CF - Infractions et sanctions - Infractions et pénalités fiscales communes à tous les impôts - Règles générales concernant l'intérêt de retard - Nature et champ d'application de l'intérêt de retard
I. Nature de l’intérêt de retard
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L'intérêt de retard a pour objet de compenser forfaitairement le préjudice financier subi par le Trésor du fait de l'encaissement tardif de sa créance. Il présente donc le caractère d'une réparation pécuniaire et non d’une sanction (CE, avis du 12 avril 2002, n° 239693). De ce fait, l’intérêt de retard n’a pas à être motivé.
Ce principe a été confirmé par la Cour de cassation dans deux décisions (Cass. Com., décision du 4 février 2004, n° 01-02650 et Cass. Com., décision du 17 mars 2004, n° 02-19276).
De même, l'intérêt de retard ne peut faire l'objet d'une modulation par le juge au regard de l'article 6,1 de la convention européenne des droits de l'Homme (CEDH) (Cass. Com., 4 février 2004, n° 01-02650). En effet, les litiges relatifs aux intérêts de retard ne relèvent pas de l’article 6-1 de la CEDH (Cass. Com., 12 juillet 2004, n° 01-11403).
II. Champ d’application de l’intérêt de retard
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Aux termes du I de l'article 1727 du code général des impôts (CGI), « toute créance de nature fiscale, dont l’établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n’a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d’un intérêt de retard. A cet intérêt s’ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code ».
L'intérêt de retard a donc, sous réserve des exceptions signalées au II-B § 30 et suivants, un champ d'application très étendu et trouve à s’appliquer dans tous les cas où une imposition n’a pas été acquittée en totalité dans le délai légal.
Il est dû dans tous les cas où les conditions de son application sont remplies sans qu’il soit nécessaire qu’une disposition spécifique le prévoie.
A. Principe d'application de l'intérêt de retard
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L'intérêt de retard a un champ d'application très large.
Il est applicable :
- à tous les impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par les services de la direction générale des finances publiques : impôts directs et taxes assimilées, taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, droits d'enregistrement et taxe de publicité foncière, impôt sur la fortune immobilière, droits de timbre,etc. ;
- dès lors que la somme due n’a pas été acquittée en totalité dans le délai légal, qu’il s’agisse d’un défaut de paiement, d’un paiement insuffisant ou d’un paiement tardif.
Il suffit donc que l’assiette d’une imposition incombe aux services de la direction générale des finances publiques pour que l’intérêt de retard s’applique.
Lorsque ces deux conditions sont réunies, l'intérêt de retard est dû quelles que soient les modalités suivant lesquelles l'infraction est régularisée :
- à l’initiative du contribuable qui, par exemple, souscrit tardivement sa déclaration d'impôt sur le revenu, ou qui paye hors délai tout ou partie de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) due au titre d'un mois ou d’une période déterminé ;
- à l’initiative de l’administration qui engage une procédure de rectification contradictoire ou d'office ou émet un avis de mise en recouvrement.
N’entrent pas dans le champ d'application de l'intérêt de retard le défaut de production ou la production tardive de documents qui ne comportent pas d’éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt dû par la personne tenue de souscrire le document en cause. Dans ce cas, en effet, des amendes spécifiques sont seules applicables, et notamment celles prévues par l'article 1729 B du CGI, par l'article 1729 C du CGI (BOI-CF-INF-10-40-10) ou par l'article 1738 du CGI (BOI-CF-INF-10-40-50).
B. Exceptions à l'application de l'intérêt de retard
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Le II de l’article 1727 du CGI prévoit expressément plusieurs exceptions à l'application de l'intérêt de retard. Celui-ci n'est pas dû en cas de mise en œuvre :
- des dispositions du 1 du II de l’article 1727 du CGI relatives à la « mention expresse » ;
- des dispositions du 2 du II de l'article 1727 du CGI portant extension du dispositif de la « mention expresse » ;
- des dispositions du 2 bis du II de l’article 1727 du CGI relatives aux différends portant sur la valeur locative des biens mentionnés au I de l'article 1496 du CGI et à l'article 1498 du CGI ;
- des dispositions des 3 et 4 de l’article 1727 du CGI relatives à la « tolérance légale ».
Par ailleurs, l'intérêt de retard ne s'applique pas dans les cas suivants :
- application de la majoration prévue à l’article 1730 du CGI pour paiement tardif auprès des comptables de l'administration fiscale (CGI, art. 1727, IV-2) ;
- erreur commise par le service dans la liquidation des impôts ;
- impositions fondées sur une loi à caractère interprétatif ;
- taxation des honoraires de médecins conventionnés inclus dans des relevés complémentaires de sécurité sociale.
En outre, en cas de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires ou de procédure de rétablissement personnel, les intérêts de retard dus à la date du jugement d'ouverture sont remis (CGI, art. 1756) (II-B-8 § 330).
Remarque : Les sanctions prévues à l'article 1791 du CGI et à l'article 1825 F du CGI peuvent être cumulées à l’intérêt de retard. L'article 5 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance a en effet supprimé le non-cumul de ces pénalités.
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L'article L. 62 du livre des procédures fiscales (LPF) créé par l’article 9 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance prévoit une réduction de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI lorsque le redevable demande une régularisation en cours de contrôle (BOI-CF-IOR-20-10).
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1. Application des dispositions relatives à la « mention expresse »
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L'intérêt de retard n'est pas applicable lorsque le contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l'acte, ou dans une note annexée, les motifs de droit ou de fait qui le conduisent à ne pas mentionner en totalité ou en partie, certains éléments d’imposition, ou à leur donner une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou à faire état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées.
a. Champ d’application
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La non application des intérêts de retard en raison d’une « mention expresse » est susceptible de concerner toutes les déclarations ou actes comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt, quelle que soit l’imposition en cause.
b. Conditions d'application
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Pour être dispensé du paiement de l’intérêt de retard, le contribuable doit avoir porté une mention expresse dans le corps même de la déclaration ou de l’acte ou dans une note annexée à ces documents.
Dans le cas où un contribuable a adressé à l’administration une demande de renseignements qui est restée sans réponse au moment où il doit prendre position dans une déclaration ou dans un acte, il est admis que la copie de la demande qu’il joint à la déclaration ou à l’acte soit considérée comme valant mention expresse.
Dès lors que sa situation est évoquée dans cette demande de manière complète et sincère et que sa prise de position est sérieusement motivée, une telle démarche vaut mention expresse au sens de l'article 1727 du CGI et les rehaussements éventuels ne seront donc assortis d'aucune pénalité.
En revanche, une demande adressée au service local afin qu'il lui confirme la situation de non assujetti à la TVA dont se prévaut le redevable en qualité d'association sans but lucratif, sans précision pouvant justifier le non assujettissement à la TVA, n'est pas de nature à faire échec à l'application de l’intérêt de retard (CE, décision du 11 juin 1982, n° 22881)
Bien entendu, cette interprétation souple ne saurait être détournée de son objet et être abusivement utilisée pour échapper indûment à l'impôt. Elle ne saurait donc être utilement invoquée dans les cas, par exemple, d'une demande d'application d'un régime manifestement contraire aux textes ou pour laquelle le contribuable aurait déjà reçu une réponse de l'administration.
Enfin, cette mesure ne concerne pas les contribuables qui entendent se prévaloir des dispositions de l'article L. 64 B du LPF et qui devront se conformer aux prescriptions du BOI-SJ-RES-10-20-20-80.
En outre, le contribuable doit avoir indiqué les motifs de droit ou de fait pour lesquels il estime les éléments en cause non imposables ou déductibles.
Par motifs de droit ou de fait, il y a lieu d'entendre un énoncé des raisons pour lesquelles le contribuable a cru pouvoir retenir la position dont il fait état ou la solution dont il demande le bénéfice.
Pour que ces motifs puissent être admis, ils ne doivent présenter aucune équivoque et doivent mettre l’administration en mesure d'apprécier s'il est possible d'admettre les explications du contribuable ou s'il convient au contraire de rectifier la situation litigieuse.
Ne peuvent constituer une mention expresse ouvrant droit à dispense de l’intérêt de retard :
- le simple renvoi à une disposition législative ou réglementaire ;
- la mention d'éléments chiffrés non assortie d'explications destinées à appeler l'attention du service.
Exemples :
Une société n'est pas admise à soutenir que le fait d'avoir fait figurer, dans un document joint à sa déclaration, le montant de rémunérations de dirigeants qui, après contrôle, se sont révélées excessives lui permet d'échapper à l'application de tout intérêt de retard. Il lui faut, en effet, indiquer sur ce document ou dans une note distincte, les motifs de droit ou de fait qui, selon elle, justifient l'importance de ces rémunérations.
La note par laquelle le contribuable ne fait que préciser les modalités de calcul du montant de la taxe sur la valeur ajoutée récupérée, à raison des ventes impayées, sans préciser les raisons pour lesquelles il ne procède pas au reversement prévu par l'article 271 du CGI et l'article 207 de l'annexe II au CGI, ne peut être regardée comme une indication expresse au sens du 1 du II de l’article 1727 du CGI.
En revanche, le contribuable qui, dans sa déclaration de bénéfices non commerciaux, a fait figurer sous la rubrique « recettes » l'indication suivante : « provient d'une indemnité de rupture de contrat évaluée à ... € versée par M. X demeurant à ... » assortie en marge de la mention « non imposable », peut bénéficier de l’exonération de l’intérêt de retard (CE, décision du 27 février 1980, n° 16698).
c. Conséquences de l’exonération
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Les impositions supplémentaires résultant des rehaussements ne sont pas assorties de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI. Toutefois, si le contribuable n’acquitte pas les droits supplémentaires mis à sa charge dans les délais impartis, il est redevable, soit de l’intérêt de retard pour la période postérieure à la mise en recouvrement soit de la majoration de 10 % prévue par l’article 1730 du CGI, selon l’impôt en cause.
Bien entendu, le contribuable ne sera dispensé de l’intérêt de retard qu’à hauteur des rehaussements concernés par la mention expresse. Les éventuels autres rehaussements seront pour leur part assortis de l’intérêt de retard.
Par ailleurs, si après examen des motifs invoqués par le contribuable, il s'avère que sa bonne foi peut être remise en cause, non seulement l’intérêt de retard pourra lui être appliqué mais également l’une des majorations prévues à l'article 1729 du CGI (CE, décision du 27 février 1980, n° 16698).
2. Application des dispositions portant extension du dispositif de la « mention expresse »
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Afin de ne pas pénaliser les contribuables de bonne foi qui ne disposent pas, à l'expiration du délai de dépôt de leur déclaration, de tous les éléments d'interprétation nécessaires pour remplir leurs obligations déclaratives, le législateur a étendu le dispositif dit de la « mention expresse » prévu au 1 du II de l'article 1727 du CGI.
a. Champ d'application
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L'extension de la « mention expresse » est susceptible de s'appliquer à toutes les déclarations comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt, quelle que soit l'imposition en cause.
b. Conditions d'application
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L'exonération des intérêts de retard est subordonnée aux conditions suivantes.
1° Bonne foi du contribuable
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L'exonération des intérêts de retard est réservée aux contribuables de bonne foi.
Ainsi, la demande ne doit pas envisager une solution manifestement contraire au texte en cause ou porter sur un point qui ne présente manifestement aucune difficulté. Tel sera le cas, par exemple, lorsque la disposition fiscale en cause comporte en elle-même la précision demandée.
De même, la demande ne doit pas porter sur un sujet sur lequel l'administration a déjà pris position à l'occasion d'une précédente demande du contribuable.
La bonne foi est présumée. Dès lors, l'administration doit établir l'absence de bonne foi du contribuable pour faire échec à l'application de l'exonération pour mention expresse.
2° Souscription de la déclaration dans les délais prescrits
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L'exonération des intérêts de retard n'est susceptible de s'appliquer qu'aux rehaussements apportés à une déclaration souscrite dans les délais. Ainsi, les impositions résultant d'un dépôt tardif ou établies par l'administration en l'absence de déclaration ne sont pas susceptibles de bénéficier de l'exonération d'intérêt de retard pour mention expresse.
3° Difficulté touchant au principe ou aux modalités de la déclaration de certains éléments d'imposition
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La loi vise à faire en sorte que les contribuables ne soient pas pénalisés par les difficultés qu'ils rencontrent à déterminer la portée d'une disposition sur laquelle ils n'ont pas pu disposer en temps utile des éclaircissements nécessaires de la part de l'administration.
Les difficultés rencontrées peuvent porter :
- soit sur le principe de la déclaration : telle somme est-elle imposable ou est-elle déductible ?
- soit sur les modalités de déclaration : dans quelle rubrique ou sous quel régime d'imposition doit être déclaré tel élément ?
Pour ouvrir droit à l'exonération d'intérêt de retard, la difficulté évoquée ne doit pas avoir donné lieu à des commentaires publiés par l'administration.
Les difficultés rencontrées doivent porter, soit sur l'interprétation d'une disposition fiscale nouvelle, soit sur la détermination des incidences fiscales d'une règle comptable.
a° Difficulté d'interprétation d'une disposition fiscale nouvelle
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Par disposition, il faut entendre disposition législative ou réglementaire.
La disposition qui suscite la difficulté d'interprétation doit être fiscale, c'est-à-dire porter sur l'assiette de l'impôt : base, taux, réduction d'impôt, crédit d'impôt, etc .
Sont exclues à ce titre les dispositions de nature non fiscale qui auraient une incidence sur des dispositifs fiscaux mais dont l'interprétation ne relève pas de la compétence de l'administration fiscale (réglementation relative à l'urbanisme par exemple).
La disposition nouvelle s'entend d'une disposition entrée en vigueur au plus tôt le 1er janvier de l'année précédant la date limite de dépôt de la déclaration en cause.
Exemple : Pour la déclaration des revenus de N déposée en N+1, le contribuable pouvait poser des questions sur les dispositions fiscales entrées en vigueur à compter du 1er janvier N.
Toutefois, afin de ne pas priver de la mesure les professionnels qui clôturent un exercice d'une durée supérieure à douze mois ou dont l'exercice ne coïncide pas avec l'année civile, il sera admis, par mesure de tempérament, qu'ils peuvent prétendre à l'exonération des intérêts de retard si la déclaration est la première à laquelle est susceptible d'être appliquée la disposition en cause, même si cette dernière est entrée en vigueur avant le 1er janvier de l'année précédant l'échéance déclarative.
Exemple : Dans le cas d'une mesure nouvelle applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre N et d'une entreprise clôturant son exercice le 30 juin, l'entrepreneur individuel pourra bénéficier de la mesure au titre de la déclaration de résultat de l'exercice clos le 30 juin N+1 souscrite dans les délais en N+2. Il en ira de même d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés qui clôture son exercice le 30 novembre N+1 et dépose sa déclaration de résultat en février N+2 ou qui clôture un exercice de quatorze mois le 28 février N+2 et déclare en mai N+2.
b° Difficulté de détermination des incidences fiscales d'une règle comptable
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Les contribuables soumis aux règles comptables qui rencontrent des difficultés à déterminer les incidences fiscales de ces règles peuvent soumettre ces difficultés à l'administration.
L'administration fiscale n'étant pas compétente pour interpréter les règles comptables, la question posée ne doit pas porter sur la règle comptable même mais sur ses incidences fiscales. Ainsi, par exemple, la question ne doit pas porter sur le point de savoir comment une opération donnée doit être traitée sur le plan comptable mais sur le point de savoir comment doit être traitée, sur le plan fiscal, une opération appréhendée d'une façon déterminée sur le plan comptable. La question peut relever de la mention expresse quelle que soit l'ancienneté de la règle comptable en cause.
En revanche, lorsqu'il s'agit d'une disposition fiscale adaptant une règle comptable, la difficulté ne sera susceptible de donner lieu à une mention exonératoire d'intérêt de retard que si la question porte sur une loi fiscale récente, telle que définie au II-B-3-b-3°-a° § 150. Elle devra donc être posée avant l'expiration du délai de dépôt d'une déclaration devant être souscrite avant la fin de l'année suivant celle de l'entrée en vigueur de la mesure.
Exemple : Une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés dont les exercices coïncident avec l'année civile devra déposer sa déclaration de résultat au titre de l'exercice N en mai N+1. Si une disposition fiscale nouvelle adaptant une règle comptable s'est appliquée aux exercices clos à compter du 31 décembre N et si l'entreprise rencontre une difficulté dans l'interprétation de cette disposition fiscale non commentée dans une instruction fiscale, elle pourra bénéficier du dispositif de la mention expresse sur sa déclaration déposée dans le délai en N+1 à condition de soumettre cette difficulté à l'administration avant l'expiration de ce même délai.
4° Interrogation de l'administration fiscale avant l'expiration du délai de déclaration
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Les difficultés rencontrées par le contribuable doivent l'avoir conduit à interroger l'administration par écrit avant l'expiration du délai de déclaration. La demande doit être écrite mais peut être effectuée par la voie postale ou au moyen d'un courrier électronique. Elle doit avoir été adressée au service des impôts gestionnaire du dossier du contribuable (service des impôts des particuliers ou service des impôts des entreprises).
Il suffit que la demande ait été adressée préalablement à la déclaration elle-même. Aucun délai n'est prévu par la loi.
La demande doit être précise et complète : elle doit préciser les éléments de fait nécessaires à sa compréhension, la disposition fiscale ou la règle comptable en cause ainsi que le point précis sur laquelle porte la difficulté d'interprétation motivant la demande.
5° Obligation de joindre à la déclaration une copie de la demande restée sans réponse
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En cas de télédéclaration, le contribuable est dispensé d'adresser au service des impôts une copie de sa demande mais doit faire état de sa volonté de bénéficier du dispositif de la mention expresse, en précisant dans la déclaration effectuée par voie électronique la date de la demande effectuée préalablement et son objet.
S'agissant des déclarations de résultat transmises au moyen de la procédure de transfert de données fiscales et comptables (TDFC), les professionnels ajoutent au dépôt un formulaire « annexe libre » dont la case « mention expresse » sera cochée et comportant la date et l'objet de la demande.
S'agissant des déclarations de TVA télétransmises, les professionnels cochent la case « mention expresse » et portent leurs indications dans la zone intitulée « cadre réservé à la correspondance ».
En cas déclaration souscrite sous format papier, et afin de prévenir toute difficulté, il est recommandé au contribuable de porter de façon visible sur la déclaration la mention suivante : « mention expresse, voir lettre jointe en copie ».
6° Absence d'une prise de position formelle de la part de l'administration avant l'expiration du délai de déclaration.
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L'exonération d'intérêt de retard ne jouera pas si l'administration prend position sur la question posée avant l'expiration du délai de déclaration, soit dans une réponse adressée au contribuable, soit par une publication de la direction générale des finances publiques. Dans ce dernier cas, l'administration ne sera considérée comme ayant pris formellement pris position sur le point soulevé par le contribuable que si l'instruction évoque précisément ce point. En d'autres termes, le seul fait qu'une instruction fiscale ait été publiée sur la disposition en cause ne privera pas le contribuable de l'exonération d'intérêt de retard si l'instruction n'apporte pas de précision sur la difficulté soulevée par le contribuable dans sa demande.
c. Conséquences de l'exonération
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La mention expresse ne fait pas obstacle à ce que la déclaration souscrite par le contribuable fasse l'objet de rehaussements. En revanche, les impositions supplémentaires résultant de ces rehaussements ne sont pas assorties de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI lorsque les conditions mentionnées au II-B-3-b § 110 sont remplies.
Toutefois, si le contribuable n'acquitte pas les droits supplémentaires mis à sa charge dans les délais impartis, il est redevable soit de l'intérêt de retard pour la période postérieure à la mise en recouvrement soit de la majoration de 10 % prévue par l'article 1730 du CGI, selon l'impôt en cause.
Le contribuable ne sera dispensé de l'intérêt de retard qu'à hauteur des rehaussements concernés par la mention expresse. Les éventuels autres rehaussements seront pour leur part assortis de l'intérêt de retard dans les conditions de droit commun.
Par ailleurs, si l'administration établit que le contribuable n'était pas de bonne foi, non seulement l'intérêt de retard pourra lui être appliqué mais également l'une des majorations prévues à l'article 1729 du CGI.
3. Application des dispositions relatives à la « tolérance légale »
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Sauf manquement délibéré, aucun intérêt de retard n'est applicable lorsque l’insuffisance des chiffres déclarés n’excède pas :
- le dixième de la base d’imposition en ce qui concerne les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière ou l’impôt sur la fortune immobilière ;
- le vingtième de la base d’imposition en ce qui concerne l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés.
En ce qui concerne les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière ou l’impôt sur la fortune immobilière, l’insuffisance s’apprécie au niveau de chaque bien (II-B-4-b § 230).
a. Champ d’application
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La tolérance légale s'applique aux seuls impôts et taxes limitativement énumérés par les 3 et 4 du II de l’article 1727 du CGI, c'est-à-dire :
- les droits d'enregistrement, la taxe de publicité foncière ainsi que l’impôt sur la fortune immobilière qui est assimilé aux droits d’enregistrement pour l’application de la tolérance légale ;
- l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés ainsi que les impositions assimilées à ces impôts (contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine, contribution sur les revenus locatifs, contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés, etc.).
En conséquence, sont exclus du champ d'application de cette mesure tous les autres impôts et taxes non visés ci-dessus.
b. Conditions d’application
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L'exonération de l’intérêt de retard s'applique quelle que soit l'importance de la base d'imposition. Elle est accordée de plein droit dès lors que le montant du rehaussement apporté aux chiffres figurant dans les déclarations n'est pas supérieur au vingtième de la base d'imposition retenue après rectification en matière d'impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés.
En ce qui concerne les droits d'enregistrement, la taxe de publicité foncière et l'impôt de solidarité sur la fortune, l'insuffisance s'apprécie au niveau de chaque bien. Il convient donc de comparer le montant de chaque insuffisance relevée à celui de la valeur, après rectification, du seul bien concerné et non à la base imposable globale pour déterminer si la tolérance légale du dixième est applicable. La tolérance légale ne s’applique qu’aux seules insuffisances d’évaluation de biens déclarés, à l’exclusion des omissions de biens (Cass. Com.,15 octobre 1996, n° 94-19916).
Les insuffisances relevées dans les actes ou déclarations qui ont fait l'objet d'une mention expresse dans les conditions prévues au 1 du II de l’article 1727 du CGI qui, de ce fait, sont exonérées de tout intérêt de retard, ne doivent pas être prises en compte pour apprécier si la tolérance trouve ou non à s'appliquer. Mais ces insuffisances doivent bien entendu être comprises dans le montant de la base d'imposition retenue après rehaussements.
La tolérance légale n’est susceptible de s’appliquer qu’aux omissions ou inexactitudes commises de bonne foi. Elle ne s’applique donc pas si l’administration établit l’existence d’un manquement délibéré, de manœuvres frauduleuses ou d’un d’abus de droit.
c. Cas particuliers
1° Impôt résultant d'impositions à différents taux
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En raison du principe de l'unicité de l'impôt sur le revenu, l'application de la tolérance légale du vingtième est appréciée en cumulant, au titre de l'année considérée, la base soumise au taux progressif et le montant des plus-values taxables à un taux proportionnel qui doivent être mentionnées sur la déclaration d’ensemble des revenus prévue à l’article 170 du CGI.
La même règle est applicable à l'impôt sur les sociétés : pour l'application de la tolérance légale, il convient de cumuler, au titre de l'année considérée, la base soumise au taux normal et les bases soumises à un taux réduit.
2° Remise en cause des réductions ou crédits d'impôt
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Pour l'application de la tolérance légale du vingtième, sont assimilées à une insuffisance de déclaration au sens du 4 du II de l'article 1727 du CGI, lorsqu'elles ne sont pas justifiées :
- les dépenses de tenue de comptabilité et d'adhésion à un centre de gestion ou à une association agréés ouvrant droit à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 quater B du CGI ;
- les charges ouvrant droit aux réductions d'impôt prévues à l’article 199 septies du CGI ;
- les dépenses ouvrant droit aux crédits d’impôts prévus à l'article 200 quater du CGI et à l'article 200 quater A du CGI ;
- les dépenses de recherche et de formation professionnelle ouvrant droit aux crédits d'impôts prévus à l'article 244 quater B du CGI.
Il résulte de ces dispositions limitatives que, dans les autres situations aboutissant à la remise en cause des réductions ou crédits d'impôt précédemment obtenus, les charges ou dépenses sur lesquelles sont calculés ces réductions ou crédits d'impôt n'ont pas à être retenues pour apprécier si la tolérance s'applique.
Dans ces conditions, pour apprécier si la tolérance légale du vingtième peut ou non s'appliquer, il convient de comparer :
- la somme des rehaussements (nets imposables) de bases soumises au barème progressif et aux taux proportionnels (impôt sur le revenu) ou la somme des rehaussements (nets imposables) de bases soumises aux différents taux (impôt sur les sociétés), en déduisant les rehaussements bénéficiant de l'exonération pour mention expresse et en ajoutant les dépenses ouvrant droit à une réduction ou un crédit d’impôt injustifiées mentionnées par l’article 1727 du CGI (premier terme de comparaison) ;
- au vingtième de la somme des bases d'imposition après contrôle soumises aux différents taux, y compris les rehaussements relevant de la mention expresse, majorée des dépenses ouvrant droit à une réduction ou un crédit d'impôt injustifiées mentionnées par l’article 1727 du CGI (deuxième terme de comparaison).
Exemple : Contribuables mariés sans enfants à charge.
B.I.C. monsieur déclarés : 30 000 €.
B.N.C. madame déclarés : 20 000 €.
Montant des dépenses de recherche ayant ouvert droit au crédit d'impôt prévu à l’article 244 quater B du CGI : 3 000 €.
- Rehaussement des B.I.C. de monsieur pour un montant de 20 000 € (bonne foi), dont 10 000€ avec mention expresse.
- Remise en cause des dépenses de recherches (non éligibles).
Détermination de l’application de la tolérance légale :
Premier terme de comparaison : insuffisance des chiffres déclarés |
Deuxième terme de comparaison : vingtième de la base d'imposition |
Conclusion |
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Somme des rehaussements de bases soumises au barème progressif et aux taux proportionnels (impôt sur le revenu) ou somme des rehaussements de bases soumises aux différents taux (impôt sur les sociétés), déduction faite des rehaussements bénéficiant de l'exonération pour mention expresse et majorée des dépenses ouvrant droit à une réduction ou un crédit d'impôt injustifiées mentionnées par l’article 1727 du CGI |
Vingtième de la somme des bases d’imposition après contrôle soumises aux différents taux, y compris les rehaussements relevant de la mention expresse, majorée des dépenses non justifiées ayant ouvert droit à crédit d’impôt |
L’insuffisance des chiffres déclarés (13 000) excède le vingtième de la base d’imposition (3 650) : la tolérance légale prévue au 4 du II de l’article 1727 du CGI ne peut donc pas s’appliquer. |
20 000 - 10 000 + 3 000 = 13 000 |
50 000 + 20 000 + 3 000 = 73 000 |
|
73 000 x 1/20ème = 3 650 |
3° Quotient familial
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Un contribuable ne peut bénéficier de la tolérance légale lorsque le rehaussement trouve son origine dans la rectification du nombre de parts du quotient familial dès lors que la tolérance légale ne peut trouver à s’appliquer que lorsque l’omission ou l’inexactitude de déclaration porte sur une base d’imposition.
4° Appréciation de la tolérance légale dans les groupes fiscalement intégrés
270
Conformément aux dispositions du dernier alinéa du 4 du II de l’article 1727 du CGI, en cas de rectifications apportées aux résultats des sociétés appartenant à un groupe soumis au régime de l’intégration fiscale prévu à l’article 223 A du CGI, les rehaussements et le résultat imposable à prendre en compte pour déterminer si le seuil du vingtième est ou non dépassé s’apprécient au niveau de chaque société et non au niveau du groupe.
5° Appréciation de la tolérance légale en cas d’application de la procédure de régularisation
280
Pour l’application de la tolérance légale en cas de mise en œuvre de la procédure de régularisation prévue par l’article L. 62 du LPF, il est fait masse des régularisations et des rectifications pour apprécier la limite du vingtième. Si des régularisations ont été effectuées et acquittées en cours de contrôle alors que la limite du vingtième n’est, au final, pas atteinte, l’intérêt de retard au taux réduit acquitté à tort fait l’objet d’un dégrèvement d’office.
4. Application de la majoration pour paiement tardif
290
Le 2 du IV de l’article 1727 du CGI précise que l’intérêt de retard cesse d’être décompté lorsque la majoration de 10 % prévue par l’article 1730 du CGI est applicable (BOI-CF-INF-10-30).
5. Erreur commise par le service dans la liquidation de l'impôt
300
En cas d’erreur commise par le service dans la liquidation de l’impôt, le complément de droit mis à la charge du contribuable n'est assorti d'aucune pénalité si le paiement intervient dans le délai imparti.
Toutefois, cette règle ne s'applique que partiellement lorsque l'erreur du service a été commise à une époque où le redevable se trouvait déjà hors du délai imparti pour le paiement de l'impôt.
Exemple : Une déclaration de succession est souscrite et l’impôt correspondant est payé avec un retard de cinq mois. Le service applique indûment un abattement et encaisse les droits liquidés à 15 000 €. L'intérêt de retard est calculé sur 5 mois sur 15 000 €.
Ultérieurement, le service constate son erreur et réclame un complément de droits de 1 500 €.
Aucun intérêt de retard n'est dû pour la période postérieure au jour où l'erreur a été commise mais un complément d'intérêt sur 1 500 € est exigible puisque le retard correspondant aux cinq premiers mois est indépendant de cette erreur et est imputable aux successibles.
6. Impositions fondées sur une loi à caractère interprétatif
310
Les impositions fondées sur une loi à caractère interprétatif ne peuvent être assorties de l’intérêt de retard pour la période antérieure à la publication de ladite loi, que les impositions soient établies à partir de déclarations déposées spontanément par le contribuable après l'entrée en vigueur de ladite loi interprétative ou par l'administration à la suite d'un contrôle.
L'intérêt de retard reste applicable à compter de l'entrée en vigueur de la loi à caractère interprétatif.
7. Taxation des honoraires de médecins conventionnés inclus dans des relevés complémentaires de sécurité sociale
320
Lorsqu'ils proviennent de l'exploitation de relevés complémentaires de sécurité sociale reçus après le dépôt des déclarations, les rehaussements des honoraires déclarés par les médecins conventionnés qui pratiquent les tarifs fixés par la convention et n'ayant pas adhéré à une association agréée ne peuvent donner lieu à l'application d'aucun intérêt de retard.
Afin d'alléger les obligations comptables des médecins conventionnés, il a été admis que le livre-journal de leurs recettes professionnelles soit constitué par les relevés individuels de praticiens établis par les organismes de sécurité sociale, pour la partie de leur activité couverte par la convention. Cette mesure ne s'applique qu'aux médecins conventionnés qui pratiquent les tarifs fixés par la convention et qui n'ont pas adhéré à une association agréée (I-C-2-d § 320 et suivants du BOI-BNC-DECLA-10-20).
Le Conseil d'État a considéré que cette mesure équivaut à autoriser les intéressés à ne déclarer que les seules recettes figurant sur les relevés de sécurité sociale en leur possession à la date de souscription de leur déclaration de bénéfices non commerciaux (CE, décision du 27 octobre 1982, n° 27273 et CE, décision du 25 mai 1983, n° 31219).
Remarque : Lorsque le rehaussement des honoraires déclarés provient non pas simplement de l'exploitation de relevés complémentaires de sécurité sociale reçus après le dépôt des déclarations mais de recherches extérieures (comptes bancaires, par exemple) effectuées au cours d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle, les insuffisances constatées sont, bien entendu, passibles des pénalités correspondantes.
8. Remise en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires ou de procédure de rétablissement personnel
330
Aux termes de l'article 1756 du CGI :
- en cas de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires, les frais de poursuite et les pénalités fiscales encourues en matière d'impôts directs et taxes assimilées, de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière, droits de timbre et autres droits et taxes assimilés, de retenues à la source prévues à l’article 204 A du CGI, dus à la date du jugement d'ouverture sont remis, à l'exception des majorations prévues aux b et c du 1 de l’article 1728 du CGI, de l'article 1729 du CGI et de l'article 1732 du CGI et des amendes prévues à l'article 1737 du CGI et à l'article 1740 A du CGI ainsi qu'aux 3° et 4° de l'article 1759-0 A du CGI (BOI-CF-INF-10-40-40 et BOI-CF-INF-10-40-60) ;
Le Conseil d'État a considéré que les pénalités encourues susceptibles de remise en cas d’ouverture d’une procédure collective sont celles dont l’avis de mise en recouvrement a été notifié avant l’ouverture de cette procédure (CE, décision du 30 septembre 2019, n°415333, ECLI:FR:CECHR:2019:415333.20190930).
- en cas de mise en œuvre de la procédure de rétablissement personnel prévue aux articles L. 741-1 et suivants du code de la consommation, les majorations, frais de poursuites et pénalités fiscales encourus en matière d'impôts directs dus à la date à laquelle la commission recommande un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou à la date du jugement d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire sont remis, à l'exception des majorations prévues aux b et c du 1 de l'article 1728 du CGI et de l'article 1729 du CGI (BOI-CF-INF-10-20-10 et BOI-CF-INF-10-20-20).
En conséquence, les intérêts de retard dus à la date du jugement d'ouverture et appliqués aux impositions mentionnées à l'article 1756 du CGI sont abandonnés dans tous les cas, quelle que soit l'infraction commise.