Date de début de publication du BOI : 30/10/2019
Identifiant juridique : BOI-CTX-ADM-10-10-10

CTX - Contentieux de l'assiette de l'impôt - Procédure devant le tribunal administratif - Compétence matérielle du tribunal administratif

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L'article L. 211-1 du code de justice administrative (CJA) pose en principe que les tribunaux administratifs sont, en premier ressort et sous réserve des compétences attribuées aux autres juridictions administratives, juges de droit commun du contentieux administratif.

Toutefois, en matière fiscale, les tribunaux administratifs ne statuent que sur les contestations relatives aux impôts, contributions, droits et taxes pour lesquels une disposition législative n'a pas expressément exclu leur compétence.

D'une manière générale, cette compétence est fixée par des dispositions formelles du livre des procédures fiscales (LPF). Ainsi, le premier alinéa de l'article L. 199 du LPF prévoit que les tribunaux administratifs sont compétents en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou taxes assimilées.

Remarques : Le prélèvement institué par l'article 244 bis du code général des impôts (CGI) sur certains profits immobiliers réalisés par des personnes physiques ou morales n'ayant pas d'établissement en France a la même nature que l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés sur lequel il s'impute. Les litiges relatifs à ce prélèvement relèvent donc de la compétence du juge administratif. Cette décision s'applique également aux prélèvements de l'article 244 bis A du CGI et de l'article 244 bis B du CGI.

Le deuxième alinéa de l'article L. 199 du LPF prévoit que le tribunal de grande instance est compétent en matière de droits d'enregistrement, d'impôt sur la fortune immobilière, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions (BOI-CTX-JUD-10-10).

La compétence matérielle (« ratione materiae ») des tribunaux administratifs et ses limites sont illustrées par une jurisprudence abondante. Le Conseil d'État et le tribunal des conflits ont été, en effet, appelés à se prononcer sur les contestations que peut connaître la juridiction administrative et celles qui relèvent d'une autre juridiction.

I. Contestations relevant de la compétence de la juridiction administrative

A. Règles générales concernant tous les impôts

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Ces contestations peuvent relever du contentieux de l'excès de pouvoir ou de contentieux de pleine juridiction.

Le tribunal administratif a notamment compétence pour se prononcer :

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- Sur la légalité des actes administratifs ;

La juridiction administrative est compétente pour  apprécier la légalité des actes administratifs. Ainsi par exemple, elle est compétente pour connaître des réclamations fondées sur l'illégalité ou l'irrégularité substantielle des actes par lesquels les ressources communales sont votées, autorisées, réparties ou mises en recouvrement.

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- Sur les exceptions opposées à l'action entrant dans sa compétence ;

Lorsqu'elle est saisie d'une action entrant dans sa compétence, la juridiction administrative a compétence pour se prononcer, le cas échéant, sur les exceptions opposées à cette action ; il n'en est autrement que s'il s'agit d'exceptions qui ressortissent à la compétence exclusive des tribunaux judiciaires ; seules les exceptions remplissant cette condition constituent des questions préjudicielles qui imposent à la juridiction administrative l'obligation de surseoir à statuer jusqu'à ce que lesdites questions aient été tranchées par le tribunal de l'ordre judiciaire compétent.

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- Sur certaines questions de nationalité ;

La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. Ainsi, les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute juridiction de l'ordre administratif.

Ainsi, la question de savoir quelle est la nationalité qui a pu être acquise par un contribuable à la suite de son mariage relève de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire. Lorsqu'une requête présente à juger une telle question, la juridiction administrative doit surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle ait été résolue par le tribunal judiciaire compétent.

En revanche, s'agissant des personnes morales, aucune disposition législative n'attribue aux tribunaux judiciaires une compétence exclusive pour se prononcer soit par voie principale, soit par voie de question préjudicielle sur la détermination de leur nationalité.

Dès lors, la question de la nationalité d'une société doit être tranchée par la juridiction qui a compétence pour connaître de l'action à l'occasion de laquelle elle est soulevée et ne saurait constituer une question préjudicielle imposant à ladite juridiction l'obligation de surseoir à statuer (T. confl., arrêt du 23 novembre 1959, n° 1701).

40

- Sur l'interprétation d'une convention internationale ;

Il convient de se reporter à cet égard aux documents traitant des sources internationales du droit fiscal (BOI-CTX-DG-20-10-30 au II § 130 et suivants) et des questions préjudicielles (BOI-CTX-DG-20-60-20).

50

- Sur les réclamations relatives aux poursuites en vue du recouvrement ;

Il résulte des dispositions de l'article L. 199 du LPF et de l'article L. 281 du LPF que les tribunaux administratifs sont habilités à connaître des contestations liées à l'exercice des poursuites pour le recouvrement des impôts directs, des taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées qui portent sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués ou sur l'exigibilité de la somme réclamée.

Le contentieux des poursuites est étudié au BOI-REC-EVTS-20 auquel il convient de se reporter.

60

- Sur les contestations des mandataires et liquidateurs judiciaires portant sur le montant des droits réclamés au redevable en état de redressement ou de liquidation judiciaires ;

La juridiction administrative est compétente pour statuer sur un litige né de la contestation, par le mandataire ou le liquidateur judiciaires, d'impôts réclamés au redevable.

70

- Sur les litiges relatifs au remboursement des frais de constitution de garantie (CE, arrêt du 26 juillet 1982 n° 25385) ;

80

- Sur la qualification d'une activité au regard de la loi fiscale ;

(90)

100

- Sur les litiges relatifs à la « taxe » de pacage sur les pâturages communaux ;

110

- Sur les redevances domaniales mises à la charge du concessionnaire d'un port de plaisance ;

120

- Sur les recours pour excès de pouvoir en matière gracieuse (CE, arrêt du 2 mars 1983, n° 26020) ;

130

- Sur le fait de déterminer si une société civile immobilière est passible ou non de l'impôt sur les sociétés (CE, arrêt du 28 novembre 1979, n° 10816) ;

140

- Sur une demande de sursis à exécution d'une décision de contrainte administrative prise par un comptable public pour poursuivre le recouvrement forcé d'une créance fiscale (CE, arrêts du 13 juin 1980, n°s 10219 et 11497) ;

150

- Sur le contentieux portant sur les droits perçus à l'occasion de la délivrance d'un permis de construire (CE, arrêt du 24 juillet 1981, n° 11573).

B. Règles particulières concernant les impôts directs

Le tribunal administratif est notamment compétent :

160

- pour connaître des réclamations portant sur l'imposition des centimes additionnels communaux (CE, arrêt du 26 juillet 1946) ;

170

- pour statuer sur la demande d'un contribuable tendant à faire ordonner son inscription au rôle de la taxe professionnelle (actuellement contribution économique territoriale) dès lors que ledit tribunal a qualité pour connaître de tous les litiges relatifs à l'existence ou au montant des impôts directs (CE, arrêt du 14 juin 1948, n°77699)  ;

180

- pour apprécier si un étranger qui possède une résidence en France y est ou non domicilié (CE, arrêt du 22 mars 1937, n° 44935) ;

190

- pour apprécier si un contribuable de nationalité française est ou non domicilié en France (CE, arrêt du 11 mars 1970, n° 69588) ;

200

- pour juger le litige d'ordre fiscal portant sur le lieu d'imposition d'une maison située sur la ligne séparative de deux communes dès lors qu'il n'existe, sur les limites mêmes des communes, aucune contestation présentant à juger une question préjudicielle (CE, arrêt du 23 mai 1960, n° 35333).

II. Contestations ne relevant pas de la compétence de la juridiction administrative

A. Exceptions concernant tous les impôts

Le tribunal administratif statuant en tant que juge de l'impôt n'a pas compétence pour connaître des litiges suivants.

210

- Opposition aux actes de poursuites en matière de recouvrement ;

D'une manière générale, les conclusions tendant à l'annulation d'actes de poursuites ne ressortissent pas à la compétence de la juridiction administrative.

En effet, aux termes de l'article L. 281 du LPF, les oppositions qui portent sur la régularité en la forme des actes de poursuites doivent être portés devant le juge de l'exécution, juge judiciaire, quelle que soit la nature des impositions dont le recouvrement est poursuivi.

Il convient de se reporter au BOI-REC-EVTS-20 pour le contentieux des poursuites..

220

- Actions en responsabilité ;

S'agissant du contentieux en responsabilité, il convient de se reporter au BOI-CTX-RDI-20.

230

- Contestation portant sur les avis de la commission nationale et des commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

Les avis émis par la commission nationale et les commissions des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne constituent pas des décisions faisant grief aux contribuables et ne sont dès lors pas susceptibles de faire l'objet de recours contentieux. Ils ne peuvent en conséquence, être contestés qu'à l'occasion de réclamations introduites selon la procédure prévue à l'article R* 190-1 du LPF et dirigée contre les impositions qui y ont fait suite.

De même, ni la décision du directeur de soumettre à ladite commission le désaccord qui existe entre le service et un contribuable, ni l'avis émis par ladite commission ne constituent des actes faisant grief au redevable. Leur validité ne peut donc être contestée qu'à l'occasion et à l'appui d'une réclamation introduite selon la procédure prévue par l'article R*190-1 du LPF et dirigée contre l'imposition établie à la suite de l'avis de la commission.

240

- Validité d'une convention internationale ;

CE, ass., arrêt du 23 décembre 2011, n° 303678, ECLI:FR:CEASS:2011:303678.20111223

(250)

260

- Demande en restitution d'ordre contractuel ;

Si, dans le contrat passé avec l'un de ses fournisseurs, l'État s'est engagé à rembourser audit fournisseur l'impôt payé par celui-ci, la demande en restitution basée sur les clauses du marché est d'ordre contractuel et il ne peut être statué sur cette demande par le tribunal saisi d'un litige fiscal.

270

- Action en dommages-intérêts ;

Pour plus de précisions sur l'action en responsabilité, se reporter au II-A § 220.

280

- Désaccord portant sur le droit de propriété ;

Quand la solution qu'appelle une demande en décharge de cotisation de taxe foncière fondée sur les dispositions de l'article 1404 du CGI est subordonnée à une question d'attribution de propriété, le tribunal administratif ne peut valablement statuer qu'après le jugement définitif par les tribunaux civils, du droit à la propriété ou, du moins, qu'après l'expiration d'un délai imparti au réclamant pour justifier de sa diligence à saisir le tribunal compétent.

(290 - 300)

310

- Mandat ;

Le tribunal administratif n'a pas à connaître du litige survenu entre un contribuable et son mandataire au sujet de l'accomplissement du mandat.

320

- Privilège du Trésor ;

Toutes les difficultés relatives au privilège du Trésor sont de la compétence de l'autorité judiciaire (CE,  arrêt du 22 février 2017, n° 394647, ECLI:FR:CECHR:2017:394647.20170222).

330

- Question de droit civil ;

Dans les cas exceptionnels où une contestation soulevée à l'occasion de la perception des taxes sur le chiffre d'affaires porte sur une question de pur droit civil, telle que l'existence d'une sûreté spéciale pour le recouvrement de l'impôt, et ressortit à la compétence des tribunaux judiciaires, elle doit être instruite et jugée par ces tribunaux suivant les règles de droit commun.

340

- Question de droit pénal.

La juridiction administrative n'est pas compétente, pour connaître des conclusions d'un contribuable tendant à la condamnation pénale d'un fonctionnaire de l'administration fiscale pour infraction aux règles du secret professionnel.

B. Exceptions propres aux impôts directs

350

Ne constituent pas des réclamations contentieuses pouvant être portées devant le tribunal administratif :

- demande tendant à la rectification de l'adresse portée au rôle ainsi que des erreurs commises dans la rédaction des nom et adresse d'un contribuable portés sur un avis d'imposition ;

(360 - 400)

410

- litige portant sur la superficie d'une parcelle.

Un propriétaire qui se croit fondé à prétendre que la superficie retenue dans les documents cadastraux pour une de ses parcelles ne correspond pas à celle qui résulte de ses titres de propriété doit saisir du litige l'autorité judiciaire.

C. Taxes et redevances diverses

420

Ne relèvent pas de la juridiction administrative, les contestations relatives aux taxes et redevances suivantes :

- taxe communale sur l'électricité consommée ;

- impôt sur les spectacles à l'exception des décisions intervenues en cas de contestation pour la fixation du montant des abonnements prévus à l'article 1700 du CGI pour les établissements soumis à l'impôt sur les spectacles (LPF, art. L. 199) ;

- redevances pour services rendus par les abattoirs.

D. Autres contestations

430

Ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative, les contestations :

- concernant l'appréciation du caractère suffisant des tolérances administratives ;

- relatives au paiement d'une amende civile infligée par une juridiction judiciaire (CE, arrêt du 4 avril 1979, n° 15120) ;

- relatives à l'indemnité tendant à la réparation du préjudice subi par un contribuable à la suite du dépôt d'une plainte pour complicité de fraude fiscale par l'administration ;

- portant sur l'appréciation de la régularité d'un procès-verbal constatant une infraction pénale résultant du refus d'un contribuable vérifié de communiquer ses documents comptables (CE, arrêt du 31 janvier 1983, n° 27591) ;

- ayant pour objet de déterminer si une veuve, désignée comme redevable de l'impôt par le service d'assiette, est tenue aux dettes de succession de son mari (CE, arrêt du 15 avril 1983, n° 24391).