IS – Base d'imposition – Charges – Rémunérations des dirigeants – Jetons de présence
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Remarques préalables :
- les autres frais entraînés par le fonctionnement des divers organismes des sociétés : conseil d'administration, conseil de surveillance, comité consultatif, conseil de gérance, assemblée générale des associés ou actionnaires sont à comprendre parmi les frais de gestion déductibles ;
- la tenue des assemblées délibérantes peut comporter, notamment, l'attribution de jetons de présence aux actionnaires ou associés assistant aux assemblées générales ou s'y faisant représenter.
Ces jetons de présence constituent des charges d'exploitation déductibles à condition, toutefois, que la nécessité de leur attribution soit établie. Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, il en est ainsi, en principe, lorsque l'allocation des jetons de présence est nécessaire à la constitution régulière des assemblées et à l'obtention du quorum exigible.
Dans le cas contraire, il y a lieu de les assimiler à une répartition de bénéfices (CE, arrêts des 3 mai 1937, req. n° 54540, RO, p. 267 ; 10 juillet 1937, req. n° 56578, RO, p. 428 ; 14 mars 1938, req. n° 54557, RO, p. 174).
Il ne sera traité ici que des jetons de présence ordinaires alloués aux membres des conseils d'administration ou de surveillance dans les sociétés anonymes.
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Les articles 108 et 140 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales autorisent l'assemblée générale des actionnaires des sociétés anonymes à allouer aux administrateurs, dans les sociétés fonctionnant avec un conseil d'administration, et aux membres du conseil de surveillance dans les sociétés fonctionnant avec un directoire, en rémunération de leur activité, une somme fixe annuelle à titre de jetons de présence. Le montant de cette somme est porté dans les charges des sociétés visées.
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Pour constituer une charge déductible pour la détermination du résultat fiscal, les jetons de présence doivent :
- rémunérer un travail effectif ;
- ne pas excéder les limites édictées par l'article 210 sexies du code général des impôts (CGI).
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Premier cas : sociétés employant au moins 5 personnes.
Aux termes des alinéas 1 et 2 de l'article 210 sexies du CGI, les jetons de présence alloués au titre d'un exercice aux membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance des sociétés anonymes sont déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés dans la limite de 5 % du produit obtenu en multipliant la moyenne des rémunérations déductibles attribuées au cours de cet exercice aux salariés les mieux rémunérés de la société par le nombre des membres composant le conseil.
Pour l'application de cette disposition, les personnes les mieux rémunérées s'entendent de celles mentionnées à l'article 39-5 du CGI.
Les personnes les mieux rémunérées ainsi visées sont, selon que l'effectif du personnel excède ou non 200 salariés, les 10 ou les 5 personnes qui ont perçu les plus fortes rémunérations directes ou indirectes au cours de l'exercice.
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2ème cas : sociétés employant moins de 5 personnes.
Selon les dispositions du troisième alinéa de l'article 210 sexies du CGI, les jetons de présence alloués au titre d'un exercice aux membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance sont déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés dans la limite de 457 euros par membre du conseil d'administration ou du conseil de surveillance.
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Il sera précisé successivement :
- les modalités de calcul de la limite ainsi instituée selon que la société anonyme emploie au moins 5 personnes, ou moins de 5 personnes ;
- les effets qui s'attachent au dépassement de cette limite.
I. Limite de déduction
A. Sociétés anonymes employant au moins 5 salariés
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Le montant des jetons de présence alloués à l'ensemble des membres du conseil susceptible d'être admis en déduction des bases de l'impôt ne peut excéder une certaine proportion, fixée à 5 %, du produit obtenu en multipliant la moyenne des rémunérations déductibles des salariés les mieux rémunérés de l'entreprise par le nombre des membres composant le conseil.
Il convient d'analyser successivement les éléments constitutifs des deux facteurs servant à la détermination de ce produit.
1. La rémunération moyenne des salariés les mieux rémunérés
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Le deuxième alinéa de l'article 210 sexies du CGI précise que les personnes les mieux rémunérées s'entendent de celles mentionnées à l'article 39-5 du CGI (cf. BOI-BIC-CHG-40-60-10).
Il s'agit, suivant que l'effectif du personnel excède ou non 200 salariés, des 10 ou 5 personnes dont les rémunérations directes ou indirectes ont été les plus importantes au cours de l'exercice.
Il est observé cependant que l'article 39-5 du CGI vise les personnes les mieux rémunérées sans s'attacher à la nature des services fournis par elles à l'entreprise. L'article 210 sexies du CGI dispose plus restrictivement qu'il y a lieu de se référer aux plus fortes rémunérations des seules personnes ayant la qualité de salariés. Ces rémunérations doivent être elles-mêmes déductibles de l'assiette de l'impôt.
La rémunération salariale moyenne à prendre en considération est donc définie par trois éléments caractéristiques touchant à la nature des émoluments qui servent à la déterminer, au nombre de leurs ayants droit, enfin à la période au titre de laquelle ils sont attribués.
a. La nature des émoluments
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L'article 4 K de l'annexe IV au CGI relatif aux conditions d'application de l'article 39-5 du CGI définit les rémunérations des personnes les mieux rémunérées comme étant égales à la somme des éléments suivants :
- les rémunérations de toute nature, fixes ou proportionnelles, qui sont admises en déduction du résultat fiscal de l'employeur ;
- les avantages en nature ;
- les indemnités et allocations diverses ;
- les remboursements de frais autres que ceux qui se rattachent directement à un acte de gestion de l'entreprise. Il s'agit des remboursements de dépenses de caractère strictement personnel (loyer de l'immeuble d'habitation, impôts, etc.) à l'exclusion de tous autres remboursements de frais.
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Toutefois, pour le calcul de la limite de déduction des jetons de présence, les seules rémunérations à prendre en considération sont celles qui ont effectivement le caractère de salaires et sont soumises à ce titre à l'impôt sur le revenu entre les mains des bénéficiaires.
Remarque : Il faut entendre par salaires, les sommes et avantages en nature mentionnés à l'article 231 du CGI.
Ces rémunérations doivent être retenues pour leur montant brut au sens des dispositions de l'article 39-2°-d de l'annexe III au CGI, c'est-à-dire avant déduction de la cotisation ouvrière aux assurances sociales et, le cas échéant, de la contribution ouvrière à l'assurance chômage ainsi que des retenues pour la retraite.
Si elles étaient reconnues excessives, la fraction réintégrée dans les bases de l'impôt sur les sociétés devrait être exclue des bases de calcul de la limite et entraîner, le cas échéant, la révision de cette dernière.
b. Le nombre des ayants droit
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Les salariés les mieux rémunérés de la société s'entendent des 10 salariés qui ont perçu les plus fortes rémunérations au cours de l'exercice. Ce nombre est réduit à 5 lorsque l'effectif du personnel de la société n'excède pas 200 salariés.
Cet effectif s'entend du nombre des salariés employés habituellement par la société au cours de l'exercice considéré à temps complet ou à temps partiel.
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Les salariés à temps complet sont les cadres, ouvriers et employés occupés en permanence par la société et effectuant des journées complètes de travail. Le dénombrement de ces salariés ne présente aucune difficulté lorsqu'ils sont restés au service de la société durant tout l'exercice.
Pour ceux qui ont été embauchés en cours d'exercice, il y a lieu, en pratique, de diviser le total du nombre de mois durant lesquels ils ont été employés par le nombre de mois de l'exercice. En cas d'entrée ou de sortie en cours de mois, ce calcul sera fait en jours, les durées du mois et de l'année étant réputées égales respectivement à trente jours et trois cent soixante jours.
Le quotient obtenu doit être arrondi à l'unité inférieure.
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Les salariés à temps partiel sont tous les salariés qui ne travaillent pas à temps complet dans la société. Ils doivent être retenus pour leur nombre réel pendant toute la durée de leur contrat de travail ; le compte des salariés à temps partiel dont le contrat ne couvre pas la durée de l'exercice doit être effectué suivant les mêmes modalités de calcul que pour les salariés à temps complet.
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Exemple : Soit une société anonyme ayant utilisé, au cours d'un exercice correspondant à l'année civile, le concours de 206 salariés.
Sur ces 206 salariés, 10 n'ont pas été présents durant l'exercice entier : 2 salariés à temps complet ont été embauchés le 1er mai et 3 le 1er septembre (soit respectivement huit mois et quatre mois de présence) ; 4 salariés à mi-temps figurant à l'effectif le 1er janvier ont été licenciés le 31 mars (trois mois de présence) ; 1 représentant de commerce salarié à cartes multiples recruté le 1er mai a quitté l'entreprise le 31 juillet (trois mois de présence).
Le nombre des salariés habituellement employés par la société au cours de l'année a été le suivant :
(206 - 10 + (2 X 8) + (3 X 4) + (4 X 3) + (1 X 3)) / 12 = 206 - 10 + 3,5 (arrondi à 3) = 199 salariés.
La société considérée aura donc à calculer la limite de déduction des jetons de présence alloués pour cette année en se référant aux rémunérations des 5 salariés les mieux rémunérés.
c. La période d'attribution
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Les rémunérations servant de base au calcul de la rémunération moyenne sont celles attribuées aux salariés les mieux rémunérés au cours de l'exercice au titre duquel les jetons de présence sont alloués. Cet exercice, donc, est celui au cours duquel les jetons doivent être déduits pour l'assiette de l'impôt si le montant de ces derniers a été fixé par l'assemblée générale avant la clôture de l'exercice auquel ils se rapportent.
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La moyenne des rémunérations attribuées aux 5 ou 10 salariés les mieux rémunérés de l'entreprise est égale au 1/5 ou au 1/10 du total de ces rémunérations telles qu'elles viennent d'être définies ci-dessus.
2. Le nombre des membres composant le conseil
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La détermination du nombre des membres composant le conseil d'administration ou le conseil de surveillance n'appelle pas d'observations particulières lorsque la composition de ce conseil n'a pas subi de modifications en cours d'exercice. Si certains membres n'ont exercé leurs fonctions que pendant une partie de l'exercice, ils ne doivent être comptés dans l'effectif du conseil qu'au prorata de leur temps de présence par rapport à la durée de l'exercice.
Exemple : Soit un conseil comptant dix administrateurs à l'ouverture de l'exercice, le 1er janvier, et douze à la clôture, le 31 décembre suivant.
Au cours de l'année, un administrateur présent le 1er janvier est décédé le 28 février (deux mois de présence) ; un administrateur a été coopté en remplacement le 1er juin (sept mois de présence). Par ailleurs, l'assemblée générale a nommé deux administrateurs supplémentaires qui ont pris leurs fonctions le 1er juillet (six mois de présence).
Au total, donc, neuf administrateurs ont exercé leurs fonctions durant la totalité de l'exercice. L'effectif correspondant aux quatre autres, doit être évalué comme suit :
(1 X 2/12) + (1 X 7/12) + (2 X 6/12) = 21/12 = 1,75.
Le nombre des administrateurs composant le conseil est égal à : 9 + 1,75 = 10,75.
C'est par ce chiffre de 10,75 que doit être multipliée la rémunération moyenne calculée comme il est dit ci-dessus pour obtenir la base d'application du taux de 5 %.
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À toutes fins utiles, il est rappelé au service que la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales (art. 89 et 129) fixe à 3 au moins et à 24 au plus le nombre des membres composant le conseil d'administration ou de surveillance.
Remarque : La loi du 24 juillet 1966 a été modifiée par la loi n° 94-126 du 11 février 1994. Précédemment le nombre maximal d'administrateurs était de 12, porté à 15 en cas de société cotée.
En cas de fusion, toutefois, le maximum de 24 peut être dépassé pendant un délai de trois ans à compter de la date de la fusion sans pouvoir être supérieur à 30. Il peut être procédé à des nominations de nouveaux membres et au remplacement de ceux ayant cessé leurs fonctions tant que l'effectif n'est pas supérieur à 30.
B. Sociétés anonymes employant moins de 5 salariés
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Pour les sociétés anonymes qui, employant moins de 5 personnes, ne satisfont pas aux conditions définies à l'article 39-5 du CGI, les jetons de présence alloués au titre d'un exercice aux membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance sont déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés dans la limite de 457 euros par membre du conseil d'administration ou du conseil de surveillance (CGI, art. 210 sexies, 3ème alinéa).
1. Champ d'application de la limite
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L'effectif à prendre en considération pour savoir si la société anonyme a employé plus ou moins de 5 personnes est celui de l'exercice au titre duquel les jetons de présence sont alloués par l'assemblée générale. Il comprend les salariés employés habituellement au cours de l'exercice considéré, à temps complet ou à temps partiel. Le dénombrement doit être opéré selon la méthode déjà explicitée lorsqu'il s'agit de rechercher s'il y a plus ou moins de 200 salariés (cf. I-A-1-b).
200
Les sociétés sans personnel sont à ranger dans la catégorie des sociétés employant moins de 5 salariés.
Enfin, la limite de 457 euros par membre du conseil d'administration ou du conseil de surveillance ne représente pas un minimum qui serait applicable en tout état de cause. Elle ne peut, dès lors, être invoquée par une société ayant 5 salariés ou plus lorsque le mode de calcul prévu dans ce cas aboutit à un chiffre inférieur.
2. Modalités de calcul de la limite
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Lorsqu'il y a moins de 5 salariés, les jetons de présence déductibles du point de vue fiscal sont égaux au produit obtenu en multipliant 457 euros par le nombre des membres du conseil d'administration ou de surveillance.
Pour déterminer l'effectif de ces collèges, il convient de se référer aux précisions données au I-A-2.
II. Les effets du dépassement
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Lorsque la limite de déduction trouve à s'appliquer, la fraction des jetons de présence excédant cette limite doit être réintégrée extra-comptablement par la société pour la détermination du résultat fiscal.
Le montant des sommes ainsi réintégrées, le régime fiscal auquel elles sont soumises, la procédure de rectification mise en œuvre le cas échéant et les pénalités s'ajoutant aux droits éludés appellent les observations suivantes.
A. Le montant des réintégrations
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Le montant des jetons de présence à réintégrer dans les bases de l'impôt est égal à la différence entre le montant des jetons de présence porté par la société dans ses charges d'exploitation, conformément aux articles 108 et 140 de la loi du 24 juillet 1966, et le chiffre limite de déduction.
La limitation instituée s'applique à la rémunération collective allouée au conseil par l'assemblée générale sans qu'il y ait lieu de tenir compte, le cas échéant, ni de la répartition inégalitaire pratiquée par le conseil au profit de certains de ses membres, ni de la qualification particulière donnée aux jetons de présence.
C'est ainsi que les jetons dits « spéciaux » qui constituent une part supplémentaire de jetons de présence attribuée par le conseil à certains administrateurs en rémunération de tâches déterminées accomplies par eux ne peuvent être soustraits de la masse de jetons sur laquelle ils sont prélevés avant que leur total ne soit comparé au chiffre limite.
B. Le régime fiscal des sommes réintégrées
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La réintégration dans les bases de l'impôt sur les sociétés d'une rémunération excessive a, en principe, pour effet d'entraîner la disqualification de cette dépense qui doit alors être regardée comme présentant le caractère d'un revenu distribué soit sur le fondement des dispositions combinées des articles 109-1-1° du CGI et 110 du CGI si cette réintégration fait apparaître un supplément de bénéfice taxable, soit, dans le cas contraire, en application des dispositions de l'article 109-1-2° du CGI dès lors que le bénéficiaire des sommes désinvesties non admises en déduction des résultats fiscaux, a la qualité d'actionnaire.
Cette novation, toutefois, est généralement sans incidence sur le régime d'imposition des jetons de présence.
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En effet, aux termes de l'article 117 bis du CGI, les jetons de présence constituent, du point de vue fiscal, des revenus mobiliers (n'ouvrant pas droit à l'avoir fiscal). Cependant, il est admis qu'ils soient soumis au régime des traitements et salaires à concurrence de la part supplémentaire éventuellement attribuée aux membres du conseil d'administration ou de surveillance exerçant par ailleurs des fonctions de direction au sein de la société. Il en est de même des jetons de présence attribués par les sociétés coopératives ouvrières de production à leurs administrateurs qui sont en même temps ouvriers ou employés de l'entreprise.
Aucun changement n'est donc apporté aux modalités d'imposition, entre les mains des bénéficiaires, de la fraction réintégrée dans les bénéfices sociaux imposables lorsque cette fraction correspond à des jetons de présence déjà taxables dans la catégorie des revenus mobiliers.
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En revanche, dans la mesure où il s'agit de jetons de présence considérés comme des salaires, la fraction non déductible doit être imposée au nom des bénéficiaires selon les règles propres aux revenus distribués n'ouvrant pas droit à l'avoir fiscal.
Le dépassement, toutefois, doit être regardé comme portant par priorité sur les jetons de présence relevant déjà de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
C. La procédure de redressement et les pénalités
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À défaut de réintégration extra-comptable par la société (cf. II-§220), le dépassement des limites fixées par l'article 210 sexies du CGI entraîne une minoration du résultat déclaré. Cette insuffisance de déclaration est donc en principe constatée selon la procédure de rectification contradictoire fixée à l'article L55 du livre des procédures fiscales.
Une action distincte doit, s'il y a lieu, être engagée contre l'administrateur salarié dans l'hypothèse, visée ci-dessus, du passage du régime des traitements et salaires à celui des revenus mobiliers.
Les pénalités d'assiette s'ajoutant aux droits éludés sont, selon le degré de gravité de l'infraction, celles prévues par les dispositions des articles 1727 du CGI et 1729 du CGI.