REC - Mise en œuvre du recouvrement forcé - Saisie administrative à tiers détenteur - Responsabilité du tiers détenteur défaillant
Actualité liée : 14/05/2025 : REC - Précisions concernant la portée de la responsabilité du tiers détenteur défaillant prévue à l’article L. 262 du LPF
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Le tiers détenteur est tenu de payer au comptable public le montant de la créance, ou des créances, dont le recouvrement est poursuivi, pour le montant figurant sur la saisie administrative à tiers détenteur (SATD), à concurrence des fonds qu’il détient pour le compte du débiteur désigné dans cette saisie.
À défaut de paiement, il peut être poursuivi sur ses biens personnels.
L’article L. 262 du livre des procédures fiscales (LPF) oblige en effet le tiers détenteur, sur la demande qui lui en est faite sous forme de SATD à verser, aux lieu et place du débiteur, les fonds qu’il détient ou qu’il doit à concurrence des impositions dues par ce dernier.
Il est rappelé qu’en application de l’article L. 262 du LPF, la SATD emporte l’effet attributif immédiat prévu par l’article L. 211-2 du code des procédures civiles d’exécution (CPC exéc.).
En application de l’article L. 211-2 du CPC exéc., la SATD rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation.
Par ailleurs, le 3 bis de l’article L. 262 du LPF prévoit également une obligation de renseignement puisque le tiers saisi est tenu de déclarer immédiatement par tous moyens, l’étendue de ses obligations à l’égard du redevable, dans les conditions prévues à l’article L. 211-3 du CPC exéc.
La responsabilité du tiers saisi peut également être engagée lorsqu’il s’abstient de faire cette déclaration ou fait une déclaration inexacte ou mensongère (LPF, art. L. 262, 3 bis-al. 4).
Le comptable public, lorsque les conditions sont réunies, peut exercer des poursuites contre un tiers détenteur qui n’a pas déféré à sa demande. Il poursuit alors le recouvrement de la créance que le contribuable possède contre ce tiers ou pour le montant des sommes dues par le débiteur lorsque le tiers saisi n’a pas respecté son obligation de renseignement.
Il apparaît toutefois que les tiers saisis ne sont pas dans une situation juridique identique à celle des débiteurs directs ni même à celle des débiteurs solidaires. La mise en œuvre d’une procédure particulière devant le juge de l’exécution est dès lors un préalable nécessaire à la mise en cause de ces tiers.
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À défaut d’une position contraire des juridictions, les jurisprudences citées dans le présent document, relatives à la procédure d’avis à tiers détenteur (ATD) en vigueur avant le 1er janvier 2019, sont transposables à la procédure de saisie administrative à tiers détenteur (SATD) en vigueur depuis le 1er janvier 2019.
I. Mise en œuvre de la responsabilité du tiers détenteur défaillant
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La mise en cause de la responsabilité des tiers saisis défaillants, qui ne sont pas assimilés aux débiteurs directs de la créance ni même aux débiteurs solidaires, ne peut être opérée sur le fondement du titre originel authentifiant la créance ni sur le fondement de la SATD elle-même.
À défaut de titre exécutoire, au sens des dispositions combinées de l’article L. 111-3 du CPC exéc. et de l’article L. 252 A du LPF, le comptable public doit obtenir du juge de l’exécution la décision exécutoire qui lui permet d’agir.
A. Conditions d’exercice de l’action contre le tiers détenteur défaillant
1. Défaillance du tiers détenteur engageant sa responsabilité
a. Défaillance du tiers liée à un défaut de renseignement
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Le tiers saisi est tenu de déclarer immédiatement par tous moyens l’étendue de ses obligations à l’égard du redevable dans les conditions prévues à l’article L. 211-3 du CPC exéc.
Le dernier alinéa du 3 bis de l’article L. 262 du LPF dispose que le tiers saisi qui s’abstient, sans motif légitime, de faire cette déclaration ou fait une déclaration inexacte ou mensongère peut être condamné, à la demande du créancier, au paiement des sommes dues à ce dernier, sans préjudice d’une condamnation à des dommages et intérêts.
b. Défaillance du tiers liée à un défaut de paiement
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L’effet d’attribution immédiate de la SATD rend le tiers débiteur envers le comptable public et non plus envers le contribuable, et le tiers est tenu au versement des sommes saisies au terme du délai de trente jours (BOI-REC-FORCE-30-30-10).
Les SATD pratiquées par les comptables publics sur les deniers provenant du chef des redevables ont pour effet d’interdire aux tiers détenteurs tout paiement au saisi tant qu’il ne leur est pas justifié d’une mainlevée.
Lorsqu’il apparaît qu’à l’issue du délai de trente jours à compter de la date de réception de la SATD, le tiers détenteur n’a pas effectué spontanément les versements réclamés, un rappel lui est adressé.
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La Cour de cassation a ainsi pu condamner le tiers saisi défaillant lorsque celui-ci, après réception d’un ATD, a versé des sommes au débiteur, dès lors qu’il était établi qu’à la date de notification de l’ATD, il existait une créance, en l’espèce conditionnelle, du débiteur à l’égard du tiers détenteur, la réponse négative de la société à l’avis étant ainsi constitutive d’un refus de paiement (Cass. Com., arrêt du 30 mai 2007, n° 06-14.994)
2. Défaut de contestation du principe de créance
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La responsabilité du tiers défaillant peut être mise en œuvre à condition que la SATD, notifiée depuis plus de deux mois, n’ait pas été utilement contestée. À cet égard, l’irrégularité de la SATD doit être soulevée impérativement dans les délais et conditions prévus par l’article L. 281 du LPF, par l’article R.* 281-1 du LPF, par l’article R.* 281-3-1 du LPF, par l’article R.* 281-4 du LPF et par l’article R.* 281-5 du LPF pour faire opposition aux poursuites (BOI-REC-EVTS-20-10).
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Toutefois, lorsque les poursuites ont été entreprises contre le tiers détenteur devant le juge de l’exécution, le tiers détenteur peut contester la régularité de l’avis à tiers détenteur (Cass. Com., arrêt du 31 janvier 2006, n° 02-16.442).
Dans ce cas, cette contestation ne relève pas des dispositions de l’article L. 281 du LPF et de l’article R*. 281-1 du LPF et ne nécessite donc pas le dépôt d’une réclamation préalable auprès de l’administration (Cass. Com., arrêt du 3 décembre 2002, n° 00-20.505).
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La question de savoir si le tiers détenteur est effectivement débiteur de la somme faisant l’objet de la saisie constitue une question préjudicielle. Le tiers détenteur est fondé à demander le remboursement des sommes qu’il a versées en l’acquit du redevable dès lors qu’il n’en était pas débiteur.
Le tiers détenteur peut opposer à la demande du comptable public toutes les causes d’extinction de son obligation envers le redevable, qui se sont produites avant la notification de la saisie, telles que le paiement, la compensation, la prescription extinctive et la novation du créancier.
B. Nécessité d’un titre exécutoire
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Toute exécution forcée nécessite la détention par le créancier d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible (CPC exéc. art. L. 111-2).
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L’article L. 111-3 du CPC exéc. donne une liste limitative des titres exécutoires parmi lesquels figurent au 6° de ce même article, les titres délivrés par les personnes de droit public qualifiés comme tels par la loi.
Par ailleurs, l’article L. 252 A du LPF précise que constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l’État, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d’un comptable public délivrent pour le recouvrement des dettes de toute nature qu’ils sont habilités à recevoir.
Toutefois, les tiers saisis défaillants, qui ne sont pas assimilés aux débiteurs directs de la créance ni même aux débiteurs solidaires, ne peuvent être poursuivis sur le fondement du titre originel authentifiant la créance (exemples : avis de mise en recouvrement [AMR], rôle).
De même, la SATD ne constitue pas un titre exécutoire permettant au comptable public de poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur.
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La Cour de cassation a d’ailleurs confirmé cette situation en précisant, après avoir visé l’article L. 262 du LPF et l’article L. 263 du LPF puis l’article 43 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 (abrogé au 1er juin 2012 et devenu l’article L. 211-2 du CPC exéc.) et l’article 64 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 (abrogé au 1er juin 2012 et devenu l’article R. 211-9 du CPC exéc.), qu’il appartenait au comptable public, lorsque le tiers saisi, mis en demeure par l’avis à tiers détenteur, refuse de payer la dette fiscale ou ne répond pas, de saisir le juge de l’exécution aux fins de délivrance d’un titre exécutoire (Cass. avis, 7 mars 1997, n° 09-60.015).
La mise en cause du tiers détenteur défaillant nécessite donc la saisine préalable du juge de l’exécution afin que celui-ci délivre un titre exécutoire à l’encontre du tiers saisi.
II. Saisine du juge de l’exécution
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La Cour de cassation a précisé que la demande de titre à l’encontre du tiers saisi défaillant devait être présentée selon les formes ordinaires de l’introduction de l’instance, c’est-à-dire par voie d’assignation (Cass. avis, 9 février 1998, n° 09-70.013).
Cette assignation doit répondre à des conditions de fond et de forme.
A. Fondement de la demande
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En matière de défaillance à l’obligation de paiement, cette possibilité de saisir le juge de l’exécution aux fins de délivrance d’un titre exécutoire contre le tiers saisi est rendu possible par l’article R. 211-9 du CPC exéc. qui tire les conséquences de l’effet d’attribution immédiate prévu par l’article L. 211-2 du CPC exéc. auquel renvoie expressément l’article L. 262 du LPF.
Ainsi, en l’absence de paiement, il pourra être demandé la condamnation du tiers saisi au paiement des sommes qu’il détient ou qu’il doit au redevable, à concurrence des sommes dues par ce dernier.
De même, l’article L. 262 du LPF permet de saisir le juge de l’exécution en cas d’absence de réponse du tiers saisi ou déclaration inexacte et mensongère après réception d’une SATD.
Ainsi, le tiers saisi qui s’abstient, sans motif légitime, de faire cette déclaration ou qui fait une déclaration inexacte ou mensongère, peut être condamné au paiement des sommes dues au comptable, c’est-à-dire à la totalité de la dette fiscale, en plus d’éventuels dommages et intérêts, s’il est prouvé que le tiers est réellement débiteur de sommes à l’encontre du redevable.
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Le montant de la créance saisie doit être suffisamment établi, par tout moyen, au besoin après utilisation du droit de communication conféré aux comptables publics chargés du recouvrement des créances fiscales en application de l’article L. 81 du LPF.
B. Juge de l’exécution territorialement compétent
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La mise en cause du tiers détenteur défaillant se fait devant le juge de l’exécution (CPC exéc., art. R. 211-9).
Quelle que soit la nature de la créance saisie (rémunérations ou autres créances), le juge de l’exécution est saisi par voie d’assignation délivrée par un commissaire de justice ou un huissier des Finances publiques.
Le juge territorialement compétent, au choix du demandeur, est celui du lieu où demeure le débiteur ou celui d’exécution de la mesure, conformément aux dispositions de l’article R. 121-2 du CPC exéc. Le lieu d’exécution de la mesure étant le lieu où demeure le tiers saisi.
Le juge de l’exécution rend sa décision sous forme d’un jugement qui vaut titre exécutoire à l’encontre du tiers détenteur défaillant.
La décision du juge de l’exécution est notifiée aux parties elles-mêmes par le greffe au moyen d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Elle peut être frappée d’appel dans les quinze jours à compter de sa notification, étant précisé que le délai d’appel et l’appel lui-même n’ont pas d’effet suspensif.
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C. Ministère d’avocat
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Pour le comptable public, le ministère d’avocat n’est pas obligatoire devant le juge de l’exécution. En effet, l’État peut toujours se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de l’administration (loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 modifiée relative à la simplification du droit, art. 2).
Le tiers détenteur défaillant est, quant à lui, tenu de constituer avocat dès que la demande du comptable public a pour origine une créance dépassant le montant de 10 000 € (CPC exéc., art. L. 121-4 et CPC exéc., art. R. 121-6). En dessous de ce montant, la constitution d’avocat n’est pas obligatoire.
III. Poursuites contre le tiers détenteur défaillant
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Les poursuites contre le tiers détenteur défaillant sont effectuées sur la base du jugement délivré par le juge.
A. Tiers détenteur in bonis
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Les poursuites doivent obligatoirement commencer par la notification d’une mise en demeure de payer, quelle que soit la forme dans laquelle a été notifiée la SATD.
Le tiers détenteur mis en cause peut former contre la mise en demeure de payer toutes les oppositions ouvertes au redevable principal et contester soit l’existence, la quotité, ou l’exigibilité de la créance fiscale, soit la validité en la forme des poursuites (BOI-REC-EVTS-20-10).
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La SATD peut être utilisée à l’encontre de celui-ci, de même que la prise d’une hypothèque légale du Trésor sur ses immeubles en application de l’article L. 269 du LPF.
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Par ailleurs, le tiers détenteur défaillant condamné est tenu de verser immédiatement au comptable public la (ou les) somme(s) mentionnée(s) dans le jugement visé au III § 175.
Sous réserve de l’appréciation des tribunaux, la prescription de recouvrement qui s’applique à l’exécution de ce jugement est la prescription décennale, dans la mesure où le tiers détenteur défaillant est poursuivi en application d’une décision de justice de l’ordre judiciaire (CPC exéc., art. L. 111-4).
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Le redevable n’est pas libéré du fait de la mise en cause du tiers détenteur défaillant. Il reste tenu avec celui-ci et sa libération ne résultera que du paiement effectif fait par l’un ou par l’autre entre les mains du comptable public concerné.
B. Cas particulier du tiers détenteur en procédure collective
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La SATD ayant pour effet de transporter la créance du contribuable contre le tiers dans le patrimoine du Trésor, elle ne modifie pas la nature de la créance saisie, civile ou commerciale, qui relève d’un lien d’obligation spécifique entre le redevable d’impôt et le tiers détenteur défaillant. Elle ne confère donc pas à la créance du comptable public sur le tiers détenteur défaillant le bénéfice du privilège du Trésor.
La Cour de cassation a jugé que l’avis à tiers détenteur ne modifiait pas la nature de la créance saisie, qui relève d’un lien d’obligation spécifique entre le redevable d’impôt et le tiers détenteur (Cass. Com., arrêt du 16 juin 1998, n° 95-16.864).
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Par conséquent, en cas d’ouverture d’une procédure collective au nom du tiers détenteur, le comptable public devra déclarer au passif de la procédure, le plus souvent à titre chirographaire, la créance qu’il détient à l’encontre du tiers détenteur, telle qu’elle résulte de la décision du juge.
Conformément aux dispositions de l’article L. 622-24 du code de commerce, la créance devra être déclarée à titre définitif.
En revanche, si la créance que le redevable détient contre le tiers détenteur bénéficie d’un privilège, le comptable pourra s’en prévaloir. Il peut notamment s’agir du privilège des salaires prévu à l’article 2331 du code civil.