SJ - Mesures fiscales soumises à agrément préalable - Agréments en faveur du patrimoine artistique national - Exonération des droits de mutation des dons et legs à l'État d'œuvres de haute valeur artistique ou historique
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La loi n° 68-1251 du 31 décembre 1968 tendant à favoriser la conservation du patrimoine artistique national a pour objet de permettre la mise en œuvre de nouveaux moyens pour accroître les collections des musées et des bibliothèques, pour maintenir en France les œuvres d'art d'une haute valeur artistique ou historique et pour sauvegarder, au bénéfice du public qui les visite, le caractère de certaines demeures.
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À cet effet, l'alinéa 1de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 codifié sous l'article 1131 du code général des impôts (CGI) dispose que l'acquéreur, le donataire, l'héritier ou le légataire d'une œuvre d'art, de livres, d'objets de collection ou de documents de haute valeur artistique ou historique est exonéré des droits de mutation et des taxes annexes afférents à la transmission de ces biens, lorsqu'il en fait don à l'État dans le délai prévu pour l'enregistrement de l'acte constatant la mutation ou de la déclaration de succession. L'alinéa 1 de l 'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 vise également les dons à l'État d'objets de même nature mais acquis à titre onéreux en vente publique et dont la transmission peut, dans les mêmes conditions, être exonérée des droits de mutation exigibles en application de l'article 733 du CGI.
L'application de cette mesure est subordonnée à un agrément préalable donné dans les conditions édictées par le décret n° 70-1046 du 10 novembre 1970 modifié par le décret n° 82-164 du 11 février 1982 (CGI, ann. II, art. 310 G) et après avis d'une commission dont la composition est fixée par l'arrêté interministériel du 6 avril 1982 (JO du 14 avril 1982, NC, p. 3566).
Remarque. - Ce régime d'exonération ne doit pas être confondu avec la procédure instituée par l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 déjà citée qui permet, sur agrément, le paiement des droits de mutation à titre gratuit par la remise d'œuvres d'art. Ce régime, codifié sous l'article 1716 bis du code général des impôts, est abordé au BOI-SJ-AGR-50-20.
I. Champ d'application
A. Objet des mutations
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La loi vise explicitement les œuvres d'art, les livres, les objets de collection et les documents de haute valeur artistique ou historique.
Les seuls biens susceptibles de faire l'objet d'une donation à l'État sont des biens meubles. L'application de la loi doit donc être limitée aux seuls biens qui revêtent le caractère de meubles en vertu des règles du droit civil.
Toutefois, en ce qui concerne les immeubles par destination, il convient de n'exclure du bénéfice de la loi que les objets qui ne peuvent être détachés sans être fracturés ou détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés. En effet, rien ne s'oppose à ce que la donation porte sur des objets mobiliers qui se trouvent immobilisés par destination uniquement parce qu'ils sont placés sur le fonds pour son service et son exploitation mais qui peuvent être remis à l'État sans dégradation.
B. Nature juridique des mutations ou des transmissions et qualité des bénéficiaires
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L'exonération est susceptible de s'appliquer :
- aux ventes publiques effectuées par un officier ministériel, par une autorité administrative ou par le service des affaires foncières et domaniales ;
- à toutes les transmissions à titre gratuit : donations entre vifs ou à cause de mort, donations-partages, successions.
Elle bénéficie à tous les héritiers, donataires ou légataires, quel que soit leur degré de parenté avec le de cujus et même s'il n'existe aucun lien de parenté entre eux et le défunt ou le donateur.
II. Conditions d'application de l'exonération
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L'application de l'exonération est subordonnée à la double condition :
- que l'acquéreur, le donataire, l'héritier ou le légataire fasse une offre de donation à l'État des biens acquis ou recueillis dans le délai prévu pour la déclaration de mutation par décès ou pour l'enregistrement de l'acte constatant l'acquisition ou la transmission. S'agissant des ventes publiques, ce délai est d'un mois à partir du procès-verbal constatant la vente ;
- que cette offre soit agréée par le ministre de l'économie et des finances.
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L'offre de donation faite à l'État peut être assortie de certaines conditions ou réserves.
Il résulte des débats devant l'Assemblée nationale, puis devant le Sénat, que le donateur a la faculté de demander que le bien faisant l'objet de sa libéralité soit affecté par l'État à un musée départemental ou communal.
En outre, le I de l'article 1131 du CGI prévoit expressément que le donateur peut stipuler qu'il conservera la jouissance du bien donné sa vie durant et que cette réserve de jouissance bénéficiera après sa mort à son conjoint.
Lorsque le donateur est une personne morale, le même texte limite la durée de la réserve de jouissance. Celle-ci doit normalement prendre fin à la dissolution de la collectivité mais elle ne peut, en tout état de cause, excéder vingt-cinq ans.
Toutefois, lorsque la décision d'agrément constate que les biens donnés sont attachés à un immeuble, en raison de motifs historiques ou artistiques, le donateur, personne physique ou morale, qui prend l'engagement de les conserver dans cet immeuble et d'autoriser le public à les visiter, est admis à stipuler une réserve de jouissance qui bénéficiera successivement aux personnes auxquelles l'immeuble sera transmis tant qu'elles respecteront elles-mêmes cet engagement.
Le donateur et ses ayants cause peuvent, à tout moment, renoncer à la réserve de jouissance et remettre les biens donnés à l'État (CGI,le III de l' art. 1131).
III. Portée de l'exonération
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L'exonération s'applique :
- aux droits de mutation à titre gratuit prévus à l'article 777 du CGI et, éventuellement, à la taxe de publicité foncière, afférents aux biens faisant l'objet de l'agrément donné dans les conditions indiquées ci-après.
- aux droits d'enregistrement et taxes locales additionnelles s'agissant des ventes publiques d'objet d'art.
IV. Procédure d'agrément de l'offre de donation
A. Demande d'agrément
1. Lieu de dépôt
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Pour bénéficier de l'exonération des droits et taxes dont il est redevable sur les biens acquis ou recueillis par voie de donation ou de succession, l'acquéreur, l'héritier, le donataire ou le légataire doit déposer au service des impôts compétent pour enregistrer l'acte constatant la mutation ou la déclaration de la succession, une offre précisant le ou les biens offerts ainsi que, le cas échéant, les conditions auxquelles elle est soumise. Cette offre est formulée conformément au modèle reproduit au BOI-LETTRE-000099.
Elle est produite en quatre exemplaires et est accompagnée de deux photographies de chaque objet proposé à l'État.
Il en est délivré récépissé (CGI, ann. II, le I de l'art. 310 G).
2. Délais
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L'offre doit être présentée dans les délais suivants :
- un mois à compter de la date de l'acte de mutation (CGI, art. 635, 1-1° et 3°, et 635, 2-5° et 6°) ;
- six mois à compter du jour du décès lorsque celui dont l'héritier, le donataire ou le légataire, recueille la succession est décédé en France métropolitaine, et un an dans tous les autres cas (CGI, art. 641).
Remarque : il existe néanmoins des délais spéciaux pour la Corse et la Réunion.
B. Vérification et transmission des demandes d'agrément
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Le comptable de la DGFiP qui a reçu l'offre de donation examine si le dossier est complet, correctement rempli, daté et signé. Dans la négative, il invite le contribuable à régulariser sa demande.
Il transmet un exemplaire de l'offre avec une photographie de chaque objet offert à la direction générale des finances publiques (service juridique de la fiscalité, bureau des agréments) et les trois autres exemplaires au directeur départemental des finances publiques .
La direction départementale des finances publiques procède à toutes vérifications opportunes en ce qui concerne la sincérité des indications fournies par le demandeur et la recevabilité de la demande. Elle s'assure, en outre, que la situation fiscale de l'intéressé est régulière. Le bénéfice de l'agrément ne saurait, en effet, être accordé aux contribuables n'ayant pas satisfait à leurs obligations fiscales ou convaincus, depuis une époque récente, de fraudes fiscales caractérisées.
C. Saisine et compétence de la commission consultative
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La direction départementale des finances publiques adresse, avec son avis, les trois exemplaires de l'offre et les photographies à la direction générale des finances publiques (service juridique de la fiscalité, bureau des agréments).
Celle-ci fait parvenir un exemplaire de l'offre accompagnée d'une photographie de chaque objet offert au secrétariat de la commission interministérielle, instituée par l'article 2 du décret du 1er novembre 1970 et dont la composition a été fixée par l'arrêté du 6 avril 1982. Cette commission comprend :
- un représentant du Premier ministre, président ;
- deux représentants du ministre chargé du budget ;
- deux représentants du ministre chargé de la culture.
Avant de se prononcer, cette commission recueille l'avis du ministre intéressé par l'affectation éventuelle des biens qui font l'objet de l'offre de donation. Ce ministre est invité à désigner un représentant pour participer, avec voix consultative, aux travaux de la commission relatifs à cette offre.
Elle consulte également le ou les organismes compétents, selon le cas, en matière d'acquisition d'œuvres d'art, de livres, d'objets de collection ou de documents de haute valeur artistique ou historique.
La commission est un organisme consultatif, elle émet un avis tant sur l'intérêt artistique ou historique que sur la valeur des biens offerts ( CGI, ann. II, le II de l'art. 310 G).
D. Décision du ministre chargé du budget
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Au vu de l'avis de la commission, le ministre compétent propose au ministre chargé du budget l'octroi ou le refus de l'agrément (CGI, ann. II, le II de l'art. 310 G).
Le pouvoir de décision appartient au ministre chargé du budget.
Cette décision fixe éventuellement les conditions auxquelles l'agrément est subordonné et arrête, le cas échéant, les mesures propres à assurer la conservation et la surveillance des biens donnés à l'État (CGI, le II de l'art. 1131). Si ces derniers sont, pour des raisons historiques ou artistiques, attachés à un immeuble, elle peut, en particulier, imposer au donateur de prendre l'engagement de les conserver dans cet immeuble et d'autoriser le public à les visiter.
E. Notification de la décision au demandeur et au service
1. Décision d'agrément ne comportant pas de conditions particulières
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En cas d'octroi de l'agrément, la direction générale des finances publiques (bureau des agréments du service juridique de la fiscalité) notifie la décision d'agrément au donateur, par pli recommandé avec demande d'avis de réception (CGI, ann. II, le II de l'art. 310 G).
Une copie de la décision d'agrément et un exemplaire de l'offre sont envoyés au directeur départemental des finances publiques qui les transmet au comptable qui a reçu l'offre.
2. Décision d'agrément conditionnelle
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Lorsque la décision comporte des conditions, le donateur dispose du délai fixé par la décision d'agrément pour accepter ces conditions. Il fait connaître son acceptation à la direction générale des finances publiques,bureau des agréments par pli recommandé avec demande d'avis de réception (CGI, ann. II, le III de l'art. 310 G). Un second exemplaire de l'offre, accompagné de la décision d'agrément ainsi qu'une copie de la lettre d'acceptation sont adressés au directeur départemental des finances publiques, qui les transmet au comptable de la DGFiP qui a reçu l'offre.
À défaut d'acceptation des conditions dans le délai imparti, la décision d'agrément est caduque. Le demandeur en est avisé. Une copie de la lettre informant le demandeur de la caducité de la décision d'agrément est envoyée au directeur départemental des finances publiques qui la communique au comptable de la DGFiP compétent.
3. Décision de refus
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La décision de refus d'agrément est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; une copie de cette lettre, annotée de la date de l'accusé de réception du demandeur, est adressée au directeur départemental des finances publiques qui la transmet au comptable de la DGFiP qui a reçu l'offre.
Le IV de l'article 310 G de l'annexe II au CGI prévoit qu'en l'absence de décision notifiée dans le délai d'un an à compter de la date du récépissé de l'offre, celle-ci peut être considérée comme refusée. Cette disposition est une garantie accordée aux auteurs des offres qui leur permet de reprendre la disposition des œuvres proposées s'ils estiment la procédure trop longue. Mais elle n'exclut pas qu'une décision d'agrément de l'offre de donation puisse intervenir passé le délai d'un an.
V. Liquidation et formalités
A. Liquidation des droits
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Pour la liquidation des droits et taxes dus sur une transmission qui ne comprend pas uniquement des biens donnés à l'État, la valeur de ces derniers est déduite soit de la part imposable revenant à l'héritier, au donataire ou au légataire avant l'application, le cas échéant, de l'un des abattements prévus à l'article 779 du CGI, soit de la valeur exprimée dans l'acte.
B. Mention d'exécution de la formalité
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L'exonération conditionnelle des droits ne pouvant avoir pour effet de suspendre l'accomplissement de la formalité de l'enregistrement, la mention d'exécution de celle-ci doit comporter, soit la formule « gratis », soit l'indication du montant des droits afférents aux biens qui ne font pas l'objet de l'offre de donation. De même, en matière de succession, la quittance ne doit, éventuellement, être délivrée que pour le montant des droits effectivement perçus lors de l'enregistrement de la déclaration.
C. Surveillance de l'exonération conditionnelle
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Dans l'attente de la décision du ministre, la surveillance de l'exonération conditionnelle des droits est assurée, par le comptable de la DGFiP ayant procédé à l'enregistrement de l'acte ou de la déclaration, au moyen de l'extrait d'enregistrement.
D. Exigibilité des droits
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Par dérogation aux dispositions de l'article 1701 du CGI , selon lesquelles les droits des actes et ceux des mutations par décès sont payés avant l'enregistrement, la loi du 31 décembre 1968 prévoit que les droits et taxes afférents aux biens offerts ne sont exigibles que dans le délai d'un mois à compter :
- de la date d'expiration du délai imparti au donateur pour donner son acceptation, dans le cas d'une décision d'agrément conditionnelle (CGI, le II de l'art. 1131) ;
- de la date de réception de la décision de refus d'agrément ;
- du retrait de l'offre de donation lorsqu'aucune décision n'est intervenue dans le délai d'un an suivant son dépôt.
Aucun intérêt de retard n'est exigible lorsque les délais ainsi prescrits sont respectés (CGI, le II de lart. 1131).
À défaut de règlement à l'échéance, la créance du Trésor est prise en charge dans les conditions prévues et authentifiée par l'émission simultanée d'un avis de mise en recouvrement.
VI. Violation de l'engagement pris par le donateur
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Lorsque le donateur ou ses ayants cause ne respecte pas son engagement de conserver les biens donnés dans l'immeuble auquel ils sont attachés et d'autoriser le public à les visiter, il est mis fin de plein droit à la réserve de jouissance qui lui a été consentie et les biens donnés doivent être remis à l'État à première réquisition sous peine d'une astreinte qui ne peut dépasser la somme prévue par l'article 1840 G bis du CGI par jour de retard. Cette astreinte est établie et recouvrée selon les règles applicables en matière de droits d'enregistrement (CGI, art. 1840 G bis). Son montant est fixé par le le directeur départemental des finances publiques qui le notifie au donateur au moyen d'un avis de mise en recouvrement (LPF, art. L 256).