Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-CTX-DG-20-20-40

CTX - Contentieux de l'assiette de l'impôt – Dispositions communes - Charge et administration de la preuve – Contenu et administration de la preuve

I. Contenu de la preuve

1

Le contenu même de la preuve est étudié pour chaque matière dans les diverses séries auxquelles il conviendra de se reporter.

Il y a lieu, toutefois, de préciser que la nature de la preuve varie selon la procédure employée et même parfois selon la catégorie des bénéfices ou des recettes, ainsi qu'il est indiqué ci-après, en ce qui concerne les cas les plus courants.

A. Procédure forfaitaire

10

Il résulte des dispositions de l'article R*191-1 du LPF que le contribuable qui demande la réduction de l'imposition doit fournir tous éléments, comptables ou autres, de nature à permettre d'apprécier :

- s'il s'agit d'un bénéfice non commercial, le montant du bénéfice réalisé ;

- s'il s'agit d'un bénéfice industriel ou commercial, l'importance du bénéfice que l'entreprise peut produire normalement compte tenu de sa situation propre ;

- s'il s'agit de TVA, l'importance des opérations que l'entreprise peut réaliser normalement, compte tenu de sa situation propre.

B. Bases déclarées par le contribuable et procédure contradictoire sans intervention de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires

20

Le contribuable qui demande la décharge ou la réduction d'une imposition doit, pour obtenir satisfaction, démontrer son caractère exagéré (LPF, art. R* 194-1) lorsqu'elle a été établie :

- selon les déclarations qu'il a souscrites ou les actes qu'il a présentés à la formalité de l'enregistrement ;

- après rectification ayant donné lieu à son accord exprès ou tacite.

C. En matière de droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière, droits de timbre et autres droits et taxes assimilés

30

Il résulte du 1er alinéa de l'article R* 195-1 du LPF qu'en matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre et autres droits et taxes assimilés, les modes de preuve doivent être compatibles avec la procédure écrite.

Toutefois, le second alinéa de l'article R* 195-1 du LPF précise que :

- les infractions relatives aux ventes publiques de meubles peuvent être prouvées par témoins ;

- l'inexactitude des déclarations ou attestations de dettes peut être établie par tous les moyens de preuve admis par le droit commun, excepté le serment.

D. Intervention de la commission compétente dans le cadre de la procédure contradictoire de rectification

40

Conformément aux dispositions de l'article L 192 du LPF, lorsque l'une des commissions visées à l'article L 59 du LPF (commissions départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et commission départementale de conciliation) est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation quel que soit l'avis de la commission, sauf dans les cas définis aux BOI-CTX-DG-20-20-10-I-B-2 et BOI-CTX-DG-20-20-10-II-B.

50

Dans le cadre des dispositions particulières aux droits d'enregistrement, lorsque l'administration procède à la rectification des prix ou évaluations en application de l'article L 17 du LPF, la charge de la preuve incombe toujours à l'administration quel que soit l'avis émis par la commission saisie du litige.

E. Procédure d'imposition d'office

60

Le contribuable imposé d'office peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré (LPF, art. L 193 et art. R* 193-1 ; cf. BOI-CTX-DG-20-20-20).

II. Administration de la preuve

70

Les développements qui suivent traitent des différents moyens de preuve que peuvent utiliser l'administration et le contribuable (l'administration de la preuve se distingue ainsi de la dévolution de la preuve)

80

Ainsi, pour établir la réalité des faits qu'ils invoquent, le service et le contribuable ont en principe la possibilité de faire appel, chacun en ce qui le concerne, à tous les modes de preuve de droit commun.

Remarque : Le livre de procédures fiscales prévoit également des moyens particuliers d'administration de la preuve au nombre desquels figure notamment l'expertise ; mais celle-ci - qui n'est en aucun cas susceptible d'intervenir pour l'instruction des réclamations devant le service des impôts - ne peut être ordonnée que par un tribunal.

90

Mais, d'une manière générale, le code général des impôts ne subordonne à aucun formalisme particulier l'administration de la preuve à la condition de respecter le caractère écrit de la procédure, ce qui exclut le recours au serment et, sauf exceptions, à la preuve testimoniale.

100

C'est ainsi que lors de l'instruction d'une affaire contentieuse, le service ne doit pas manquer d'indiquer tous les motifs qui, en droit et même en équité, lui paraissent de nature à justifier l'avis qu'il formule, sans perdre de vue que les preuves ou éléments de preuve qu'il aura rassemblés devront être suffisants pour, éventuellement, déterminer la conviction du juge.

Dans les développements qui suivent, les preuves par documents, par présomptions, par aveu et par témoins seront successivement examinées.

A. Preuve apportée au moyen de documents

110

La preuve peut être administrée au moyen de documents divers : actes authentiques ou sous seing privés, actes judiciaires, pièces d'état civil, livres de commerce, procès-verbaux, registres portatifs, titres de mouvement ou certificats de décharge, documents privés (correspondance notamment), attestations écrites, avis de réception postaux.

À cet égard, il est relevé que dans les conclusions rendues au sujet d'un arrêt du Conseil d'Etat du 24 avril 1974, n° 84053, le commissaire du Gouvernement Mandelkern a apporté les précisions suivantes : « Pour qu'une pièce soit justificative, il faut qu'elle revête, en quelque sorte, un caractère contradictoire, lequel suppose à son tour la réunion de deux conditions : la possibilité d'un recoupement avec les comptes ou la déclaration d'un tiers ; l'existence d'une opposition d'intérêts, ou tout au moins, l'absence d'une convergence d'intérêts entre le contribuable et ce tiers ».

1. Date des documents

120

Ainsi, les parties peuvent s'appuyer sur tous documents à condition qu'ils aient été établis antérieurement à la vérification ou aux constatations, objets du litige.

Dans le même sens, aucune force probante ne saurait être reconnue à une attestation signée d'un certain nombre de clients du contribuable dès lors que cette dernière a été établie postérieurement au jugement rendu par le tribunal administratif.

Par ailleurs, un contribuable ne peut utilement se prévaloir, pour contester le bien-fondé d'une taxation d'office établie en application des dispositions de l'article L 69 du LPF d'attestations dépourvues de date certaine relatives à des prêts qui lui auraient été consentis.

2. Conventions

130

Sous la réserve énoncée au II-A-1, les contribuables peuvent invoquer tout acte ou convention dont les énonciations, en l'absence de fraude établie, ne sauraient être écartées par l'Administration.

En ce sens, cf. CE, arrêt du 13 juillet 1966, n° 62823.

3. Livres de commerce et comptabilité

140

La preuve peut être apportée au moyen des livres de commerce.

Selon l'article L 123-23 du code du commerce, « la comptabilité, régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce ».

La jurisprudence considère que même irrégulièrement tenus, les livres d'un commerçant font preuve contre lui.

150

En matière fiscale, la loi ne subordonnant à aucun formalisme l'administration par le contribuable de la preuve qui lui incombe, le juge s'attache davantage à la valeur d'ensemble de la comptabilité plutôt qu'à la tenue des seuls livres en fonction des exigences du code du commerce.

Ainsi, l'absence d'un livre exigé par le code de commerce tel le livre d'inventaire et la circonstance que le livre-journal ne reprend que les soldes mensuels des comptes, ne sont pas suffisantes pour faire regarder une comptabilité comme non probante dès lors que les inventaires ont été régulièrement établis et que cette comptabilité comporte des livres-journaux auxiliaires retraçant d'une façon complète et détaillée les opérations de l'entreprise (CE, arrêt du 7 novembre 1975, n° 90786).

Cependant, une comptabilité ne peut constituer preuve devant le juge de l'impôt si elle ne comporte que des documents incomplets et rédigés en code qui ne peuvent être interprétés qu'avec le concours du contribuable (CE, arrêt du 19 février 1958, n° 36330, RO, p. 67).

De même, un contribuable, dont la comptabilité a été à bon droit écartée comme non probante, ne s'acquitte pas de la preuve qui est à sa charge en se bornant à s'appuyer sur cette comptabilité (CE, arrêt du 22 janvier 1982, n° 22397).

D'une manière générale, pour avoir valeur probante, une comptabilité doit :

- être régulière, c'est-à-dire complète et correctement tenue ;

- enregistrer exactement toutes les opérations de l'entreprise ;

- être appuyée des justifications permettant de contrôler ses énonciations, lesdites justifications pouvant consister en pièces justificatives émanant de tiers, en pièces établies par le contribuable lui-même (copies de factures, de lettres ...) ou en inscriptions détaillées sur les livres ou documents comptables.

4. Procès-verbaux

160

La preuve peut être également administrée au moyen de constatations contenues dans des procès verbaux, des registres portatifs ou des certificats de décharge.

Remarque : En matière de contributions indirectes, les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire (LPF, art. L 238).

170

Dans certaines matières, les infractions peuvent être constatées par procès-verbal.

Ainsi, les agents des finances publiques sont chargés spécialement de constater toutes les contraventions aux dispositions régissant les adjudications mobilières et d'en poursuivre la répression.

À cet effet, ils peuvent assister aux ventes publiques et par enchères, s'y faire présenter les procès-verbaux de vente, constater les infractions éventuelles et requérir l'assistance des autorités de police municipale de la commune où se fait la vente (LPF, art. L 22).

S'il y a lieu, ils dressent procès-verbal des contraventions qu'ils ont constatées (LPF, art. L 212-d).

La rédaction d'un procès-verbal n'est nécessaire que pour la constatation des contraventions aux dispositions de l'article 871 du CGI (vente effectuée sans le ministère d'un officier public ou par des sociétés de vente volontaires de meubles aux enchères publiques agrées). Elle n'est pas exigée pour les autres contraventions commises dans les actes dont il reste minute (contraventions pour les irrégularités dans la rédaction du procès-verbal). Dans ce cas, le recouvrement des amendes peut être immédiatement poursuivi par voie d'un avis de mise en recouvrement.

Le procès-verbal n'a pas besoin d'être affirmé devant le juge du tribunal d'instance.

Le service ne peut dresser procès-verbal que pour les contraventions dont il a une connaissance personnelle et qu'il a pu constater lui-même. S'il n'a eu connaissance de la contravention que par des renseignements recueillis auprès de tierces personnes, il ne peut que recourir à la preuve testimoniale.

Aucune disposition de la loi n'oblige les agents à dresser procès-verbal séance tenante, mais il leur est recommandé de dresser autant que possible le procès-verbal le jour même où ils ont constaté la contravention.

Remarque :

Les procès-verbaux régulièrement dressés par les agents des finances publiques en matière de vente de meubles font foi des faits qu'ils constatent jusqu'à preuve contraire. Mais en cas de contestation, il n'y a pas lieu à inscription de faux, la loi du 22 pluviôse an VII étant muette à cet égard ; or, seuls les actes expressément désignés par la loi font foi jusqu'à inscription de faux.

5. Documents privés, attestations et copies d'actes

180

La preuve peut être également administrée au moyen de constatations contenues dans des documents privés et la correspondance.

À cet égard, l'administration peut, par l'exercice notamment du droit de communication qu'elle tient des articles L 81 et suivants du LPF et R* 81-1 et suivants du LPF, recueillir des extraits ou des documents susceptibles de faire preuve.

À cet égard, les services ne sont pas en droit d'opposer, en cours d'instance, l'irrecevabilité d'attestations au motif qu'il s'agit d'une preuve testimoniale.

De leur côté, les contribuables peuvent obtenir de l'administration, sous certaines conditions, la délivrance d'extraits de rôles ou de registres, d'attestations ou de copies d'actes qu'ils jugent utiles de produire à l'appui de leur réclamation (LPF, art. L 104 et suiv.).

6. Avis de réception postaux

190

Afin d'établir l'envoi et la réception d'une lettre de proposition de rectification, de décision, de mise en demeure, l'administration doit produire, devant le juge de l'impôt, l'avis de réception postal qui fait foi non seulement de la remise de la lettre au contribuable, mais encore de la date de cette remise ).

Remarque : L'administration peut établir également l'envoi et la réception d'une lettre de proposition de rectification par la production d'une attestation de l'administration postale (cf. 13 L 1513 n° 21).

Ainsi, pour démontrer que la procédure de rectification de la déclaration d'un contribuable a été régulièrement suivie, l'administration ne peut se borner à établir que la lettre notifiant les rehaussements envisagés a bien été déposée au guichet de la poste et ne lui a pas été renvoyée ; elle doit encore prouver, par la production de l'accusé de réception, que cette lettre a été effectivement remise au destinataire.

Remarque : Si la lettre est remise directement au contribuable, ce dernier doit accuser réception sur la copie conservée au dossier.

7. Contrôle juridictionnel des éléments de preuve

200

Enfin, il y a lieu de préciser que le juge de l'impôt doit pouvoir exercer son contrôle sur toutes les pièces justificatives, y compris celles que l'administration a écartées comme non probantes.

Si le juge ne peut exercer son contrôle, faute pour l'Administration d'avoir conservé les pièces qu'elle a écartées, il accorde le dégrèvement demandé par le contribuable (CE arrêt du 11 décembre 1974, n° 92758).

Le Conseil d'Etat a jugé que l'Administration n'apportait pas la preuve que la réponse du contribuable était insuffisante - et que, par suite, il était taxable d'office en application des dispositions des articles L 16 et L 69 - dès lors qu'elle ne pouvait produire la demande de justification et la réponse de l'intéressé (CE, arrêt du 29 novembre 1982, n° 22791).

Le refus ou l'impossibilité invoqué par l'Administration de produire des documents réclamés par le juge établit l'exactitude des affirmations du requérant dès lors que ces affirmations sont suffisamment vraisemblables (conclusions de M. le commissaire du Gouvernement Léger sous l'arrêt précité du Conseil d'Etat du 29 novembre 1982).

B. Preuve par présomptions

210

La preuve peut parfois être difficile à établir, de telle sorte que le législateur et le juge utilisent, pour alléger son fardeau, des modes de raisonnement par induction, allant d'un fait connu à un fait inconnu. Il s'agit des présomptions légales, des présomptions jurisprudentielles et des présomptions de fait.

1. Présomptions légales

220

« La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits » (Code civ., art. 1350).

Dans ce cas, le législateur tient le fait à prouver comme démontré, dès lors que tel autre fait est établi.

230

Au nombre des présomptions instituées par le code civil figurent notamment :

- « Les cas dans lesquels la loi déclare la propriété ou la libération résulter de certaines circonstances déterminées » (Code civ., art. 1350-2°) ;

- « L'autorité que la loi attribue à la chose jugée » (Code civ., art. 1350-3° ; cf. BOI-CTX-DG-20-30).

240

La loi fiscale édicte également des présomptions dont les principales ont été énoncées cf. BOI-CTX-DG-20-20-30-IV.

Comme elle repose sur une simple vraisemblance, la présomption légale peut être combattue par tous les moyens.

2. Présomptions jurisprudentielles

250

Dans certaines situations juridiques, le Conseil d'Etat considère qu'il y a une présomption concernant l'existence des faits. C'est donc la partie dont la thèse va à l'encontre de cette présomption qui supporte la charge de la preuve.

C'est ainsi que, pour l'application des dispositions de l'article 196 du CGI, il est considéré par le Conseil d'Etat que les parents sont présumés assurer normalement seuls la charge de leurs enfants. C'est donc à la personne qui a recueilli l'enfant à son foyer à démontrer qu'elle en assume intégralement l'entretien.

3. Présomptions de fait

260

Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont laissées à l'appréciation souveraine des juges du fond ; pour faire preuve, ces présomptions doivent être graves, précises et concordantes.

C'est ainsi que l'Administration peut, pour établir l'existence et le montant des revenus qu'une société à responsabilité limitée - ne tenant aucune comptabilité régulière - a procurés à son gérant, s'appuyer valablement sur les présomptions résultant de la comptabilité telle qu'elle a été reconstituée par les experts commis par le tribunal de commerce à la suite du jugement déclaratif de faillite de la société.

En revanche, lorsqu'un contribuable invoque diverses circonstances d'ordre économique et fiscal, de telles allégations, en raison de leur généralité et de leur imprécision, ne sont pas susceptibles de faire preuve devant le juge de l'impôt.

En ce sens, cf. notamment CE, arrêt du 17 février 1965, n° 50436.

C. Aveu écrit

270

L'aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît un fait de nature à produire à son détriment des conséquences juridiques.

280

L'aveu écrit est judiciaire ou extrajudiciaire :

- l'aveu judiciaire est celui qui est recueilli à l'audience d'un tribunal ;

- l'aveu extrajudiciaire est celui qui est recueilli en dehors de la présence du tribunal.

290

Le désistement pur et simple donné par un contribuable, l'acceptation, au cours de l'instruction d'une affaire, d'une base d'imposition supérieure à celle déclarée représentent, en contentieux fiscal, un aveu qui, par conséquent, fait preuve contre l'intéressé.

D. Preuve testimoniale

300

Le respect du caractère écrit de la procédure ne permet pas, en règle générale, de faire usage de la preuve testimoniale ou de la comparution de témoins devant le juge statuant en matière fiscale.

En ce sens : Cass. com., 20 avril 1970, n° 68-10784.

Toutefois, en prévoyant, à l'occasion d'une expertise, que les experts auront la faculté d'entendre toutes personnes qu'ils estimeront utiles à l'accomplissement de leur mission, le tribunal administratif ne méconnaît pas la règle selon laquelle la preuve par témoins ou la comparution de témoins n'est pas autorisée en matière fiscale, mais se borne à préciser les moyens dont disposent les experts pour effectuer leurs investigations.

En ce sens : CE, arrêt du 8 mars 1965, n° 60810.

310

De plus, il est précisé que si les règles de la procédure écrite interdisent l'audition de témoins, rien ne s'oppose à ce que l'administration ou les contribuables invoquent des attestations ou des certificats écrits (cf. II-A-5).

320

C'est ainsi que, dans les instances en matière de droits d'enregistrement, le respect du caractère écrit de la procédure exclut l'utilisation de la preuve testimoniale.

Mais cette exclusion n'interdit pas aux juges du fond de constater les faits selon des présomptions graves, précises et concordantes invoquées dans les mémoires produits ou selon des attestations annexées à ces mémoires (Cass. com., arrêt du 5 janvier 1988, pourvoi n° 86-12749).

Compte tenu de cette jurisprudence, les services ne sont pas en droit d'opposer, en cours d'instance, l'irrecevabilité d'attestations au motif qu'il s'agit d'une preuve testimoniale. Néanmoins, s'il subsiste un doute sérieux quant à la valeur probante de ces documents, celle-ci pourra être contestée devant le juge, notamment à partir des griefs suivants :

- les attestations ne comportent pas les mentions nécessaires pour être admises comme éléments de preuve. À cet égard, l'article 202 du code de procédure civile indique les conditions de forme auxquelles doivent répondre ces écrits. Remarque est cependant faite que cette exigence est toute relative, ne serait-ce que parce que, selon une jurisprudence constante, ces dispositions ne sont pas prescrites à peine de nullité : en définitive, les juges du fond ont un pouvoir souverain d'appréciation de la portée des attestations qui leur sont soumises.
Le service peut toutefois utilement s'inspirer des termes de l'article 202 du code de procédure civile précité, en s'attachant, en pratique, à ne relever que les manquements les plus flagrants (essentiellement, non respect des formalités visées aux alinéas 1, 2 et 4 dudit article) susceptibles, en l'espèce, d'affecter de manière décisive la crédibilité des attestations.

Il demandera alors, si besoin est, aux magistrats d'écarter les écrits litigieux des débats comme ne présentant pas de garanties suffisantes pour emporter leur conviction (Cass. civ. 1ère, 6 mai 1981, pourvoi n° 79-15608) ;

- les attestations reprennent une rédaction stéréotypée ;

- le contenu des déclarations est imprécis et ne permet pas d'établir les faits allégués.

Les attestations dont feraient état les redevables mais qui ne seraient pas annexées aux mémoires adverses ne sauraient être prises en compte (cf. Cass. com., arrêt du 5 janvier 1988, pourvoi n° 86-12749).

Remarque : Ces principes sont également applicables lorsqu'il s'agit d'apprécier le crédit à accorder à des attestations produites par les contribuables au cours d'une procédure d'imposition ou à l'appui d'une réclamation.

320

Par ailleurs, la preuve testimoniale peut être exceptionnellement utilisée en application d'une disposition expresse du livre des procédures fiscales pour :

- contester les énonciations des procès-verbaux dressés par les agents de l'administration (LPF, art. L 238) ;

- réprimer les contraventions aux dispositions relatives aux ventes publiques de meubles (LPF, art. R* 195-1, second alinéa) ;

- établir l'inexactitude des déclarations ou attestations de dettes en matière de droits de mutation par décès (LPF, art. R* 195-1, second alinéa).

330

L'article R* 195-1, alinéa 2, du LPF dispose que la preuve testimoniale peut être admise sur les ventes faites en contravention aux dispositions relatives aux ventes publiques de meubles.

Dans tous les cas où le service des impôts n'a pu se livrer à une constatation personnelle (constatée par procès-verbal), il y a lieu de recourir à la preuve testimoniale.

L'Administration doit alors présenter requête au tribunal à l'effet d'être admise à faire la preuve par témoins des faits articulés et concluant à ce que l'un des juges soit nommé pour procéder à l'enquête conformément à l'article 225 du code de procédure civile.

Quand les faits dont l'Administration demande à faire la preuve ont été clairement libellés dans la requête et que cette requête a été elle-même littéralement consignée dans le jugement qui ordonne l'enquête, il n'est pas nécessaire que le dispositif de ce jugement énonce les faits à prouver.

La procédure relative à l'enquête doit être suivie dans la forme du droit commun, mais l'instance qui s'engage à la suite de l'enquête et pour en déduire les conséquences, doit être instruite selon le mode spécial organisé par les articles L 199, alinéa 2, R* 199-1, R* 202-1, alinéa 1 et R* 202-2 du LPF.

L'enquête est inutile si un jugement rendu entre parties constate la complète exactitude des faits articulés par l'administration ; il suffit de lui en donner acte, en la renvoyant pour le surplus à user de son droit de communication.

L'admission de la preuve testimoniale est facultative pour le tribunal qui peut rejeter la demande compte tenu des faits articulés.

Il est spécialement fondé à refuser d'admettre cette preuve lorsque l'Administration, pour établir qu'une vente publique de meubles a été faite aux enchères sans le ministère d'un officier public ou d'une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques agréée, s'est bornée à alléguer que la vente a eu lieu tel jour, à tel endroit, au profit de telle personne et pour tel prix sans articuler les faits et circonstances qui donneraient à cette vente le caractère d'une vente publique.

340

Enfin, la preuve testimoniale peut être exceptionnellement utilisée en vertu d'une jurisprudence constante pour compléter les énonciations d'un procès-verbal établi en matière de contributions indirectes.