéristiques juridiques du prêt de titres
Le dispositif commenté ci-après concerne les titres prêtés dans les conditions prévues à l'article 38 bis du CGI.
A. Mécanisme du prêt de titres
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Le prêt de titres permet à un intermédiaire financier (contrepartiste) de céder des titres qu'il a empruntés, en ayant pour seule obligation de restituer au prêteur autant de titres de même espèce et qualité que celles des titres empruntés.
Le prêt de titres doit être réalisé dans le cadre des dispositions de l'article 1892 du code civil (C. civ.) à l'article 1904 du C. civ. qui définissent les règles applicables aux « prêts de consommation ».
Un prêt de consommation s'entend du contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l'usage, à la charge pour cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité. Lorsque ce contrat s'applique à des titres, il entraîne :
- le transfert de propriété des titres au profit de l'emprunteur qui peut ainsi les céder à un tiers ;
- l'obligation pour l'emprunteur de restituer au prêteur autant de titres de même nature.
B. Titres susceptibles de faire l'objet d'un prêt
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Aux termes de l'article L. 211-22 du CoMoFi, le prêt porte sur des instruments financiers visés aux trois premiers alinéas de l'article L. 211-1 du CoMoFi ou sur tous instruments financiers équivalents émis sur le fondement de droits étrangers.
Sont ainsi visés les titres suivants :
- les titres de capital émis par les sociétés par actions ;
- les titres de créance ;
- les parts ou actions d'organismes de placement collectif.
Le prêt de titres n'est pas possible si, pendant la durée du prêt, l'un des événements suivants peut intervenir :
- détachement d'un droit à dividende ;
- paiement d'un intérêt soumis à la retenue à la source prévue au 1 de l'article 119 bis du CGI et à l'article 1678 bis du CGI ou ouvrant droit au crédit d'impôt prévu au b du 1 de l'article 220 du CGI ;
- amortissement ;
- tirage au sort pouvant conduire au remboursement ;
- échange ;
- conversion prévue par le contrat d'émission.
Ces exclusions concernent des événements prévisibles qui peuvent affecter la valeur des titres prêtés et qui risquent de rompre l'équilibre des relations entre les parties.
Les opérateurs peuvent contractuellement prévoir que la survenance d'événements autres que ceux prévus par la loi entraîne immédiatement l'interruption du prêt et la restitution des titres.
II. Régime fiscal du prêt de titres
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A. Situation du prêteur initial
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L'article 38 bis du CGI précise les conséquences fiscales du transfert de propriété des titres prêtés au profit de l'emprunteur et instaure un mécanisme de neutralité fiscale en matière de plus-values.
1. Neutralité au regard des plus-values
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Lors de la mise en place du prêt, le prêteur ne perçoit aucune contrepartie financière représentative de la valeur des titres prêtés. Il détient seulement une créance sur l'emprunteur.
Cette créance doit être inscrite distinctement au bilan du prêteur pour la même valeur comptable que les titres prêtés. A l'expiration du prêt, les titres restitués sont inscrits au bilan pour cette même valeur. Le prêt ne dégage donc pas de plus-value ou moins-value. Les titres prêtés par une entreprise sont réputés prélevés en priorité sur les titres de même nature acquis ou souscrits à la date la plus récente (application de la règle « dernier entré premier sorti » ou DEPS).
Le prêt de titres reste neutre, sur le plan fiscal, en cas de cession de titres de même nature que celle des titres prêtés. En effet, en cas de cession, pendant la durée du prêt, de titres de même nature que celle des titres prêtés, l'entreprise peut appliquer la règle « premier entré premier sorti » (PEPS) aux titres ainsi cédés.
2. Régime des provisions
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En application du 5° du 1 de l'article 39 du CGI, la provision pour dépréciation constituée, le cas échéant, avant que les titres ne fassent l'objet d'un contrat de prêt n'est pas réintégrée aux résultats imposables. Elle doit cependant être inscrite distinctement au bilan du prêteur et demeurer inchangée jusqu'à la date de restitution des titres prêtés.
En vertu du 5° du 1 de l'article 39 du CGI, dès lors que les titres prêtés ou leur contrepartie peuvent figurer simultanément aux bilans de plusieurs opérateurs (prêteur, emprunteur, acheteur final), le prêteur ne peut pas constituer pendant la durée du prêt une provision pour dépréciation des titres prêtés ou de la créance représentative de ces titres. Cette interdiction s'applique également à l'emprunteur (II-B § 100).
3. Rémunération du prêt
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Le 2 du I de l'article 38 bis du CGI prévoit que lorsque la période du prêt couvre la date de paiement des revenus attachés aux titres prêtés, le montant de la rémunération ne peut être inférieur à la valeur des revenus auxquels le prêteur a renoncé. Ainsi, lorsque le prêt de titres porte sur la période du paiement d'un intérêt, la rémunération perçue par le prêteur ne peut être inférieure au montant de l'intérêt qu'il aurait perçu si le titre n'avait pas été prêté.
En ce qui concerne la rémunération du prêteur, il convient de distinguer entre :
- la fraction de la rémunération représentative de la valeur des revenus auxquels le prêteur a renoncé, qui est soumise au même régime fiscal que le produit des titres prêtés. Ces revenus compensateurs n'ouvrent droit à aucun crédit d'impôt, dès lors que les prêts de titres sont interdits pendant la période de paiement des revenus lorsque ceux-ci sont assortis d'un crédit d'impôt ;
- et la fraction représentative de la rémunération proprement dite du prêt qui constitue un revenu de créance imposable dans les conditions (selon la règle du couru) et au taux de droit commun.
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En pratique, dès lors que les revenus des titres n'ouvrent droit à aucun crédit d'impôt, les deux éléments de la rémunération sont imposables dans les conditions et au taux de droit commun.
4. Cession ultérieure des titres restitués
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La cession par le prêteur de titres qui lui sont restitués à l'issue du contrat de prêt est soumise au régime de droit commun des plus-values ou moins-values.
La plus-value ou la moins-value est déterminée par référence à la valeur que les titres cédés avaient lors du prêt dans les écritures du prêteur. Aux termes du 8 de l'article 39 duodecies du CGI, le délai de détention, qui détermine l'application du régime des plus-values à long terme, reste celui qui s'est écoulé depuis la date d'inscription originelle au bilan des titres prêtés.
B. Situation de l'emprunteur
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Lors d'un prêt de titres, l'emprunteur s'engage à restituer à l'échéance du prêt, non pas les titres prêtés eux-mêmes, mais la même quantité de titres de même espèce et qualité. Les titres empruntés et la dette représentative de l'obligation de restitution sont inscrits distinctement au bilan de l'emprunteur à la valeur réelle de ces titres au jour du contrat de prêt.
Pour les contrats de prêt en cours à la clôture d'un exercice, les titres empruntés qui figurent au bilan (lorsqu'ils n'ont pas été cédés à un tiers) et la dette correspondante envers le prêteur doivent être évalués au cours que les titres ont sur le marché à cette date.
La dépréciation des titres empruntés est donc automatiquement prise en compte et ne peut faire l'objet d'une provision.
Les écarts d'évaluation ainsi constatés et les profits ou les pertes réalisés sont imposables au taux de droit commun.
1. Rémunération du prêt
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La rémunération du prêt et, le cas échéant, les intérêts compensateurs versés au prêteur sont normalement déductibles des résultats imposables de l'emprunteur.
2. Titres reprêtés par l'emprunteur
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Aux termes du 1 bis du II de l'article 38 bis du CGI, l'emprunteur inscrit à son bilan la créance correspondant à la valeur des titres qu'il prête pour la valeur de marché de ces titres à la date du nouveau prêt. A la clôture de l'exercice, si les titres n'ont pas été restitués, l'emprunteur évalue la créance représentative des titres reprêtés à leur valeur à cette date.
Lors de leur restitution, les titres empruntés et qui ont fait l'objet d'un nouveau prêt par l'emprunteur sont repris par celui-ci pour la valeur de la créance à la date de restitution, qui correspond :
- soit à la valeur d'origine de la créance si la restitution a lieu au cours du même exercice que le prêt ;
- soit à la valeur actualisée de la créance (valeur de marché des titres qu'elle représente) à la clôture d'un exercice si le contrat s'est déroulé sur deux exercices.
Si les titres restitués figurent toujours au bilan de l'emprunteur à la clôture de l'exercice, ils sont évalués selon les modalités indiquées au II-B § 100.
C. Conséquences à l'égard du régime des sociétés mères et filiales
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En application du c du 1 de l'article 145 du CGI, les titres prêtés ne peuvent pas être retenus pour l'application du régime des sociétés mères et filiales.
Ce régime défini à l'article 145 du CGI et à l'article 216 du CGI est applicable, sous certaines conditions, aux produits de participations qui proviennent :
- de titres souscrits ou attribués à l'émission et conservés depuis leur souscription ou leur attribution ;
- de titres détenus sans discontinuité depuis deux ans au moins ;
- de titres que la société détentrice s'engage à conserver pendant deux ans.
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Conformément aux dispositions du c du 1 de l'article 145 du CGI, ni le prêteur ni l'emprunteur ne peuvent tenir compte des titres prêtés pour l'application du régime des sociétés mères. En l'occurrence, le prêt de titres entraîne donc les mêmes conséquences que celles d'une cession de titres. Ainsi, notamment, si des titres qui ont été retenus pour l'application du régime des sociétés mères sont prêtés avant l'expiration du délai de deux ans, la condition de détention minimale de deux ans n'est pas respectée. La société en cause doit alors verser au Trésor une somme égale au montant de l'impôt dont elle a été indûment exonérée, majoré de l'intérêt de retard. Cette somme est exigible dans les trois mois suivant le prêt.
Les produits versés au prêteur, à l'issue du contrat de prêt, à raison des titres restitués ne peuvent être admis au bénéfice du régime spécial que si, les autres conditions étant supposées remplies, la société les conserve pendant un délai de deux ans décompté à partir de la date de leur restitution. A défaut du respect de ce délai, ce régime n'est pas applicable même si la société mère détenait, avant le prêt, les titres depuis deux ans ou depuis leur émission.
La société à laquelle l'emprunteur a cédé les actions empruntées peut, le cas échéant, tenir compte des titres en cause pour l'application du régime fiscal des sociétés mères défini à l'article 145 du CGI et à l'article 216 du CGI.