REC - Mise en œuvre du recouvrement forcé - Saisie administrative à tiers détenteur - Responsabilité du tiers détenteur défaillant
Remarque : À défaut d’une position contraire des juridictions, les jurisprudences citées ci-après, relatives à la procédure d’avis à tiers détenteur (ATD) en vigueur avant le 1er janvier 2019, sont transposables à la procédure de saisie administrative à tiers détenteur (SATD) en vigueur depuis le 1er janvier 2019.
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Le tiers détenteur est tenu de payer au comptable public le montant de la créance, ou des créances, dont le recouvrement est poursuivi, pour le montant figurant sur la saisie administrative à tiers détenteur (SATD), à concurrence des fonds qu'il détient pour le compte du débiteur désigné dans cette saisie.
À défaut de paiement, il peut être poursuivi sur ses biens personnels.
L'article L. 262 du livre des procédures fiscales (LPF) oblige en effet le tiers détenteur, sur la demande qui lui en est faite sous forme de SATD à verser, au lieu et place du débiteur, les fonds qu'il détient ou qu'il doit à concurrence des impositions dues par ce dernier.
Il est rappelé qu'en vertu de l'article L. 262 du LPF, la SATD comporte l'effet attributif immédiat prévu par l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution (CPC exéc.).
En vertu de ce texte, la SATD rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation.
Par ailleurs, l’article L. 262 du LPF prévoit également une obligation de renseignement puisque le tiers saisi est tenu de déclarer immédiatement par tous moyens l’étendue de ses obligations à l’égard du redevable dans les conditions prévues à l’article L. 211-3 du CPC exéc..
Le comptable public, lorsque les conditions sont réunies, peut exercer des poursuites contre un tiers détenteur qui n'a pas déféré à sa demande. Il poursuit alors le recouvrement de la créance que le contribuable possède contre ce tiers. Il apparaît toutefois que les tiers saisis ne sont pas dans une situation juridique identique à celle des débiteurs directs ni même à celle des débiteurs solidaires.
Un préalable à la mise en cause de ces tiers est dès lors nécessaire : une procédure particulière devant le juge de l'exécution.
I. Mise en œuvre de la responsabilité du tiers détenteur défaillant
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La mise en cause de la responsabilité des tiers saisis défaillants, qui ne sont pas assimilés aux débiteurs directs de la créance ni même aux débiteurs solidaires, ne peut être opérée sur le fondement du titre originel authentifiant la créance ni sur le fondement de la SATD elle-même.
À défaut de titre exécutoire, au sens des dispositions combinées de l'article L. 111-3 du CPC exéc. et de l'article L. 252 A du LPF, le comptable public doit obtenir du juge de l'exécution la décision exécutoire qui lui permet d'agir.
A. Conditions d'exercice de l'action contre le tiers détenteur défaillant
1. Nécessité d'une défaillance du tiers détenteur engageant sa responsabilité
a. Une défaillance du tiers liée à un défaut de renseignement
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Le tiers saisi est tenu de déclarer immédiatement par tous moyens l’étendue de ses obligations à l’égard du redevable dans les conditions prévues à l’article L. 211-3 du CPC exéc..
Le tiers saisi qui s’abstient, sans motif légitime, de faire cette déclaration ou fait une déclaration inexacte ou mensongère peut être condamné, à la demande du créancier, au paiement des sommes dues à ce dernier, sans préjudice d’une condamnation à des dommages et intérêts.
b. Une défaillance du tiers liée à un défaut de paiement
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L'effet d'attribution immédiate de la SATD rend le tiers débiteur envers le comptable public et non plus envers le contribuable, et le tiers est tenu au versement des sommes saisies au terme du délai de trente jours (BOI-REC-FORCE-30-30-10).
Les SATD pratiquées par les comptables publics sur les deniers provenant du chef des redevables ont pour effet d'interdire aux tiers détenteurs tout paiement au saisi tant qu'il ne leur est pas justifié d'une mainlevée.
Lorsqu'il apparaît qu'à l'issue du délai de trente jours à compter de la date de réception de la SATD, le tiers détenteur n'a pas effectué spontanément les versements réclamés, un rappel lui est adressé.
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La responsabilité du tiers peut être engagée lorsqu'il refuse de fournir les renseignements qui lui sont demandés (LPF, art. L. 262) ou lorsqu'il refuse de payer les sommes qu'il a reconnu devoir (CPC exéc., art. R. 211-9).
Dès lors qu'il est établi, notamment par une convention d'honoraires, qu'à la date de la notification de l'ATD, il existait une créance conditionnelle du débiteur, à l'égard du tiers détenteur, et qu'après avoir répondu négativement au comptable, le tiers a versé des sommes au débiteur du chef de cette créance, le tiers en qualité de tiers saisi est condamné à payer le montant de la somme dont il était débiteur envers le redevable (Cass. com., 30 mai 2007, pourvoi n° 06-14994).
2. Défaut de contestation du principe de créance
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La responsabilité du tiers défaillant peut être mise en œuvre à condition que la SATD, notifiée depuis plus de deux mois, n'ait pas été utilement contestée. À cet égard, l'irrégularité de la SATD doit être soulevée impérativement dans les délais et conditions prévus par l'article L. 281 du LPF, par l'article R*. 281-1 du LPF, par l'article R*. 281-3-1 du LPF, par l'article R*. 281-4 du LPF et par l'article R*. 281-5 du LPF pour faire opposition aux poursuites (BOI-REC-EVTS-20-10).
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Toutefois, lorsque les poursuites ont été entreprises contre le tiers détenteur devant le juge de l'exécution, le tiers détenteur peut contester la régularité de l’avis à tiers détenteur. Dans ce cas, cette contestation ne relève pas des dispositions de l'article L. 281 du LPF. Elle ne nécessite donc pas le dépôt d’une réclamation préalable auprès de l’administration.
Et attendu, d'autre part, que le tiers détenteur attrait par l'administration fiscale devant le juge de l'exécution aux fins de délivrance d'un titre exécutoire, aux motifs qu'il refuse de payer la dette fiscale ou ne répond pas à l'avis qui lui est adressé, n'étant pas l'auteur d'une contestation au sens de l'article L. 281 du LPF et de l'article R*. 281-1 du LPF, la recevabilité des moyens qu'il invoque n'est pas subordonnée à la présentation d'une réclamation préalable à l'administration ; que la cour d'appel n'était dès lors pas tenue de procéder à la recherche prétendument omise (Cass. com., 3 décembre 2002, pourvoi n° 00-20505).
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La question de savoir si le tiers détenteur est effectivement débiteur de la somme faisant l'objet de la saisie constitue une question préjudicielle. Le tiers détenteur est fondé à demander le remboursement des sommes qu'il a versées en l'acquit du redevable dès lors qu'il n'en était pas débiteur.
Le tiers détenteur peut opposer à la demande du comptable public toutes les causes d'extinction de son obligation envers le redevable, qui se sont produites avant la notification de la saisie, telles que le paiement, la compensation, la prescription extinctive et la novation du créancier.
B. Nécessité d'un titre exécutoire
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Le tiers détenteur, s'il est reconnu responsable du paiement par le juge de l'exécution, ne l'est qu'en tant que débiteur du contribuable saisi et seulement dans la limite de ce qu'il doit ou de ce qu'il détient pour son compte, de plus, il continue à bénéficier le cas échéant du terme ou de la condition stipulée en sa faveur.
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L'article L. 111-3 du CPC exéc. donne une liste limitative des titres exécutoires parmi lesquels figurent au 6° les titres délivrés par les personnes de droit public, qualifiés comme tels par la loi.
De son côté, l'article L. 252 A du LPF précise que constituent des titres exécutoires les arrêtés, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'État, les collectivités locales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des dettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir.
La SATD ne constitue donc pas un titre exécutoire permettant au comptable public de poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur.
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La Cour de cassation a d'ailleurs confirmé cette situation en précisant, après avoir visé l'article L. 262 du LPF et l'article L. 263 du LPF puis l'article 43 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 (abrogé au 1er juin 2012 et devenu l'article L. 211-2 du CPC exéc.) et l'article 64 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 (abrogé au 1er juin 2012 et devenu l'article R. 211-9 du CPCE), qu'il appartenait au comptable public, lorsque le tiers saisi, mis en demeure par l'avis à tiers détenteur, refuse de payer la dette fiscale ou ne répond pas, de saisir le juge de l'exécution aux fins de délivrance d'un titre exécutoire (Cass. avis, 7 mars 1997, pourvoi n° 09-60015).
II. Saisine du juge de l'exécution
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La Cour de cassation a précisé que la demande de titre à l'encontre du tiers saisi défaillant devait être présentée selon les formes ordinaires de l'introduction de l'instance, c'est-à-dire par voie d'assignation (Cass. avis, 9 février 1998, pourvoi n° 09-70013).
Cette assignation doit répondre à des conditions de fond et de forme.
A. Fondement de la demande
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En matière de défaillance à l'obligation de paiement, tirant les conséquences de l'article L. 211-2 du CPC exéc., selon lequel l'acte de saisie rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation, l'article R. 211-9 du CPC exéc. autorise le juge de l'exécution à délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi lorsque ce dernier refuse le paiement des sommes qu'il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur.
En matière de défaillance à l’obligation de réponse, la mise en cause du tiers détenteur défaillant se fait devant le juge de l’exécution, au même titre qu’en cas de défaillance à l’obligation de paiement. Si un jugement condamnant le tiers au profit du comptable public est rendu, cette décision de justice vaut titre exécutoire.
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Le montant de la créance saisie doit être suffisamment établi, par tout moyen, au besoin après utilisation du droit de communication conféré aux comptables publics en charge du recouvrement des créances fiscales en application de l'article L. 81 du LPF.
B. Juge de l'exécution territorialement compétent
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Lorsque le tiers détenteur défaillant est un employeur, le comptable public demande au tribunal d'instance, pris en sa qualité de juge de l'exécution, du lieu où demeure le débiteur (code du travail [C. trav.], art. R. 3252-7, al. 1), de rendre une ordonnance le déclarant personnellement débiteur (C. trav., art. L. 3252-10, al. 2) [BOI-REC-FORCE-20-20].
Cette ordonnance est ensuite notifiée (par lettre recommandée avec demande d'avis de réception) à l'employeur, par le greffe, lequel en avise également le créancier et le débiteur. A défaut d'opposition dans les quinze jours de la notification, l'ordonnance devient exécutoire.
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Lorsque le tiers détenteur défaillant n'est pas un employeur, il convient d'assigner l'intéressé devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance du lieu où il demeure.
Remarque : En vertu de l'article R. 121-2 du CPC exéc., le juge territorialement compétent est, au choix du demandeur, celui du lieu où demeure le débiteur ou celui du lieu d'exécution de la mesure.
C. Contenu de l'assignation
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L'assignation contient un exposé des faits comprenant le rappel de la formation de la dette et de la procédure de recouvrement qui a précédé l'envoi de la SATD. Le contenu et les mentions figurant sur la SATD sont indiqués, de même que les circonstances de sa délivrance au tiers et de sa notification au redevable, ainsi que la teneur de la réponse du tiers ou son abstention le cas échéant. Toutes autres circonstances de nature à mettre en évidence la carence du tiers, en particulier le défaut de suite au rappel qui lui a été adressé, sont également portées dans l'assignation.
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La discussion fait ressortir le défaut de contestation de la SATD dans les formes légales par le tiers saisi et par le débiteur, ou encore le rejet des motifs de contestation non portés devant le juge.
Si le tiers saisi, en dehors du cadre de l'opposition à poursuites, a fait connaître son refus en invoquant un motif qui n'apparaît pas fondé, les termes de l'article L. 211-2 du CPC exéc. qui fixe les effets de la mesure sur les tiers détenteurs lui sont rappelés en exposant les raisons pour lesquelles son refus ne peut être reconnu comme justifié.
En cas de défaut de réponse à la SATD ou de réponse insuffisante, l'assignation énonce en outre les obligations résultant du troisième alinéa du 3 de l'article L. 262 du LPF et de l'article L. 123-1 du CPC exéc..
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La mise en cause d'un tiers détenteur défaillant peut être effectuée par voie d'assignation délivrée par un huissier de justice. Pour le demandeur, c'est-à-dire le comptable public poursuivant, comme pour le défendeur, c'est-à-dire le tiers détenteur défaillant, la constitution du ministère d'avocat n'est pas obligatoire.
III. Poursuites contre le tiers détenteur défaillant
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Les poursuites contre le tiers détenteur défaillant sont effectuées sur la base du jugement délivré par le juge.
A. Tiers détenteur in bonis
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Les poursuites doivent obligatoirement commencer par la notification d'une mise en demeure de payer, quelle que soit la forme dans laquelle a été notifiée la SATD.
Le tiers détenteur mis en cause peut former contre la mise en demeure de payer toutes les oppositions ouvertes au redevable principal et contester soit l'existence, la quotité, ou l'exigibilité de la créance fiscale, soit la validité en la forme des poursuites (BOI-REC-EVTS-20-10).
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Le privilège du Trésor et l’hypothèque légale du Trésor ne peuvent pas être mis en œuvre à l’encontre du tiers détenteur défaillant. À l'inverse, la SATD peut être utilisée à l'encontre de celui-ci.
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Par ailleurs, le tiers détenteur défaillant condamné est tenu de verser immédiatement au comptable public la (ou les) somme(s) mentionnée(s) dans le jugement cité au III § 175.
Sous réserve de l'appréciation des tribunaux, la prescription de recouvrement qui s'applique à l'exécution de ce jugement est la prescription décennale, dans la mesure où le tiers détenteur défaillant est poursuivi en vertu d'une décision de justice de l'ordre judiciaire (CPC exéc., art. L. 111-4).
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Le redevable n'est pas libéré du fait de la mise en cause du tiers détenteur défaillant ; il reste tenu avec celui-ci et sa libération ne résultera que du paiement effectif fait par l'un ou par l'autre entre les mains du comptable public concerné.
B. Cas particulier du tiers détenteur en procédure collective
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En application de l'article L. 211-2 du CPC exéc., la SATD rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation. Le plus souvent, la créance saisie, civile ou commerciale, sera donc chirographaire.
La Cour de cassation a jugé que l'avis à tiers détenteur ne modifiait pas la nature de la créance saisie, qui relève d'un lien d'obligation spécifique entre le redevable d'impôt et le tiers détenteur (Cass. com., 16 juin 1998, n° 95-16864).
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Par conséquent, en cas d'ouverture d'une procédure collective au nom du tiers détenteur, le comptable public devra déclarer au passif de la procédure, le plus souvent à titre chirographaire, la créance qu'il détient à l'encontre du tiers détenteur, telle qu'elle résulte de la décision du juge.
Si à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective, le tiers détenteur n’a pas encore été assigné devant le juge, le comptable public devra l’assigner sans délai.
Conformément aux dispositions de l’article L. 622-24 du code de commerce, la créance devra être, dans tous les cas, déclarée à titre définitif (et non à titre provisionnel) dans la mesure où seules les créances du Trésor public (c’est-à-dire fiscales) et des organismes de sécurité sociale peuvent être déclarées à titre provisionnel. Si la décision du juge n’est pas encore intervenue, la créance devra être déclarée à titre définitif sur la base d’une évaluation.
Par ailleurs, la SATD ne modifie pas la nature de la créance saisie qui relève d’un lien d’obligation spécifique entre le redevable et le tiers détenteur. Ainsi, si la créance que le redevable détient sur le tiers détenteur bénéficie d’un privilège, le comptable pourra s’en prévaloir. Il peut notamment s’agir du privilège des salaires prévu à l’article 2331 du Code civil.