Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-CTX-ADM-10-70-30

CTX - Contentieux de l'assiette de l'impôt – Procédure devant le tribunal administratif – Jugement - Forme et contenu

Les jugements rendus par le tribunal administratif doivent comporter un certain nombre de mentions nécessaires (I).

Ils doivent être motivés (II).

La décision proprement dite en constitue le dispositif (III).

I. Mentions nécessaires

1

Les jugements prononcés par le tribunal administratif doivent comprendre un certain nombre de mentions nécessaires relatives :

- à la publicité de l'audience ;

- aux noms et conclusions des parties, aux visas des pièces et des dispositions législatives ou réglementaires applicables ;

- à l'audition du rapporteur, du rapporteur public et des parties ;

- aux dates ;

- aux noms du ou des magistrats ayant rendu la décision;

- au visa des notes en délibéré.

L'absence de l'une quelconque de ces mentions est, en principe, une cause de nullité de jugement.

Par ailleurs, les jugements peuvent comporter des mentions erronées ou des erreurs matérielles dont l'incidence sera également examinée ci-après.

A. Mentions relatives à la publicité de l'audience

10

Les jugements pris par le tribunal administratif mentionnent qu'il a été statué en séance publique (Code de justice administrative (CJA), art. R741-2).

B. Mentions relatives aux noms et conclusions des parties, visas des pièces et des dispositions législatives ou réglementaires applicables

20

Les jugements contiennent le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont ils font application (CJA, art. R741-2, 2e al.).

1. Visa des conclusions des parties

30

L'absence du visa des conclusions des parties est une cause de nullité du jugement.

Dès lors, est susceptible d'être annulé un jugement qui ne contient pas les conclusions des parties (CE, arrêt du 11 juin 1980, n° 10171).

Mais le fait que le tribunal administratif a inexactement analysé ou omis d'analyser dans son jugement les conclusions du requérant n'entache pas la décision d'irrégularité dès lors que le jugement répond aux moyens qui étaient présentés (CE, arrêt du 24 juillet 1939, n° 64255, RO, p. 424 ; CE, arrêt du 24 février 1982, n° 17200).

Également, vise suffisamment les conclusions des parties, le jugement qui se réfère à une décision d'avant dire droit, laquelle analyse lesdites conclusions (CE, arrêt du 5 mai 1933, n° 1058, Bull. n° 16, 1933, p. 278, TJCA, n° 17008, Leb. chron., p. 487, 2e esp.).

2. Visa des pièces

40

Le défaut de visa de certaines pièces n'est pas de nature à entraîner nécessairement l'annulation du jugement.

Il en est ainsi notamment lorsque :

a. Les pièces dont il s'agit ne contiennent pas de conclusions nouvelles ou d'éléments nouveaux.

Dès lors est régulier :

- le jugement qui ne vise pas un mémoire ne contenant aucune conclusion nouvelle (CE, arrêt du 5 mai 1933, n° 1058,) ;

- un jugement, bien qu'il ne fasse pas état d'un mémoire ampliatif produit par le requérant, lorsque ledit mémoire ne contient pas d'autres conclusions que celles de la requête initiale, laquelle est expressément visée dans le jugement (CE, arrêt du 26 juillet 1928, n° 85810, RO, 5218, Leb. chron., p. 952, 2e esp.) ;

- le jugement qui, dans ses motifs, fait état d'une lettre non portée à la connaissance du contribuable, si cette lettre ne contient pas d'autres éléments que ceux figurant dans les pièces dont le contribuable a eu communication (CE, arrêt du 27 avril 1936, n° 21843, Bull. n° 14, 1936, p. 238, TJCA, n° 17013).

En revanche, lorsqu'un mémoire a été régulièrement déposé au greffe du tribunal administratif avant la clôture de l'instruction, marquée par le début des conclusions du rapporteur public, doit être annulé le jugement qui n'a pas visé ledit mémoire ni ne l'a analysé bien qu'il ait contenu des moyens nouveaux. (CE, arrêt du 11 juillet 1960, n° 46296, BOCI, 1960-I, p. 182).

b. La décision répond à tous les moyens et conclusions présentés par les parties

Ainsi, le fait que le tribunal administratif a omis de viser dans son jugement, un mémoire ampliatif produit par le requérant, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la décision, dès lors qu'elle répond aux moyens et conclusions énoncés dans ce mémoire. (CE, arrêt du 10 mai 1947, n° 78829, RO, p. 214).

De même, le fait qu'un jugement ne mentionnant qu'une analyse insuffisante des mémoires des parties n'est pas susceptible d'entraîner l'annulation dudit jugement, dès lors que la décision attaquée n'est pas entachée d'une omission de statuer (CE, arrêt du 17 mai 1961, n° 39006, Leb. chron., p. 324).

En revanche, doit être annulé pour vice de forme le jugement dans lequel le tribunal administratif a omis de viser un mémoire et de statuer sur les moyens qu'il contenait (CE, arrêt du 26 juin 1968, n°s 58221 et 58269, RJ, 2e partie, p. 163).

Par ailleurs, toutes les phases de l'affaire n'ont pas à être nécessairement visées par le jugement.

Notamment, aucune disposition législative ou réglementaire sur la procédure à suivre devant les tribunaux administratifs n'exige que la notification des mémoires du contribuable et la convocation de ce dernier à l'audience soient mentionnées dans le jugement (CE, arrêt du 17 février 1971, n° 76909).

Enfin, l'absence de référence à l'une des impositions en litige n'est pas une cause d'irrégularité du jugement.

Ainsi, la circonstance que l'avis de décision mentionne seulement l'une des cotisations contestées n'est pas de nature à entacher d'irrégularité un jugement par lequel le tribunal administratif a statué sur l'ensemble de la demande du contribuable (CE, arrêt du 2 mars 1928, n° 86006, RO, 5226, Leb. chron., p. 298, 3e esp.).

3. Visa des dispositions législatives ou réglementaires

50

a. Omission du visa des dispositions législatives ou réglementaires

1° Cas où le Conseil d'État a estimé que cette omission entraînait l'annulation du jugement :

- un jugement qui ne contient pas le visa des dispositions législatives applicables, et dans lequel le tribunal administratif s'est borné à viser « les lois en la matière » (CE, arrêt du 11 décembre 1931, RO, 5687) ;

- un jugement qui, rendu dans une instance concernant l'évaluation attribuée aux propriétés d'un contribuable à la suite de la révision des évaluations foncières ordonnée par l'ancienne loi du 16 avril 1930, ne contient pas le visa de ladite loi (CE, arrêt du 27 février 1939, RO, p. 117).

À cet égard, le Conseil d'État a précisé que, lorsqu'il statue en matière fiscale, le tribunal administratif doit viser dans son jugement les dispositions législatives dont il fait application, mais il n'est pas tenu d'y rapporter textuellement ces dispositions (CE, arrêt du 24 juillet 1939, n° 65479,RO, p. 426, Leb. chron., p. 718).

2° Cas où le Conseil d'État a estimé que cette omission n'entraînait pas l'annulation du jugement.

Le Conseil d'Etat a considéré que, malgré l'omission du visa relatif aux dispositions législatives, la décision n'est pas entachée de nullité dès lors qu'elle est fondée sur les textes régulièrement applicables.

Ainsi, il a été jugé que :

- la circonstance que le tribunal administratif a omis de viser un texte dont il a fait implicitement application ou disposition à laquelle il s'est expressément référé dans son considérant n'est pas de nature à entraîner l'annulation de son jugement, dès lors que l'erreur ainsi commise par les premiers juges n'a eu aucune influence sur leur décision et que cette dernière a été en fait, basée sur les textes régulièrement applicables ;

- en se bornant à viser, dans son jugement, le code général des impôts , sans préciser l'article auquel il entend se référer, le tribunal administratif ne méconnaît pas les prescriptions de l'article R741-2 du CJA relatives au visa des lois et sa décision ne saurait, dès lors, être annulée pour ce motif. La circonstance que le jugement du tribunal administratif contiendrait une référence erronée au texte législatif sur lequel le tribunal a entendu se fonder n'est pas de nature à entraîner l'annulation dudit jugement (CE, arrêt du 6 juillet 1953, n° 6686, RO, p. 298).

b. Erreur dans le visa des dispositions législatives ou réglementaires

Lorsque la décision rendue vise des textes qui ne sont pas applicables au cas d'espèce, le jugement du tribunal doit être annulé.

C. Mentions relatives à l'audition du rapporteur, du rapporteur public et des parties

60

Le jugement du tribunal administratif doit mentionner que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu de l'article R732-1 du CJA ont été entendus (CJA, art. R741-2). L'absence de cette mention, si ces personnes ont été effectivement entendues, est une cause de nullité de jugement.

Le Conseil d'État a en effet annulé pour vice de forme :

- un jugement qui ne fait pas mention que le mandataire du requérant a été entendu en ses observations orales (CE, arrêt du 15 février 1937, n° 53794, RO, p. 101) ;

- un jugement qui ne mentionne pas que le requérant qui avait été régulièrement convoqué à l'audience, a été entendu en ses observations orales (CE, arrêt du 22 février 1937, n° 51505, RO, p. 114) ;

- un jugement qui ne fait pas mention de l'audition des conclusions du rapporteur public (CE, arrêt du 21 décembre 1931, RO, 5687).

Mais si le tribunal est tenu dans sa décision de faire mention de l'audition des parties, en revanche il n'est pas obligé de les désigner nommément.

Ainsi, lorsqu'un agent de l'Administration a présenté des observations à l'audience, le tribunal administratif doit mentionner cette circonstance dans son jugement, mais aucun texte applicable en matière de procédure administrative ne l'oblige à désigner nommément le représentant de l'Administration (CE, arrêt du 26 juillet 1939, RO, p. 458).

D. Mentions relatives aux dates

70

Les jugements font apparaître la date de l'audience et la date à laquelle ils ont été prononcés (CJA, art. R741-2, dernier alinéa).

E. Mentions relatives au nom du ou des magistrats ayant rendu la décision

80

Les noms du ou des magistrats ayant rendu la décision sont mentionnés dans le jugement (CJA, art. L10).

L'absence de cette mention est une cause de nullité du jugement.

En effet, selon la jurisprudence, est susceptible d'être annulé :

- un jugement qui ne mentionne pas le nom des membres du tribunal administratif ayant pris part à la décision (CE, arrêt du 21 décembre 1931 RO, 5687) ;

-comme irrégulier en la forme, un jugement dans lequel la désignation du rapporteur public fait l'objet de mentions contradictoires qui ne permettent pas de connaître par qui les fonctions du ministère public ont été exercées (CE, arrêt du 16 juin 1955, RO, p. 340).

Mais le Conseil d'État a précisé que, dès lors que le président peut remplir en même temps les fonctions de rapporteur, est régulier un jugement rendu dans ces conditions et qui, par suite, ne porte que deux signatures, celles du président-rapporteur et du greffier, si d'ailleurs trois membres du tribunal ont pris part à la délibération (CE, arrêt du 17 décembre 1875, n° 58435, RO, 2803, Leb. chron., p. 1015).

F. Mention d'une note en délibéré

90

Mention est également faite dans le jugement de la production d'une note en délibéré (CJA, art. R 741-2,5e al.).

G. Mentions erronées, erreurs matérielles

1. Incidence de la présence de mentions erronées ou d'erreurs matérielles sur la validité du jugement

100

D'une manière générale, un jugement du tribunal administratif n'est pas entaché de nullité par la présence d'une mention erronée ou d'une erreur matérielle, dès lors qu'elle est sans influence sur la décision du tribunal.

Le Conseil d'État a ainsi jugé que ne sont pas de nature à entraîner l'annulation d'un jugement :

- l'erreur matérielle commise par le tribunal administratif qui, se référant à une précédente décision, lui a attribué, dans un nouveau jugement, une date inexacte (CE, arrêt du 12 novembre 1934, n° 34749, RO, 6307) ;

- l'erreur matérielle commise par le tribunal administratif qui, statuant sur une imposition concernant un contribuable décédé, mentionne que l'imposition litigieuse a été régulièrement établie au nom de M. X..., fils du décédé, alors qu'en fait, cette imposition a été établie au nom du de cujus, par ses héritiers (CE, arrêt du 27 décembre 1937, n° 57545, RO, p. 763) ;

- l'erreur matérielle commise dans l'indication de la date de l'audience à laquelle le contribuable a été régulièrement convoqué et a présenté des observations orales (CE, arrêt du 3 avril 1940, n° 36378, Bull. n° 9, 1940. p. 166, TJCA, n° 59004, Leb. chron., p. 121, 1re esp.) ;

- de simples erreurs matérielles comprises dans le texte des «considérants» d'un jugement et qui ont été sans influence sur la teneur du dispositif (CE, arrêt du 20 décembre 1946, n° 77359, RO, p. 104) ;

- une erreur matérielle dans l'énoncé de l'un des motifs d'un jugement, dès lors qu'elle est sans influence sur la solution donnée au litige par le tribunal administratif (CE, arrêt du 23 janvier 1967, n° 65320, RJ, 2e partie, p. 20) ;

- la simple erreur matérielle commise par le tribunal administratif dans les visas de ce jugement en ce qui touche le lieu d'établissement de l'imposition en litige (CE, arrêt du 5 juillet 1954, n° 18221, RO, p. 110, Leb. chron., p. 764) ;

- la mention relative à la communication des mémoires aux parties figurant dans les visas, qui constitue manifestement une simple erreur matérielle dans la mesure où le président du tribunal administratif a, en application de l'ancien article 1938-5 du CGI (actuel, art. R611-8 du CJA), décidé qu'il n'y avait pas lieu à l'instruction, la solution apparaissant certaine au vu de la requête (CE, arrêt du 10 février 1967, n° 67308, RJ, 2e partie, p. 44).

Par ailleurs, il a été précisé que lorsqu'une contradiction est alléguée entre les termes de la minute d'une décision du tribunal administratif et les conditions dans lesquelles cette décision a été rendue, il appartient au juge d'appel de rechercher si cette contradiction doit être tenue pour établie. Ainsi jugé dans une espèce où le contribuable affirmait n'avoir pas été présent à l'audience alors que la minute de la décision mentionnait qu'il avait été «ouï» en ses observations orales (CE, arrêt du 21 avril 1958, n° 39343, RO, p. 108).

2. Force probante des mentions

110

Les mentions portées, même par erreur, sur les minutes des jugements font foi jusqu'à preuve contraire.

Aucune disposition législative n'institue de procédure de jugement de faux par les juridictions administratives.

Par ailleurs, sauf dans le cas où une loi prévoit expressément que les mentions d'un acte administratif font foi jusqu'à l'inscription de faux, le principe de la séparation des autorités administrative et judiciaire s'oppose à ce que l'exactitude des mentions contenues dans les actes administratifs ou dans les décisions des juridictions administratives soit appréciée par un tribunal de l'ordre judiciaire conformément aux règles fixées par les articles 306 et suivants du code de procédure civile en ce qui concerne le faux incident civil.

Dès lors, les mentions portées sur les minutes des jugements des tribunaux administratifs doivent être présumées exactes jusqu'à preuve contraire, (CE, arrêt du 4 mars 1955, assemblée plénière, n° 22819 bis,Leb. chron., p. 129).

3. Rectification d'erreur ou d'omission matérielles

120

cf. BOI-CTX-ADM-10-80-I-B-1..

II. Motifs du jugement

Les jugements du tribunal administratif doivent être motivés (CJA, art. L9).

Les motifs doivent être particuliers à chaque affaire et suffisamment précis et développés pour permettre au juge d'exercer éventuellement son contrôle.

A. Insuffisance de motifs

1. Les motifs ne peuvent comporter une simple référence

130

Le tribunal administratif ne peut, par exemple, motiver son jugement par voie de simple référence :

- aux conclusions du rapporteur public (CE, arrêt du 7 septembre 1864, n° 35952, RO, 1502, Leb. chron., p. 835) ;

- aux motifs et conclusions développés dans les mémoires de l'Administration, même si celle-ci a répondu à tous les moyens invoqués par le demandeur (CE, arrêts des 7 mai 1941, n° 62154,RO, p. 131, Leb. chron., p. 82, 8e esp., dans le même sens : 19 janvier 1942, RO, p. 26, Leb. chron., p 22, 1re esp., et 14 mai 1975, n° 91518).

Mais, pour motiver son jugement, le tribunal administratif peut à bon droit se référer à une sanction disciplinaire infligée par le tribunal de grande instance.

Ainsi, un notaire qui, à l'occasion de la cession, à un office d'habitations à loyer modéré, d'un terrain appartenant à l'un de ses clients, s'est fait remettre par ce dernier, en sus de ses honoraires, une fraction du prix de la vente doit être regardé comme ayant commis «un manquement à la probité et à l'honneur» exclu du bénéfice de l'amnistie prévue par la loi n° 66-409 du 18 juin 1966, en vertu de l'article 15 de la loi du 18 juin 1966. La somme ainsi perçue par l'intéressé ayant été rattachée par l'Administration à son bénéfice imposable, le tribunal administratif, saisi du litige, a pu, à bon droit, se référer, dans son jugement, à la sanction disciplinaire qui, infligée à raison des faits susvisés par le tribunal de grande instance antérieurement à la loi portant amnistie, n'a pas été effacée par l'effet de cette loi (CE, arrêt du 30 avril 1971, n° 72364).

2. Les motifs doivent comporter une réponse à tous les moyens développés par le contribuable

140

D'une manière générale, encourt l'annulation le jugement du tribunal qui ne répond pas à certains moyens soulevés par le contribuable (CE, arrêt du 28 novembre 1973, n° 84630, RJ, n° IV, p. 121).

Ainsi, doit être annulé pour insuffisance de motifs :

- le jugement qui ne répond pas au moyen tiré d'un prétendu vice de forme de la proposition de rectification signée par un contribuable (CE, arrêt du 13 mars 1931, n° 10654, Bull., n° 13, 1931, p. 171, TJCA, n° 17006, Leb. chron., p. 289) ;

- un jugement dans lequel le tribunal administratif s'est borné à affirmer la légalité de l'imposition contestée (CE, arrêt du 28 juillet 1941, RO, p. 223) ;

- un jugement rendu en matière d'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, dans lequel le tribunal administratif s'est borné à relever que l'imposition contestée avait été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs, sans se prononcer sur le moyen tiré par le contribuable de ce que ladite imposition n'aurait pas été calculée selon les règles fixées par les dispositions alors en vigueur des articles 38 et 39 du CGI (CE, arrêt du 28 mai 1951, n° 4319, RO, p. 198, Leb. chron., p. 293, 1re esp.) ;

- un jugement rendu en matière d'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, dans lequel le tribunal administratif, sans indiquer la raison pour laquelle il écartait le compte d'exploitation produit par le requérant, s'est borné à affirmer que ce dernier ne faisait pas la preuve de l'exagération de l'imposition contestée, alors que, dans un mémoire ampliatif, d'ailleurs non visé par le tribunal, l'intéressé avait développé divers moyens tendant à démontrer cette exagération (CE, arrêt du 13 juin 1952, n° 12604, RO, p. 66, Leb. chron., p. 691) ;

- un jugement dans lequel le tribunal administratif s'est borné à constater que l'imposition contestée a été régulièrement établie par voie de l'ancienne procédure de rectification d'office et valablement assortie d'une majoration de 25 %, alors que le contribuable faisait valoir qu'il était en droit de bénéficier des dispositions amnistiantes de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952 (CE, arrêt du 17 février 1958, n° 38047, RO, p. 56) ;

- un jugement dans lequel le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur l'un des moyens développés par le contribuable pour démontrer l'exagération du rappel de droits mis à sa charge en matière de taxe sur le chiffre d'affaire. En l'espèce, le tribunal ne s'est pas prononcé sur la valeur de l'argumentation du requérant qui avait critiqué les coefficients de bénéfice brut retenus par l'Administration et fait état de pertes de fabrication et de freintes qu'il aurait subies et dont il n'aurait pas été tenu compte pour le calcul des droits contestés (CE, arrêt du 11 janvier 1961, n° 43468) ;

- un jugement dans lequel le tribunal s'est abstenu de se prononcer sur les moyens présentés par un contribuable qui notamment a fait valoir que divers éléments retenus par l'Administration étaient inexacts et qui a produit un certain nombre de pièces et de documents pour en justifier (CE, arrêt du 3 mai 1961, n° 24640, Leb. chron., p. 286) ;

- un jugement par lequel le tribunal administratif se borne à rejeter la demande d'un contribuable pour le motif que la comptabilité de l'intéressé est irrégulière, sans rechercher si le requérant peut, ainsi qu'il le prétend, être regardé comme apportant par tous autres moyens la preuve qui lui incombe (CE, arrêt du 19 mai 1965, n° 61135, RO, p. 347) ;

- le jugement par lequel le tribunal administratif, pour écarter la comptabilité d'un redevable, se réfère à l'avis émis par la commission départementale à l'occasion d'une contestation différente concernant une autre nature d'imposition et ne portant que sur une partie de la période en cause. Il appartenait au tribunal d'apprécier la valeur de la comptabilité afférente à la période litigieuse, en prescrivant au besoin, s'il ne s'estimait pas suffisamment informé, toutes mesures d'instruction qui lui auraient paru nécessaires (CE, arrêt du 13 juillet 1967, n° 69277, RJ, 2e partie, p. 194) ;

- un jugement par lequel le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré par le requérant de ce que la loi du 21 décembre 1973, de laquelle est issu l'article 93-1 quater du CGI, n'a pas eu pour effet de lui imposer rétroactivement l'obligation de justifier de ses frais professionnels réels (CE, arrêt du 30 septembre 1981, n° 16601) ;

- un jugement, rendu en matière d'impôt sur les sociétés, dans lequel le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur un moyen développé à titre subsidiaire par la requérante qui a fait valoir que si la déduction d'une provision pour dépréciation de titres n'était pas admise sur le fondement de l'article 39-15° du CGI, elle devait l'être comme correspondant à une moins-value à court terme (CE, arrêt du 29 septembre 1982, n° 27723) ;

- un jugement dans lequel le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen tiré par la société requérante de ce que l'Administration a méconnu sa propre interprétation de la loi fiscale (CE, arrêt du 3 juin 1983, n° 31695).

B. Jugements suffisamment motivés

150

Selon la jurisprudence, est suffisamment motivé :

- le jugement qui, pour rejeter les conclusions d'un redevable, précise la nature des renseignements ayant servi à déterminer son chiffre d'affaires et répond même aux arguments formulés dans l'opposition (CE, arrêt du 17 décembre 1926, n°s 87783 et 88034,Bull., n° 7, 1927, p. 94, TJCA, n° 17002, Leb. chron., p. 1121) ;

- le jugement dans lequel le tribunal administratif, en réponse au moyen tiré de ce que l'impôt aurait été irrégulièrement établi, déclare que le contribuable a été « régulièrement » assujetti audit impôt (CE, arrêt du 24 juillet 1939, n° 64255, RO, p. 424) ;

- un jugement rendu en matière d'impôt sur les sociétés dans lequel le tribunal administratif se borne à constater que l'imposition contestée est conforme à l'appréciation de la commission départementale des impôts directs et que la société n'apporte pas la preuve que les rémunérations versées à ses dirigeants correspondent réellement, pour chacun d'eux, aux salaires normaux des personnes remplissant des fonctions analogues dans des entreprises similaires de la région (CE, arrêt du 17 juin 1957, n° 32316, RO, p. 361).

Enfin, le tribunal administratif n'est pas tenu de discuter en détail les diverses indications contenues dans un rapport d'expertise et il motive suffisamment son jugement en déclarant qu'il résulte de ce rapport que l'intéressé n'apporte pas la preuve, à l'aide de sa comptabilité, du montant exact de ses bénéfices (CE, arrêt du 9 juillet 1955, n° 30213, RO. p. 369).

De même, le tribunal n'est tenu ni de citer tous les textes applicables, ni de discuter tous les arguments présentés devant lui, dès lors qu'il répond à l'ensemble des moyens invoqués par le requérant (CE, arrêt du 10 juin 1983, n° 27820).

III. Dispositif du jugement

Le dispositif est la partie du jugement qui contient la décision du tribunal administratif.

Il est divisé en articles et est précédé du mot « décide » (CJA, art. R741-6).

A. Chose jugée

160

Le dispositif constitue la chose jugée, qui peut seule faire l'objet d'un recours contentieux (CE, arrêt du 11 juillet 1904, n° 12738, RO, 3939, Leb. chron., p. 597, 1re esp.).

Il sera observé toutefois que le caractère de chose jugée s'attache non seulement au dispositif du jugement mais aux motifs qui en sont le support nécessaire ainsi qu'aux dispositions implicites mais certaines que comporte l'ensemble du jugement.

Il en résulte que le tribunal administratif :

- n'a pas à rappeler dans le dispositif du jugement des précisions données dans les motifs :

Jugé que le dispositif du jugement qui condamne un contribuable à représenter «les pièces et documents non communiqués» désigne d'une façon suffisamment précise les pièces et documents dont il s'agit, du moment que les motifs dudit jugement relèvent le refus de communication de documents qu'il énumère (CE, arrêt du 24 juillet 1937, n° 37601, Bull., n° 24, p. 581, TJCA, n° 17017) ;

- ne peut statuer par des motifs en contradiction avec le dispositif.

B. Nécessité d'un dispositif chiffré

170

En cas d'admission d'une demande tendant à une réduction, le jugement doit indiquer le montant de la réduction accordée ou, tout au moins, le chiffre devant servir de base à l'imposition.

L'absence de ces chiffres est une cause de nullité du jugement :

Est susceptible d'être annulé comme irrégulier en la forme, le jugement qui ne mentionne pas le montant des dégrèvements accordés ou n'indique pas les chiffres devant servir de base au calcul de ces dégrèvements (CE, arrêt du 28 novembre 1930, n° 87900, RO, 5509 et arrêt du 3 mars 1982, n° 17636).

Toutefois, est régulier le jugement qui, s'il ne fixe pas expressément le chiffre des sommes laissées à la charge du contribuable, en détermine le montant en se référant aux conclusions précises présentées par l'Administration (CE, arrêt du 7 janvier 1942, n° 40038, Bull., 1942, p. 173, Leb. chron., p. 401).

Le tribunal ne peut non plus se borner à renvoyer le contribuable devant l'Administration pour établissement d'une nouvelle imposition.

Jugé que, lorsque le tribunal administratif estime que les bases de l'imposition contestée sont exagérées, il lui appartient de fixer lui-même le montant -ou, au moins, les éléments de calcul- de la réduction qu'il envisage mais il ne peut, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, se borner à annuler l'imposition litigieuse et renvoyer le requérant devant l'Administration pour établissement d'une nouvelle imposition (CE, arrêt du 6 mars 1954, n° 28034, RO, p. 27).

De même, lorsque le tribunal administratif admet le principe d'un déficit déductible du revenu global du contribuable, il ne peut, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, se borner à renvoyer l'intéressé devant l'Administration pour établissement de l'imposition correspondante mais doit fixer lui-même le montant du déficit en cause (CE, arrêt du 10 juillet 1968, n° 73348 ).

C. Attribution des frais et dépens de l'instance

180

Le cas échéant, le jugement du tribunal administratif tranchant le litige attribue les frais et dépens de l'instance (cf. BOI-CTX-TVA-10-120).