Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Date de fin de publication du BOI : 08/02/2013
Identifiant juridique : BOI-BIC-CHG-10-10-10

BIC - Frais et charges - Conditions générales de déduction - Frais et charges engagés dans l'intérêt de l'entreprise ou dans le cadre d'une gestion normale

I. Au profit de personnes physiques

A. Honoraires versés pour défendre à une demande de mise en faillite et rétribuer les administrateurs en règlement judiciaire

1

Lorsqu'un commerçant ayant fait l'objet d'une assignation en faillite a été mis, par jugement du tribunal de commerce prononcé d'office, en état de règlement judiciaire, les honoraires qu'il a versés, d'une part, pour défendre à la demande de mise en faillite et, d'autre part, rétribuer les administrateurs au règlement judiciaire, constituent, bien que au cas particulier l'origine de la dette soit étrangère à son entreprise personnelle, soit des dépenses effectuées dans l'intérêt même de l'entreprise, soit des dépenses se rattachant à son exploitation. Il s'ensuit que le montant de ces honoraires peut, dans sa totalité, être déduit des résultats de ladite entreprise (CE, arrêt du 3 mai 1972, req. n° 82127, RJ II, p. 62 ; à rapprocher de l'arrêt du 14 novembre 1970, cf. BOI-BIC-CHG-10-10-20-I-B.).

B. Indemnités de licenciement versées à des représentants de commerce

10

Une société ayant pour activité la fabrication et la vente de vins et spiritueux avait obtenu la concession de la commercialisation d'une marque de rhum précédemment exploitée par une de ses filiales.

À cette occasion, elle avait repris à son service les représentants de ladite filiale qu'elle avait licenciés, six mois après, en leur versant des indemnités de licenciement.

Elle avait fait valoir sans être sérieusement contredite par le service que ces licenciements étaient motivés par le fait que les représentants vendaient, en dehors du rhum de la marque concédée, d'autres produits spiritueux concurrents de sa propre production.

Jugé dans ces conditions que les indemnités, versées dans l'intérêt de son exploitation et non pour le compte de sa filiale, avaient le caractère d'une dépense déductible de ses bénéfices pour le calcul de l'impôt sur les sociétés (CE, arrêt du 14 janvier 1976, req. n° 96189, RJ II, p. 115).

C. Frais exposés pour l'exercice d'une activité syndicale

20

Les dépenses supportées par les travailleurs indépendants pour l'exercice de leur activité au sein de syndicats professionnels régis par les articles L 2131-1 et L 2131-2 du Code du travail, constituant des dépenses exposées au profit de l'ensemble de la profession et non d'une entreprise déterminée, sont, en principe, exclues des charges déductibles.

Néanmoins, pour tenir compte de ce que les responsables syndicaux sont choisis en considération de leur notoriété et de leur compétence personnelle, et aussi de ce que leurs propres entreprises bénéficient, le cas échéant, de leur action collective, il a été admis, dans une réponse faite à M. Maujoüan du Gasset, député (JO, débats AN du 12 décembre 1983, p. 5299), par mesure de tempérament, que ces dépenses soient prises en compte pour la détermination du bénéfice imposable de l'entreprise.

L'application de cette mesure est subordonnée à la condition, d'une part, que le contribuable apporte des justifications suffisantes quant à la nature et au montant des dépenses en cause et, d'autre part, que ces dernières n'apparaissent pas excessives eu égard à l'importance de l'entreprise. Bien entendu, les allocations pour frais et les remboursements de frais éventuellement perçus des syndicats susvisés devront être compris dans les produits ou recettes de l'entreprise.

II. Au profit d'une entreprise

A. En l'absence de liens juridiques

1. Frais financiers supportés à raison d'avances consenties sans intérêt à une autre entreprise

30

Une société ayant pour objet l'exploitation de bois pour pâtes à papier avait consenti à une autre société, au moyen de fonds d'emprunt, des avances sans intérêt afin de lui permettre de poursuivre la mise au point d'un prototype de machine de transformation du bois en vue de la fabrication de pâte à papier. La société ayant consenti les avances devait recevoir l'exploitation exclusive pour la France du brevet relatif à cet appareil. Jugé que la société prêteuse avait ainsi un intérêt à ce que la société bénéficiaire des avances soit en mesure de poursuivre la mise au point de cette machine et n'a donc pas accompli d'opérations étrangères à une gestion commerciale normale.

Décidé, en conséquence que le montant des intérêts qu'elle a supportés pour le financement desdites avances constituait une charge déductible de ses bénéfices imposables (CE, arrêt du 3 décembre 1975, req. n° 89412, RJ II, p. 163).

Prise en charge par un associé des dettes d'une société après sa mise en liquidation

40

Une société à responsabilité limitée avait été créée en vue de favoriser le développement des entreprises individuelles de ses associés et avait effectivement exercé son activité dans ce but avant d'être mise en liquidation.

Jugé que l'un de ces associés, connu des tiers avec lesquels son entreprise pouvait avoir des relations, comme étant l'un des membres de la société, a pu, sans s'écarter d'une gestion commerciale normale de son entreprise, désintéresser les créanciers de la société après sa mise en liquidation et comprendre les sommes correspondantes dans les charges de sa propre exploitation (CE, arrêt du 6 mars 1981, req. n° 20708, RJ II, p. 27).

2. Subvention versée par une entreprise à une autre entreprise en liquidation

50

L'exploitant d'une entreprise A avait imposé à une société B dont il était le fournisseur unique et le gérant, des conditions de revente anormales dans le but d'accroître ses propres débouchés par une politique de bas prix.

Ces pratiques commerciales, mises en oeuvre en faveur de l'entreprise A, ayant été à l'origine quasi exclusive des difficultés financières rencontrées par la société B, il a été jugé que l'exploitant ne s'est pas écarté d'une gestion commerciale normale en allouant à la société B une subvention destinée à apurer une partie du passif constaté lors de sa liquidation.

Les sommes correspondantes pouvaient donc figurer parmi les charges déductibles de l'entreprise A (CE, arrêt du 9 octobre 1981, req. n° 15553, RJ II, p. 106).

B. Dans le cadre de relations mère-filiale

1. Remboursement par une filiale à sa société mère d'une dépense exposée pour son compte par cette dernière

60

Une société anonyme assurant la diffusion commerciale de produits de beauté fabriqués par sa société mère lui avait remboursé une somme représentant le dédit que cette dernière avait dû abandonner à un tiers pour n'avoir pas donné suite à une promesse d'achat de parts sociales d'une société d'édition propriétaire de journaux distribués dans la clientèle intéressée par ses produits.

Il avait été convenu entre les sociétés qu'au cas où la tentative d'acquisition aboutirait, les parts sociales en cause seraient attribuées à la filiale.

Jugé dans ces conditions que, dans la mesure où aucune intention frauduleuse n'a pu être établie, l'opération envisagée devait être considérée comme faite dans l'intérêt de la société requérante et que, par suite, cette dernière ne s'était pas livrée à une opération étrangère à sa gestion normale en prenant à sa charge la dépense exposée pour son compte par la société mère (CE, arrêt du 15 décembre 1976, req. n° 01208, RJ II, p. 119).

2. Avantages commerciaux jugés normaux

70

Une société ne peut pas comprendre dans ses charges les avantages qu'elle accorde à une autre société dans le cadre d'une gestion commerciale anormale, c'est-à-dire dans un intérêt autre que le sien.

Pour l'application de ce principe, le Conseil d'État considère que les avantages que se consentent des sociétés ayant une société mère commune sont présumés correspondre à une gestion commerciale anormale dès lors que ces sociétés, bien qu'appartenant à un même groupe, sont juridiquement étrangères.

Par contre, les avantages consentis par une société mère à sa filiale correspondent, en principe, à une gestion commerciale normale sauf si, ce faisant, la société a poursuivi des fins étrangères à son propre intérêt.

À cet égard, le Conseil d'État a jugé qu'une société mère ne pouvait être considérée comme ayant poursuivi une fin étrangère à son propre intérêt en subventionnant ses filiales, même si ces dernières étaient en déficit et si leur comptabilité n'était pas en ordre, ces circonstances ne suffisant pas à établir que leur activité n'offrait aucun espoir de redressement (CE, arrêt du 12 juillet 1978, req. n° 02138 et req. n° 02769, RJ II, p. 101).

III. Cas particulier de la déductibilité des frais supplémentaires de repas

80

Les frais supplémentaires de repas sont déductibles du résultat imposable en bénéfices industriels et commerciaux dés lors qu’ils sont nécessités par l’exercice de la profession, justifiés et d’un montant raisonnable.

A. Les frais supplémentaires de repas doivent être nécessités par l'exercice de la profession

90

Les frais supplémentaires de repas d’un contribuable imposé en matière de bénéfices industriels et commerciaux peuvent être considérés comme des dépenses nécessitées par l’exercice de la profession lorsque la distance entre le lieu où s’exerce l’activité et le domicile du contribuable fait obstacle à ce que le repas soit pris au domicile.

Ces frais sont en effet considérés comme professionnels par nature s’ils sont justifiés par un éloignement normal entre le domicile et le lieu de travail. En effet, l’éloignement doit être suffisamment important pour motiver la prise de repas hors du domicile mais néanmoins limité afin de ne pas être interprété comme résultant de la seule volonté du contribuable et qualifié de dépense personnelle non déductible.

Pour l’appréciation du caractère normal de la distance, il est notamment tenu compte de l’étendue et de la configuration de l’agglomération où se trouve le domicile du contribuable et des lieux d’exercice de l’activité ainsi que de la nature même de l’activité exercée (activité obligeant à de fréquentes interventions sur le terrain ou dans d’autres entreprises par exemple) et de l’implantation de la clientèle, lesquelles peuvent nécessiter des déplacements au-delà des limites de l’agglomération où se situe le domicile du contribuable. Il peut également être tenu compte des horaires de travail du contribuable (horaires d’ouverture et de fermeture du magasin le midi par exemple).

Cette appréciation résulte essentiellement d’un examen au cas par cas des conditions d’exercice de l’activité professionnelle, sous le contrôle du juge de l’impôt.

B. Les frais supplémentaires de repas doivent être justifiés

100

Conformément aux principes généraux, les frais supplémentaires de repas exposés par le contribuable doivent correspondre à une charge effective et justifiée.

Le contribuable concerné doit donc être en mesure de produire toutes pièces justificatives permettant d’attester de la nature et du montant de ces dépenses. A défaut, aucune déduction, même forfaitaire ne peut être pratiquée.

Il est précisé que la solution admise en matière de traitements et salaires, qui permet au salarié qui ne peut justifier avec suffisamment de précision du montant de ses frais de repas d’évaluer la dépense supplémentaire, par repas, à une fois et demie le montant du minimum horaire garanti ne s’applique pas dans cette situation.

C. Les dépenses exposées ne doivent pas être excessives

1. Non déduction de la valeur du repas pris au domicile

110

Seuls les frais supplémentaires de repas sont réputés nécessités par l’exercice de la profession. La fraction de la dépense qui correspond aux frais que le contribuable aurait engagés s’il avait pris son repas à son domicile constitue une dépense d’ordre personnel qui ne peut être prise en compte pour la détermination du bénéfice imposable.

Pour l’évaluation de cette dépense « plancher » exclue du montant des frais considérés, et à titre de règle pratique, il est admis de se référer aux règles relatives au calcul des avantages en nature retenues pour les salariés en matière de nourriture. Ces règles on été modifiées depuis le 1er janvier 2003 : le montant forfaitaire représentatif de la valeur du repas pris au domicile n’est plus fixé en fonction du minimum garanti mais en valeur absolue. Il est revalorisé au 1er janvier de chaque année conformément au taux prévisionnel d’évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation de tous les ménages hors les prix du tabac.

Ainsi, pour les exercices clos en 2012, le prix du repas pris à domicile est fixé forfaitairement à 4,45 € pour un repas. Ce montant est un montant toutes taxes comprises.

Exemple : Un commerçant dont le magasin et le domicile sont situés à Paris a, en 2012, effectué des déplacements dans le département des Yvelines pour réapprovisionner son stock. Il a exposé à cette occasion des frais de restaurant individuels d’un montant de 11 €, régulièrement justifiés.

Les frais qu’il peut déduire s’élèvent à 11 – 4,45 = 6,55 €

2. Les dépenses ne doivent pas être excessives

120

Le repas pris en dehors du domicile doit avoir un coût raisonnable sous peine de ne plus être considéré comme une dépense professionnelle.

Afin de simplifier l’appréciation de ce montant, il est convenu qu’est raisonnable un repas dont le prix n’excède pas la limite d’exonération des indemnités pour frais de repas retenue lorsqu’un salarié est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence ou le lieu habituel de son travail, soit 17,40 € pour l’année 2012. Ce montant est un montant toutes taxes comprises.

Si le contribuable fait état de dépenses plus élevées, les frais supplémentaires de repas restent déductibles à hauteur de ces plafonds, et la fraction qui excède ces montants constitue une dépense d’ordre personnel qui ne peut être admise en déduction, à moins que le contribuable justifie ce dépassement par des circonstances exceptionnelles nécessaires pour l’exercice de son activité.

Exemple : Un commerçant dont le magasin et le domicile sont situés à Paris a, en 2012, effectué des déplacements dans le département des Yvelines pour réapprovisionner son stock. Il a exposé à cette occasion des frais de restaurant individuels d’un montant de 50 €, régulièrement justifiés.

Les frais qu’il peut déduire s’élèvent à 17,40 – 4,45 = 12,95 €, le surplus n’est pas déductible sauf à démontrer qu’il n’existait pas de possibilité de déjeuner à moindre coût dans les environs.