Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-CTX-ADM-10-60

CTX - Contentieux de l'assiette de l'impôt – Procédure devant le tribunal administratif - Incidents de procédure

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Les questions particulières soulevées au cours d'une instance déjà ouverte sont désignées sous l'appellation générale d'incidents de procédure. Ceux-ci ont pour effet soit de suspendre ou d'arrêter la marche de l'instance, soit de modifier la physionomie du litige, soit même de le transformer. Les incidents de procédure comprennent :

- la question prioritaire de constitutionnalité et les questions préjudicielles ;

- le désistement ;

- les conclusions reconventionnelles ;

- la connexité.

I. Question prioritaire de constitutionnalité et questions préjudicielles

A. Question prioritaire de constitutionnalité

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En application de l'article 29 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République, un citoyen peut depuis le 1er mars 2010, dans le cadre d'une instance engagée devant une juridiction, soutenir qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. La loi organique n 2009-1523 du 10 décembre 2009 ainsi que le décret n° 148 du 16 février 2010 en précise les modalités d'application.

Les articles réglementaires R* 771-3 à R *771-21 du Code de justice administrative (CJA) organisent la procédure dite de la question prioritaire de constitutionnalité devant les juridictions administratives.

Cf. BOI-CTX-DG-20-60-10.

B. Questions préjudicielles

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Cette question est étudiée au BOI-CTX-DG-20-60-20.

II. Désistement

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Cf. également BOI-CTX-ADM-10-30-II-C-1 les cas où le requérant est réputé s'être désisté.

A. Conditions de validité du désistement

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Les règles relatives au désistement des instances introduites devant le tribunal administratif sont fixées par l'article R636-1 du code de justice administrative (CJA).

Aux termes de cet article, le désistement peut être fait et accepté par des actes signés des parties ou de leurs mandataires et déposés au greffe. Il est instruit dans les formes prévues pour la requête introductive d'instance.

Le désistement est soumis à l'acceptation de la partie adverse lorsque celle-ci a présenté des conclusions reconventionnelles (cf. ci-après § 120 et suivants).

Il résulte de ces textes que, pour qu'un désistement soit valable, il faut que les conditions suivantes soient remplies.

1. Le désistement doit être fait par écrit et signé

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Il s'ensuit que le tribunal administratif ne saurait valablement donner acte d'un désistement oral (CE, arrêt du 29 mars 1901, n° 96483, RO, 6239, Leb. chron. p. 345, 3e esp. et 3 avril 1940, n° 36378, Bull. n° 9, 1940, p. 166, TJCA, n° 59004, Leb. chron. p. 121). Il peut valablement statuer sur des chefs de demande dont le réclamant ne s'est désisté qu'oralement.

2. Le désistement doit être donné par une personne qualifiée

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En particulier, un tiers ne peut valablement se désister que s'il est expressément habilité à le faire, soit par le mandat en vertu duquel il a introduit ou soutenu l'instance, soit par un pouvoir spécial.

Jugé en ce sens que lorsqu'une instance a été engagée par une demande signée du contribuable lui-même, le mandataire qui a été constitué pour suivre cette instance n'a pas qualité pour s'en désister, s'il n'a pas reçu expressément pouvoir de le faire, (CE, arrêt du 6 décembre 1909, n° 34565, RO, 4425, Leb chron p. 941).

3. Le désistement doit être pur et simple

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Il est réputé nul et non avenu s'il est donné sous conditions, à moins que ces conditions ne se trouvent remplies.

Il en est ainsi par exemple d'un désistement présenté par un redevable, fondé sur l'intention de l'Administration de ne pas poursuivre le recouvrement d'une imposition. Le dégrèvement n'ayant pas été accordé, le tribunal administratif est tenu de se prononcer sur le bien-fondé de cette imposition. Doit, dès lors, être annulé le jugement qui omet de statuer tant sur l'acte de désistement que sur l'imposition (CE, arrêt du 2 mai 1973, n° 81587).

Le désistement peut toutefois être limité à un ou plusieurs chefs de la demande, celle-ci étant maintenue pour le surplus. Mais un contribuable, qui a déclaré se désister sur un point formant en fait l'unique objet de sa demande introductive d'instance, ne peut utilement demander au tribunal de dire, par voie d'interprétation du jugement qui a donné acte du désistement, que l'instance serait maintenue sur d'autres points, lesquels en réalité n'avaient été invoqués par le contribuable qu'antérieurement à la réclamation contentieuse (CE, arrêt du 11 juin 1975, n°s 93383 et 93384).

4. Le désistement doit être soumis à l'acceptation de la partie adverse lorsque celle-ci a présenté des conclusions reconventionnelles

cf. § 120 et suivants.

B. Effets du désistement

1. Au regard du tribunal administratif

80

Lorsqu'un désistement valable est produit et, s'il y a lieu, accepté par la partie adverse, le tribunal administratif doit en donner acte.

Ainsi jugé :

Dès l'instant que le tribunal administratif est saisi d'un désistement régulier et dûment accepté, il doit, non pas rejeter la réclamation, mais donner acte de ce désistement (CE, arrêt du 2 août 1912, n° 43311, RO, 4509, Leb. chron. p. 926, 3e esp.).

Toutefois, la circonstance que le tribunal, au lieu de donner acte à un contribuable de son désistement, a rejeté sa réclamation n'est pas de nature à rendre l'intéressé recevable à revenir sur l'abandon par lui fait de sa demande (CE, arrêt du 16 novembre 1923, n° 77539, RO, 4887, Leb. chron. p. 730, 3e esp.).

2. Au regard du contribuable qui se désiste

a. Caractère définitif du désistement

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Un contribuable qui s'est désisté purement et simplement de sa demande devant le tribunal administratif n'est pas recevable à revenir sur ce désistement après qu'il lui en a été donné acte (CE, arrêts des 8 février 1878, n° 52804, 3001, Leb. chron. p. 132 et 11 avril 1956, n° 37413, RO, p. 74) ou à reprendre en appel ses conclusions de première instance (CE, arrêts des 5 août 1912, n° 39628, RO, 6268, Leb. chron. p. 950, 7e esp. et 25 janvier 1954, RO, p. 16), même en se fondant sur le motif que son désistement aurait été, en réalité, subordonné à une condition qui n'a pas été remplie par l'Administration, (CE, arrêt du 17 janvier 1955, n° 32434, RO, p. 227).

Sont inopérants :

- le fait qu'un contribuable soutienne avoir retiré son désistement alors qu'il n'a pu au cours de l'instruction fournir de preuve à l'appui de cette allégation (CE, arrêt du 29 juillet 1927, n° 83775, RO, 5146) ;

- le fait qu'un contribuable objecte qu'il ne se serait désisté qu'à la demande de l'Administration et contre la promesse d'un dégrèvement gracieux, dés lors qu'il n'a subi aucune contrainte de nature à vicier son consentement et que, d'ailleurs, il a obtenu le dégrèvement qui avait entraîné son accord (CE, arrêt du 11 avril 1956, n° 37413, visé ci-dessus).

b. Portée du désistement d'un contribuable

100

En principe, le désistement a le caractère d'un désistement d'instance.

Il n'en va autrement que si le caractère de désistement d'action résulte sans aucune ambiguïté des écritures du requérant. Par voie de conséquence, lorsque le dispositif de la décision de justice qui donne acte d'un désistement ne comporte aucune précision sur la nature du désistement dont il est donné acte, ce désistement doit être regardé comme un désistement d'instance (CE, arrêt du 1er octobre 2010, n° 314297).

3. Au regard des frais de l'instance

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Les frais de l'instance sont à la charge de la partie qui se désiste, sauf si le tribunal en décide autrement après avoir constaté dans les motifs qu'il ressort des pièces du dossier que le désistement est motivé par le fait que le requérant a obtenu, totalement ou partiellement, satisfaction en cours d'instance (CJA, art. R761-2).

III. Conclusions reconventionnelles

120

Dans tous les cas où l'instance engagée devant le tribunal administratif fait suite à une réclamation préalable, l'Administration peut -qu'il s'agisse d'impôts directs ou de taxes sur le chiffre d'affaires- présenter en cours d'instance, conformément aux dispositions de l'article R*200-15 du LPF, des conclusions reconventionnelles tendant à l'annulation ou à la réformation de la décision qu'elle a prise sur la réclamation primitive.

Les dispositions précitées ne permettent donc à l'Administration de rétablir une imposition dont elle a accordé le dégrèvement partiel que si celui-ci a été prononcé dans la décision que le contribuable attaque devant le tribunal administratif.

Il en résulte que la présentation de conclusions reconventionnelles est subordonnée :

- à l'existence d'une instance engagée par le contribuable :

    • leur recevabilité dépend de celle de la requête primitive ;

    • les conclusions reconventionnelles ne peuvent mettre en cause que les impositions visées dans la demande au tribunal administratif, dans la limite des droits initialement mis à la charge de l'intéressé.

- à l'existence d'une décision de dégrèvement prise par l'Administration qui ne peut donc demander au juge :

  • de majorer, en l'absence de décision de dégrèvement, les droits et pénalités initiaux.

Doit ainsi être annulé le jugement par lequel le tribunal administratif, saisi d'une demande en restitution d'une partie de l'imposition figurant sur un avis de mise en recouvrement, a majoré l'imposition litigieuse en vertu de conclusions reconventionnelles présentées par l'Administration (CE, arrêt du 22 mai 1974, n° 80551) ;

  • de rétablir des droits et pénalités qui ont fait l'objet d'une décision postérieure à l'introduction de la requête

En ce sens : CE, arrêt du 13 juillet 1979, n° 06521. Dans ce cas, il appartient au tribunal administratif de constater seulement qu'à concurrence de la fraction d'imposition ainsi dégrevée, les conclusions de la demande sont devenues sans objet (CE, arrêt du 25 février 1981, n° 10964).

Sous cette réserve, les conclusions reconventionnelles peuvent être formulées en tenant compte des compensations autorisées par l'article L203 du LPF.

Elles sont présentées selon les modalités prévues pour la production des mémoires, sans égard aux particularités de la procédure normale de rectification.

IV. Connexité

130

Conformément aux dispositions des articles R341-1, R341-2, R341-3, R341-4, R342-1, R342-2, et R342-3 du CJA le tribunal administratif territorialement compétent pour connaître d'une instance qui a été régulièrement introduite devant lui (cf. BOI-CTX-ADM-10-10-20) peut être dessaisi de cette instance, en cours de procédure, dans le cas ou une instance connexe est pendante devant une autre juridiction administrative

Remarque : Les dispositions relatives à la connexité doivent être rapprochées de celles afférentes à la procédure de règlement des questions de compétence au sein de la juridiction administrative (CJA, art. R 351-1, R 351-2, R 351-3, R351-4, R351-5, R351-6, R351-7, R351-8 et R351-9) (cf. BOI-CTX-ADM-10-10-30).

Ce dessaisissement peut intervenir lorsqu'il existe un lien de connexité entre la demande portée devant le tribunal administratif et :

- soit une demande introduite devant un autre tribunal administratif ;

- soit une demande pour laquelle le Conseil d'État est compétent en premier et dernier ressort, régulièrement présentée au Conseil d'État ou portée à tort devant le tribunal administratif.

C'est seulement dans ces deux cas que la connexité existant entre plusieurs instances pendantes est susceptible d'entraîner le dessaisissement du tribunal administratif territorialement compétent.

En particulier, lorsque deux demandes connexes sont pendantes, l'une devant une juridiction administrative, l'autre devant une juridiction de l'ordre judiciaire, le lien de connexité existant entre ces deux demandes ne peut en aucun cas conduire au dessaisissement de l'une ou l'autre des juridictions saisies. Chacune de celles-ci doit, au contraire, se prononcer dans la matière qui lui est propre, sauf à surseoir à statuer si la demande connexe tend à faire trancher une question préjudicielle (cf. BOI-CTX-DG-20-60-20).

140

Par ailleurs, la connexité existant entre deux demandes soumises toutes deux au même tribunal administratif ou au Conseil d'État entraîne l'extension :

- de la compétence territoriale du tribunal administratif compétent sur l'une des demandes dans le cas où la seconde demande relèverait de la compétence territoriale d'un autre tribunal administratif (CJA, art. R342-1) ;

- de la compétence d'attribution du Conseil d'État compétent en premier et dernier ressort sur l'une des demandes dans le cas où la seconde demande -ou les conclusions connexes jointes à la première demande- ressortirait normalement à la compétence en premier ressort d'un tribunal administratif (CJA, art. R341-1).

150

D'une manière générale, la connexité, que les textes ne définissent pas, est appréciée strictement par la jurisprudence.

C'est ainsi que le Conseil d'État ne reconnaît l'existence d'un lien de connexité entre deux instances que dans le cas où la décision à intervenir sur l'une de ces instances est nécessairement subordonnée à la solution de l'autre.

À cet égard, ne sont pas connexes les demandes relatives à un même impôt présentées devant deux tribunaux administratifs par un même contribuable qui développe dans les deux affaires une argumentation et des conclusions identiques. Tel est le cas, en particulier, de réclamations intéressant les différents établissements ou succursales d'une même entreprise et relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires afférentes à des opérations commerciales analogues effectuées par lesdits établissements ou succursales.

160

La procédure de dessaisissement n'est pas davantage applicable en matière fiscale dans le cas où la Haute Assemblée se trouve saisie d'un recours -ou de conclusions- tendant à l'annulation pour violation de la loi d'un texte réglementaire dont l'illégalité est également invoquée, par voie d'exception, dans une instance normalement soumise à un tribunal administratif comme juge de l'impôt en premier ressort.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu à renvoi pour connexité si un jugement au fond est déjà intervenu (CE, 25 juillet 1975, n°00106).

La procédure de dessaisissement est mise en œuvre avant toute décision au fond, soit d'office, soit sur demande de l'une des parties ; mais l'absence de sa mise en œuvre n'entraîne pas la nullité des jugements rendus par le ou les tribunaux administratifs.

La procédure relève des présidents des tribunaux administratifs concernés et du président de la section du contentieux du Conseil d'État, ainsi que du Conseil d'État dans le cas où l'une des demandes est portée devant lui ou ressortit à sa compétence (compétence en premier et dernier ressort). La procédure est très rapide, les délais impartis aux présidents des tribunaux administratifs pour statuer et aux parties pour faire appel ou présenter leurs observations sont très brefs. Lorsque la décision lui incombe, le Conseil d'État statue d'urgence.

La saisine du Conseil d'État ou du président de la section du contentieux du Conseil d'État, soit par l'ordonnance de renvoi du président d'un tribunal administratif reconnaissant l'existence d'un lien de connexité, soit par l'appel formé contre sa décision de refus, entraîne pour les juridictions concernées l'obligation de surseoir à statuer. Le délai d'appel est lui-même suspensif.

La compétence est réglée, après instruction, soit par le Conseil d'État lorsque l'une des demandes est portée devant lui ou ressortit à sa compétence (compétence en premier et dernier ressort), soit par le président de la section du contentieux du Conseil d'État lorsqu'il s'agit de demandes portées devant deux tribunaux administratifs et ne ressortissant pas à la compétence du Conseil d'État. Les décisions qui interviennent ne sont pas susceptibles de recours.

Pour les autres modalités et conséquences de la connexité, il convient de se reporter aux articles R341-1, R341-2, R341-3, R341-4, R342-1, R342-2 et R342-3 du CJA.