Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Date de fin de publication du BOI : 04/10/2017
Identifiant juridique : BOI-REC-FORCE-40-10

REC – Mise en œuvre du recouvrement forcé – Saisie immobilière - Conditions d'exercice

L'initiative de la mise en œuvre de la saisie immobilière, mesure d'exécution qui tend à la vente forcée de l'immeuble du débiteur ou, le cas échéant, du " tiers détenteur " en vue de la distribution de son prix, appartient au créancier, sous sa responsabilité.

Conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, le créancier peut en effet poursuivre l'exécution forcée de sa créance sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.

La rédaction de l'article 2191 du code civil harmonise les conditions d'exercice de la saisie immobilière avec celles des procédures civiles d'exécution :

- il dispose en effet que la saisie ne peut être pratiquée qu'en vertu d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ;

- il prévoit expressément que la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution est applicable à la saisie immobilière, sauf dispositions contraires.

Comme toute mesure d'exécution forcée, la saisie immobilière suppose un titre exécutoire. Le titre permet en effet au créancier d'engager la saisie de l'immeuble et de la mener jusqu'à son terme, à savoir la vente du bien et la distribution des fonds, sous le contrôle du juge de l'exécution.

Toutefois, la procédure comporte des particularités liées notamment à son objet, de nature à peser sur les conditions d'ouverture de cette action judiciaire qui n'a pas de phase conservatoire et sur ses règles d'application.

Les conditions d'exercice de la saisie immobilière sont donc abordées successivement sous l'angle de la personne du saisi et des biens saisissables.

I. Créanciers pouvant exercer la saisie d'un immeuble

Le droit de saisir l'immeuble d'un débiteur appartient à tout créancier porteur d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, qu'il soit chirographaire, privilégié ou hypothécaire. Par ailleurs, le choix opéré par un créancier d'exercer son droit sur un bien quelconque du créancier (loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, art. 13) est encadré, s'agissant des immeubles, dans des conditions particulières.

A. Existence d'un titre exécutoire

Un créancier ne peut poursuivre la saisie des biens de son débiteur qu'en vertu d'un titre exécutoire, et pour le recouvrement d'une créance liquide et exigible (Code civil, art. 2191).

1. Caractère de la créance

Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière. Les caractères de la créance susceptible de faire l'objet d'une mesure d'exécution sont examinés supra (Cf. BOI-REC-FORCE-10).

Les mêmes règles sont applicables en matière de saisie immobilière.

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L'exigence du caractère certain de la créance, même s'il n'est pas mentionné dans le texte, va de soi et il résulte du seul fait que la dette est constatée dans un titre exécutoire (ou qu'elle est reconnue par le débiteur). Cette condition exclut les créances subordonnées à une condition suspensive mais inclut les créances subordonnées à une condition résolutoire.

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Le caractère liquide de la créance résulte de son évaluation en argent. Par référence à l'article 4 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, la créance est liquide lorsqu'elle est évaluable en argent, ou lorsque le titre contient les éléments permettant son évaluation.

La seule contestation du montant de sa dette par le débiteur ne remet pas en cause le caractère liquide de la créance.

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La condition relative à l'exigibilité de la créance est attachée à la nature du titre lorsque l'exécution de l'obligation n'est pas subordonnée à une échéance quelconque.

Cependant, une procédure de saisie immobilière ne peut être engagée lorsqu’un contribuable a présenté une réclamation suspensive de paiement. Celle-ci pourra être reprise une fois la réclamation rejetée définitivement par l’administration ou le tribunal administratif, la créance devenant alors à nouveau exigible.

2. Nature du titre exécutoire

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Les titres délivrés par les personnes morales de droit public, qualifiées comme tels par la loi, constituent des titres exécutoires (loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, art. 3).

Il s’agit des arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l’État, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d’un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu’ils sont habilités à recevoir (loi n° 92-1476 du 31 décembre 1992, art. 98).

S'agissant des dettes fiscales et en cas de pluralité de débiteurs, on se reportera au BOI-REC-PREA-10-10-10.

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Le titre exécutoire peut être une décision de justice. L'article 2191 du code civil précise les conditions dans lesquelles l'exécution forcée d'une décision de justice peut être poursuivie.

Lorsque la poursuite est engagée en vertu d'une décision de justice exécutoire par provision, la vente forcée ne peut intervenir qu'après une décision définitive passée en force de chose jugée.

Toutefois, pendant le délai de l'opposition, aucune poursuite ne peut être engagée en vertu d'un jugement rendu par défaut.

B. Restrictions au droit d'agir en exécution

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Le créancier a le choix des procédures d'exécution pour recouvrer sa créance. Ce principe a été confirmé par la loi du 9 juillet 1991 et le décret du 31 juillet 1992 pris pour son application.

L'article 22 de la loi n° 91-650 du 9 juillet pose le principe que les mesures d'exécution ne peuvent excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.

Le créancier muni d'une hypothèque ou d'un privilège spécial immobilier doit d'abord saisir l'immeuble qui lui sert de garantie; il ne peut poursuivre d'autres immeubles qu'en cas d'insuffisance (Code civil, art. 2192).

L'article 2192 du code civil, fait une application particulière de ce principe en cas de pluralité de saisies immobilières par le même créancier. Ainsi, le créancier qui a déjà saisi un bien immobilier du débiteur ne peut initier la saisie d'un autre bien immobilier, que dans le cas d'insuffisance du bien déjà saisi.

II. Personnes susceptibles d'être poursuivies

La saisie immobilière est poursuivie, en principe, contre le débiteur lui-même, étant précisé que les personnes poursuivies en tant que codébiteurs solidaires ou cautions personnelles sont considérées dans les développements suivants comme des débiteurs proprement dits. Les poursuites peuvent être engagées à l'encontre d'une tierce-personne, autre que les ayants droit du débiteur. Tel est le cas de l'acquéreur d'un immeuble hypothéqué poursuivi par le créancier hypothécaire, en vertu de son droit de suite, ou du tiers qui a garanti la dette d'autrui en conférant une hypothèque sur son immeuble.

A. Règles applicables à tous les débiteurs

La survenance d'une procédure collective modifie les conditions de mise en œuvre de l'ensemble des mesures de saisie. Il convient donc de distinguer les débiteurs in bonis et ceux en procédure collective.

1. Débiteur in bonis

La saisie peut être pratiquée contre le débiteur principal ou ses successeurs universels. A l'encontre de certaines catégories de débiteurs, la saisie peut être opérée à des conditions particulières qui font l'objet des développements suivants.

a. Débiteur décédé

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Le décès d'une partie n'interrompt l'instance qu'à compter de la notification qui en sera faite à l'adversaire. Ce principe s'applique en matière de saisie immobilière. Une saisie immobilière dirigée contre le débiteur ne devient pas nulle si elle est poursuivie sous son nom alors qu'il est décédé au cours de l'instance, et que son décès n'a pas été notifié au poursuivant ( en ce sens, Cass. Civ. 6 janvier 2012, n° 10-26644).

Une fois le décès notifié, la saisie ne peut être poursuivie contre les héritiers du débiteur décédé qu'après la signification du titre exécutoire à ses héritiers, conformément à l'article 877 du code civil.

Les poursuites peuvent donc être dirigées contre les héritiers ou ayants-droits du débiteur. Mais le créancier doit leur signifier son titre exécutoire huit jours au moins avant d'en poursuivre l'exécution (Code civil, art. 877). Peu importe que l'héritier ait accepté sous bénéfice d'inventaire car la poursuite est diligentée sur un bien du patrimoine du de cujus .

La signification préalable du titre exécutoire aux héritiers est requise à peine de nullité des poursuites (Cass. civ. 15 janvier 1974, n° 72-10282).

b. Personnes mariées sous un régime de communauté

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L’article 2195 du code civilprévoit que la saisie immobilière d’un immeuble commun doit être poursuivie contre les deux époux.

Il convient donc de signifier tous les actes de la procédure de saisie immobilière au débiteur ainsi qu’à son conjoint même non tenu à la dette, dans l’hypothèse où le bien objet de la saisie est un bien commun. La saisie des immeubles communs est poursuivie contre les deux époux, même si le poursuivant n'est porteur d'un titre qu'à l'encontre de l'un d'entre eux.

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Lorsque l'immeuble appartient en propre à l'un des époux et qu'il constitue la résidence de la famille, le commandement de saisie doit être dénoncé au conjoint de l'époux débiteur, au plus tard le premier jour ouvrable suivant la signification de l'acte (art. 13 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 relatif aux procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'un immeuble).

c. Débiteurs incapables

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Les immeubles d'un mineur même émancipé ou d'un majeur en tutelle ou en curatelle ne peuvent être mis en vente avant que ses biens meubles corporels et incorporels ne soient saisis et vendus.

La sanction du défaut de discussion préalable du mobilier est la nullité de tous les actes de la procédure de saisie effectués avant que le mobilier du mineur ou du majeur en tutelle ait été discuté.

La nullité de la saisie immobilière entreprise sans discussion préalable peut être soulevée à tout moment (Cf. BOI-REC-FORCE-40-50).

Toutefois, la discussion des meubles n'est pas requise avant la saisie des immeubles indivis entre un majeur et un mineur ou un majeur en curatelle ou en tutelle, si la dette leur est commune. Elle ne l'est pas non plus dans le cas où les poursuites ont été commencées alors que le majeur n'était pas encore placé sous curatelle ou sous tutelle (Code civil, art. 2197).

d. Débiteur surendetté

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La décision déclarant la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement emporte suspension et interdiction des procédures d'exécution diligentées à l'encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu'alimentaires.

Les procédures d'exécution et les cessions de rémunération sont suspendues ou interdites, selon les cas, jusqu'à l'approbation du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L331-6 du code de la consommation, jusqu'à la décision imposant les mesures prévues par l'article L331-7, jusqu'à l'homologation par le juge des mesures recommandées en application des articles L