CTX – Contentieux de l'assiette de l'impôt - Procédure devant le Tribunal de grande instance (TGI) - Jugement - Rédaction du jugement
Les jugements pris par le tribunal de grande instance doivent comporter un certain nombre de mentions nécessaires (I).
Ils doivent être motivés (II).
La décision proprement dite en constitue le dispositif (III).
L'expédition du jugement doit, enfin, être revêtue de la formule exécutoire (IV).
I. Mentions nécessaires
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Les jugements pris en matière fiscale par le tribunal de grande instance doivent comporter un certain nombre de mentions essentielles communes à tous les jugements rendus par les tribunaux judiciaires. En outre, ils doivent constater l'exécution de certaines formalités particulières relatives à la poursuite de la procédure spéciale prévue par le livre des procédures fiscales (art. R* 202-1 à R* 202-4 du LPF).
A. Mentions nécessaires communes à tous les jugements
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Le code de procédure civile prescrit que le jugement doit comporter des indications relatives à sa régularité formelle ainsi que l'exposé des prétentions respectives des parties et leurs moyens.
Enfin le jugement doit être signé.
1. Mentions relatives à la régularité formelle du jugement (C. proc Civ. art. 454)
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Le jugement doit contenir l'indication :
- de la juridiction dont il émane ;
- du nom des juges qui en ont délibéré (BOI-CTX-JUD-10-50-10), ou du juge s'il y a eu juge unique ;
- de sa date, qui est celle de son prononcé ;
- du nom du représentant du ministère public s'il a assisté aux débats ;
-du nom du secrétaire ;
- de l'identité ainsi que du domicile ou du siège social des parties et, le cas échéant, du nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties.
2. Énonciations relatives aux prétentions respectives des parties
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Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens (C. proc. Civ, art. 455).
Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date sans qu'il soit nécessaire d'annexer à la décision une copie de ces écritures.
A cet égard, la décision qui reproduit les éléments essentiels de l'argumentation des parties satisfait aux exigences légales.
Cela étant, les juges ne sont tenus de statuer que sur les moyens qui figurent dans le dispositif des conclusions. Ils n'ont pas à répondre à de simples arguments invoqués par les parties (Cass. com., 7 décembre 1970, RJ, n° IV, p. 169).
3. Signature du jugement
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Le jugement est signé par le président et par le secrétaire. En cas d'empêchement du président, mention en est faite sur la minute qui est signée par l'un des juges qui en ont délibéré (C. proc. Civ, art. 456).
Cette prescription doit être observée à peine de nullité du jugement (C. proc. Civ., art.458).
4. Omission ou inexactitude d'une mention
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Le code de procédure civile précise les cas dans lesquels il y a lieu à nullité du fait de l'omission ou de l'inexactitude d'une des mentions. Ainsi doivent être observées à peine de nullité les prescriptions concernant :
- la mention du nom des juges ;
- l'exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens ;
- la signature par le président et par le secrétaire ainsi que, le cas échéant, la mention de l'empêchement (C. proc. Civ., art. 458).
Toutefois, l'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience, ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été en fait observées (C. proc. Civ., art. 459).
À cet égard, il convient de considérer que cette disposition, d'une portée générale, s'applique aux instances fiscales dont se trouvent saisis les tribunaux civils.
B. Mentions nécessaires particulières à la procédure fiscale
1. Mentions nécessaires
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L'article R* 202-2 du livre des procédures fiscales prescrit que l'instruction se fait par simples mémoires respectivement signifiés.
Par ailleurs, l'article L. 199 B du même livre précise que les affaires portées devant les juridictions de l'ordre judiciaire sont jugées en séance publique.
Il en résulte que, pour être régulier, un jugement rendu en matière fiscale doit, outre les mentions nécessaires à la validité de tous les jugements pris par les tribunaux judiciaires, mentionner ou constater:
- La signification des mémoires respectivement produits par les parties. La formalité de la signification étant substantielle, il faut que le jugement statuant sur le litige en constate l'observation à peine de nullité.
Toutefois le jugement est régulier, même en l'absence de cette mention, s'il résulte des pièces de la procédure, que les parties en cause ont établi des mémoires écrits qui ont été, en fait, respectivement signifiés (Cass. com., 9 mars 1971, RJ, n° IV, p. 49) [BOI-CTX-JUD-10-30-10].
- S'il y a lieu, l'audition des explications orales des parties (BOI-CTX-JUD-10-30-10).
- La publicité des audiences (BOI-CTX-JUD-10-50-20).
2. Omission ou inexactitude d'une mention
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Le code de procédure civile prévoit que le jugement a la force probante d'un acte authentique (C. proc. Civ., art. 457).
Ainsi, les énonciations des juges du fond selon lesquelles un mémoire n'a pas été produit devant le tribunal font foi jusqu'à inscription de faux (Cass. com., 8 juillet 1970, n°67-13159, RJ, n° IV, p. 109).
Mais ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, en ce qui concerne les mentions nécessaires communes à tous les jugements (cf. I A 4), si l'omission ou l'inexactitude d'une mention particulière à la procédure fiscale entraîne en principe la nullité du jugement, cette nullité n'est pas prononcée si l'on peut établir qu'en fait la procédure spéciale a été respectée.
Il en est ainsi pour la signification des mémoires (cf. ci-dessus I B 1).
De même, jugé que n'est pas fondé le grief fait à un jugement d'avoir déclaré statuer en matière ordinaire dès lors que le tribunal, ainsi qu'il résulte des énonciations du jugement, s'est conformé aux dispositions de l'article 1947 du CGI applicable à l'époque (actuel article R* 202-2 LPF) (Cass. com. 30 mars 1971 n°69-11875, RJ, n° IV, p. 58).
II. Motifs du jugement
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Conformément aux dispositions combinées des articles 455 et 458 du code de procédure civile, les jugements rendus par le tribunal de grande instance doivent être motivés à peine de nullité.
A. Les motifs
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On entend par motifs d'un jugement ce qui détermine chacune des dispositions dont il se compose ou encore les raisons données par le juge à l'appui de sa décision.
Les motifs doivent être particuliers à chaque affaire et suffisamment précis et développés pour permettre leur contrôle, dans le cadre d'un éventuel recours.
B. Jugements suffisamment motivés
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La motivation des jugements est nécessaire à leur régularité ; cependant des motifs sommaires ou implicites constituent une réponse suffisante aux conclusions des parties.
Les motifs ne doivent pas être contradictoires.
Enfin, le tribunal de grande instance peut fonder sa décision sur des éléments et documents extérieurs à la procédure fiscale.
1. Motivation nécessaire
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Le jugement doit être motivé. Le défaut ou la contradiction de motifs constitue un cas de nullité.
La nécessité de la motivation des jugements est toutefois limitée aux prétentions régulièrement exprimées par les parties dans leurs mémoires.
Les juges du fond ne sont, en effet, tenus de statuer que sur les moyens qui figurent dans le dispositif des conclusions. Ils n'ont pas à répondre à de simples arguments invoqués par les parties (Cass. com., 7 décembre 1970, n° 67-14036, RJ, n° IV, p. 169).
Ils n'ont pas à examiner les conclusions formulées dans un premier mémoire si celles-ci ont été abandonnées par la suite.
Ils ne peuvent, non plus, se voir reprocher de ne pas avoir apprécié l'une quelconque des prétentions exprimées dans un document qui, dépourvu de titre, de dispositif, de date, de signature, de mention de signification - et dont, au surplus, certaines énonciations font ressortir que sa rédaction est postérieure à la clôture des débats - ne saurait être considéré comme le mémoire prévu par la loi fiscale.
Enfin, un tribunal n'a pas à donner de motifs particuliers pour déclarer non établie l'existence d'un mandat tacite lorsqu'aucun élément de preuve ne lui est fourni ( cf. Cass. com., 30 mars 1971 n°69-11875, II B 2).
2. Motivation suffisante
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Est suffisamment motivé le jugement qui énonce expressément les dispositions sur lesquelles est fondée sa décision ainsi que les raisons qui l'ont conduit à en faire application à l'espèce (Cass. civ., sect. com., 20 mai 1963, RJCI, p. 59).
Le jugement motivé, même sommairement ou implicitement, satisfait aux dispositions légales. Ainsi, est régulier le jugement qui se borne à constater que le redevable n'a fourni aucune justification à l'appui de sa contestation (Cass. civ., 15 juillet 1952, BOED I, 6303).
De même, lorsqu'il homologue les conclusions d'un rapport d'expertise, en faisant siennes les données qui y sont exposées, un tribunal écarte par là même les critiques formulées dans les mémoires à l'encontre de ce rapport et, par conséquent, justifie légalement sa décision (Cass. com., 7 juillet 1954, BOED I, 6706 ; Cass. civ., 19 janvier 1960, BOED I, 8181 et 20 juin 1960, BOED I, 8202).
Lorsqu'il répond aux conclusions des parties, le tribunal n'est d'ailleurs pas obligé d'entrer dans le détail de leur argumentation :
Ainsi, justifie légalement sa décision un tribunal qui, pour répondre à la demande d'évaluation d'un redevable, ordonne une expertise des biens dont la valeur est en litige, sans suivre ce redevable dans le détail d'une argumentation consistant notamment à contester la validité d'une proposition de rectification. De plus, il ne saurait être reproché aux juges de s'être référés aux « usages de la profession » en ce qui concerne l'estimation d'un fonds de commerce, sans aucunement préciser les éléments de fait permettant d'admettre l'existence de tels usages, dès lors que le tribunal, ayant analysé en détail les nombreux éléments d'appréciation dont avaient tenu compte également les experts dans l'évaluation des biens dont il s'agit, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain, retenu qu'il disposait d'éléments d'appréciation suffisants pour fixer la valeur du fonds susvisé (Cass. com., arrêt n° 23 du 10 janvier 1984).
Également n'est pas fondé le grief fait à un jugement de n'avoir pas répondu au moyen tiré de la valeur subjective du fonds de commerce exploité par une société, dès lors qu'après avoir fait état de toute une série d'éléments pertinents, le tribunal a écarté les données d'une expertise officieuse, estimant que « l'expert a fortement sous-évalué la valeur réelle du fonds social » ; le tribunal a ainsi, en les rejetant, répondu aux prétentions des redevables, sans être obligé d'entrer dans le détail de leur argumentation (Cass. civ., 6 décembre 1961, BOED I, 8556).
De même, en retenant que si l'administration de l'Enregistrement a tardé à faire valoir les droits résultant de la nature réelle de la convention, ce retard entraîne pour elle, par suite de la prescription, la perte des droits afférents aux années antérieures à 1951, le tribunal a répondu aux conclusions du redevable faisant grief au juge d'avoir validé le titre de perception (avis de mise en recouvrement) sans avoir recherché au préalable, en les discutant en ses motifs, si et pourquoi étaient ou non fondés les moyens invoqués relatifs à la prescription (Cass. com., 26 janvier 1965, BOED I, 9469).
Enfin, est justifiée la solution d'un jugement qui, en se référant à l'ensemble des éléments de la cause invoqués par l'Administration et par lui énumérés, a décidé qu'il en résultait des présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir que l'acte litigieux contenait une simulation et que la prétendue vente était en réalité une donation (Cass. crim., 6 novembre 1978).
3. Motifs contradictoires ou dubitatifs
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La contradiction dans les motifs équivaut à un défaut de motifs et, par conséquent, emporte la nullité du jugement.
À cet égard, la jurisprudence ne considère pas comme fondé sur des motifs contradictoires le jugement qui :
- d'une part, déclare que les attestations des entrepreneurs ayant effectué des travaux dans la pharmacie du défunt seraient de nature à justifier les allégations du légataire universel -selon lesquelles celui-ci aurait consenti des avances au de cujus- mais observe toutefois que ces attestations n'apportent pas la preuve que le légataire universel a payé les entrepreneurs de ses propres deniers et qu'elles ne précisent pas la somme payée (Cass. com., 15 octobre 1968, RJ, 2e partie, p. 209) ;
- relève que n'a donné lieu à aucune perception, du fait qu'il est demeuré occulte, un acte ayant opéré un transfert de propriété d'immeubles, puisque ultérieurement l'acheteur, dont la qualité de propriétaire restait ignorée, s'est présenté dans des actes authentiques de vente de ces mêmes immeubles comme le mandataire des vendeurs (Cass. civ., 3 février 1960, 1er esp., BOED I, 8206).
Par ailleurs, il a été jugé que ne sont ni hypothétiques ni dubitatifs les motifs d'un jugement énonçant que l'existence des dettes contractées par le défunt « se trouve être sérieusement contestée » et qu'il est de plus permis d'émettre « un doute sur le fait que le paiement » des dettes ait été réellement effectué par le légataire universel ; ces expressions signifient, en effet, que l'intéressé n'a pas rapporté la preuve de l'existence des dettes et du paiement allégué (Cass. com., arrêt du 15 octobre 1968 précité).
4. Motivation par référence à des éléments de preuve extérieurs à la procédure fiscale
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Pour motiver son jugement, le tribunal peut à bon droit se référer à des éléments de preuve fournis à l'occasion d'autres procédures.
Jugé ainsi que justifie sa décision, le tribunal qui pour retenir l'existence d'une dissimulation de prix dans un acte de cession de droits immobiliers, se fonde sur les documents régulièrement versés aux débats et notamment sur des déclarations faites par les parties dans une autre procédure, devant un officier de police judiciaire (enquête pénale), ainsi que sur les énonciations d'un jugement antérieur, rendu dans une instance engagée par un tiers contre les mêmes parties (Cass. com., 19 décembre 1973, n° 71-13670, RJ, n° IV, p. 134).
III. Dispositif du jugement
Le dispositif est la partie du jugement qui énonce la décision du tribunal (C. proc .Civ, art. 455).
A. Solution du litige
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Le dispositif est la partie la plus importante du jugement car il contient la solution du litige à laquelle est attachée l'autorité de la chose jugée (cf. BOI-CTX-DG-20-30).
Le dispositif des jugements varie avec chaque litige ; il doit répondre à tous les chefs de demande mais il ne doit pas aller au-delà de ce qui a été demandé (ultra petita). Il ne peut apporter de modification ni à l'objet ni à la cause de la demande : le juge est en effet lié par le cadre du procès tracé par les parties.
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Il importe de préciser que, dans les instances portées devant les juridictions judiciaires en application de l'article L. 199 al. 2 du LPF, le tribunal de grande instance n'a pas compétence pour prononcer une condamnation au paiement d'un contribuable (Com., 13 février 1996, n° 265 D) ou, en sens inverse, pour délivrer un titre de perception (Com., 27 novembre 1984, Bull. IV, n° 321), ni même pour annuler un avis de mise en recouvrement en son entier (Com., 6 juin 1990, Bull. IV, n° 168). Ainsi, la décision d'un tribunal ne doit entraîner l'annulation de l'avis de mise en recouvrement que pour les chefs de rehaussement dont l'irrégularité est reconnue (Com. 11 janvier 2000, n° 124 D).
De même, dès lors que l'irrégularité constatée par le tribunal ne s'applique ni à l'établissement du droit d'enregistrement au taux de 13,80 %, ni à celui du droit supplémentaire de 6 % définis par les articles 683 et 1840 G quinquies, anciens, du code général des impôts, l'avis de mise en recouvrement n'est pas vicié en tant qu'il porte sur ces impositions (Com. 7 mars 2000, n° 569 D).
Le juge ne peut en effet que statuer sur la décision de rejet du Directeur en l'infirmant ou la confirmant en tout ou partie.
C'est de cette condamnation que résulte l'obligation pour l'administration de procéder, par voie de conséquence, à un dégrèvement, partiel ou total, de l'imposition litigieuse, tandis que l'obligation au paiement du contribuable résulte du titre de recouvrement contesté dans sa réclamation.
B. Attribution des frais et dépens de l'instance
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Le dispositif contient également les dispositions accessoires relatives aux dépens de l'instance (BOI-CTX-JUD-10-80).
IV. Formule exécutoire
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La première expédition du jugement, qui s'appelle la grosse, est revêtue de la formule exécutoire. De la sorte, elle porte en tête :
« République française »
« Au nom du peuple français »
et se termine par :
« En conséquence, la République française mande et ordonne à tous « huissiers de justice », sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique d'y prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.
En foi de quoi le présent jugement a été signé par... ».