TVA - Champ d'application et territorialité - Opérations imposables par disposition expresse de la loi - Cessions de biens mobiliers d'investissement
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L'article 136 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA prévoit l'exonération des livraisons de biens qui étaient affectés exclusivement à une activité exonérée si ces biens n'ont pas fait l'objet d'un droit à déduction, et des livraisons de biens dont l'acquisition ou l'affectation était exclue du droit à déduction.
Cette règle communautaire est transposée au 3-1-a° de l'article 261 du code général des impôts (CGI).
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Parallèlement, les dispositions de la directive relatives au prélèvement, à la transmission gratuite et à l'affectation de biens à des fins étrangères à l'entreprise, transposées au II de l'article 257 du CGI, conduisent à taxer les livraisons à soi-même de biens mobiliers d'investissement lorsque les conditions posées par ce texte sont remplies.
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Les développements ci-dessous précisent la portée du dispositif de taxation des cessions de biens mobiliers d'investissement, les modalités d'imposition, les modifications apportées au champ d'application de la taxation des livraisons à soi-même d'immobilisations.
I. Principe
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Le 3-1-a° de l'article 261 du CGI exonère de TVA les ventes de biens usagés faites par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leur exploitation. Mais cette exonération ne s'applique qu'aux cessions de biens mobiliers d'investissement qui ne pouvaient pas ouvrir droit à déduction, en raison soit de leur affectation à une activité exonérée ou hors du champ d'application de la TVA, soit d'une mesure d'exclusion particulière.
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Les cessions des autres biens mobiliers d'investissement sont soumises à la TVA.
II. Biens et opérations concernés par la taxation
A. Biens d'investissement concernés
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Sont concernés les biens qui ont ouvert droit à déduction de la TVA.
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Il s'agit des ventes de biens usagés faites par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leur exploitation, c'est-à-dire, conformément à l'article 136 a) et b) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA, des biens meubles corporels qu'un assujetti utilise pour les besoins de l'exercice de son activité imposable (ex : matériel et outillage industriels, matériel de transport, matériel de bureau et informatique, cheptel et chevaux de course).
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La notion de biens usagés correspond en règle générale à celle des biens mobiliers constituant des immobilisations, mais peut être plus large dès lors que le critère communautaire est uniquement lié à l'utilisation préalable du bien par l'entreprise, sans condition de durée minimale d'affectation à ses besoins.
Les cessions d'immeubles ne sont pas concernées par ce texte. En effet, les ventes d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans sont expressément exonérées par le 5-2° de l'article 261 du CGI, sous réserve de l'option pour la taxation prévue par le 5°bis de l'article 260 du CGI.
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Les ventes d'aéronefs à des personnes autres que les compagnies internationales et les ventes de certains bateaux à des personnes autres que les professionnels sont soumises à la TVA et relèvent des 1° et 2° du III de l'article 257 du CGI (cf. BOI-TVA-CHAMP-10-20-40).
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Enfin il est rappelé que les cessions de biens meubles incorporels sont imposables en application du IV de l'article 256 du CGI.
1. Biens exonérés
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L'exonération de la cession des biens mobiliers d'investissement est applicable aux biens qui n'ont pas ouvert droit à déduction, soit en raison de leur affectation à une activité exonérée, ou en application d'une mesure d'exclusion particulière.
Sont donc susceptibles d'être exonérées de la TVA les cessions de biens mobiliers d'investissement suivants :
- biens utilisés par une personne pour les besoins d'une activité non soumise à la TVA, c'est-à-dire d'une activité hors du champ d'application ou exonérée ;
- biens utilisés par un assujetti pour les besoins de l'activité d'un secteur ne réalisant pas d'opérations ouvrant droit à déduction ; ex : biens affectés à l'activité d'un service optionnel d'une collectivité locale pour lequel l'option n'a pas été exercée ;
- biens dont la cession est visée par une exonération expresse ou qui ne pouvaient pas être soumis à la TVA lors de leur acquisition (ex : cession de titres immobilisés) ;
- biens exclus du droit à déduction.
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Lorsque l'exonération est applicable, le cédant peut délivrer au bénéficiaire l'attestation de transfert du droit à déduction dans les conditions et limites prévues à au I-3 de l'article 210 de l'annexe II au CGI (cf. BOI-TVA-DED-60-20-10 au IV-C).
2. Biens taxables
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La taxation doit être appliquée dans tous les cas, c'est-à-dire à tous les biens mobiliers d'investissement qui ont ouvert droit à déduction, totalement ou partiellement, préalablement à leur cession.
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Le critère de la taxation de la cession d'un bien réside ainsi dans le seul fait que ce bien a ouvert droit à déduction de tout ou partie du montant de la TVA, avant sa cession, que ce droit à déduction ait été effectivement exercé ou non.
Cette condition selon laquelle les biens taxables sont ceux qui ont ouvert droit à déduction s'apprécie chez le cédant et non pas chez les propriétaires antérieurs.
En revanche, cette condition s'apprécie chez le précédent propriétaire lorsque les biens ont fait l'objet d'une transmission d'une universalité totale ou partielle de biens, dispensée de taxation en application de l'article 257 bis du CGI. En effet, le bénéficiaire de la transmission est réputé continuer la personne du cédant en poursuivant l'exploitation de l'universalité transmise sous une forme ou une autre (cf. BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-10 au I-A-1 § 30).
Ainsi, dès lors que le bien a ouvert droit à déduction de la TVA chez le cédant, la cession est imposable, quelle que soit la situation des biens au regard des droits à déduction chez les précédents vendeurs.
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En revanche, tout assujetti qui cède un bien mobilier d'investissement qu'il a acquis sans avoir pu exercer de droit à déduction total ou partiel, préalablement à la cession, n'a pas à soumettre cette dernière à la TVA.
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En principe, un bien ouvre droit à déduction dès son acquisition, importation, acquisition intracommunautaire ou livraison à soi-même. Cependant, à titre exceptionnel, l'ouverture du droit à déduction peut être postérieure à l'acquisition, l'importation, l'acquisition intracommunautaire ou la livraison à soi-même (exemples : assujettis devenant redevables de plein droit ou sur option, changement d'affectation d'un bien d'un secteur exonéré à un secteur imposable).
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Par ailleurs, dans le cadre de la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens, lorsque la cession n'est pas soumise à la TVA en application de l'article 257 bis du CGI (cf. BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-10 au I-A-1 § 20 à 40), l'ouverture éventuelle du droit à déduction qui motive la taxation de la cession ultérieure doit être recherchée chez le cédant ou l'apporteur dès lors que le bénéficiaire continue la personne du cédant.
En effet, la taxation des cessions ultérieures de biens mobiliers d'investissement acquis ou apportés dans le cadre d'une universalité totale ou partielle de biens est exigible dès lors que le bien n'était ni exclu du droit à déduction ni affecté à une activité exonérée à l'article 136 a) et b) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA .
Bien entendu, sous ces conditions, la taxation ne sera exigible que si la cession n'est pas exonérée par une disposition particulière.
B. Opérations concernées
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Toutes les cessions à titre onéreux de biens mobiliers d'investissement, quels que soient l'acquéreur et le délai écoulé entre la date d'acquisition et la date de la cession sont concernées.
Cependant, une dispense de taxation est prévue en cas de transmission dans le cadre d'une universalité totale ou partielle de biens (cf. II-C-1).
C. Cas particuliers
1. Transmission d'une universalité totale ou partielle de biens
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L'article 257 bis du CGI dispense de TVA les livraisons et les prestations de services lorsqu'elles sont réalisées entre redevables de la taxe à l'occasion de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens.
La dispense de taxation s'applique à l'ensemble des biens et des services qui appartiennent à l'universalité transmise, et ce, quelle que soit leur nature, et notamment aux transferts de biens mobiliers corporels d'investissement qui ont ouvert droit à déduction complète ou partielle de la TVA lors de leur achat, acquisition intracommunautaire, importation ou livraison à soi-même (cf. BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-10 au I-B § 70).
2. Biens utilisés par le fermier ou le concessionnaire d'un service public
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Une collectivité publique qui afferme ou concède un service public peut construire ou acquérir les biens nécessaires à l'exploitation du service et les remettre au fermier ou au concessionnaire pour les besoins de son exploitation.
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La taxe afférente aux biens ainsi remis peut faire l'objet d'une déduction par les utilisateurs dans les conditions fixées au I de l'article 210 de l'annexe II au CGI. À l'issue du contrat d'affermage (ou de concession), il est en principe prévu que ces biens d'investissement retournent à la collectivité locale. Le fermier (ou le concessionnaire) doit alors effectuer les régularisations de la taxe initialement déduite si ce retour s'effectue dans les délais mentionnés au II de l'article 207 de l'annexe II au CGI. Dans le cas où la collectivité locale n'exploite pas elle-même le service public soumis à la taxe, le fermier (ou le concessionnaire) ne peut pas lui délivrer l'attestation prévue au I de l'article 210 de l'annexe II au CGI.
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En cas de cession ultérieure de ces biens par la collectivité locale, la vente ne sera pas taxable en application des dispositions du 3-1-a° dee l'article 261 du CGI, dès lors que les biens n'ont pas ouvert droit à déduction chez le cédant.
3. Opérations relevant du commerce extérieur
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Les articles 262 du CGI, 262 ter, I du CGI et 275 du CGI exonèrent, sous certaines conditions, respectivement les exportations, les livraisons intracommunautaires et les livraisons de biens destinés à être exportés. Lorsqu'elles concernent des biens mobiliers d'investissement, ces opérations sont considérées comme taxées.
Le cédant pourra procéder, si le bien n'a pas donné lieu à déduction ou a donné lieu à déduction partielle, à une régularisation de la taxe déductible.
L'article 16 de la directive 2006/112/CE du 26 novembre 2006 relative au système commun de TVA assimile à une livraison effectuée à titre onéreux, le prélèvement par un assujetti d'un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu'il transmet à titre gratuit ou plus généralement qu'il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA.
Ces dispositions, combinées avec celles de l'article 136 a) et b) de la même directive conduisent à une application limitée du domaine des régularisations des déductions tel qu'il est fixé par les articles 188-1 et 2 à 192 de la directive déjà citée (cf. BOI-TVA-DED-60-20-20 au II-B).