Date de début de publication du BOI : 27/06/2024
Identifiant juridique : BOI-ENR-DMTG-10-20-30-150

ENR - Mutations à titre gratuit de meubles ou d'immeubles - Successions - Champ d'application des droits de mutation par décès - Exonérations en raison de la nature des biens transmis - Restitution aux ayants droit de biens culturels ayant fait l'objet d'une spoliation dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945

Actualité liée : 27/06/2024 : ENR - Exonération de droits de mutation par décès en faveur des transmissions résultant de la restitution aux ayants droit de biens culturels ayant fait l'objet d'une spoliation dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945 (loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, art. 25)

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La loi n° 2023-650 du 22 juillet 2023 relative à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 introduit, dans le code du patrimoine, une dérogation au principe d'inaliénabilité des biens culturels du domaine public pour simplifier le dispositif de restitution des biens spoliés dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945 par l'Allemagne nazie, par les autorités des territoires qu'elle a occupés, contrôlés ou influencés, et par l'État français entre le 10 juillet 1940 et le 24 août 1944 en :

  • instaurant une procédure administrative, codifiée à l'article L. 115-2 du code du patrimoine (C. patr.), à l'article L. 115-3 du C. patr. et à l'article L. 115-4 du C. patr. qui, par dérogation au principe d'inaliénabilité des collections, permet aux personnes publiques de restituer, après avis de la Commission pour la restitution des biens et l'indemnisation des victimes de spoliations antisémites (CIVS), les biens culturels faisant partie de leurs collections qui se révéleraient avoir été spoliés dans ce contexte ;
  • autorisant (C. patr., art. L. 451-10-1) les propriétaires des musées privés ayant reçu l’appellation « musée de France » à restituer, après avis de la CIVS, les biens de leurs collections acquis par dons ou legs ou avec le concours financier de l’État ou d’une collectivité territoriale et ayant fait l’objet d’une spoliation dans ce contexte.

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Corrélativement, l'article 25 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 instaure, à l'article 796-0 quinquies du code général des impôts (CGI), une exonération de droits de mutation par décès en faveur des transmissions résultant de la restitution aux ayants droit de biens ayant fait l'objet d'une spoliation dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945.

I. Champ d'application

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L'exonération mentionnée au § 10 s'applique aux biens culturels ayant fait l'objet d'une spoliation et d'une restitution dans les conditions prévues par l'article 796-0 quinquies du CGI.

A. Biens visés : biens culturels ayant fait l’objet d’une spoliation

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L'exonération porte sur les biens culturels spoliés, qui comprennent les biens présentant un intérêt archéologique, artistique, esthétique, historique, scientifique ou technique (œuvres et objets d'art, livres, instruments de musique, meubles anciens, etc.). La CIVS établit une liste des biens répondant à ces caractéristiques. L’ancienneté du bien peut être considérée, sans pour autant constituer un critère exclusif de qualification de bien culturel.

40

Les spoliations visées sont celles qui ont eu lieu dans l’ensemble des pays et territoires contrôlés par l'Allemagne nazie ou par des autorités qui lui étaient liées ou étaient placées sous son influence, durant la période comprise entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945. Le terme « spoliation » est employé de façon générique, dans son acception courante, qui désigne à la fois la confiscation, la saisie et la vente de biens dans le contexte de mesures liées aux persécutions antisémites lors de la seconde guerre mondiale, ou encore les ventes liées aux circonstances et rendues nécessaires pour financer l’exil, la fuite ou la simple survie.

50

De sa propre initiative ou sur demande de la personne concernée, la CIVS émet un avis rendu public sur l'existence d'une spoliation et les circonstances dans lesquelles elle est intervenue (C. patr., art. L. 115-3). Le ministre chargé de la culture procède à l'étude des cas de spoliations de biens culturels, notamment par la recherche et l'identification de la personne spoliée et des biens culturels ayant fait l'objet de spoliation.

La spoliation peut également être caractérisée par une décision de justice ou constatée dans le cadre d’une transaction entre personnes privées sous certaines conditions (I-B-3 § 100).

B. Mutations visées : restitutions réalisées dans les conditions prévues par l’article 796-0 quinquies du CGI

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L’exonération de droits de mutation suppose que les biens spoliés aient fait l’objet :

1. Restitution visée au 1° de l'article 796-0 quinquies du CGI

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La procédure de restitution prévue à l'article L. 115-2 du C. patr., à l'article L. 115-3 du C. patr. et à l'article L. 115-4 du C. patr. s’applique aux œuvres relevant des collections publiques, faisant partie du domaine public et étant normalement à ce titre protégées par les principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d'insaisissabilité.

La restitution est permise par la dérogation instaurée par l’article L. 115-2 du C. patr. et concerne les biens culturels visés à l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Elle suppose d’avoir recueilli au préalable un avis rendu public sur l’existence d’une spoliation et ses circonstances (C. patr., art. L. 115-3).

La CIVS est compétente pour rendre cet avis (C. patr., art. R. 115-3). Les modalités d’application de la procédure d’avis et de restitution des biens sont prévues de l'article R. 115-3 du C. patr. à l'article R. 115-10 du C. patr..

80

L’article L. 451-10-1 du C. patr. prévoit la restitution des biens des collections des musées privés bénéficiant de l’appellation « Musées de France », appartenant aux personnes morales de droit privé à but non lucratif, acquis par dons et legs ou avec le concours de l'État ou d'une collectivité territoriale.

Celle-ci suppose également d’avoir recueilli l’avis de la CIVS, dans les formes et délais prévus par l’article R. 451-25-1 du C. patr..

Remarque : Il est admis que lorsque, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article L. 115-2 du C. patr. et du deuxième alinéa de l’article L. 451-10-1 du C. patr., la personne publique ou la personne morale de droit privé à but non lucratif, d’une part, et les ayants droit de la victime de la spoliation, d’autre part, conviennent de modalités de réparation de la spoliation autres que la restitution du bien, les sommes versées à ce titre sont assimilées à une restitution au sens de l’article 796-0 quinquies du CGI.

2. Restitution visée au 2° de l'article 796-0 quinquies du CGI

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La restitution peut être prononcée sur des biens récupérés, inventoriés et mis en dépôt en application du décret n° 49-1344 du 30 septembre 1949 (PDF - 13,8 Ko), dans sa rédaction en vigueur le 5 octobre 2023 :

  • soit dans les musées nationaux ; il s’agit des biens dits « MNR » (Musées Nationaux Récupération), qui ne font pas partie des collections nationales et territoriales ;
  • soit dans les bibliothèques publiques ou des établissements universitaires ; il s’agit de livres ou de manuscrits récupérés.

La gestion de ces biens est assurée par le ministère de la culture. Ils peuvent faire l’objet d’une restitution à leurs propriétaires légitimes sans date de prescription.

3. Restitution visée au 3° de l'article 796-0 quinquies du CGI

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La restitution effectuée en application d'une décision de justice concerne les restitutions de biens culturels détenus par des personnes privées opérées dans le cadre d’une procédure judiciaire sur le fondement de l’ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 qui permet au juge d’ordonner la restitution, sans compensation pour l’actuel détenteur, d’une œuvre spoliée pendant l’Occupation.

Il est admis que l’exonération des droits de mutation par décès puisse s’appliquer à la transmission résultant de la restitution de biens spoliés détenus par des personnes privées, dans le cadre d’une transaction conclue entre le détenteur du bien et les ayants droit de la victime de la spoliation dès lors que les éléments de preuve produits à la demande de l’administration lui permettent d’établir, sous le contrôle du juge de l’impôt, qu’il y a lieu d’assimiler la restitution qui en découle à celle qui aurait été décidée par le juge dans le cadre de la procédure visée au premier alinéa du présent I-B-3 § 100.

L’établissement de cette preuve objective suppose notamment, outre que les bénéficiaires de la restitution aient seuls la qualité d’ayants droit de la personne spoliée, qu’il soit établi, sur la foi d'un faisceau d'indices graves et concordants, que les biens appartenaient à celle-ci et qu’ils lui ont été spoliés.

C. Date de la mutation : transmission à titre gratuit résultant d’une restitution intervenant à compter du 22 juillet 2023

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L'exonération de droits de mutation par décès s'applique aux biens dont la transmission résulte d'une restitution prononcée à compter du 22 juillet 2023.

II. Portée de l'exonération

120

L'exonération de droits de mutation par décès s’applique lorsque la restitution des biens spoliés intervenant à compter du 22 juillet 2023 est faite au profit des ayants droit de la personne victime de la spoliation.

La transmission par décès qui en résulte bénéficie aux ayants droit, quel que soit leur lien de parenté avec le propriétaire décédé du bien spolié, sans limite de montant.

Elle s'applique ainsi uniquement aux biens dont les propriétaires spoliés sont décédés à la date de la restitution, même si ce décès intervient à compter du 22 juillet 2023, et dont la transmission aux ayants droit de ces derniers résulte de la décision de restitution.

130

En revanche :

  • l’exonération ne s'applique pas aux biens spoliés qui seraient restitués directement au propriétaire de son vivant à compter du 22 juillet 2023, puis transmis à son décès aux ayants droit de ce dernier ;
  • les mutations ultérieures dont ces biens font l'objet, qui résultent non de leur restitution mais du décès des propriétaires successifs, sont soumises aux droits de mutation à titre gratuit selon les règles de droit commun.

140

Le bénéfice de l'exonération n'est pas subordonné au dépôt d'une déclaration de succession.