Date de début de publication du BOI : 30/04/2025
Identifiant juridique : BOI-RES-TVA-000161

RES - Taxe sur la valeur ajoutée - Champ d’application et territorialité - Régime de TVA applicable à la mise à disposition par une entreprise de véhicules à ses employés

Question :

Quelles sont les conséquences en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de la décision prise par une entreprise de mettre des véhicules à la disposition de ses salariés pour un usage tant professionnel que privé ?

Réponse :

Conformément à l’article 256 du code général des impôts (CGI), sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.

La mise à disposition d’un bien meuble corporel constitue une prestation de services.

Toutefois, une prestation de services, telle que la mise à disposition d’un véhicule n’est effectuée « à titre onéreux », et n’est dès lors taxable, que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire. Tel est le cas s’il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue.

Aussi, dans les relations entre un employeur et son employé, la mise à disposition par l’employeur d’un véhicule acquis ou loué par l’entreprise ne constitue une prestation de services rendue à titre onéreux qu’en présence d’une contrepartie stipulée. 

À défaut, la mise à disposition n’est pas une prestation effectuée à titre onéreux en tant que telle. Elle peut néanmoins, dans certains cas, être assimilée à une telle prestation en application du 2 du II de l’article 257 du CGI transposant l’article 26 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 modifiée relative au système commun de TVA.

1/ Mises à disposition en présence d’une contrepartie stipulée

1.1/ Situations concernées

Lorsque la mise à disposition d’un véhicule fait l’objet d’une contrepartie contractuellement stipulée entre la société et son salarié, elle constitue une prestation de services à titre onéreux en tant que telle au sens du c du paragraphe 1 de l’article 2 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 modifiée (CJUE, arrêt du 20 janvier 2021, aff. C-288/19, « QM c/ Finanzamt Saarbrücken », ECLI:EU:C:2021:32).

Au regard de la jurisprudence européenne, il est indifférent que :

À titre illustratif, outre le cas du versement d’une somme par le salarié, la notion de contrepartie stipulée se rencontre notamment lorsque le salarié :

  • bénéficie d’un véhicule en contrepartie d’un prélèvement sur son salaire brut ou net. En effet, dans un cas comme dans l’autre, le salarié renonce à une fraction de sa rémunération en argent en échange d’un avantage individualisé, au cas particulier la mise à disposition du véhicule ;
  • bénéficie d’un véhicule en contrepartie d’un prélèvement sur son salaire et de l’utilisation d’un crédit de points convertible en salaire supplémentaire. Dans ce système, le salarié dispose d’un capital de points qui lui permet de choisir un modèle de véhicule plus ou moins haut de gamme. Lorsque le salarié dépasse son budget, lequel est constitué par le prélèvement sur son salaire brut et la mobilisation totale de son crédit d’utilisation, un prélèvement supplémentaire est opéré sur son salaire net. Lorsque le salarié reste en-deçà de son budget, il a la possibilité de convertir le crédit inutilisé en argent sous la forme d’un surcroît de salaire ou bien d’utiliser ledit crédit le mois suivant. Dans ces deux situations, le salarié renonce bien à une partie de rémunération ;
  • bénéficie d’un véhicule en contrepartie de l’utilisation d’une somme allouée par l’employeur convertible en salaire supplémentaire. Le salarié qui décide de bénéficier d’un véhicule d’entreprise dans de telles conditions renonce à un surcroît de rémunération, élément qui suffit à caractériser l’existence d’une prestation de services à caractère onéreux.

1.2/ Régime de la TVA applicable

1.2.1/ Concernant la territorialité de la mise à disposition du véhicule

Lorsque la société et les salariés sont situés dans deux États membres de l’Union européenne (UE) distincts, cette prestation de services à titre onéreux, considérée en tant que telle, s’analyse comme une location de longue durée d’un moyen de transport rendue à un non-assujetti. Elle relève donc de la règle de territorialité de l’article 56 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 modifiée transposée à l’article 259 A du CGI, selon laquelle l’opération est taxable dans l’État de résidence des employés. 

1.2.2/ Concernant la base d’imposition

Conformément à l’article 266 du CGI, la base d’imposition est constituée par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le prestataire en contrepartie du service qu’il rend. Ainsi, la base imposable est constituée, selon ce que prévoit le contrat, du montant du loyer exigé ou bien de la fraction du salaire à laquelle le salarié a renoncé.

L’employeur est réputé avoir déterminé le montant de la contrepartie de la mise à disposition du véhicule en tenant précisément compte de l’utilisation partiellement personnelle qu’en fera son salarié. Il n’y a donc pas lieu, pour déterminer la base imposable à la TVA, d’appliquer un quelconque abattement selon la durée d’utilisation effective.

1.2.3/ Concernant les modalités de paiement de la taxe

Lorsque le salarié et l’employeur résident en France et que ce dernier met à disposition du premier un véhicule en échange d’un loyer ou d’un équivalent stipulé, la TVA due en France est déclarée et payée dans les conditions de droit commun fixées par l’article 287 du CGI.

Lorsque le salarié réside en France et que l’employeur qui lui met à disposition un véhicule en échange d’un loyer ou d’un équivalent stipulé est établi dans un autre État membre de l’UE, la TVA due en France peut, sur option, être collectée au moyen du guichet unique prévu à l’article 298 sexdecies G du CGI. Il incombe alors aux sociétés de se rapprocher de l’administration fiscale de leur État d’implantation. 

Remarque :  Le guichet One-Stop-Shop (OSS) permet aux entreprises qui optent pour le dispositif de ne plus être tenues de s’immatriculer auprès des administrations fiscales de chaque État membre de consommation pour y déclarer et payer la TVA due mais de la déclarer et la payer auprès d’un seul État membre via le guichet unique OSS.

1.2.4/ Conséquences en matière de droit à déduction

Lorsque le véhicule est destiné, dès son acquisition par l’entreprise, à être mis à la disposition permanente, avec contrepartie, d’un de ses salariés, la TVA ayant grevé cette acquisition n’est pas exclue du droit à déduction.

En effet, cette taxe est supportée au titre de l’acquisition d’un véhicule destiné à être donné en location (CGI, ann. II, art. 206, IV-2-6°-b). Par conséquent, elle est pleinement déductible, sans qu’il y ait lieu d’appliquer un quelconque abattement selon la durée d’utilisation privative.

Si le véhicule était affecté, lors de son acquisition, à l’activité générale de l’entreprise et que la TVA ayant grevé cette acquisition a été exclue du droit à déduction, l’affectation ultérieure du véhicule à des activités bénéficiant d’une exception à l’exclusion, notamment l’affectation du véhicule à une activité de location, lui ouvre droit à une déduction (I § 20 du BOI-TVA-DED-60-20-20). Cette déduction prend la forme d’une régularisation globale en application du III de l’article 207 de l’annexe II au CGI au titre des années restant à courir dans la période de régularisation du véhicule immobilisé.

2/ Mises à disposition sans contrepartie stipulée

2.1/ Mises à disposition au profit d’un salarié

Lorsque la mise à disposition permanente d’un véhicule auprès du salarié pour un usage totalement ou partiellement privatif intervient sans aucun prélèvement sur salaire, ni mobilisation d’un quelconque crédit comparable à ceux évoqués au 1.1/, elle ne constitue pas, faute de contrepartie stipulée, une prestation de location territorialisée dans l’État de résidence du salarié « locataire ».

Cette utilisation privative d’un bien d’entreprise est assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux en application du 2 du II de l’article 257 du CGI lorsque la taxe ayant grevé l’acquisition de ce véhicule a été en tout ou partie déduite (CGI, ann. II, art. 173). En revanche, cette assimilation n’a pas lieu d’être lorsque la TVA afférente au véhicule n’a pas été déduite en raison du dispositif d’exclusion du droit à déduction prévu au 6° du 2 du IV de l’article 206 de l’annexe II au CGI exposé au BOI‑TVA‑DED‑30‑30‑20.

Ainsi, l’utilisation privative donnant lieu à taxation d’une prestation de services concerne, par exemple, le cas d’une société de location de véhicules qui mettrait un de ses véhicules de son parc locatif immobilisé à disposition d’un de ses salariés sans contrepartie, ou encore, celui de la mise à disposition par une entreprise d’un véhicule de catégorie M du type « DERIV VP » ayant ouvert droit à déduction (ce type de véhicule ne relève pas de l’exclusion du droit à déduction frappant les véhicules conçus pour le transport de personnes ou à usage mixte, telle qu’exposée au I-A § 30 du BOI-TVA-DED-30-30-20). 

Dans ces situations particulières, la mise à disposition sera alors territorialisée par défaut dans l’État de l’employeur-prestataire conformément au droit commun prévu à l’article 45 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 modifiée (CJUE, arrêt du 20 janvier 2021, aff. C-288/19).

2.2/ Mises à disposition dans l’intérêt de l’entreprise (situation des navettes)

2.2.1/ Principe

Même si l’entreprise peut y trouver un intérêt au regard de la productivité ou de l’attractivité, le transport gratuit qu’elle propose à ses salariés entre leur domicile et leur lieu de travail, au moyen d’un véhicule affecté à l’entreprise, satisfait les besoins privés des salariés et sert donc des fins étrangères à l’entreprise.

Dans la mesure où une telle navette gratuite entre le domicile des salariés et leur lieu de travail ne donne lieu à aucun surcroît de salaire en cas d’inutilisation, le salarié ne saurait être regardé comme ayant renoncé à quoi que ce soit pour en bénéficier. En toute hypothèse, le salarié accomplit son travail pour percevoir le salaire prévu par son contrat de travail et non pour jouir du service de transport.

Par conséquent, il n’existe pas de contrepartie ayant une valeur subjective ni de lien direct avec le service de transport fourni, les conditions d’une prestation de services effectuée à titre onéreux ne sont pas réunies (CJUE, arrêt du 16 octobre 1997, aff. C‑258/95, « Julius Fillibeck Söhne GmbH & Co. KG c/ Finanzamt Neustadt », ECLI:EU:C:1997:491).

Dans cette situation, la TVA ayant grevé l’acquisition du véhicule ne peut être déduite. En effet, dans la mesure où le véhicule n’est pas utilisé pour la réalisation d’opérations imposables mais pour la satisfaction de besoins privés des salariés, son coefficient d’assujettissement est égal à zéro (CGI, ann. II, art. 206, II).

Lorsque le véhicule a été affecté aux activités économiques de l’assujetti lors de son acquisition et pour lequel ce dernier a opéré une déduction totale ou partielle de la TVA grevant cette acquisition, son utilisation privative est assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux en application du 2 du II de l’article 257 du CGI, et donc soumise à la TVA. La base d’imposition de cette prestation de services à soi-même est déterminée dans les conditions exposées au I-B § 60 du BOI-TVA-BASE-10-20-50

2.2.2/ Cas particulier des navettes utilisées par les entreprises multi-sites ou difficiles d’accès

Lorsque les exigences de l’entreprise, eu égard à certaines circonstances particulières, telles que la difficulté de recourir à d’autres moyens de transport convenables (site de l’entreprise particulièrement difficile d’accès) et les changements de lieux fréquents, commandent que le transport des salariés soit assuré par l’employeur, cette prestation n’est pas effectuée à des fins étrangères à l’entreprise (CJUE, arrêt du 16 octobre 1997, aff. C-258/95, ECLI:EU:C:1997:491).

Dans ces circonstances particulières, la mise à disposition d’un véhicule pour le transport privé des salariés est regardée comme le prolongement de l’utilisation normale par l’entreprise de ses moyens de production. 

La TVA ayant grevé l’acquisition d’un tel véhicule, dès lors qu’elle comporte, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises, n’est pas frappée d’exclusion du droit à déduction (CGI, ann. II, art. 206, IV-2-6°-c).

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