PAT - IFI - Assiette - Biens soumis à l'impôt - Régimes particuliers d'imposition - Biens ou droits mis en trust
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L'article 14 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificatives pour 2011 a instauré des dispositions spécifiques relatives à l’imposition des biens ou droits placés dans un trust à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), au prélèvement sui generis dû en cas de défaut de déclaration à l'ISF des actifs placés dans un trust et aux obligations déclaratives incombant aux administrateurs de trust.
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L'article 31 de la loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, qui a supprimé l'ISF et a instauré un impôt sur la fortune immobilière (IFI), a prévu des dispositions spécifiques relatives à l'imposition des biens et droits immobiliers placés dans un trust et a corrélativement modifié les dispositions relatives au prélèvement sui generis dû en cas de défaut de déclaration à l'IFI des actifs mentionnés à l'article 965 du code général des impôts (CGI) placés dans un trust.
Ces dispositions s'appliquent à compter du 1er janvier 2018.
Ces dispositions sont codifiées sous l'article 970 du CGI, l'article 990 J du CGI, l'article 1649 AB du CGI, l'article 1736 du CGI et l'article 1754 du CGI.
Les obligations déclaratives précitées sont précisées à l'article 344 G sexies de l'annexe III au CGI, l'article 344 G septies de l'annexe III au CGI et l'article 344 G octies de l'annexe III au CGI.
Pour plus de précisions sur la notion de trust, de constituant et de bénéficiaire, il convient de se reporter au BOI-DJC-TRUST.
I. Taxation du patrimoine composant le trust au titre de l’IFI
A. Principes
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L'article 970 du CGI prévoit l'imposition des actifs mentionnés à l'article 965 du CGI placés dans des trusts, tels que définis à l'article 792-0 bis du CGI.
B. Exclusion de deux catégories de trust
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Le second alinéa de l'article 970 du CGI prévoit expressément que les actifs placés dans des trusts irrévocables dont les bénéficiaires exclusifs relèvent de l’article 795 du CGI, qui vise des organismes d'intérêt général, notamment à caractère caritatif, et dont l’administrateur est soumis à la loi d’un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, n’ont pas à figurer dans l’actif imposable à l’IFI.
Il en est de même si les bénéficiaires exclusifs sont des organismes similaires mentionnés à l'article 795-0 A du CGI.
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En revanche, un trust pour lequel le constituant se réserverait, ou pourrait se réserver, par exemple à son profit ou à celui d’un tiers qui ne relèverait pas de l'article 795 du CGI, ni de l'article 795-0 A du CGI, tout ou partie des revenus ou des biens ou droits mis en trust, ne relève pas de cette exclusion car la condition restrictive tenant au bénéficiaire n'est pas satisfaite.
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Par parallélisme avec le champ du prélèvement sui generis prévu à l'article 990 J du CGI, et sous réserve que leur administrateur soit soumis à la loi d’un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, il est admis que les biens ou droits placés dans des trusts constitués en vue de gérer les droits à pension acquis, au titre de leur activité professionnelle, par les bénéficiaires dans le cadre d’un régime de retraite mis en place par une entreprise ou un groupe d’entreprises (« trusts retraite ») n’ont pas à figurer dans l’actif imposable à l’IFI.
C. Assiette et territorialité
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L’article 970 du CGI prévoit le rattachement des actifs mentionnés à l'article 965 du CGI placés dans un trust au patrimoine du constituant (ou, le cas échéant, du ou des bénéficiaires devenus constituants à la suite du décès du constituant initial ou d'un précédent bénéficiaire réputé constituant et par détermination de la loi) pour leur valeur vénale nette au 1er janvier de l’année d’imposition et dans les mêmes conditions que les autres biens, notamment en ce qui concerne le champ d'application, les règles d'évaluation et les exonérations applicables en matière d’IFI.
Sont ainsi imposés à ce titre l'ensemble des actifs placés dans le trust et imposables à l'IFI dans les conditions de droit commun, qu'il s'agisse par exemple d'immeubles et droits immobiliers, de parts ou actions de sociétés ou organismes à hauteur de leur fraction représentative de biens ou droits immobiliers ou encore de contrats d'assurance ou de bons ou contrats de capitalisation à hauteur de leur valeur représentative des unités de compte constituées d'actifs imposables.
Pour l'application de l'article 970 du CGI, sont considérés comme des biens placés dans un trust, non seulement ceux que le constituant y a transféré depuis son patrimoine personnel, mais également ceux éventuellement acquis par le trust, y compris les biens ou droits imposables à l'IFI acquis en remploi des produits capitalisés générés par des actifs autres qu'immobiliers placés dans le trust.
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Cette règle rend en principe l’assiette de l’impôt indépendante du contenu de l’acte de trust et donc de la nature de ce dernier (notamment, révocable ou irrévocable, discrétionnaire ou non). En présence de plusieurs bénéficiaires réputés constituants et en l’absence de répartition expresse de l’actif du trust dans l’acte de trust (« trust deed ») ou de ses éventuelles stipulations complémentaires annexes, l’actif du trust sera réputé réparti à parts égales entre chacun des bénéficiaires réputés constituants.
Toutefois, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans une décision du 15 décembre 2017 n° 2017-679 QPC ECLI:FR:CC:2017:2017.679.QPC interprétant les dispositions législatives relatives à l'ISF et transposable à l'IFI, si le constituant ou le bénéficiaire réputé constituant démontre que les actifs mentionnés à l'article 965 du CGI placés dans le trust ne lui confèrent aucune capacité contributive, il ne sera pas imposable à l'IFI sur ces actifs. A cet égard, la capacité contributive résulte notamment des avantages directs ou indirects, y compris de nature non pécuniaire, que le redevable est susceptible de tirer de ces actifs ou de leurs produits. Cette preuve ne saurait résulter uniquement du caractère irrévocable du trust et du pouvoir discrétionnaire de gestion de son administrateur.
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Compte tenu des règles de territorialité applicables prévues à l'article 964 du CGI et sous réserve des stipulations des conventions fiscales conclues par la France (BOI-INT-DG-20-20-80), sont taxés au titre de l'IFI :
- les biens ou droits immobiliers et les parts ou actions de sociétés ou d’organismes à raison des biens ou droits immobiliers qu’elles représentent placés dans un trust dont le constituant ou le bénéficiaire réputé constituant est domicilié fiscalement en France, quel que soit le lieu de situation de ces actifs, en France ou à l’étranger ;
- les biens ou droits immobiliers situés en France et les parts ou actions de sociétés ou d'organismes, établis en France ou hors de France, à raison des biens ou droits immobiliers situés en France placés dans un trust dont le constituant et le bénéficiaire réputé constituant n’est pas domicilié fiscalement en France.
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Il est précisé que les personnes physiques dont le patrimoine immobilier net excède le seuil d’assujettissement à l’IFI qui n’ont pas été domiciliées en France au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle elles deviennent résidentes fiscales de France ne sont imposables qu'au titre des biens ou droits immobiliers situés en France ou des parts ou actions de sociétés ou d'organismes, établis en France ou hors de France, à raison des biens ou droits immobiliers situés en France placés en trust et cela jusqu’au 31 décembre de la cinquième année qui suit celle au cours de laquelle elles ont établi en France leur domicile fiscal.
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Par ailleurs, dès lors qu’ils sont imposés suivant les règles de droit commun de l’IFI, les règles normales de détermination de l'assiette (notamment les exclusions de certains biens ou droits immobiliers ou de certaines parts ou actions de sociétés ou organismes prévues à l'article 965 du CGI et à l'article 972 bis du CGI) et d’évaluation des actifs imposables et les dispositifs d’exonération (exonération des biens immobiliers affectés à l'activité professionnelle du redevable par exemple) sont applicables aux biens et droits immobiliers et aux parts ou actions de sociétés ou organismes placés en trust.
Ainsi, les parts ou actions de sociétés ou organismes qui ont pour activité une activité industrielle commerciale, agricole, artisanale ou libérale placées dans un trust ne sont pas retenues pour la détermination de l'assiette de l'impôt lorsque le constituant détient, seul ou conjointement avec les membres de son foyer fiscal, moins de 10 % du capital et des droits de vote (BOI-PAT-IFI-20-20-20-20).
Il est précisé que pour apprécier le respect des seuils de détention tels que ceux mentionnés ci-dessus, il convient de tenir compte des parts ou actions placées, directement ou indirectement, dans le trust, mais également de celles détenues en dehors du trust, directement ou indirectement, par le constituant ou l’un des membres de son foyer.
D. Incidence des conventions fiscales internationales
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Les règles de territorialité énoncées au I-C § 80 s’appliquent sous réserve des stipulations des conventions fiscales conclues par la France.
Les modalités d’élimination des doubles impositions prévues par ces conventions trouvent à s’appliquer lorsqu’une double imposition juridique est caractérisée, c’est-à-dire dans les cas où une même personne est imposable au titre d’une même fortune par plus d’un État.
Dans cette hypothèse, lorsque la France est l’État de résidence, l'impôt acquitté à l’étranger est imputable dans la limite de l'impôt dû en France. Il incombe au redevable de justifier du paiement effectif de l’impôt étranger.
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En l'absence de conventions fiscales internationales, l'article 980 du CGI prévoit que le montant des impôts dont les caractéristiques sont similaires à celles de l'IFI acquitté hors de France est imputable sur l’impôt exigible en France. Cette imputation est toutefois limitée à l'IFI acquitté au titre des biens et droits immobiliers situés hors de France ou sur la valeur des parts ou actions imposables représentatives de ces mêmes biens (BOI-PAT-IFI-50-20).
II. Taxation du patrimoine composant le trust au titre du prélèvement sui generis
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Le prélèvement sui generis sur les trusts, codifié sous l'article 990 J du CGI, qui n'est pas couvert par les stipulations des conventions fiscales d’élimination des doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et la fortune conclues par la France, a pour principale finalité de sanctionner le défaut de déclaration au titre de l’IFI des actifs mentionnés à l'article 965 du CGI placés dans un trust.
A. Exclusion de deux catégories de trusts
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Sont exclus par la loi du champ du prélèvement sui generis :
- les trusts irrévocables dont les bénéficiaires exclusifs relèvent de l’article 795 du CGI ou sont des organismes de même nature relevant de l'article 795-0 A du CGI et dont l’administrateur est soumis à la loi d’un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales (cf. I-B § 30) ;
- les trusts constitués en vue de gérer les droits à pension acquis, au titre de leur activité professionnelle, par les bénéficiaires dans le cadre d'un régime de retraite mis en place par une entreprise ou un groupe d'entreprises et dont l’administrateur est soumis à la loi d’un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales (cf. I-B § 50).
Remarque : Les trusts constitués en vue de gérer des plans de retraite individuels restent en revanche dans le champ du prélèvement prévu à l'article 990 J du CGI.
B. Redevables
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Les redevables légaux du prélèvement sur les trusts sont les constituants d’un trust et les bénéficiaires réputés constituants (BOI-DJC-TRUST).
C. Assiette
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L’assiette du prélèvement est constituée par :
- l’ensemble des actifs mentionnés à l'article 965 du CGI, situés en France et hors de France, placés dans un trust pour les personnes qui sont domiciliées fiscalement en France : il s'agit des biens et droits immobiliers, quel que soit leur lieu de situation en France ou à l’étranger, et des parts ou actions pour la fraction de leur valeur représentative de ces mêmes biens et droits ;
- les biens et droits immobiliers situés en France et les parts ou actions de sociétés ou d'organismes, établis en France ou hors de France, à raison des biens et droits immobiliers situés en France, placés dans un trust, pour les personnes qui ne sont pas domiciliées fiscalement en France.
Remarque : Sont considérés comme des biens placés dans un trust, non seulement ceux que le constituant y a transféré depuis son patrimoine personnel, mais également ceux éventuellement acquis par le trust.
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En présence de plusieurs bénéficiaires réputés constituants et en l’absence de répartition expresse de l’actif du trust dans l’acte de trust (« trust deed ») ou de ses éventuelles stipulations complémentaires annexes, l’actif du trust sera réputé réparti à parts égales entre chacun des bénéficiaires réputés constituants.
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L’assiette du prélèvement est fixée, comme en matière d’IFI, à la valeur vénale nette des actifs mentionnés à l'article 965 du CGI composant le trust au 1er janvier de l’année d’imposition.
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En revanche, les exonérations applicables en matière d'IFI, notamment celles tenant à leur affectation à l'activité professionnelle du redevable ou à la nature de certains biens (bois et forêts...), ne sont pas applicables pour déterminer l'assiette du prélèvement.
D. Exonération des actifs imposables régulièrement déclarés à l’IFI ou en vertu de l'article 1649 AB du CGI
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Le prélèvement n’est pas dû à raison des actifs mentionnés à l'article 965 du CGI :
- inclus dans l’assiette de l’IFI d’un constituant ou d’un bénéficiaire réputé constituant (BOI-DJC-TRUST) redevable de l’IFI ayant déposé sa déclaration et s’étant acquitté de l’impôt dans la situation où il est imposable.
A cet égard, il est précisé que la non-déclaration d'actifs mentionnés à l'article 965 du CGI en raison d'une exonération ne les font pas entrer pour autant dans le champ d'application du prélèvement; Il en va de même lorsque la non déclaration à l’IFI résulte de l’application des conventions fiscales. En d’autres termes, le prélèvement sui generis n’a vocation à s’appliquer que lorsque des actifs mentionnés à l'article 965 du CGI placés dans un trust et effectivement taxables à l’IFI n’auront pas été régulièrement déclarés à l’administration au titre de cet impôt.
- ou figurant dans les déclarations spécifiques des trusts prévues à l’article 1649 AB du CGI lorsque le patrimoine imposable du constituant ou du bénéficiaire réputé constituant n’atteint pas le seuil d’imposition à l’IFI. La valeur nette taxable du patrimoine est appréciée en tenant compte notamment des actifs mentionnés à l'article 965 du CGI placés dans le trust.
Remarque : Il n’y a donc jamais cumul du prélèvement et de l’impôt sur la fortune immobilière au titre des mêmes actifs.
E. Taux
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Le taux du prélèvement sui generis correspond au tarif le plus élevé de l’IFI.
F. Recouvrement du prélèvement sui generis
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Le prélèvement est liquidé et acquitté par l’administrateur du trust.
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L’administrateur, le constituant et les bénéficiaires, autres que ceux ayant satisfait à leurs obligations déclaratives propres, et leurs héritiers, sont solidaires pour le paiement du prélèvement (CGI, art. 1754).
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Le prélèvement est assis selon les règles applicables en matière d'IFI et recouvré selon les règles et sous les mêmes sanctions et garanties que les droits de mutation par décès.