REC - Sûretés et garanties du recouvrement - Sûretés réelles - Privilège du Trésor - Champ d'application
I. Champ d'application du privilège général mobilier
A. Créances garanties
1. Créances garanties par le privilège général mobilier de l'article 1920 du code général des impôts (CGI)
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Le privilège général mobilier du Trésor de l'article 1920 du CGI garantit les contributions directes et taxes assimilées perçues en vertu du CGI pour le compte de l'État et des collectivités locales.
Ce privilège général sur les meubles garantit le recouvrement :
- des contributions directes et taxes assimilées soit :
- l'impôt sur le revenu ;
- l'impôt sur les sociétés ;
- la taxe sur les salaires ;
- la cotisation foncière des entreprises ;
- la taxe d'habitation ;
- les taxes foncières ;
- les impositions annexes à ces taxes ;
- la taxe spéciale d'équipement au profit des établissements publics fonciers (CGI, art. 1607 bis et suivants) ;
- la taxe spéciale d'équipement au profit de l'établissement public « Société du Grand Paris » (CGI, art. 1609 G) ;
- l'impôt sur la fortune immobilière (CGI, art. 1679 ter) ;
- du droit fixe de procédure et des amendes pénales (CGI, art. 1018 A).
Remarque : Certaines créances non fiscales du Trésor sont en effet garanties par des privilèges fiscaux.
Pour les impôts dont le versement s'opère sous forme d'acomptes, le recouvrement de ces acomptes est garanti par le même privilège que celui qui garantit ce même impôt (CGI, art. 1663 C et CGI, art. 1920, 4).
La contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l’impôt sur le revenu (CGI, art. 1600-0 C et code de la sécurité sociale, art. L. 136-6).
2. Créances garanties par le privilège général mobilier de l'article 1926 du CGI
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Sous la dénomination « taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées » sont visées :
- d'une part, la taxe sur la valeur ajoutée ;
- d'autre part, diverses taxes instituées au profit de collectivités ou d'organismes divers.
Les taxes assimilées aux taxes sur le chiffre d'affaires sont celles pour lesquelles les textes prévoient que les dispositions de l'article 1926 du CGI sont applicables ou qu'elles sont recouvrées sous les mêmes suretés, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée ou taxes sur le chiffre d'affaires.
À celles-ci, il convient d'ajouter les retenues à la source, participations, prélèvements, versements et taxes assis et recouvrés sous les mêmes sanctions et garanties que les taxes sur le chiffre d'affaires.
Parmi les créances couvertes par le privilège de l'article 1926 du CGI, on peut citer :
- la taxe d'apprentissage (CGI, art. 1599 ter A) ;
- la participation des employeurs à la formation professionnelle continue [P.E.F.P.C] ;
- la participation des employeurs à l'effort de construction [P.E.E.C.] (CGI, art. 235 bis ; code de la construction et de l’habitation, art. L. 313-4 ; code rural et de la pêche maritime, art. L. 716-3 ;
- la taxe annuelle sur les véhicules des sociétés (CGI, art. 1010 B) ;
- la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice (CGI, art. 302 bis Y) ;
- les contributions alimentant le fonds commun des accidents du travail agricole (CGI, art. 1622) ;
- les retenues à la source afférentes aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères et les retenues à la source afférentes à certains produits ou sommes perçues par des non domiciliés visées à l'article 182 A du CGI, l'article 182 A bis du CGI et l'article 182 B du CGI (CGI, art. 1671 A) ;
Remarque : Le recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires (et des taxes assimilées) à l'importation ne bénéficie pas du privilège de l'article 1926 du CGI, Dans cette situation il doit être fait application de l'article 379 du code des douanes.
3. Créances garanties par le privilège général mobilier de l'article 1924 du CGI
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Sont couverts par l'article 1924 du CGI les impôts directs locaux autres que ceux qui, à l'origine, faisaient partie des impôts d'État, tels que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la taxe de balayage.
4. Créances garanties par le privilège général mobilier du 1 de l'article 1929 du CGI
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Le privilège prévu au 1 de l'article 1929 du CGI concerne les droits, taxes, retenues, prélèvements et créances dont la perception est confiée aux comptables de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) et pour lesquels les dispositions de l'article 1920 du CGI à l'article 1928 du CGI ne sont pas applicables.
Remarque : Indépendamment du privilège du 1 de l'article 1929 du CGI, le Trésor dispose de garanties particulières pour le recouvrement de certains droits :
- l'hypothèque légale sur les immeubles successoraux pour le recouvrement des droits de mutation par décès (CGI, art. 1929, 2 ; BOI-REC-GAR-10-20-40 au I § 10 à 220) ;
- l'hypothèque légale en cas de mutation à titre onéreux ou à titre gratuit de bois et forêts en garantie des droits complémentaires et supplémentaires éventuellement exigibles en cas de retrait du bénéfice des allégements fiscaux (CGI, art. 1840 G ; BOI-REC-GAR-10-20-40 au II § 230 à 380) ;
- le privilège de la séparation des patrimoines en matière de mutation par décès (BOI-REC-GAR-10-20-40 au III § 390 à 600).
Le privilège du 1 de l'article 1929 du CGI s'applique notamment aux impôts suivants :
- droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière, droits de timbre et autres droits et taxes assimilés ;
- créances recouvrées comme en matière d'enregistrement.
a. Droits d'enregistrement et taxe de publicité foncière
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Le privilège du 1 de l'article 1929 du CGI garantit le recouvrement :
- des droits d'enregistrement ou de la taxe de publicité foncière frappant les mutations à titre onéreux d'immeubles ;
- des droits d'enregistrement sur les mutations à titre onéreux de meubles (sur toutes les mutations à titre gratuit et sur les autres conventions taxables, telles les mutations de jouissance, les partages et opérations assimilées et toutes les conventions donnant lieu à la perception de droits fixes) ;
- de la taxe de publicité foncière applicable aux inscriptions d'hypothèques judiciaires ou conventionnelles (CGI, art. 844).
b. Droits de timbre
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Le privilège garantit :
- les droits de timbre proprement dit ;
- les taxes assimilées au droit de timbre.
c. Autres droits et taxes
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Il s'agit essentiellement :
- de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (CGI, art. 991) ;
- de la taxe d'accroissement (CGI, art. 1005) ;
- de la taxe annuelle due sur les résidences mobiles terrestres occupées à titre d'habitat principal sur le territoire national (CGI, art. 1013) ;
- la taxe annuelle sur les immeubles de certaines personnes morales (CGI, art. 990 F, al. 4) ;
- des taxes perçues au profit des communes telles la taxe additionnelle à certains droits d'enregistrement ;
- des taxes perçues au profit des départements telles les taxes additionnelles à certains droits d'enregistrement, la taxe d'aménagement (code de l'urbanisme [C. urb.], art. L. 331-27) ;
- le versement pour sous-densité (C. urb., art. L. 331-42).
Remarque : En cas d'institution du versement pour sous-densité prévu à l'article L. 331-35 du C. urb., le versement pour dépassement du plafond légal de densité sera supprimé de plein droit sur l'ensemble du territoire de la commune concernée ;
- des impositions, taxes et participations diverses perçues au profit de certains établissements publics et d'organismes divers (CGI, art. 1635 ter) tel que :
- le fonds de garantie des assurances obligatoires [FGAO] (code des assurances, art. L. 421-4-1)
- le fonds national de gestion des risques en agriculture (CGI, art. 1635 bis A).
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d. Créances recouvrées comme en matière d'enregistrement
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Le privilège du 1 de l'article 1929 du CGI garantit également le recouvrement des créances suivantes :
- prélèvement visé à l'article 244 bis du CGI, sur certains profits immobiliers visés à l'article 35 du CGI par les personnes physiques ou sociétés n'ayant pas d'établissement en France ;
- prélèvement sur les plus-values réalisées par les personnes physiques ou sociétés qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B du CGI (CGI, art. 244 bis A) ;
- divers prélèvements et retenues à la source en matière de revenus mobiliers :
- prélèvements sur les produits de placement à revenu fixe prévu à l'article 125 A du CGI (CGI, ann. III, art. 381 S),
- retenue à la source, prévue au 1 de l'article 119 bis du CGI, sur les intérêts et produits des obligations et emprunts négociables et sur les intérêts des bons de caisse entrant dans les prévisions de l'article 118 du CGI et de l'article 1678 bis du CGI (CGI, ann. III, art. 381 K et CGI, ann. IV, art. 188 C),
- retenue à la source, prévue au 2 de l'article 119 bis du CGI, sur les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangère et réputés distribués en vertu de l'article 115 quinquies du CGI (CGI, ann. II, art. 379, 2 et 3).
5. Sanctions garanties par le privilège de l'article 1929 sexies du CGI
a. Sanctions visées
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Il résulte des dispositions de l'article 1929 sexies du CGI que le privilège du Trésor qui s'exerce en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe sur la publicité, de droits de timbre, de contributions indirectes ainsi que d'impôt sur les sociétés et contributions assimilées de taxe sur les salaires et taxes recouvrées selon les mêmes modalités est étendu dans les mêmes conditions et au même rang que les droits en principal, à l'ensemble des majorations et pénalités d'assiette et de recouvrement applicables à ces droits.
L'extension opérée par l'article 1929 sexies du CGI est ainsi réservée aux majorations et pénalités d'assiette et de recouvrement, appliquées aux droits en principal énumérés.
Le I de l’article 1754 du CGI dispose que le recouvrement et le contentieux des pénalités calculées sur un impôt sont régis par les dispositions applicables à cet impôt.
L’ensemble des impôts et taxes recouvrés par les comptables de la DGFIP étant privilégiés, ces pénalités sont donc garanties par un privilège de même rang et de même nature.
Les pénalités concernées constituent l'accessoire de droits en principal qui ont été éludés ou impayés, comme par exemple l'intérêt de retard de l'article 1727 du CGI ou les majorations proportionnelles pour insuffisance de déclaration d'un document servant à l'assiette de l'impôt (CGI, art. 1729) ou pour défaut ou retard de souscription d'un document utilisé pour l'assiette de l'impôt (CGI, art. 1728).
La majoration de certains impôts prévue à l'article 1730 du CGI est soumise aux mêmes règles de recouvrement que l'impôt lui-même.
La majoration prévue à l'article 1731 du CGI appliquée en cas de retard de paiement des sommes qui doivent être versées aux comptables de la DGFIP au titre d'impositions autres que celles mentionnées à l'article 1730 du CGI, est soumise aux mêmes règles de recouvrement que les impositions.
b. Sanctions non visées
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Les pénalités ne sont pas privilégiées au titre de l'article 1929 sexies du CGI lorsqu'il n'y a pas de droits en jeu. Il n'y a pas lieu au privilège de l'article 1929 sexies du CGI lorsque la pénalité ou la sanction est infligée de manière indépendante comme c'est le cas de sanctions pénales prévues aux articles 1741 et suivants du CGI. La pénalité n'est pas appliquée aux droits. Elles ne sont pas couvertes par le privilège de l'article 1929 sexies du CGI.
Cependant le II de l’article 1754 du CGI dispose que le recouvrement et le contentieux des autres pénalités sont régis par les dispositions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires.
Cette disposition concerne toutes les autres pénalités, notamment les amendes autonomes. Le renvoi exprès au recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires implique nécessairement leur caractère privilégié selon les dispositions de l’article 1926 du CGI qui renvoie lui-même à l’article 1920 du CGI.
Il s'agit des amendes fiscales fixes de l'article 1729 B du CGI pour défaut de production ou production tardive de documents utilisés pour le contrôle de l'impôt ou pour omissions et inexactitudes relevées dans de tels documents.
Toutefois, ces dernières pénalités ne doivent pas faire l’objet de la publicité du privilège.
c. Frais de poursuites
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Bien qu'il n'y ait pas de privilège sans texte et que les dispositions légales qui instituent un privilège ne puissent être étendues, par analogie, à d'autres créances ou à d'autres biens, on admet que le privilège s'applique de plein droit aux accessoires de la créance qu'il garantit et notamment aux frais de poursuites.
En vertu de l'adage « l'accessoire suit le sort du principal », le privilège du Trésor est accordé aux frais de poursuites (commandement, saisie-vente, etc.) exposés par l'administration pour recouvrer le principal.
Toutefois, suivant la doctrine et la jurisprudence, pour pouvoir bénéficier du même privilège que la créance principale, les frais doivent être liés de façon nécessaire et indissoluble au recouvrement de celle-ci et en former un accessoire indivisible.
Cette solution est confirmée par l'arrêt n° 89-20331 de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 15 juillet 1992.
110
Les frais de poursuites judiciaires et d'expertise qui sont les frais supportés par les contribuables qui doivent faire l'objet de poursuites judiciaires et les frais d'expertise exposés à l'occasion de l'instruction des demandes de décharge d'impôts, ont toujours été considérés comme des accessoires de l'impôt et garantis par le privilège de celui-ci.
B. Biens grevés par le privilège général du Trésor
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Le privilège du Trésor porte en principe sur tous les meubles du contribuable à l'exclusion de ceux que la loi déclare insaisissables. Son assiette varie alors selon qu'il s'agit du privilège général ou du privilège spécial.
130
Le privilège du Trésor peut grever les biens appartenant :
- d'une part, aux redevables (personnes physiques et morales) c'est-à-dire les personnes qui, à quelque titre que ce soit, se trouvent débiteurs d'impositions vis-à-vis du Trésor.
Remarque : Les cohéritiers visés à l'article 1709 du CGI sont des redevables des droits de succession ;
- d'autre part, à certains tiers tenus au paiement de l'impôt.
Il s'agit essentiellement :
- des tiers qu'une disposition fiscale déclare solidairement responsable du paiement de l'impôt avec le contribuable (CGI, art. 1684, CGI, art. 1686, CGI, art. 1687 et CGI, art. 1691 ; BOI-REC-SOLID-20) ;
- des dirigeants d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement déclarés solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance (livre des procédures fiscales (LPF), art. L. 267 ; BOI-REC-SOLID-10-10).
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S'agissant du cas particulier des cautions, il convient de se reporter au BOI-REC-GAR-20-40.
Celui qui se rend caution d'une obligation doit se soumettre, envers le créancier, à satisfaire à cette obligation si le débiteur n'y satisfait pas lui-même (code civil [C. civ.], art. 2288, al. 1).
Cependant, le privilège du Trésor, reconnu à l'article 1920 du CGI et à l'article 1926 du CGI qui s'exerce avant tout autre sur les meubles et effets mobiliers appartenant aux redevables en quelque lieu qu'ils se trouvent ne peut être étendu à leur caution solidaire (Cass. Com., arrêt n° 05-11290 du 19 décembre 2006).
1. Nature des biens grevés
150
Le privilège du Trésor est essentiellement un privilège mobilier général, sans droit de suite. Cependant, en matière de contributions directes et de taxes sur le chiffre d'affaires, il s'étend sur certains immeubles par destination.
a. Biens meubles
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Le privilège du Trésor porte sur les biens meubles par nature ou par détermination de la loi, quelle que soit la date à laquelle ils sont entrés dans le patrimoine du redevable et en quelque lieu qu'ils se trouvent.
Le privilège s'exerce, aux termes du 1 de l'article 1920 du CGI, de l'article 1926 du CGI, de l'article 1927 du CGI et du 1 de l'article 1929 du CGI sur les « meubles et effets mobiliers » du redevable.
L'expression « meubles et effets mobiliers » doit être interprétée en se référant aux dispositions de l'article 527 du C. civ. à l'article 535 du C. civ.. Elle comprend tout ce qui est meuble par nature d'après les règles établies par l'article 528 du C. civ., l'article 531 du C. civ. et l'article 532 du C. civ. et les meubles par détermination de la loi (C. civ., art. 529).
1° Biens meubles par nature
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Ce sont, aux termes de l'article 528 du C. civ., les biens qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre (choses inanimées).
En ce domaine, la question de savoir si un objet est meuble ou immeuble soulève fréquemment des difficultés, car certains meubles deviennent immeubles par destination même quand ils ne sont pas fixés aux sols ou aux bâtiments dès l'instant qu'ils sont affectés par le propriétaire à l'exploitation du fonds (C. civ., art. 524). Sauf l'exception prévue en faveur des contributions directes et des taxes sur le chiffre d'affaires (CGI, art. 1920 et CGI, art. 1926) le privilège du Trésor ne porte pas sur les immeubles par destination.
2° Biens meubles par détermination de la loi
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Les meubles par détermination de la loi, ou meubles incorporels, sont « des droits qui s'appliquent à un objet mobilier ». Ils sont énumérés par le code civil dans une liste non limitative (C. civ., art. 529) et comprennent les actions ou obligations ayant pour objet des sommes d'argent ou des effets mobiliers, les actions ou parts d'intérêts des sociétés commerciales et civiles, les rentes viagères, perpétuelles, amortissables, les brevets d'invention et droits d'auteur et en règle générale toutes les créances.
Le privilège du Trésor s'exerce notamment sur les créances mobilières suivantes :
- le reliquat du prix de vente d'un immeuble appartenant au redevable, après paiement des créanciers hypothécaires ou privilégiés sur cet immeuble. La créance du prix d'un immeuble est de nature mobilière comme toutes les créances mais elle est affectée par préférence aux créanciers hypothécaires ou privilégiés sur l'immeuble dont les droits sont transférés sur cette créance qui perd alors sa nature mobilière. Ce n'est qu'après paiement de ces créanciers que la créance du prix redevient mobilière ;
- le prix de vente d'un fonds de commerce, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les éléments incorporels et les marchandises ou le matériel ;
- l'indemnité d'assurance, après paiement des créanciers hypothécaires ou privilégiés, si l'indemnité représente la valeur d'un immeuble.
Si le prix de vente ou l'indemnité d'assurance d'un immeuble représentent celui-ci à l'égard des tiers ayant hypothèque ou privilège sur ledit immeuble, jusqu'à concurrence de sa valeur, le surplus se distribue, en vertu de l'article 2285 du code civil, à la masse des créanciers, sauf les raisons légales de préférence pour certains d'entre eux (Cass. com., arrêt du 21 décembre 1964) ;
- les intérêts du prix d'un immeuble ;
- les rémunérations.
Remarque : Les rémunérations visées à l'article L. 3252-1 du code du travail, c'est-à-dire les traitements, salaires et autres rémunérations rattachées aux salaires telles que pensions et rentes de la sécurité sociale, soldes et indemnités des militaires, allocations des vieux travailleurs, ne peuvent être saisies ou cédées que dans certaines limites (BOI-REC-FORCE-20-20) ;
- l'argent en espèces ;
- les loyers, fruits et revenus des immeubles à la double condition que le redevable ne les ait pas cédés à un tiers et qu'ils n'aient pas été immobilisés par la transcription d'une saisie immobilière.
b. Certains immeubles par destination
190
En vertu du 1 de l'article 1920 du CGI dont les dispositions ont été rendues applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires par l'article 1926 du CGI, le privilège s'exerce -à condition qu'ils ne soient pas frappés d'insaisissabilité- sur les meubles et effets mobiliers appartenant aux redevables en quelque lieu qu'ils se trouvent. Lorsqu'il n'existe pas d'hypothèque conventionnelle il s'exerce également sur tout le matériel servant à l'exploitation d'un immeuble commercial, même lorsque ce matériel est réputé immeuble par application des dispositions du premier alinéa de l'article 524 du C. civ..
1° Conditions de l'immobilisation des meubles
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Le privilège s'exerce, lorsqu'il n'existe pas d'hypothèque conventionnelle, sur le matériel servant à l'exploitation d'un établissement commercial, même lorsque ce matériel est réputé immeuble par destination en application du premier alinéa de l'article 524 du C. civ. qui énonce que les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds, sont immeubles par destination.
Pour qu'un objet mobilier devienne immeuble par destination, il faut :
- qu'il ait été placé sur un immeuble par nature pour son service et son exploitation, car il ne peut devenir immeuble que comme accessoire d'un bien immobilier. La seule volonté du propriétaire serait insuffisante, de même que des stipulations entre le propriétaire des meubles et son créancier ;
- qu'il ait été attaché à l'immeuble par le propriétaire de celui-ci ou par un co-propriétaire ayant l'accord de tous, mais non par un locataire car l'immobilisation par destination a été créée pour l'intérêt du fonds ;
- que le propriétaire du fonds soit en même temps propriétaire de l'objet placé sur ce fonds.
2° Immobilisation par destination commerciale
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Les conditions exigées sont celles requises pour l'immobilisation par destination. Cependant, d'après la jurisprudence, les bâtiments doivent avoir été spécialement construits et aménagés en vue d'une certaine destination commerciale ou industrielle à laquelle ils sont consacrés de telle façon qu'ils ne pourraient pas être affectés à un autre usage sans une dépréciation notable ou une transformation complète.
Si l'immeuble où est exercé un commerce ou une industrie peut aussi bien recevoir une autre destination, alors les meubles qui y ont été placés sont l'accessoire d'une profession, mais non d'un immeuble.
N'ont pas été considérés comme immeubles par destination :
- les meubles garnissant un hôtel quand l'aménagement intérieur de l'immeuble où le fonds est exploité pourrait être modifié facilement et à peu de frais ;
- les meubles non indispensables à l'exploitation du fonds tels les objets de luxe qui n'ont pas leur place dans un hôtel modeste ;
- les marchandises garnissant un fonds de commerce.
L'immobilisation des objets mobiliers cesse avec la cause qui l'a produite. Elle disparaît, par exemple, par suite de la séparation de l'immeuble par nature et de l'immeuble par destination, lorsqu'il y a vente séparée.
2. Lieu de situation des biens grevés
220
Le privilège s'exerce en quelque lieu que se trouvent les biens du redevable. Il s'applique aussi bien sur les meubles garnissant les lieux où le redevable exerce son commerce que sur ceux qui se trouvent à d'autres endroits (dépôts, domicile privé, résidence secondaire, etc.).
Le privilège s'exerce sur les biens du contribuable déposés chez un tiers.
Le privilège général ne s'exerce que sur les meubles appartenant au redevable : il n'engendre pas de droit de suite et n'atteint pas, dans les mains d'un tiers, les meubles régulièrement aliénés, de bonne foi et sans fraude, par les redevables avant l'exercice de poursuites par voie de saisie (Conseil d'État, arrêt n° 269576 du 13 juillet 2006). Dans le cas contraire, l'administration pourrait faire annuler la vente au moyen de l'action paulienne (BOI-REC-SOLID-30-10).
Le privilège du Trésor ne s'applique qu'aux biens appartenant au redevable, peu importe la date à laquelle ces biens sont entrés dans le patrimoine du débiteur. Le privilège s'exerce aussi bien sur ceux existant dans son patrimoine lors de la naissance du privilège que sur ceux que le contribuable a acquis plus tard. Il n'y a pas lieu davantage d'établir une distinction entre les biens que le redevable possédait avant la date du jugement prononçant le redressement judiciaire et ceux qu'il a acquis postérieurement à cette date.
II. Champ d'application du privilège spécial du Trésor
A. Créances garanties par le privilège spécial mobilier du 2 de l'article 1920 du CGI
230
Un privilège spécial mobilier garantit le recouvrement des taxes foncières, de la fraction de l'impôt sur les sociétés due par les sociétés à raison des revenus d'un immeuble, des taxes dues aux associations syndicales autorisées et celles dues aux concessionnaires de canaux d'irrigation concédés par l'État.
Aux termes du second alinéa du VIII de l'article 231 ter du CGI, le privilège prévu au 1° du 2 de l'article 1920 du CGI peut être exercé pour le recouvrement de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage perçue dans la région Ile-de-France.
Toutefois, il ne bénéficie pas à l'impôt sur le revenu même pour la fraction de cet impôt afférente à des revenus immobiliers.
L'originalité de ce privilège est de comporter outre un droit de préférence un droit de suite.
B. Biens grevés du privilège spécial mobilier du Trésor
240
Le privilège spécial mobilier du Trésor atteint les récoltes, fruits, loyers et revenus des immeubles soumis à l'impôt tel qu’il résulte du 2° du 2 de l’article 1920 du CGI : fruits naturels, civils ou industriels.
Le privilège spécial mobilier du Trésor est limité aux fruits de l'immeuble imposé : le Trésor n'a pas le privilège spécial sur les fruits des autres immeubles du contribuable.
Il engendre un droit de suite : il atteint tous les revenus des immeubles imposés, sans qu'il soit besoin de distinguer si ces immeubles sont restés la propriété du contribuable ou s'ils ont été vendus à l'amiable ou judiciairement. Cette solution s'explique dans la mesure où l'impôt est une charge de l'immeuble lui-même.
Dès lors, il est possible de saisir par voie de saisie administrative à tiers détenteur des loyers dus par un locataire d'un immeuble à raison des taxes foncières concernant cet immeuble, quand bien même l'immeuble en question ne serait plus la propriété du contribuable inscrit au rôle.
L'immobilisation des fruits au profit des créanciers inscrits, qui résulte de la saisie immobilière, ne fait pas obstacle à l'exercice du privilège spécial. N'y fait pas davantage obstacle une cession de loyers.
III. Application dans le temps du privilège du Trésor
A. Notion de droits acquis aux tiers
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Aux termes du second alinéa de l'article 2327 du C. civ., le Trésor « ne peut obtenir de privilège au préjudice des droits antérieurement acquis à des tiers ».
Cette disposition doit être entendue au regard seulement de la création de privilèges nouveaux au profit du Trésor public, laquelle ne fera pas échec à la règle de la non-rétroactivité des lois qui sauvegarde les droits acquis avant leur promulgation (Cass. civ., arrêt du 27 juillet 1925).
La Cour de cassation limite la non-rétroactivité de la loi nouvelle créant un privilège fiscal, aux ayants cause qui ont un droit particulier sur le bien, aux créanciers privilégiés notamment, mais elle applique immédiatement une telle loi aux créanciers chirographaires même si leur créance est antérieure à la loi nouvelle. Ces derniers ne sont pas protégés par le second alinéa de l'article 2327 du C.civ., parce qu'ils n'ont pas de droits acquis au sens de ce texte.
B. Durée du privilège du Trésor
260
Le privilège du Trésor n'a d'autre limite dans le temps que la prescription éventuelle des créances auxquelles il est attaché.
Le privilège du Trésor est conservé aussi longtemps que l'impôt n'est pas payé, dégrevé ou prescrit.
Le privilège étant indissociable de l'action en recouvrement, il ne peut s'exercer que dans la limite de la prescription de l'action en recouvrement de l'impôt (BOI-REC-EVTS-30).