SJ - Garantie contre les changements de position de l'administration fiscale - Garantie contre les changements de doctrine - Procédures de rescrit fiscal - Rescrit fiscal, garantie apportée par une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait - Rescrits spécifiques avec l'accord implicite en cas d'absence de réponse de l'administration dans un délai encadré - Rescrit relatif à la portée véritable d'une opération
I. Conditions d'application de la garantie prévue à l'article L. 64 B du LPF
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Aux termes de l'article L. 64 B du LPF, la procédure de l'abus de droit fiscal n'est pas applicable lorsqu'un contribuable, préalablement à la conclusion d’un ou plusieurs actes, a consulté par écrit l'administration centrale de la direction générale des finances publiques (DGFiP) en lui fournissant tous les éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération et que l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à compter de la demande.
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La garantie instituée par l'article L. 64 B du LPF trouve à s'appliquer lorsque la consultation de l'administration répond aux quatre conditions suivantes :
- la consultation de l'administration doit concerner la portée d'un ou plusieurs actes susceptibles d'être mis en cause dans le cadre de la procédure de l’abus de droit fiscal ;
- cette consultation doit être préalable à la conclusion de cet acte ou ces actes ;
- la demande doit être adressée par écrit à l'administration centrale de la DGFiP ;
- la demande doit comporter tous les éléments utiles pour apprécier la portée véritable de l'opération.
Si ces conditions sont satisfaites et que l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à compter de la demande, la procédure de l’abus de droit fiscal ne pourra pas être appliquée à cette opération.
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En revanche, si l'une des conditions posées n'est pas remplie, la consultation n’entre pas dans le champ d'application de l'article L. 64 B du LPF et les contribuables concernés ne pourront pas se prévaloir de la garantie instituée par cet article en l'absence de réponse de l'administration.
A. Consultation de l'administration
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La consultation de l'administration doit concerner la portée d'un ou plusieurs actes susceptibles d'être mis en cause dans le cadre de la procédure de l'abus de droit fiscal
Il est rappelé à cet égard, qu’en application de l’article L. 64 du LPF, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposable, les actes constitutifs d’un abus de droit :
- soit que ces actes ont un caractère fictif ;
- soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
Cette définition couvre les situations de fictivité juridique et de fraude à la loi.
En pratique, la fictivité juridique est constituée par la différence objective existant entre l’apparence juridique créée par l’acte en cause et la réalité, en particulier économique, sous-jacente à cet acte.
Selon la jurisprudence, la fraude à la loi en matière fiscale, souvent résumée par la recherche d’un but exclusivement fiscal, est constituée toutes les fois que sont réunies cette recherche d’un but exclusivement fiscal et, d’autre part, l’obtention d’un avantage fiscal par une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs (CE arrêt du 29 décembre 2006 n°283314), par exemple par le recours à un montage juridique et économique artificiel (CE arrêt du 18 mai 2005 n° 267087, CE arrêt du 18 février 2004 n° 247729 et CE arrêt du 27 juillet 2009 n° 295358).
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En conséquence, la demande présentée par le contribuable doit porter sur les conséquences fiscales d'un ou plusieurs actes et viser expressément l'article L. 64 B du LPF. Le contribuable doit exposer sa propre analyse fiscale des opérations projetées, indiquer leurs conséquences fiscales et préciser les conséquences fiscales que pourraient engendrer l'application de la procédure d'abus de droit fiscal qu'il entend écarter.
B. Antériorité de la conclusion ou la réalisation du ou des actes soumis à l'appréciation de l'administration
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Le ou les actes que le contribuable entend soumettre à l’appréciation de l’administration s’entendent d’actes écrits ou non qu’ils soient bilatéraux, multilatéraux voire unilatéraux, c’est-à-dire tout document ou événement qui, sans être constaté nécessairement par écrit, produit des effets de droit et manifeste l’intention de son auteur.
S’agissant des actes non écrits mais emportant néanmoins des effets de droit, comme la mise à disposition d’un bien non formalisée par un écrit par exemple, le contribuable, faute de pouvoir produire un acte écrit à l’administration procède par description de la situation de fait concernée.
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L'administration doit être saisie avant la conclusion ou la réalisation des actes, soit en pratique s’agissant des contrats ou conventions avant leur signature par les parties.
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En revanche, une consultation qui interviendrait après la conclusion ou la réalisation du ou des actes aurait le caractère d'une demande individuelle entrant dans le cadre des dispositions de l'article L. 80 A, al. 1 du LPF (garantie contre les changements d'interprétation d'un texte fiscal) ou de l'article L 80 B-1° du LPF (appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal) et pourrait donc bénéficier, le cas échéant, de la garantie attachée à une prise de position formelle de l'administration. En particulier, seule une réponse expresse de l’administration fiscale l’engage.
C. Forme de la demande
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La demande signée par au moins une des parties à l’acte ou aux actes ou par un représentant habilité doit être adressée (par pli recommandé avec avis de réception) à l'administration centrale de la DGFiP, soit au Service juridique de la fiscalité, Bureau des agréments et rescrits, soit à la Direction de la législation fiscale.
D. Contenu de la demande
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La demande doit comporter tous les éléments utiles pour apprécier la portée véritable de l'opération envisagée. Cette exigence implique de la part du demandeur, notamment :
- un exposé clair, complet et sincère de l'opération envisagée ;
- la désignation exacte (nom ou raison sociale, adresse) de toutes les parties au projet d’acte ;
- la description des liens existant déjà entre ces parties ;
- les productions d'une copie de tous les projets de documents (actes, contrats, conventions, protocoles d'accord, statuts), utiles pour apprécier la portée véritable de l'opération.
Cette demande doit être présentée selon le modèle reproduit au BOI-LETTRE-000133.
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La garantie instituée par l'article L. 64 B du LPF ne peut bénéficier qu'aux contribuables de bonne foi qui ont exposé tous les éléments qui caractérisent l'opération envisagée. Un contribuable ne pourra donc, en aucun cas, se prévaloir de la garantie lorsqu'il aura fourni des éléments incomplets ou inexacts.
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Dans l'hypothèse où la demande présentée serait incomplète, le contribuable a la faculté de présenter pour la même opération une demande complétée. Mais l'administration n'est réputée saisie au sens de l'article L. 64 B du LPF qu'à partir du moment où elle dispose de tous les éléments lui permettant d'apprécier la portée véritable de l'opération envisagée.
II. Étendue de la garantie prévue à l'article L. 64 B du LPF
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La portée de la garantie dépend de la suite donnée par l'administration, dans le délai de six mois, à la demande présentée.
Ce délai commence à courir à compter du jour de la réception d'une demande remplissant les conditions prévues au n° 1.
A. L'administration n'a pas répondu dans le délai de six mois
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Lorsque l'administration n'a pas répondu dans le délai de six mois, la procédure de répression des abus de droit définie à l'article L. 64 du LPF n'est pas applicable à l'opération décrite par le contribuable.
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Aucun rehaussement fondé sur les dispositions de l'article L. 64 du LPF n'est donc possible pour l'avenir au titre de cette opération sauf s'il est démontré :
- que la demande ne remplissait pas l'une des conditions prévues au n° 1 et en particulier que le contribuable avait fourni des renseignements incomplets ou inexacts ;
- ou que l'opération effectivement mise en œuvre par le contribuable, telle qu'elle est constatée par l'administration, par exemple à l'occasion d'un contrôle fiscal, ne correspond pas à celle qui avait été décrite dans la demande.
Il est souligné que l'accord tacite de l'administration né du défaut de réponse dans le délai de six mois ne concerne que l'application de la procédure de l’abus de droit fiscal. Le service conserve donc la possibilité d'effectuer des rehaussements au titre de l'opération en cause sur un fondement autre que l'abus de droit.
Par ailleurs, la garantie ne s'applique qu'à l'opération soumise à l'administration et ne peut être invoquée que par les contribuables parties à l’acte ou aux actes en cause.
B. L'administration a répondu dans le délai de six mois
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Deux situations peuvent alors se présenter :
1. L'administration ne partage pas l'analyse du contribuable
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Les contribuables concernés peuvent néanmoins prendre la décision de réaliser l'opération soit dans les conditions qui ont été soumises à l'administration, soit dans des conditions différentes.
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Pour sa part, l'administration procède, s'il y a lieu, à des rehaussements, dans les conditions de droit commun.
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Dès lors que l’entreprise, qui passe outre l’avis de l’administration, a agi en connaissance de cause, elle s’expose potentiellement à l’application de pénalités prévues en cas de mise en œuvre de la procédure d’abus de droit fiscal.
2. L'administration n'émet pas d'objection vis-à-vis de l'analyse du contribuable
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Elle est engagée par sa position dans les conditions prévues aux articles L. 80 A, al. 1 et L. 80 B-1° du LPF.