CTX – Contentieux de l'assiette de l'assiette de l'impôt - Procédure devant le tribunal de grande instance (TGI) - Voies de recours contre les jugements des TGI
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Les voies de recours constituent des moyens mis à la disposition des parties pour leur permettre d'obtenir un nouvel examen du litige ou du jugement.
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Le code de procédure civile a prévu des voies de recours particulières contre les décisions qui soulèvent une difficulté d'interprétation ou qui sont entachées d'une erreur matérielle ou d'une omission de statuer ou encore qui ont été prises « ultra petita », c'est- à dire au-delà de ce qui est demandé (S'agissant du contredit, cf. Chapitre 4 du Titre 2 BOI-CTX-JUD-20-40).
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Exception faite de ces voies de recours particulières, il est distingué les voies de recours ordinaires et les voies de recours extraordinaires.
Les voies de recours ordinaires sont l'appel et l'opposition, les voies de recours extraordinaires, la tierce opposition, le recours en révision et le pourvoi en cassation [code de procédure civile (C. proc. Civ.), art. 527].
Les voies de recours ordinaires qui sont ouvertes à tous les plaideurs, sauf texte contraire, suspendent l'exécution du jugement (C. proc. Civ., art. 539).
Toutefois, la matière fiscale échappe à cette règle (BOI-CTX-JUD-10-50-50).
Lorsque les délais de recours ordinaires sont expirés ou que ces recours ont été utilisés, le jugement acquiert force de chose jugée (C. proc. Civ., art. 500).
Les voies de recours extraordinaires sont en principe sans effet suspensif (C. proc. Civ., art. 579) et ne sont ouvertes que dans les cas spécifiés par la loi (C. proc. Civ., art. 580).
Lorsque les délais de recours extraordinaires sont expirés ou que ces recours ont été épuisés, le jugement est déclaré irrévocable.
I. Voies de recours particulières
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Les voies de recours particulières font revenir l'affaire devant le tribunal qui a statué. Les règles de la procédure écrite doivent donc être respectées.
A. Recours en interprétation (C. proc. Civ. art. 461)
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Le code de procédure civile a donné au tribunal le pouvoir d'interpréter un jugement qui serait obscur ou ambigu.
Mais la décision à interpréter ne doit pas avoir été frappée d'appel. En effet, l'inscription de l'appel au rôle de la cour d'appel a pour effet de dessaisir les premiers juges de tout pouvoir en ce domaine. Les parties à l'instance d'appel sont alors recevables à demander à la cour d'appel, de manière incidente, l'interprétation du jugement déféré.
La demande en interprétation est formée par simple requête de l'une des parties ou par requête commune. Le juge se prononce, les parties entendues ou appelées.
B. Recours en rectification d'erreurs matérielles (C.proc. Civ. art. 462)
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Le tribunal de grande instance peut également réparer les erreurs ou omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée.
De même que pour le recours en interprétation, le juge est saisi par simple requête de l'une des parties ou par requête commune ; mais il peut également se saisir d'office.
Le juge statue après avoir entendu les parties, ou celles-ci appelées.
La décision rectificative est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement (cf. BOI-CTX-JUD-10-50-50 ).
Si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation (cf. BOI-CTX-JUD-30).
Toutefois, l'inscription de l'appel au rôle de la cour d'appel a pour effet de dessaisir les premiers juges de tout pouvoir en la matière. Les parties à l'instance d'appel sont alors recevables à demander à la cour, de manière incidente, la rectification du jugement déféré.
Il n'en va autrement que lorsque l'erreur matérielle alléguée a pour conséquence d'entraver l'exécution provisoire de droit dont est assorti le jugement : en ce cas, nonobstant l'exercice effectif de l'appel, la juridiction de premier degré ayant statué conserve le pouvoir de rectifier sa décision sur ce point.
C. Omission de statuer - Décision prise « ultra petita » (C. proc. Civ. art. 463 et 464)
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Le tribunal de grande instance peut compléter son jugement entaché d'une omission de statuer ou rectifier sa décision prise « ultra petita » - c'est-à-dire au-delà de ce qui a été demandé - sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs de la demande, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
Les juges du fond doivent, en effet, statuer dans les limites fixées par les conclusions des parties dans leurs mémoires signifiés.
La demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité. Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties ou par requête commune. Il statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées.
La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci.
II. Voies de recours ordinaires
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Il existe deux voies de recours ordinaires qui sont l'appel et l'opposition (C. proc. Civ., art. 527).
A. Appel
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La procédure d'appel en matière fiscale est exposée au Titre 2 de la présente Division (cf. BOI-CTX-JUD-20).
B. Opposition
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L'opposition est une voie de recours ordinaire, ouverte au défaillant qui tend à faire rétracter un jugement rendu par défaut, et par l'effet de laquelle l'affaire revient devant le tribunal qui a statué une première fois (C. proc. Civ., art. 571 et 572 ; cf. BOI-CTX-JUD-10).
Le jugement est qualifié par défaut lorsque le défendeur n'a pas comparu, si la décision est rendue en dernier ressort et si l'assignation n'a pas été délivrée à personne (C. proc. Civ., art. 473).
De fait, dans le contentieux fiscal, ces jugements sont extrêmement rares car :
- le contribuable assigne toujours à personne l'Administration défenderesse;
- l'administration saisit rarement d'office et n'a, par conséquent, la position de demandeur, que fort peu souvent.
III. Voies de recours extraordinaires
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L'article 527 du code de procédure civile distingue trois voies de recours extraordinaires qui sont :
- la tierce opposition (III A) ;
- le recours en révision (III B) ;
- le pourvoi en cassation (III C).
Bien que constituant une voie de recours quelque peu spéciale par rapport aux voies de recours extraordinaires, la prise à partie sera également étudiée (III D).
A. Tierce opposition
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La tierce opposition est un acte par lequel une personne se pourvoit contre un jugement qui préjudicie à ses droits et auquel ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été appelés.
Elle est recevable contre les jugements rendus en matière d'enregistrement, taxe de publicité foncière, timbre et assimilés.
La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque (C. proc. Civ., art. 582). Il s'agit d'une rétractation si le second jugement émane du même tribunal que le jugement attaqué ; il s'agit d'une réformation si le second jugement émane d'un autre tribunal de degré égal ou supérieur. Une juridiction d'un degré inférieur à celle qui a rendu le jugement attaqué ne peut, en tout état de cause, réformer ledit jugement.
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Le code de procédure civile distingue la tierce opposition principale et la tierce opposition incidente :
- la tierce opposition est principale quand elle apparaît en dehors de tout procès : c'est une voie de rétractation, la juridiction qui a rendu la décision attaquée étant compétente (C. proc. Civ., art. 587) ;
- la tierce opposition est incidente quand elle est formée au cours d'un litige déjà engagé, à l'occasion d'un jugement opposé par l'une des parties à l'autre. Lorsque la juridiction qui connaît du litige en cours est de degré égal ou supérieur à celle qui a rendu la décision attaquée, c'est une voie de réformation. Dans les autres cas, c'est une voie de rétractation car la tierce opposition est alors portée, par voie de demande principale, devant la juridiction qui a rendu le jugement (C. proc. Civ., art. 588).
1. Conditions de recevabilité de la tierce opposition
a. Ne pas avoir été partie ni représenté dans l'instance attaquée
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Est recevable à former tierce opposition toute personne, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque (C. proc. Civ., art. 583).
Dans ces conditions, l'administration peut attaquer par voie de la tierce opposition les jugements qui lui préjudicient et qui ont été rendus sans qu'elle ait été ni présente ni représentée. La même faculté appartient aux contribuables.
En ce qui concerne l'administration, les directeurs ne doivent avoir recours à la tierce opposition qu'après autorisation spéciale de l'administration centrale.
b. Préjudice subi par le tiers opposant
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Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt (C. proc. Civ., art. 583).
Pour être admis à former tierce opposition, il ne suffit pas que le tiers n'ait pas été partie ou représenté dans l'instance, il faut encore que le jugement intervenu porte un préjudice actuel ou éventuel à l'un de ses droits.
Mais est insuffisant l'intérêt que peut avoir le tiers à combattre, en vue d'un autre litige, la solution jurisprudentielle intervenue.
c. Délai pour former tierce opposition
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Si le tiers intéressé a reçu notification du jugement, il ne peut former tierce opposition, à titre principal, que dans le délai de deux mois à dater de cette notification, sous réserve que celle-ci indique de manière très apparente le délai dont il dispose ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé.
À défaut de signification du jugement, le droit de former tierce opposition est ouvert pendant trente ans à compter du jugement.
La tierce opposition peut même être formée sans limitation de temps contre un jugement produit au cours d'une autre instance par celui auquel on l'oppose (C. proc. Civ., art. 586).
2. Instruction de la tierce opposition
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Les demandes formant tierce opposition, à titre principal, contre les jugements du tribunal de grande instance sont introduites devant le tribunal dont émane le jugement entrepris et instruites dans les formes établies pour la demande introductive d'instance (cf. BOI-CTX-JUD-10-20-30).
Le juge saisi de la tierce opposition à titre principal ou incident peut suspendre l'exécution du jugement attaqué (C. proc. Civ., art. 590).
3. Effets de la tierce opposition
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La tierce opposition, une fois formée, n'est pas elle-même suspensive de l'exécution, mais elle peut aboutir à cette suspension aux termes de l'article 590 du code de procédure civile.
a. Échec de la tierce opposition
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Le jugement confirmé produit ses effets. Le tiers opposant peut même être condamné à des dommages-intérêts (C. proc. Civ., art. 581).
b. Succès de la tierce opposition
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La décision qui fait droit à la tierce opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que partiellement ; la décision judiciaire disparaît exclusivement dans la mesure où elle préjudicie au tiers. Le jugement primitif conserve ses effets entre les parties, même sur les chefs de demande annulés (C. proc. Civ., art. 591).
Par ailleurs, le jugement rendu sur tierce opposition est susceptible des mêmes recours que les décisions de la juridiction dont il émane (C. proc. Civ., art. 592).
B. Recours en révision
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Le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée et considéré comme rendu par erreur, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
1. Conditions de recevabilité du recours en révision
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Le recours en révision est ouvert contre les jugements passés en force de chose jugée (C. proc. Civ., art. 593) il ne peut être formé que par les personnes qui ont été parties ou représentées au jugement (C. proc. Civ., art. 594). Toutes les parties doivent d'ailleurs, à peine d'irrecevabilité, être appelées à l'instance en révision par l'auteur du recours (C. proc. Civ., art. 597).
En ce qui concerne l'Administration, les directeurs ne doivent introduire ce recours qu'après autorisation spéciale de l'administration centrale.
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Le délai du recours en révision est de deux mois, à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque (C. proc. Civ., art. 596). Mais, dans tous les cas, le recours n'est recevable que si celui qui le forme n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée (C. proc. Civ., art. 595.).
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Le recours n'est ouvert que pour l'une des causes énumérées ci-après (C. proc. Civ., art. 595) :
- s'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
- si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie ;
- s'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
- s'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement. En raison du caractère écrit de la procédure fiscale, cette dernière cause ne joue pratiquement pas.
2. Procédure du recours en révision
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Le recours en révision constituant une voie de rétractation, c'est la juridiction ayant rendu la décision attaquée qui est compétente pour y statuer.
Le recours en révision est formé par citation (C. proc. Civ., art. 598).
Toutefois, s'il est dirigé contre un jugement produit au cours d'une autre instance introduite devant la même juridiction, entre les mêmes parties, la révision est demandée suivant les formes prévues pour la présentation des moyens de défense (ibid.), c'est-à-dire par mémoire signifié à la partie adverse.
Le recours en révision est également communiqué au ministère public (C. proc. Civ., art. 600).
3. Instruction du recours en révision
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Le recours en révision a pour effet de remettre en cause ce qui a été jugé.
L'instance nouvelle doit donc être instruite et jugée suivant les mêmes formes que celle qui a donné lieu au jugement attaqué, soit, au cas particulier, d'après la procédure spéciale applicable en matière d'enregistrement, taxe de publicité foncière, timbre et assimilés.
4. Effets du recours en révision
260
Le recours en révision n'est pas suspensif d'exécution.
D'autre part, la décision qui fait droit au recours en révision, ne rétracte le jugement attaqué que partiellement. Si la révision n'est justifiée que contre un chef du jugement, ce chef est seul révisé à moins que les autres n'en dépendent (C. proc. Civ., art. 602).
Enfin, le jugement qui statue sur le recours en révision ne peut être attaqué par cette voie (C. proc. Civ., art. 603.).
C. Pourvoi en cassation
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Cette voie de recours est étudiée au Titre 3 de la présente Division (cf. BOI-CTX-JUD-30), auquel il convient de se reporter.
D. Prise à partie
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La prise à partie est une procédure spéciale permettant au plaideur d'obtenir réparation du dommage que lui a causé un juge (ou une juridiction) dans l'exercice de ses fonctions, lorsque ce juge (ou cette juridiction) a commis une violation de ses devoirs professionnels.
La procédure de la prise à partie pourrait, le cas échéant, être utilisée en matière de droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière, timbre et assimilés.
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La prise à partie (C. proc. Civ., art.366-1 et suivants) est différente des autres voies de recours en ce qu'elle est moins dirigée contre les jugements que contre les juges. Ceux-ci peuvent notamment être pris à partie, selon l'article L 141-3 du code de l'organisation judiciaire (COJ) :
- lorsqu'il y a dol, fraude, concussion ou faute lourde professionnelle commis soit au cours de l'instruction, soit lors des jugements ;
- lorsqu'il y a déni de justice, c'est-à-dire lorsque les juges ont refusé de statuer.
L'État est civilement responsable des condamnations en dommages-intérêts qui seront prononcées à raison de ces faits, contre les magistrats, sauf son recours contre ces derniers.
300
Le COJ précise à l'article L 141-1 que l'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Cependant, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.
La responsabilité des juges, à raison de leur faute personnelle, est régie par le statut de la magistrature en ce qui concerne les magistrats du corps judiciaire (COJ, art. L 141-2).
L'État garantit les victimes des dommages causés par les fautes personnelles des juges et autres magistrats, sauf son recours contre ces derniers.
310
Il n'y a pas d'exemple que la procédure de prise à partie ait été employée en matière fiscale.