IF - Taxe foncière sur les propriétés bâties - Champ d’application et territorialité - Exonérations permanentes - Propriétés publiques - Affectation à un service public ou d'utilité générale
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Pour être exonéré de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), l'immeuble doit être affecté à un service public ou d'utilité générale (code général des impôts (CGI), art. 1382, 1°).
I. Définition
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Doit être regardé comme affecté à un service public ou d'utilité générale tout immeuble dans lequel s'exerce une activité profitable, sinon à la totalité des ressortissants de la collectivité propriétaire, du moins à une large catégorie d'entre eux.
Cette notion d'affectation à un service public ou d'utilité générale s'applique non seulement aux bâtiments indispensables au bon fonctionnement des services publics essentiels, mais encore à des locaux dans lesquels s'exercent des activités présentant un caractère éducatif, culturel, sanitaire, social, sportif, touristique.
II. Applications
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Des décisions tant jurisprudentielles que doctrinales, prises en matière de contribution foncière des propriétés bâties et applicables à la taxe foncière, illustrent les conditions définies au I § 10.
A. Logements des fonctionnaires civils et militaires
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Pour bénéficier de l'exonération permanente de la TFPB prévue au 1° de l'article 1382 du CGI, les locaux appartenant à l'État et aux collectivités territoriales servant de logement aux fonctionnaires doivent être :
- improductifs de revenus ;
- et affectés à un service public ou d'utilité générale.
Remarque : Ces solutions s'appliquent aux logements des gardiens des propriétés publiques.
1. Logements appartenant à l'État
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En ce qui concerne les logements appartenant à l'État, la condition d'affectation à un service public est remplie lorsque ceux-ci sont concédés pour nécessité absolue de service.
Aux termes de l'article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), il y a nécessité absolue de service lorsque l'agent ne peut accomplir normalement son service, notamment pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité, sans être logé sur son lieu de travail ou à proximité immédiate. Les concessions de logement accordées par nécessité absolue de service comportent la gratuité de la prestation du logement nu.
Elles sont accordées exclusivement au profit des agents civils de l'État et des militaires, après avis du directeur départemental ou régional des finances publiques au nom du ministre chargé du domaine et du ministre sous l'autorité duquel se trouve placé l'agent bénéficiaire, par arrêté pris par le préfet et, pour les agents civils et militaires du ministère de la défense, par arrêté du ministre de la défense ou de son représentant (CGPPP, art. R. 2124-66).
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À cet égard, le Conseil d'État a jugé que le directeur d'un centre médico-chirurgical (établissement public d'assistance) devait habiter sur place par nécessité absolue de service et qu'ainsi le bâtiment où il résidait était affecté à un service public et bénéficiait de l'exonération ; en revanche, il a jugé non établi le caractère de « nécessité absolue de service » en ce qui concerne les logements des médecins et du personnel (CE, décision du 1er février 1978, n° 04849).
Le Conseil d’État a également précisé que « la condition d'affectation au service public est satisfaite lorsque les logements ont été octroyés à des agents en raison de la nécessité impérieuse, eu égard au service qu'ils accomplissent, de les loger soit sur place, soit à une distance des locaux de service qui permette le plein exercice des fonctions à raison desquelles, dans l'intérêt du service public, un tel logement leur a été concédé ; Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que le tribunal administratif de Marseille a souverainement relevé que l'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille avait attribué à titre gratuit, à certains de ses directeurs des logements de fonction situés à « une distance d'environ 3,5 à 4,8 kilomètres » du site hospitalier le plus proche ; qu'en jugeant que ces logements ne pouvaient être regardés comme concédés par nécessité absolue de service et en conséquence affectés au service public hospitalier, en raison de la distance les séparant des établissements où leurs occupants étaient conduits à exercer leurs fonctions alors que, dans cette hypothèse de nécessité impérieuse et de distance permettant le plein exercice des fonctions, les logements devaient être réputés affectés au service public, le tribunal a commis une erreur de droit » (CE, décision du 7 mai 2012, n° 342240).
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Il y a lieu de considérer que les personnels de tous grades de la gendarmerie nationale en activité de service et logés dans des casernements ou des locaux en casernements, tant en métropole que dans les territoires et départements situés en dehors du territoire de la France métropolitaine bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service. Par suite, les casernes qui appartiennent à l'État sont exonérées de taxe foncière sur les propriétés bâties en application du 1° de l'article 1382 du CGI. En revanche, lorsque les casernes sont prises à bail par la gendarmerie nationale auprès d'une collectivité locale moyennant versement d'un loyer, la taxe foncière est normalement due par la collectivité propriétaire (RM Cova, n° 29863, JO AN. du 27 avril 2004, p. 3175).
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Sont imposables à la TFPB les bâtiments servant au logement des officiers et des sous-officiers dont l'occupation donne lieu au versement de loyers ou qui ne sont pas concédés pour nécessité absolue de service (RM Bohl, n° 368, JO Sénat du 31 octobre 1981, p. 2361).
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Les maisons attribuées par l’État en dotation à l'Office national des forêts (ONF) et concédées aux agents de l'Office par nécessité absolue de service sont exonérées de la TFPB.
2. Logements appartenant aux collectivités territoriales
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Pour apprécier si les locaux appartenant à des collectivités territoriales et destinés au logement du personnel de l'éducation sont affectés à un service public, il convient de se référer à la situation de fait et de rechercher si des nécessités absolues de service imposent que les agents intéressés résident de manière permanente à l'intérieur des bâtiments où ils exercent leurs fonctions.
Répondent ainsi à cette condition les locaux occupés par les personnels qui exercent certaines fonctions d'encadrement ou de surveillance ou par le concierge de l'établissement. Il n'en est pas de même, en revanche, des logements affectés au personnel enseignant, a fortiori lorsqu'ils sont situés en dehors des bâtiments scolaires :
Les logements de fonction attribués au personnel de l'éducation nationale sont considérés comme affectés à un service public et à ce titre exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties lorsqu'ils sont concédés pour nécessité absolue de service, dans les conditions fixées par le décret n° 86-428 du 14 mars 1986 relatif aux concessions de logement accordées aux personnels de l’État dans les établissements publics locaux d'enseignement. (RM Allouche, n° 7577, JO Sénat du 31 mai 1990, p. 1188).
Remarque : Le décret n° 86-428 du 14 mars 1986 relatif aux concessions de logement accordées aux personnels de l'État dans les établissements publics locaux d'enseignement est abrogé. Les dispositions relatives aux concessions de logements accordées aux personnels de l’État dans les établissements publics locaux d'enseignement sont désormais codifiées aux articles R. 216-4 et suivants du code de l'éducation (C. éduc.). Sont ainsi logés par nécessité absolue de service, sous certaines conditions, les personnels de direction, de gestion et d'éducation et les personnels de santé (C. éduc., art. R. 216-5).
3. Logements de fonction vacants
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RM Rossinot, n° 22705, JO AN du 24 septembre 1990, p. 4479 :
Question : M. André ROSSINOT appelle l'attention de M. le ministre d’État, ministre de l'économie, des finances et du budget, sur le problème de la taxe foncière sur les propriétés bâties dont est redevable la collectivité propriétaire au titre des logements de fonction des personnels de l'éducation nationale. Le syndicat intercommunal scolaire, propriétaire des collèges a mis ceux-ci à la disposition du département en application de la loi n° 85-97 du 27 janvier 1985, entrée en vigueur le 1er janvier 1986. Dans ces conditions, le syndicat intercommunal scolaire, n'a pas le droit de regard sur ces logements qui sont désormais attribués par les principaux en accord avec le conseil général. Lorsque ces logements sont vacants, il serait logique que conformément à l'article 1389 du code général des impôts qui stipule que des dégrèvements, en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties, peuvent être accordés en cas de vacance de locaux, indépendante de la volonté du propriétaire, d'une durée d'au moins trois mois et affectant des locaux susceptibles de location séparée, le syndicat intercommunal scolaire bénéficie de ce cas de dégrèvement. Aujourd'hui les opinions sont partagées, aussi, il lui demande de préciser le champ d'application de l'article 1389 du code général des impôts, pour les collectivités territoriales ou leurs groupements.
Réponse : Lorsqu'un logement de fonction fait l'objet d'une concession pour nécessité absolue de service, il bénéficie de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties prévue au 1° de l'article 1382 du code général des impôts. Cette exonération est maintenue lorsque le logement n'est pas occupé par le fonctionnaire auquel il est attribué, si le local en cause demeure vacant. En effet, la condition d'affectation à un service public continue à être remplie dans ce cas. En revanche, les logements de fonction attribués dans le cadre d'une concession pour utilité de service ou d'une convention d'occupation précaire sont imposables dans les conditions de droit commun à la taxe foncière sur les propriétés bâties dès lors qu'ils sont productifs de revenus et non affectés à un service public. En cas de vacance, leurs propriétaires ne peuvent pas bénéficier du dégrèvement prévu à l'article 1389 du code général des impôts. Ce dernier s'applique exclusivement aux locaux normalement destinés à la location dans le cadre de baux à caractère civil.
Remarque : Cette réponse précise que les logements de l’État ou des collectivités locales qui sont réservés aux agents logés pour nécessité absolue de service ne sont pas imposables à la TFPB lorsque, faute d'être occupés par leur titulaire, ils demeurent vacants. Il en est de même au regard de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Cette solution s'applique, dans les mêmes conditions, aux logements des établissements publics scientifiques, d'enseignement ou d'assistance.
B. Autres immeubles
1. Résidences universitaires gérées par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS)
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Dès l'instant où les services qui y fonctionnent sont réservés aux étudiants, les résidences universitaires doivent être considérées comme affectées à un service d'utilité générale.
Dans ces conditions, les résidences universitaires peuvent bénéficier de l'exonération permanente de la TFPB lorsqu'elles sont improductives de revenus (BOI-IF-TFB-10-50-10-30).
Sur le caractère de propriété publique, il convient de se reporter au BOI-IF-TFB-10-50-10-10.
2. Stations d'épuration des eaux usées
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Les installations qui appartiennent à des collectivités territoriales ou à leurs groupements sont considérées comme affectées à un service d'utilité publique. Elles peuvent donc bénéficier de l'exonération permanente prévue par le 1° de l'article 1382 du CGI lorsqu'elles sont improductives de revenus.
3. Bourse du travail
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L'exonération doit être refusée à un immeuble communal mis à la disposition d'une Bourse du travail afin de permettre aux syndicats ouvriers - qui sont des organismes privés - de s'y réunir pour étudier les questions syndicales et défendre les intérêts particuliers de leurs membres (CE, décision du 9 novembre 1936).
4. Cercle militaire
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Ne peut être considéré comme affecté à un service public et doit, par suite, être assujetti à la taxe foncière, un immeuble appartenant à l'État et mis par lui à la disposition d'un cercle militaire (CE, décision du 24 mars 1900).
5. Champ de courses
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L'organisation de courses de chevaux ne répond pas à un besoin collectif de la population et ne peut, dès lors, être regardée comme un service public. L'exonération doit, en conséquence, être refusée aux bâtiments édifiés sur un champ de courses dont une commune est propriétaire (CE, décision du 20 décembre 1937).
6. Syndicats professionnels
Les syndicats professionnels ont, en vertu de l'article L. 2131-1 du code du travail, exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts. Eu égard à la mission ainsi confiée à ces organismes privés, un immeuble [appartenant à une collectivité publique] occupé par un ou plusieurs syndicats professionnels ne peut être regardé comme affecté à un service public ou d'utilité générale au sens des dispositions de l'article 1382 du code général des impôts. Il ne peut en aller différemment que pour un local occupé par une organisation syndicale à raison de sa participation à des actions d'intérêt public local (CE, décision du 8 décembre 2017, n° 405545, ECLI:FR:CECHR:2017:405545.20171208).
III. Exercice d'une activité de production d'électricité d'origine photovoltaïque
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Conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 1382 du CGI, l'exercice d'une activité de production d'électricité d'origine photovoltaïque ayant pour support un immeuble ayant le caractère de propriété publique (BOI-IF-TFB-10-50-10-10) n'est pas de nature à remettre en cause l'affectation de cet immeuble à un service public ou d'utilité générale.
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En particulier, les faits que les installations de production d'électricité d'origine photovoltaïque n'appartiennent pas au domaine public ou que l'activité de production ne soit pas profitable aux ressortissants de la collectivité propriétaire de l'immeuble ne font pas obstacle à l'application de l'exonération.
IV. Exercice des activités de service public ou d'utilité générale et des activités commerciales dans un local mis à disposition par une collectivité publique mentionnée au 1° de l'article 1382 du CGI
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Lorsqu'une collectivité confie la gestion de son domaine à une autre personne afin d'assurer une mission de service public, les immeubles en cause remplissent, pour l'exonération de TFPB, la condition d'affectation à un tel service, sauf si l'exploitation de tout ou partie de ces immeubles est d'une nature telle qu'elle n'est plus susceptible de se rattacher à la mission de service public.
Ainsi, le Conseil d’État a jugé que :
La région d'Île-de-France, propriétaire d'une base de loisirs, « ne tire aucun revenu de cette mise à disposition ; que cette base, à l'exploitation de laquelle ces immeubles ont été affectés, constitue un service public ou d'intérêt général offrant au public la possibilité d'un libre accès à des activités de plein air et de loisirs ; qu'en estimant que les conditions fixées par les articles 1382-1° et 1599 ter A précités pour accorder le bénéfice de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux collectivités publiques étaient ainsi réunies, y compris pour le bâtiment affecté à la restauration des usagers de la base, le tribunal administratif, qui a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine, n'a pas commis d'erreur de droit (CE, décision du 10 janvier 2005, n° 263506).
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Aussi, pour appliquer l'exonération de TFPB, il appartient aux services des impôts de rechercher si la mission commerciale, qui est accessoire, contribue à l'exercice de la mission de service public, exercée à titre principal, ou si la mission accessoire présente un lien indissociable avec la mission principale.
Le tribunal, pour accorder la décharge des impositions en cause, a relevé qu'il n'était pas contesté que le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement exerçait une mission de service public et que le produit de ses activités commerciales représentait moins de 12 % des recettes de l'établissement. Il en a déduit que ces activités commerciales ne faisaient pas obstacle à ce que l'établissement bénéficie de l'exonération prévue par le 1° de l'article 1382 du code général des impôts. En statuant ainsi, sans rechercher si, outre leur caractère accessoire dans les ressources de l'établissement, ces activités commerciales constituaient le prolongement de la mission de service public confiée au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, le tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit (CE, décision du 27 mars 2019, n° 421459, ECLI:FR:CECHR:2019:421459.20190327).