REC - Procédures amiables et procédures collectives de règlement du passif - Procédures judiciaires - Sauvegarde - Jugement d'ouverture
Les mesures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises ont été réformées en profondeur par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.
Certaines de ces mesures étant facultatives, la réforme ouvre théoriquement aux débiteurs plusieurs choix, qui se rattachent, soit aux procédures amiables, soit aux procédures collectives.
En instituant la sauvegarde, la loi de 2005 vise à anticiper efficacement les difficultés de l'entreprise et à organiser en conséquence une procédure avant que ne se produise l'état de cessation des paiements. Il s'agit d'une procédure collective et judiciaire.
Le dispositif de la procédure de sauvegarde est prévu par les dispositions codifiées de l'article L. 620-1 du code de commerce (C. com.) à l'article L. 627-4 du code de commerce et de l'article R. 621-1 du code de commerce à l'article R. 627-1 du code de commerce.
La disposition générique de l'article L. 620-1 du code de commerce a été modifiée par l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008.
Le texte initial prévoyait en effet que pouvait bénéficier de cette procédure un débiteur « qui justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter, de nature à le conduire à la cessation des paiements ». Cette preuve étant difficile à rapporter, la nouvelle rédaction inverse l'ordre des propositions : la procédure de sauvegarde est ouverte à la demande d'un débiteur qui, « sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter ».
Les divers aménagements apportées à la procédure de sauvegarde visent à la rendre plus attractive. Le dispositif a pour but de faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.
S'agissant des créanciers publics, le mandataire judiciaire doit recueillir leur accord pour des délais de paiement. Le défaut de réponse à des propositions de délais leur est opposable. En revanche, le défaut de réponse à des propositions de remise de dettes ne vaut pas acceptation de leur part.
Remarque : L'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 introduit une procédure de sauvegarde accélérée codifiée de l'article L. 628-1 du code de commerce à l'article L. 628-8 du code de commerce (BOI-REC-EVTS-10-20-10-30). Inspirée de la sauvegarde financière accélérée (SFA), instaurée par la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, elle peut concerner d'autres créanciers que les seuls créanciers financiers comme notamment les fournisseurs et les créanciers publics. La SFA, variante de cette nouvelle procédure collective, prévue par l'article L. 628-9 du code de commerce et l'article L. 628-10 du code de commerce, ne s'applique qu'aux membres de certains comités de créanciers. Elle n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers mentionnés à l'article L. 626-30 du code de commerce.
I. L'ouverture de la procédure de sauvegarde
La procédure de sauvegarde est ouverte à la demande exclusive du débiteur. Elle entraîne à son encontre la publicité de la mesure et la restriction de ses pouvoirs.
A. Qualité de la personne susceptible de demander le bénéfice d'une procédure de sauvegarde
1
La procédure de sauvegarde est ouverte à la demande exclusive du débiteur.
Elle est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé (C. com., art. L. 620-2).
10
Il ne peut être ouvert de nouvelle procédure de sauvegarde à l'égard d'une personne déjà soumise à une telle procédure, ou à une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, tant qu'il n'a pas été mis fin aux opérations du plan qui en résulte ou que la procédure de liquidation n'a pas été clôturée.
Cette interdiction ne vaut pas pour les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) qui ont des patrimoines distincts et qui peuvent donc faire l'objet de deux procédures distinctes. A cet égard, l'EIRL n'est que le patrimoine affecté à l'activité professionnelle, de sorte que, pour la partie non affectée, la personne physique peut bénéficier d'une procédure de surendettement.
20
Pour pouvoir bénéficier de la procédure de sauvegarde, le débiteur ne doit pas être en état de cessation des paiements. En vertu de la définition de l’article L. 631-1 du code de commerce, le débiteur doit pouvoir justifier "que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie lui permettent de faire face à son passif exigible avec son actif disponible".
L’article L. 620-1 du code de commerce vise le débiteur qui, sans être en cessation des paiements, justifie en outre de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter.
30
A la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d'office, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou du caractère fictif de la personne morale. A cette fin, le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent.
B. Procédure
1. Tribunal compétent
40
Le tribunal compétent pour prononcer le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde est, conformément à l'article L. 621-2 du code de commerce :
- le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale ;
- le tribunal de grande instance, dans les autres cas, et ce, que l'entreprise soit immatriculée au registre du commerce ou non.
Le tribunal territorialement compétent est celui dans le ressort duquel est situé le siège de l'entreprise.
2. Saisine du tribunal
50
Le débiteur (par l'intermédiaire de son représentant légal s'il s'agit d'une personne morale) dépose sa demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde auprès du greffe du tribunal compétent. Le ministère d'avocat n'est pas obligatoire.
Sa demande expose la nature des difficultés qu'il rencontre et les raisons pour lesquelles il n'est pas en mesure de les surmonter. Elle doit préciser s'il s'engage à établir l'inventaire prévu à l'article L. 622-6-1 du code de commerce et dans quel délai ou s'il demande la désignation par le tribunal d'une personne chargée de le réaliser.
Le débiteur doit également produire les comptes annuels du dernier exercice, ainsi que les pièces énumérées par l'article R. 621-1 du code de commerce afin d'éclairer le tribunal sur la situation de l'entreprise.
3. Mise en état
60
L'article L. 621-1 du code de commerce dispose que le tribunal entend ou appelle en chambre du conseil le débiteur, les représentants du comité d’entreprise ou les délégués du personnel. Pour les professions libérales, il entend ou appelle l’ordre professionnel. Il peut également entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.
La présence du ministère public est requise chaque fois que le débiteur bénéficie ou a bénéficié d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliation dans les dix-huit mois qui précèdent (cette disposition ne s'applique pas s'il s'agit de patrimoines distincts d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée).
Dans ce cas, le tribunal peut, d'office ou à la demande du ministère public, obtenir communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation, nonobstant les dispositions de l'article L. 611-15 du code de commerce qui prévoit que le mandat ad hoc et la conciliation sont des procédures confidentielles.
Si nécessaire, le tribunal désigne un juge chargé de recueillir toutes les informations utiles sur la situation économique et financière de l’entreprise. Ce magistrat peut se faire assister d’un expert.
C. Le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde
1. Le contenu du jugement d'ouverture et la désignation des organes de la procédure de sauvegarde
65
Dans le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, le tribunal procède à la nomination de tous les organes de la procédure (C. com., article L. 621-4).
L'administration de l'entreprise est assurée par son dirigeant.
a. Le juge commissaire
70
Le jugement d'ouverture contient la désignation du juge-commissaire. En cas de nécessité, plusieurs juges-commissaires peuvent être désignés.
Le président du tribunal est compétent pour remplacer le juge-commissaire empêché ou ayant cessé ses fonctions. L'ordonnance par laquelle il est pourvu au remplacement est une mesure d'administration judiciaire.
Les fonctions du juge-commissaire sont définies à l'article L. 621-9 du code de commerce. Il est chargé notamment de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence.
b. Le mandataire judiciaire et l'administrateur judiciaire
80
Dans le même jugement, sans préjudice de la possibilité de nommer un ou plusieurs experts en vue d'une mission qu'il détermine, le tribunal désigne deux mandataires de justice qui sont le mandataire judiciaire et l'administrateur judiciaire, dont les fonctions sont respectivement définies à l'article L. 622-20 du code de commerce et à l'article L. 622-1 du code de commerce. Le tribunal peut, à la demande du ministère public, désigner plusieurs mandataires judiciaires ou plusieurs administrateurs judiciaires.
1° Le mandataire judiciaire
90
Il a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers. Il communique au juge-commissaire et au ministère public les observations qui lui sont transmises à tout moment de la procédure par les contrôleurs.
Les fonds recouvrés à l'issue des actions introduites par le mandataire judiciaire ou, à défaut, par le ou les créanciers nommés contrôleurs, entrent dans le patrimoine du débiteur et sont affectés en cas de continuation de l'entreprise selon les modalités prévues pour l'apurement du passif.
En cas de carence du mandataire judiciaire, tout créancier nommé contrôleur peut agir (cf. I-C-1-c § 120).
2° L'administrateur judiciaire
100
Le tribunal peut désigner un ou plusieurs administrateurs judiciaires. Il les charge ensemble ou séparément de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l'assister pour tous les actes de gestion ou pour certains d'entre eux.
A tout moment, le tribunal peut modifier la mission de l'administrateur sur la demande de celui-ci, du mandataire judiciaire ou du ministère public.
L'administrateur peut faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires ou postaux dont le débiteur est titulaire si ce dernier a fait l'objet des interdictions prévues à l'article L. 131-72 du code monétaire et financier (CoMoFi) et à l'article L. 163-6 du CoMoFi.
110
Le tribunal n'est pas tenu de désigner un administrateur judiciaire lorsque la procédure est ouverte au bénéfice d'un chef d'entreprise, dont le nombre de salariés et le chiffre d'affaires hors taxes sont inférieurs à des seuils fixés en Conseil d'État (C. com., art. L. 621-4 et C. com., art. R. 621-11).
En l'absence d'administrateur, ses fonctions sont exercées par le débiteur sous le contrôle du mandataire (C. com., art. L. 627-1, C. com., art. L. 627-2, C. com., art. L. 627-3 et C. com., art. L. 627-4). Jusqu'au jugement arrêtant le plan, le tribunal peut, à la demande du débiteur, du mandataire judiciaire ou du ministère public, décider de nommer un administrateur judiciaire.
Lorsque la procédure est ouverte à l'égard d'un débiteur qui bénéficie ou a bénéficié d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliation dans les dix-huit mois qui précèdent, le ministère public peut en outre s'opposer à ce que le mandataire ad hoc ou le conciliateur soit désigné en qualité d'administrateur ou de mandataire judiciaire.
c. Le ou les contrôleurs
120
Le juge-commissaire désigne un à cinq contrôleurs parmi les créanciers qui lui en font la demande. Lorsqu'il désigne plusieurs contrôleurs, il veille à ce qu'au moins l'un d'entre eux soit choisi parmi les créanciers titulaires de sûretés et qu'un autre soit choisi parmi les créanciers chirographaires.
Les comptables publics peuvent demander à être nommés contrôleurs.
Les administrations financières, les organismes et les institutions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 626-6 du code de commerce sont désignés contrôleurs s'ils en font la demande. S'il est saisi de plusieurs demandes à ce titre, le juge-commissaire désigne un seul contrôleur parmi eux. Sont également désignées contrôleur, si elles en font la demande, les institutions mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail.
Aucun parent ou allié jusqu'au quatrième degré inclusivement du débiteur personne physique ou des dirigeants de la personne morale, ni aucune personne détenant directement ou indirectement tout ou partie du capital de la personne morale débitrice ou dont le capital est détenu en tout ou partie par cette même personne, ne peut être nommé contrôleur ou représentant d'une personne morale désignée comme contrôleur.
Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, l'ordre professionnel ou l'autorité compétente dont, le cas échéant, il relève est d'office contrôleur. Dans ce cas, le juge-commissaire ne peut désigner plus de quatre contrôleurs.
Le contrôleur peut se faire représenter par l'un de ses préposés ou par ministère d'avocat.
Les contrôleurs assistent le mandataire judiciaire dans ses fonctions et le juge-commissaire dans sa mission de surveillance de l'administration de l'entreprise. Ils peuvent prendre connaissance de tous les documents transmis à l'administrateur et au mandataire judiciaire. Ils sont tenus à la confidentialité. Les fonctions de contrôleur sont gratuites.
d. Le représentant des salariés
130
Le tribunal invite le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel à désigner un représentant parmi les salariés de l'entreprise. En l'absence de comité d'entreprise et de délégués du personnel, les salariés élisent un représentant, qui exerce les fonctions dévolues à ces institutions.
Le paiement des salariés par le biais de l'association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS) est mis en œuvre par le représentant des créanciers.
Le mandataire doit justifier du caractère adapté de la mesure au regard du risque de la cessation des paiements. L'AGS peut contester la réalité de l'absence de trésorerie permettant le paiement des salariés. Il appartiendra au juge-commissaire d'autoriser l'avance des fonds.
e. Possibilité de désigner des experts
140
Si le débiteur en fait la demande, le tribunal désigne, en considération de leurs attributions respectives telles qu'elles résultent des dispositions qui leur sont applicables, un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un courtier en marchandises assermenté aux fins de réaliser l'inventaire prévu à l'article L. 622-6 du code de commerce. Dans le cas contraire, l'article L 622-6-1 du code de commerce est applicable.
2. Publicité du jugement
145
Le jugement d'ouverture de la procédure prend effet à compter de sa date (C. com., art. R. 621-4).
150
Dans les quinze jours de la date du jugement, le greffier procède à la publicité du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde.
La mention du jugement avec l'indication des pouvoirs conférés à l’administrateur (lorsqu'il en a été désigné un) est insérée :
- au registre du commerce et des sociétés (RCS) pour les commerçants et les personnes morales inscrites sur ce registre ;
- au registre spécifique du tribunal de grande instance pour les non-commerçants ;
- au répertoire des métiers ou sur le répertoire des entreprises dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, s'il s'agit d'une entreprise artisanale.
160
Un avis du jugement est adressé pour insertion au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).
Cette insertion contient l'indication du nom du débiteur, selon le cas, de son siège social ou de son adresse professionnelle, de son numéro unique d'identification ainsi que, s'il y a lieu, du nom de la ville du greffe ou de la chambre de métiers et de l'artisanat où il est immatriculé, de l'activité exercée et de la date du jugement qui a ouvert la procédure.
Elle précise également le nom et l'adresse du mandataire judiciaire et de l'administrateur s'il en a été désigné un avec, dans ce cas, l'indication des pouvoirs qui lui sont conférés.
170
Elle comporte avis aux créanciers de déclarer leurs créances entre les mains du mandataire dans un délai de 2 mois.
Le même avis est publié dans un journal d'annonces légales du lieu où le débiteur a son siège social ou son adresse professionnelle et, le cas échéant, ses établissements secondaires.
Les créanciers, y compris les comptables publics, titulaires d'une sûreté, sont personnellement informés du jugement d'ouverture par l'administrateur.
II. Effets de l’ouverture de la sauvegarde
175
L'activité de l'entreprise est poursuivie pendant la période d'observation (C. com., art. L. 622-9) et, sous réserve des dispositions codifiées de l'article L. 622-10 du code de commerce à l'article L. 622-16 du code de commerce (effets à l'égard des tiers) rapportées au II-B § 250 et suiv..
A tout moment de la période d'observation, le tribunal peut ordonner la cessation partielle d'activité, seulement à la demande du débiteur (C. com., art. L. 622-10, al. 1).
A la fin de chaque période fixée par le tribunal ou à tout moment, le débiteur doit rendre compte des résultats d'exploitation, de la situation de sa trésorerie, et de sa capacité prévisible de faire face aux dettes nées régulièrement après le jugement d'ouverture (C. com., art. R. 622-9).
A. Effets de l'ouverture de la sauvegarde à l'égard du débiteur
1. Ouverture d'une période d'observation
180
Le jugement ouvre une période d'observation d'une durée maximale de six mois qui peut être renouvelée une fois par décision motivée à la demande de l'administrateur, du débiteur ou du ministère public. Elle peut en outre être exceptionnellement prolongée à la demande du procureur de la République par décision motivée du tribunal pour une durée n'excédant pas six mois (C. com., art. L. 621-3 et C. com., art. R. 621-9).
Lorsqu'il s'agit d'une exploitation agricole, le tribunal peut proroger la durée de la période d'observation en fonction de l'année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions de l'exploitation.
2. Interdiction de payer certaines créances et de faire certains actes étrangers à la gestion courante de l'entreprise
190
Aux termes de l'article L. 622-7 du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure emporte de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture « à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ». Les créances fiscales étant étrangères à tout mécanisme de connexité, il n'est pas envisageable de compenser une créance antérieure au jugement et une dette postérieure.
Le jugement emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires.
200
De même, il emporte de plein droit inopposabilité du droit de rétention conféré par le 4° de l'article 2286 du code civil pendant la période d'observation et l'exécution du plan, sauf si le bien objet du gage est compris dans une cession d'activité décidée en application de l'article L. 626-1 du code de commerce.
210
Par exception au principe, le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise, à consentir une hypothèque, un gage ou un nantissement ou à compromettre ou transiger. Le juge-commissaire peut aussi l'autoriser à payer des créances antérieures au jugement, pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue, lorsque ce retrait ou ce retour est justifié par la poursuite de l'activité. Ce paiement peut en outre être autorisé pour lever l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail, lorsque le paiement à intervenir est d'un montant inférieur à la valeur vénale du bien objet du contrat.
En cas de vente d'un bien grevé d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, la quote-part du prix correspondant aux créances garanties par ces sûretés est versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations. Après l'adoption du plan, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires d'un privilège général sont payés sur le prix suivant l'ordre de préférence existant entre eux et conformément à l'article L. 626-22 du code de commerce lorsqu'ils sont soumis aux délais du plan.
Le juge-commissaire peut ordonner le paiement provisionnel de tout ou partie de leur créance aux créanciers titulaires de sûretés sur le bien. Sauf décision spécialement motivée du juge-commissaire ou lorsqu'il intervient au bénéfice du Trésor ou des organismes sociaux ou organismes assimilés, ce paiement provisionnel est subordonné à la présentation par son bénéficiaire d'une garantie émanant d'un établissement de crédit.
Le débiteur peut proposer aux créanciers, la substitution aux garanties qu'ils détiennent de garanties équivalentes. Le juge-commissaire peut ordonner cette substitution par ordonnance susceptible d'appel.
220
Tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions de l'article L. 622-7 du code de commerce est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte ou du paiement de la créance.
Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci.
3. Les remises de créances publiques
a. La possibilité de demander des remises gracieuses
230
En cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, l'administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire saisit, y compris par voie dématérialisée, la commission des chefs des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et d'assurance chômage (CCSF) de la demande de remise de dettes. Cette saisine a lieu, sous peine de forclusion, dans un délai de deux mois à compter de la date d'ouverture de la procédure.
L'article L. 626-6 du code de commerce permet aux créanciers publics (administrations financières, organismes de sécurité sociale et institutions gérant le régime d'assurance chômage) de remettre, lors de l'adoption d'un plan de conciliation, de sauvegarde ou de redressement judiciaire, tout ou partie des dettes publiques des entreprises qui en font la demande.
Le comptable public peut donc, via la CCSF, accorder aux débiteurs qui en font la demande, sous réserve que celle-ci soit recevable, des remises de dettes publiques (BOI-REC-PREA-20-10-20).
Les dispositions codifiées de l'article D. 626-9 du code de commerce à l'article D. 626-15 du code de commerce réglementent ces remises.
b. Extension à la sauvegarde des remises automatiques prévues par l’article 1756 du code général des impôts en cas de procédure collective
240
L’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 a étendu à la sauvegarde l’application du I de l'article 1756 du code général des impôts (CGI) qui prévoit la remise automatique des pénalités fiscales et des frais de poursuite relatifs aux impôts directs ou indirects dus à la date du jugement d'ouverture, à l'exception des majorations et amendes visées aux b et c de l'article 1728 du CGI, à l'article 1729 du CGI, à l'article 1732 du CGI, à l'article 1737 du CGI et à l'article 1740 du CGI.
B. Effets de l'ouverture de la sauvegarde à l'égard des tiers
1. Absence de déchéance du terme et continuation des contrats
250
Le jugement d'ouverture ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé. Toute clause contraire est réputée non écrite (C. com., art. L. 622-29).
En vertu de l'article L. 622-13 du code de commerce, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur et en s'assurant, au moment où il demande l'exécution, qu'il disposera des fonds nécessaires à cet effet. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou à paiements échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
260
Le contrat en cours est résilié de plein droit :
- après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse ;
- à défaut de paiement et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l'administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation.
270
A la demande de l'administrateur, la résiliation du contrat est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
Si l'administrateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin, ou encore si la résiliation est prononcée, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif.
Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts.
La résiliation et la cession du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et affectés à l'activité de l'entreprise interviennent dans les conditions fixées par l'article L. 622-14 du code de commerce, l'article L. 622-15 du code de commerce et l'article L. 622-16 du code de commerce.
2. Arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels
280
Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels (C. com., art. L. 622-28), ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus. Cette disposition s'applique aux personnes physiques co-obligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.
3. Interruption et interdiction des poursuites ou des actions en justice
290
Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Le jugement interrompt ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ses créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.
300
Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3 du code de commerce concernant les juridictions prud'homales, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.
Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 du code de commerce dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant (C. com., art. L. 622-22).
310
Le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques co-obligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans (C. com., art. L. 622-28).
320
Les actions en justice et les procédures d'exécution autres que celles visées à l'article L. 622-21 du code de commerce sont poursuivies au cours de la période d'observation à l'encontre du débiteur, après mise en cause du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance ou après une reprise d'instance à leur initiative.
4. Interdiction des inscriptions
330
Les hypothèques, gages, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d'ouverture (C. com., art. L. 622-30).
Il en va de même des actes et des décisions judiciaires translatifs ou constitutifs de droits réels, à moins que ces actes n'aient acquis date certaine ou que ces décisions ne soient devenues exécutoires avant le jugement d'ouverture.
340
Toutefois, le Trésor public conserve son privilège pour les créances qu'il n'était pas tenu d'inscrire à la date du jugement d'ouverture et pour les créances mises en recouvrement après cette date si ces créances sont déclarées dans les conditions prévues à l'article L. 622-24 du code de commerce.
5. Obligation pour les créanciers de déclarer leurs créances
350
Dans les deux mois de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire (C. com., art. L. 622-24).
Le point de départ de ce délai se situe à compter de la notification de l'avertissement à l'égard des créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, qui sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu.
Il en est ainsi pour les comptables publics ayant inscrit un privilège du trésor, un nantissement, une hypothèque ou toute autre sûreté.
La déclaration des créances est développée au BOI-REC-EVTS-10-30.