REC – Sûretés et garanties du recouvrement – Suretés réelles - Privilège - Nature
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Le code civil définit le privilège comme un droit que la qualité de la créance donne à un créancier d'être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires (article 2324 du code civil). Les privilèges ne peuvent être établis que par la loi, dont les dispositions doivent être interprétées de façon restrictive.
L'article 2325 du code civil prévoit qu'entre les créanciers privilégiés, la préférence se règle par les différentes qualités des privilèges.
Certains privilèges résultent de textes particuliers qui leur confèrent une spécialité. Tous les privilèges présentent néanmoins des caractères communs qu'il convient d'inventorier avant d'examiner les différentes catégories.
I. Les caractères des privilèges
Quels que soient leur assiette et leur rang de classement, les privilèges institués par les textes législatifs ont en commun les caractères tirés de la définition de l'article 2324 du code civil :
- le privilège est un droit de préférence ;
- il est une sûreté légale ;
- enfin, il est lié, en principe, à la qualité de la créance et non à celle du créancier.
A. Le privilège est un droit de préférence
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Le privilège confère à son bénéficiaire un droit de préférence.
Ce droit permet au créancier privilégié, en cas de distribution du prix des biens ou en cas de saisie des créances du débiteur, d'être payé avant les créanciers ordinaires ou même, si l'assiette de son privilège est immobilière, avant les créanciers hypothécaires.
Si plusieurs créanciers se présentent, ils sont désintéressés dans l'ordre de faveur que la loi accorde à chacun d'eux ; les créanciers munis du même privilège et venant au même rang sont payés par concurrence.
Le privilège confère parfois un droit de suite. Les privilèges immobiliers spéciaux énumérées à l'article 2374 du code civil confèrent à leurs titulaires les mêmes prérogatives que l'hypothèque : le droit de préférence et le droit de suite.
Remarque : Les privilèges pleinement généraux et les privilèges mobiliers généraux ne comportent pas de droit de suite. Le privilège spécial de l'article 1920-2 du code général des impôts (CGI) confère au trésor un droit de suite.
B. Le privilège est une sûreté légale
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Mesure d'exception à la loi du concours prévue à l'article 2285 du code civil, le privilège ne saurait résulter de la seule convention des parties. Il n'y a pas de privilège sans texte et les dispositions légales qui instituent un privilège ne peuvent être étendues par analogie, à d'autres créances ou à d'autres biens.
On admet, toutefois, que le privilège s'applique, de plein droit, aux accessoires de la créance qu'il garantit et notamment aux frais de poursuite, à la condition que ces frais soient liés de façon nécessaire et indissoluble au recouvrement de la créance et en forment un accessoire indivisible.
Le second alinéa de l'article 2327 du code civil prévoit que «le Trésor public ne peut cependant obtenir de privilèges au préjudice des droits antérieurement acquis à des tiers». Cette disposition doit être entendue ainsi : la création de privilèges nouveaux au profit du trésor ne fera pas échec à la règle de non rétroactivité des lois qui sauvegarde les droits acquis avant leur promulgation.
C. Le privilège est attaché à la qualité de la créance
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Pour attribuer un privilège, le législateur prend en considération la qualité de la créance qu'il veut protéger plutôt que celle du créancier.
Toutefois, cette règle n'est pas absolue. C'est ainsi, par exemple, que le privilège attribué au créancier gagiste par l'article 2332-2 du code civil n'est pas lié à la cause de sa créance ni même à son objet (cf BOI-REC-GAR-10-10-10-20),
II. Les différentes catégories de privilèges
Aux termes de l'article 2328 du code civil, les privilèges peuvent être sur les meubles ou sur les immeubles.
Mais les privilèges peuvent porter sur l'ensemble des biens du redevable, ce sont les privilèges généraux qui s'étendent sur tous ses biens meubles et, dans certains cas, sur ses immeubles.
S'ils portent sur certains meubles du débiteur ou certains immeubles, ce sont alors des privilèges spéciaux.
A. Les privilèges généraux
Ils bénéficient aux créances garanties par un droit de préférence général.
Toutefois, on doit distinguer entre les privilèges pleinement généraux, dont l'assiette porte sur la totalité des biens des débiteurs (mobiliers et immobiliers) et les privilèges généraux mobiliers, dans la catégorie desquels entrent les privilèges du Trésor.
1. Les privilèges pleinement généraux
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Ces privilèges portent sur la totalité du patrimoine du débiteur, non seulement sur les meubles mais également sur les immeubles à titre subsidiaire, à défaut de mobilier suffisant (C. civ., art. 2376). Ils sont prévus par le code civil mais également par des lois non incorporées au code civil.
a. Les privilèges pleinement généraux de droit privé
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Les privilèges généraux mobiliers et immobiliers, prévus aux articles 2331-1 et 4 et 2375 du code civil sont essentiellement ceux des frais de justice et des créances de salaires des salariés et des apprentis.
Ces deux privilèges s'exercent sur les meubles dans l'ordre indiqué à l'article 2331 du code civil ; ils ne s'étendent aux immeubles que si les meubles ne peuvent suffire à désintéresser les créanciers qui en bénéficient. Ils s'exercent alors dans l'ordre prévu à l'article 2375 du code civil et priment, sur le prix de l'immeuble, conformément aux dispositions de l'article 2376 du code civil, les autres privilèges immobiliers ainsi que les hypothèques (cf. BOI-REC-GAR-10-20).
1° Le privilège des frais de justice
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Les frais de justice constituent toutes les dépenses relatives aux actions en justice, procédures et actes nécessaires pour conserver, recouvrer, liquider les biens du débiteur et assurer la distribution du prix aux créanciers sans qu'il y ait à distinguer les frais judiciaires des frais extrajudiciaires.
Les frais de justice sont les frais de scellés et d'inventaire, les frais de saisie, de garde et de vente de meubles, les frais exposés par un séquestre pour conserver et réaliser le gage commun des créanciers.
En matière de redressement et liquidation judiciaire, le privilège des frais de justice garantit :
- les frais et dépenses d'administration ;
- les honoraires du mandataire de justice ;
- les frais de scellés, d'inventaire et d'exécution des jugements dans l'intérêt commun ;
- les frais d'un procès soutenu dans l'intérêt commun quel qu'en soit le résultat ;
- les avances faites par les mandataires judiciaires à des tiers pour l'administration ou la conservation de l'actif .
2° Le privilège des créances de salaires
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Les créances de salaires sont énumérées à l'article 2375 du code civil .
L'article 2376 du code civil prévoit que, lorsqu'à défaut de mobilier les créanciers privilégiés énoncés en l'article 2375 se présentent pour être payés sur le prix d'un immeuble, en concurrence avec les autres créanciers privilégiés sur l'immeuble, ils priment ces derniers et exercent leurs droits dans l'ordre indiqué à l'article 2376 du code civil.
Le privilège des créances de salaires est tout à fait distinct du super privilège des salariés (cf. ci-après n° 80).
b. Les autres privilèges pleinement généraux
1° Le super privilège des salariés
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En cas de sauvegarde, de redressement ou liquidation judiciaire de l'employeur les rémunérations de toute nature dues aux salariés et apprentis pour les soixante derniers jours de travail ou d'apprentissage doivent, déduction faite des acomptes déjà perçus, être payées, nonobstant l'existence de toute autre créance privilégiée, jusqu'à concurrence d'un plafond mensuel identique pour toutes les catégories de bénéficiaires.(C. trav., art L 3253-2)
Remarque: Pour l'application aux marins des dispositions des articles L 3253-2 et L 3253-3 du code du travail, les rémunérations de toute nature mentionnées au 1er alinéa de l'article L 3253-2 du code du travail sont celles dues au titre des quatre-vingt-dix derniers jours de travail, ou pour les marins payés autrement qu'au mois, de la période de paiement équivalente si celle-ci est d'une durée plus longue (code des transports, art. L 5544-60)
Les dispositions des articles L 3253-2 et L 3253-3 du code du travail, relatives aux garanties des rémunérations dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, s'appliquent aux voyageurs, représentants ou placiers pour les rémunérations de toute nature dues au titre des quatre-vingt-dix derniers jours de travail.(C. du travail, art. L 7313-8)
Ce plafond est fixé par voie réglementaire sans pouvoir être inférieur à deux fois le plafond retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.
Les rémunérations prévues ci-dessus comprennent non seulement les salaires, appointements ou commissions proprement dits, mais encore tous les accessoires (et notamment l'indemnité compensatrice prévue à l'article L 1226-14 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5 du code du travail, l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8 , l'indemnité de fin de mission prévue à l'article L 1251-32 du code du travail) et les indemnités de congés payés.
Les indemnités de congés payés sont, nonobstant l'existence de toute créance privilégiée, payées jusqu'à concurrence d'un plafond identique à celui établi pour une période de trente jours de rémunération par l'article L 3253-1 du code du travail (C .trav art L3253-4).
2° Le privilège des auteurs et compositeurs
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Le privilège des salaires a été étendu par l'article L 131-8 du code de la propriété intellectuelle aux auteurs compositeurs et artistes.
Il garantit les redevances dues à ces derniers, pour les trois dernières années à l'occasion de la cession, de l'exploitation ou de l'utilisation de leurs œuvres définies à l'article L 112-2 du code de la propriété intellectuelle (livres et autres écrits, compositions musicales, œuvres de dessin, de peinture,...).
3° Le privilège de conciliation
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L'article L 611-11 du code de commerce a créé en matière de procédure de conciliation (cf BOI-REC-EVTS-10-10-10) un privilège de paiement au profit des créanciers apporteurs d’argent frais qui ont consenti dans l’accord homologué des crédits en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité. Les personnes qui fournissent, dans l'accord homologué, un nouveau bien ou service en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service.
Cette disposition ne s'applique pas aux apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d'une augmentation de capital.
Les créanciers signataires de l'accord ne peuvent bénéficier directement ou indirectement de cette disposition au titre de leurs concours antérieurs à l'ouverture de la conciliation.
Les créanciers apporteurs d'argent frais ou fournisseurs d'un nouveau bien ou service n’en bénéficient qu’en cas d’ouverture ultérieure d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), ils sont payés pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu aux articles L 622-17-II et L 641-13-II du code de commerce
Ils priment alors les créanciers antérieurs à l’ouverture de la conciliation même titulaires de sûretés (code de commerce, art. L 611-11) et les créanciers postérieurs en matière de sauvegarde (code de commerce, art. L 622-17), de redressement judiciaire (code de commerce, art. L 631-14) et de liquidation judiciaire (code de commerce, art. L 641-13).
4° Le privilège attaché aux créances impayées postérieures au jugement d'ouverture d'une procédure judiciaire
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Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.
Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l'exception de celles garanties par le privilège établi aux articles L. 3253-2, L 3253-4, L 7313-8 du code du travail et L 5544-60 du code des transports, des frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure et de celles garanties par le privilège établi par l'article L 611-11 du code de commerce
Pour pouvoir conserver le privilège attaché aux créances des articles L 622-17 et L 641-13 du code de commerce, les organes de la procédure doivent être informés du non paiement à l'échéance des créances.
2. Privilèges généraux mobiliers
Les privilèges généraux mobiliers ouvrent le droit aux créanciers qui en bénéficient d'être payé par préférence sur la généralité des meubles de leur débiteur.
a. Les privilèges généraux du Trésor
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L'article 2327 du code civil renvoie aux textes qui ont accordé à l'État et aux collectivités publiques des privilèges fiscaux, soit notamment, sans considération d'ordre :
- le privilège des impôts directs et taxes assimilées (CGI, art. 1920-1) ;
Remarque : Le privilège de l'article 1920-2 du CGI est un privilège spécial mobilier qui s'exerce sur les récoltes , fruits, loyers et revenus des biens immeubles (cf BOI-REC-GAR-10-10-20).
- le privilège des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées (CGI, art. 1926) ;
- le privilège des taxes départementales et communales assimilées aux contributions directes (CGI, art 1924) ;
- le privilège des droits d'enregistrement de timbre et de la taxe de publicité foncière (CGI, art. 1929-1) ;
- le privilège des contributions indirectes (CGI, art. 1927) ;
- le privilège des droits de douanes (C. des douanes, art. 379-1) ;
Il existe un certain nombre de créances non fiscales qui sont garanties par des privilèges du Trésor :
- le privilège garantissant le recouvrement des frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de police ; .
- le privilège institué pour le recouvrement des amendes pénales (art. 4 du décret n° 64-1333 du 22 décembre 1964)
- le privilège du Trésor sur les biens des comptables publics (loi du 5 septembre 1807 modifiée par les articles 1 à 11 de l'ordonnance 59-71 du 7 janvier 1959) ;
Remarque : Le privilège du Trésor sur les biens des comptables s'exerce après les privilèges généraux et particuliers énoncés aux articles 2331 et 2332 du code civil.
b. Les privilèges généraux mobiliers de droit privé
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Les créances privilégiées sur la généralité des meubles sont celles énumérées par l'article 2331 du C. Civil . Ces privilèges sont énumérés selon l'ordre dans lequel ils s'exercent lorsqu'ils se trouvent en concours avec les privilèges des frais de justice et de salaires. Ils sont primés par les privilèges fiscaux, dont le rang est déterminé par les lois qui le concernent, et par le privilège des caisses de sécurité sociale.(
c. Les autres privilèges généraux mobiliers
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De nombreux privilèges généraux mobiliers ne figurent pas dans l'énumération de l'article 2331 du code civil, outre les privilèges se rapportant aux créances du Trésor (cf supra § 120), en particulier le privilège des caisses de sécurité sociale (article L 243-4 du code de la sécurité sociale).
Le privilège des caisses de sécurité sociale vient au même rang que le privilège des salariés (C.Civ, art. 2332-2)
En effet, le paiement des cotisations et des majorations et pénalités de retard est garanti pendant un an à compter de leur date d'exigibilité, par un privilège sur les biens meubles du débiteur, lequel privilège prend rang concurremment avec celui des gens de service et celui des salariés, établis respectivement par l'article 2331 du code civil et les articles L 625-7 et L 625-8 du code de commerce.
B. Les privilèges spéciaux
Les privilèges spéciaux peuvent être soit immobiliers soit mobiliers. Ils portent sur un ou plusieurs éléments immobiliers ou mobiliers du patrimoine du débiteur et confèrent à leurs bénéficiaires le droit d'être payés par préférence sur leur prix de vente.
1. Les privilèges spéciaux sur les immeubles
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Les privilèges spéciaux sur les immeubles sont énumérés à l'article 2374 du code civil :
- le privilège du vendeur d'immeuble impayé ou non intégralement payé ;
L'existence de ce privilège se justifie par le fait que le créancier de tout ou partie du prix de vente a mis une valeur nouvelle dans le patrimoine du débiteur et qu'il est équitable de lui garantir le paiement du prix (sur cette valeur) par préférence aux autres créanciers même hypothécaires.
- le privilège du prêteur de deniers pour l'acquisition d'un immeuble ;
Un privilège analogue mais indépendant du privilège du vendeur est accordé à ceux qui ont fourni les fonds nécessaires à l'acquisition d'un immeuble.
- le privilège du copartageant créancier de soulte ;
Ce privilège, qui garantit les obligations nées du partage et mises à la charge des autres copartageants, est également accordé aux cohéritiers créanciers d'indemnités dues par le successible gratifié qui conserve un bien donné au-delà de la quotité disponible.
- le privilège des architectes et entrepreneurs ;
Il porte sur la plus-value procurée à l'immeuble par les travaux dont le prix est dû.
- le privilège du prêteur de deniers pour le paiement des ouvriers auteurs des travaux visés ci avant ;
- le privilège des créanciers et légataires d'un défunt, dit privilège de la séparation des patrimoines (BOI-REC-GAR-10-20-40) ;
Ce privilège permet aux créanciers et légataires d'un défunt d'échapper à l'action des créanciers d'un héritier insolvable.
- le privilège des personnes accédant à la propriété titulaires d'un contrat de location-accession régi par la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété immobilière sur l'immeuble faisant l'objet du contrat, pour la garantie des droits qu'ils tiennent de ce contrat (article 16 de la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984).
- le privilège du syndicat des copropriétaires, non soumis à la formalité de l'inscription (articles 2374-1° bis et 2378 du Code civil) ;
- le privilège de la collectivité publique (État ou commune) pour la garantie des créances dont elle est titulaire à l'encontre du propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation lorsqu'elle y a effectué des travaux d'office ou lorsqu'elle a pris en charge le relogement même temporaire des occupants.
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Les privilèges immobiliers spéciaux confèrent à leurs titulaires les mêmes prérogatives que l'hypothèque : le droit de préférence et le droit de suite. Comme les hypothèques ils doivent être inscrits pour pouvoir être opposés aux tiers. Toutefois la formalité d'inscription intervenant dans un délai légal permet à leurs titulaires d'obtenir un rang de faveur.
Inscrits dans le délai imparti (deux mois de l'acte de vente ou de partage, de l'adjudication sur licitation ou de l'acte fixant l'indemnité, du contrat de location-accession et quatre mois de l'ouverture de la succession) les privilèges immobiliers spéciaux sont de véritables «hypothèques privilégiées» qui prennent rang, rétroactivement, au jour de la naissance de la créance garantie.
Par contre, si l'inscription est prise après le délai légal, le privilège est assimilé à une hypothèque simple et ne prend rang que du jour de son inscription.
2. Les privilèges spéciaux sur les meubles
Les privilèges sur certains meubles (objets corporels, droit de créance) sont énumérés à l'article 2332 du code civil, mais il en existe d'autres prévus par des lois spéciales.
a. Les privilèges spéciaux mobiliers de droit privé
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L'ordre dans lequel est faite l'énumération des privilèges visés à l'article 2332 du code civil, n'est pas attributif de rang, à la différence de celle de l'article 2331 du code civil visé ci-avant § n° 130. Le créancier, qui bénéficie d'un privilège spécial mobilier, a un droit de préférence sur le bien grevé du privilège ; mais il conserve sur les autres biens du patrimoine du débiteur, le droit dit de «gage général» de l'article 2285 du code civil, ce qui lui permet de venir sur le prix de ces biens en concours avec les autres créanciers.
Certains privilèges spéciaux, fondés sur l'idée du gage exprès ou tacite (privilège du créancier gagiste, de l'aubergiste, du bailleur d'immeuble, etc.) sont assortis, selon le cas, d'une ou plusieurs prérogatives particulières (droit de suite, droit de rétention, droit de revendication).
En principe, les privilèges spéciaux mobiliers énumérés à l'article 2332 du code civil susvisé sont préférables aux privilèges mobiliers généraux mais ils sont primés par le privilège général du Trésor. Cependant, le privilège des frais exposés pour la conservation de la chose (code civil, art. 2332- 3) est opposable au Trésor dans la mesure où ces frais ont permis de conserver le bien sur lequel s'applique son privilège (cf BOI-REC-GAR-10-10-10-20).
b. Les autres privilèges spéciaux mobiliers
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De nombreuses lois, non incorporées au code civil, ont créé des privilèges spéciaux mobiliers :
- le privilège du Trésor sur les revenus d'un immeuble pour le recouvrement de la taxe foncière due à raison de ces revenus (CGI, art. 1920-2) ;
- le privilège du commissionnaire (C. com, art. L 132-2 ),
- le privilège du vendeur du fonds de commerce (C. com., art. L 141-5 )
- le privilège du créancier nanti sur l'ensemble dudit fonds,(C. Com, art. L 142-3),
- le droit de préférence du créancier de pension alimentaire (code des procédures civiles d'exécution (CPCE) art. L213-1 et L213-2) ;
- les privilèges des articles L 5114-8 et L 4122-16 du code des transports en matière maritime et en matière fluviale,
- le privilège de l'article L 6122-16 du code des transports en matière aéronautique,
1° Le privilège du créancier nanti sur l'outillage et le matériel d'équipement
a° Les formes du nantissement
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Les articles L 525-1 et suivants du code de commerce ont institué au profit du vendeur d'outillage et de matériel d'équipement professionnel (autres que les véhicules, les navires, les bâtiments de navigation fluviale et les aéronefs), du prêteur qui avance les fonds nécessaires au paiement du vendeur, et de ceux qui lui sont assimilés (caution, donneur d'aval ou endosseur), un nantissement restreint à l'outillage et au matériel ainsi acquis. Ce nantissement est soumis à des règles de forme et de publicité très strictes.
Le nantissement, consenti par acte authentique ou sous seing privé et donné au vendeur dans l'acte de vente et au prêteur dans l'acte de prêt, doit mentionner, à peine de nullité, que le prêt a pour objet d'assurer le paiement du prix des biens acquis. Ceux-ci doivent être énumérés dans l'acte et chacun d'eux doit être décrit d'une façon précise afin de permettre son individualisation.
L'acte mentionne également le lieu où les biens ont leur attache fixe ou indique qu'ils sont susceptibles d'être déplacés.
A peine de nullité, le nantissement doit être conclu au plus tard dans le délai de deux mois à compter du jour de la livraison du matériel d'équipement sur les lieux où il devra être installé.
b° La publicité du nantissement
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A peine de nullité également, le nantissement doit être inscrit dans le délai de quinze jours à compter de la date de l'acte constitutif du nantissement. Le contrat de nantissement est dûment enregistré. Le privilège qui résulte du contrat s'établit par le seul fait de l'inscription sur un registre public tenu au greffe du Tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds est exploité.
En outre, les biens donnés en nantissement peuvent être revêtus d'une plaque fixée à demeure indiquant le lieu, la date et le numéro d'inscription du privilège dont ils sont grevés. Cette formalité de publicité complémentaire permet au créancier nanti ou à ses subrogés de bénéficier du droit de suite prévu à l'article L 143-12 du code de commerce.
Le créancier nanti, ou les subrogés dans le nantissement, lorsque la subrogation est mentionnée en temps voulu en marge de l'inscription, bénéficient, par le seul fait de l'inscription du nantissement, d'un privilège.
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L'inscription conserve le privilège pendant une période de cinq ans. Elle garantit le principal et deux années d'intérêts. Elle cesse d'avoir effet si elle n'a pas été renouvelée avant l'expiration du délai de cinq ans et peut être renouvelée deux fois.
A défaut de paiement à l'échéance, le bénéficiaire du privilège peut en application de l'article 2347 du code civil, faire ordonner en justice que le bien nanti lui demeurera acquis en paiement et jusqu'à due concurrence après estimation faite par expert ou qu'il sera vendu aux enchères par un officier public désigné par le président du Tribunal de commerce. Auparavant, le créancier doit toutefois se conformer aux dispositions de l'article L 143-10 du code de commerce qui lui fait obligation de notifier la poursuite aux créanciers inscrits sur le fonds quinze jours avant cette notification.
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En cas de vente globale du fonds, les biens nantis font l'objet d'une mise à prix distincte ou d'un prix distinct. Les sommes provenant de la vente de ces biens sont attribuées, avant toute distribution, aux bénéficiaires des inscriptions de nantissement (BOI-REC-FORCE-50-10).
2° - Le privilège du porteur de warrant
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Pour garantir leurs emprunts, les industriels, commerçants, artisans ou agriculteurs peuvent remettre à leurs créanciers un warrant, c'est-à-dire un effet de commerce, gagé par des matières premières, des marchandises, des denrées ou des produits fabriqués qu'ils ont déposés dans des établissements agréés dénommés magasins généraux.
L'endossement du warrant et sa transcription sur les registres des magasins généraux valent nantissement au profit du créancier porteur du titre.
Le privilège du porteur de warrant commercial est régi par les articles L 522-1 et suiv. et R 522-1 et suiv du code de commerce.
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Le privilège du porteur de warrant agricole est régi par les articles L 342-1 et suiv. du code rural et de la pêche maritime.
Le warrant agricole permet la mise en gage de biens qui peut demeurer dans les mains du débiteur lui même.
A l'échéance de son prêt, le porteur de warrant agricole est tenu de réclamer le paiement de ce qui lui est dû et, après avoir accompli certaines formalités, il peut, à défaut de paiement, faire vendre les objets warrantés.
3° - Le privilège des ouvriers et des fournisseurs en matière de travaux publics
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L'article L.3253-22 du livre II du code du travail dispose :
«Les sommes dues aux entrepreneurs de tous travaux ayant le caractère de travaux publics ne peuvent être frappées de saisie-arrêt ni d'opposition au préjudice, soit des ouvriers auxquels des salaires sont dus, soit des fournisseurs qui sont créanciers à raison de fournitures de matériaux et d'autres objets servant à la construction des ouvrages».
«Les sommes dues aux ouvriers à titre de salaire sont payées de préférence à celles dues aux fournisseurs».